[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 9 avril 2020
En présence de monsieur le juge Russell
I.
INTRODUCTION
II.
CONTEXTE
[2] Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka d’origine ethnique cinghalaise. Son épouse et ses trois enfants résident actuellement au Sri Lanka.
[3] Le demandeur a quitté le Sri Lanka pour se rendre aux États‑Unis [É.‑U.] en juillet 2011 avec un visa de visiteur pour entrées multiples. Il est demeuré aux É.‑U. jusqu’en 2017, puis est entré au Canada et a déposé une demande afin que le gouvernement lui reconnaisse la qualité de réfugié et celle de personne à protéger. Le demandeur affirme qu’il craint d’être persécuté par le gouvernement sri lankais ainsi que par certaines personnes travaillant au sein de ce dernier.
[4] Le demandeur allègue que, en 2006, il a été muté de son poste gouvernemental à l’autorité portuaire du Sri Lanka à un poste dans la division des médias du bureau du secrétariat présidentiel pendant la présidence de M. Mahinda Rajapaksa. Le demandeur affirme qu’il était sous la supervision directe de M. Silva et de M. Kularathne lorsqu’il travaillait à la division des médias.
[5] Le demandeur affirme avoir été sévèrement battu et menacé par des agents de la sécurité présidentielle du Sri Lanka le 11 avril 2009, sur ordre de M. Silva et de M. Kularathne. Il affirme que cette agression a été perpétrée en raison de deux incidents.
[6] Premièrement, le demandeur souligne que M. Silva s’est offusqué du fait que, en février 2009, le secrétaire particulier du président avait demandé directement au demandeur d’organiser en Australie une exposition de photographies critiquant les Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET], comme le demandeur l’avait fait précédemment en Europe. Le demandeur affirme que M. Silva s’est formalisé du fait que l’on ait confié au demandeur l’organisation de l’événement et que, en réponse à cela, M. Kularathne avait retiré une vignette de visa australien du passeport du demandeur.
[8] À la suite d’un interrogatoire allégué violent du demandeur qui aurait eu lieu le 11 avril 2009 et au cours duquel il aurait été accusé d’entretenir des liens avec les TLET et avec d’autres ennemis du gouvernement, le demandeur affirme qu’il est retourné occuper son ancien poste à l’autorité portuaire du Sri Lanka. Toutefois, le demandeur affirme que M. Kularathne a continué de menacer de le tuer s’il se plaignait à la police et a fait pression sur lui pour qu’il reprenne son poste à la division des médias, parce que le demandeur était au courant de certaines activités frauduleuses perpétrées par le gouvernement. Le demandeur affirme qu’il a fait l’objet d’un chantage de la part de M. Kularathne qui a menacé de lui coller l’étiquette de terroriste en raison de ses liens avec M. Eknaligoda. Le demandeur soutient que la police l’a mis en état d’arrestation sans lui donner d’explications et sans mener d’enquête, quoiqu’il ait finalement été libéré après avoir engagé un avocat.
[10]
La SPR a entendu la demande d’asile du demandeur le 31 août 2018 et l’a rejetée le même jour. En substance, la SPR a conclu qu’il existait moins qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté ou qu’il subisse un préjudice grave en raison du changement de gouvernement au Sri Lanka, parce que M. Eknaligoda avait été blanchi de tout lien avec les TLET et parce que le climat politique du Sri Lanka avait changé globalement.
[11]
Le 5 mars 2019, la SAR a rejeté l’appel du demandeur contre la décision de la SPR. Aucune audience n’a été tenue et le demandeur n’a pas demandé qu’une audience ait lieu.
III.
LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[12]
La SAR a donc rejeté l’appel du demandeur et confirmé la décision de la SPR, à savoir que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. La SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle il n’y avait aucune possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté à son retour au Sri Lanka. Il n’y avait pas non plus de motifs de croire qu’il serait torturé, soumis à des peines cruelles et inusitées ou tué s’il retournait dans son pays.
[13]
Plus particulièrement, la SAR a conclu : 1) qu’il n’y avait pas une preuve suffisante pour démontrer que le demandeur serait persécuté ou subirait un préjudice aux mains de M. Silva et de M. Kularathne s’il retournait au Sri Lanka; 2) que le changement de circonstances au Sri Lanka rendait peu probable que le demandeur soit étiqueté comme un partisan des TLET et lui permettrait plutôt de travailler comme journaliste sans craindre d’être persécuté; 3) que le demandeur ne courrait pas un risque sérieux de persécution au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté, même s’il est possible qu’il fasse l’objet d’un contrôle plus serré à son retour au pays; 4) qu’il n’y avait pas une preuve suffisante pour étayer l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne pourrait définitivement plus pratiquer le métier de journaliste; 5) que les incidents allégués n’ont pas atteint un niveau permettant de les qualifier de « raisons impérieuses »
compte tenu du caractère insuffisant de la preuve présentée, et 6) que les incidents allégués, lorsqu’on les examine cumulativement, n’équivalent pas à de la persécution.
[14]
Premièrement, la SAR a conclu qu’il existait moins qu’une simple possibilité que le demandeur subisse un préjudice aux mains de M. Silva et M. Kularathne ou qu’il soit persécuté par ces derniers. La SAR a constaté que le demandeur n’avait pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que ces persécuteurs étaient toujours à l’emploi du bureau du président ou qu’ils démontraient, encore aujourd’hui, de l’intérêt pour le demandeur. Il n’avait pas non plus établi que ces individus étaient mêlés à son arrestation injustifiée ni qu’ils avaient tenté de nuire aux membres de sa famille qui étaient toujours au Sri Lanka. La SAR a en outre noté que le demandeur était resté au Sri Lanka pendant environ deux ans après les incidents allégués et qu’il avait continué à travailler pour le gouvernement sans subir d’autre préjudice. Il n’a fourni aucune preuve de sa connaissance des activités frauduleuses de ses persécuteurs présumés, hormis le retrait de sa vignette de visa australien de son passeport. Par ailleurs, la SAR a souligné le fait que les persécuteurs ne pouvaient plus accuser le demandeur de soutenir les TLET en raison de son association avec M. Eknaligoda, puisque ce dernier avait été blanchi de tout lien avec les TLET.
[15]
Deuxièmement, la SAR a conclu que le changement de situation au Sri Lanka était favorable au demandeur, étant donné que le gouvernement sous lequel les incidents allégués se sont produits n’était plus au pouvoir et que le degré de censure exercé sur les journalistes avait diminué depuis 2009. Par ailleurs, M. Eknaligoda avait été exonéré. La SAR n’a pas accepté l’argument selon lequel le demandeur serait exposé à un risque de persécution ou de préjudice, du fait que l’ancien président Mahinda Rajapaksa occupait toujours un poste politique au Sri Lanka, puisqu’il n’y avait aucune preuve démontrant qu’il était un agent de persécution direct.
[16]
La SAR a également conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’avait pas établi qu’il était considéré comme un partisan des TLET. De surcroît, la SAR a souligné que le gouvernement sri lankais avait confié au demandeur la tâche d’organiser des expositions contre les TLET et que l’armée ou la police sri lankaise ne l’avait jamais approché au sujet de ses liens potentiels avec les TLET. Par ailleurs, il a pu renouveler son passeport et quitter le Sri Lanka sans difficulté. Aussi, la SAR a jugé que l’explication du demandeur quant aux raisons pour lesquelles il n’avait pas demandé l’asile aux É.‑U. n’était pas raisonnable.
[17]
Troisièmement, la SAR a conclu que, compte tenu du fait que le demandeur avait vécu à l’étranger pendant une longue période, il ferait probablement l’objet d’un contrôle plus serré à l’aéroport à son retour au Sri Lanka. Toutefois, elle a conclu qu’il est peu probable que cela équivaille à de la persécution. La SAR a souligné que le demandeur possède un passeport valide, qu’il n’est pas considéré comme un partisan des TLET et qu’il n’existe aucune preuve démontrant que son nom figure dans une quelconque base de données sur l’immigration, le renseignement ou la criminalité au Sri Lanka.
[18]
Quatrièmement, la SAR a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir que le demandeur serait incapable d’exercer sa profession de journaliste au Sri Lanka. En fait, la SAR a noté que, d’après la preuve documentaire, « les médias indépendants sont actifs et expriment une grande variété de points de vue »
au Sri Lanka. Par ailleurs, la SAR a conclu que, même s’il devait faire face à des difficultés pour trouver du travail dans sa profession, cela n’équivaut pas à de la persécution.
IV.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[21]
Voici les questions en litige en l’espèce :
- La SAR a‑t‑elle violé le droit du demandeur à l’équité procédurale?
- La SAR a‑t‑elle appliqué un critère juridique erroné lors de l’appréciation du risque prospectif?
- La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation du risque de persécution ou de préjudice auquel le demandeur s’expose?
V.
LA NORME DE CONTRÔLE
[22]
La présente demande a été plaidée avant que la Cour suprême du Canada ne rende récemment les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66. La décision de la Cour a été mise en délibéré. Les observations des parties portant sur la norme de contrôle ont donc été présentées selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Toutefois, compte tenu des circonstances de l’espèce et des directives de la Cour suprême du Canada figurant au paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, la Cour a conclu qu’il était nécessaire de demander aux parties de présenter des observations supplémentaires sur la norme de contrôle. Lors de l’examen de la présente demande, j’ai appliqué le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov. Bien que l’application de celui‑ci ait modifié la norme applicable pour mon examen de la question de savoir si la SAR a commis une erreur en appliquant le critère lors de l’appréciation du risque prospectif, l’application de ce cadre d’analyse n’a pas modifié ma conclusion.
[23]
Aux paragraphes 23 à 32 de l’arrêt Vavilov, la majorité cherche à simplifier la démarche que doit entreprendre une cour de justice pour choisir la norme de contrôle applicable aux questions dont elle est saisie. La majorité a éliminé l’approche contextuelle et catégorielle adoptée dans l’arrêt Dunsmuir à la faveur d’une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable. Cependant, la majorité a fait remarquer que cette présomption peut être écartée 1) lorsque le législateur prescrit clairement une autre norme de contrôle (Vavilov, aux par. 33 à 52), et 2) lorsque la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, par exemple, dans le contexte des questions constitutionnelles, des questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et des questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, aux par. 53 à 64).
[24]
Avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Vavilov, le demandeur n’avait pas explicitement présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable en l’espèce, mais, en dehors des questions d’équité procédurale, il a appliqué la norme de la décision raisonnable dans toutes ses observations. Entre‑temps, et toujours avant le prononcé de l’arrêt Vavilov, le défendeur avait fait valoir que la norme de la décision raisonnable s’appliquait à toutes les questions soulevées en l’espèce.
[25]
Le 16 janvier 2020, les parties ont été invitées à présenter des observations écrites sur la norme de contrôle applicable en l’espèce à la lumière de l’arrêt Vavilov. En substance, aucune des parties n’a modifié ses observations sur les normes de contrôle applicables en l’espèce, mais elles ont fourni à la Cour des observations utiles sur la manière dont un examen selon la norme de la décision raisonnable doit être effectué à la suite de l’arrêt Vavilov.
[26] Toutefois, en ce qui concerne la question de l’équité procédurale, je conviens avec les deux parties que la norme de la décision raisonnable devrait être appliquée lors de mon examen de toutes les questions en litige, car rien ne permet de réfuter la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique.
[27] Certains tribunaux ont conclu que la norme de contrôle applicable dans le contexte d’une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la « décision correcte »
(Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux par. 59 à 61 [Khosa]). Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada ne s’est pas penchée sur la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale (Vavilov, au par. 23). Néanmoins, une approche plus judicieuse sur le plan doctrinal veut qu’aucune norme de contrôle ne s’applique à la question de l’équité procédurale. Dans l’arrêt Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, la Cour suprême du Canada a déclaré que la question de l’équité procédurale :
[…] n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier. [Moreau‑Bérubé, au par. 74.]
[28] En ce qui concerne la question de savoir si la SAR a appliqué le bon critère juridique lors de l’évaluation du risque prospectif, les cours de justice ont souvent conclu par le passé que la norme de la décision correcte s’applique aux questions concernant l’application du bon critère juridique par un décideur. Voir, par exemple, Musabyimana c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 50, au par. 22. À la suite de l’arrêt Vavilov rendu par la Cour suprême du Canada, l’application d’un critère juridique par un décideur ne relève d’aucune des exceptions énumérées à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable, excluant une dimension constitutionnelle à la question juridique, ou une généralité ou une question « d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble »
. Toutefois, un langage clair dans le régime législatif applicable et une jurisprudence importante déterminant le critère juridique applicable imposeront des contraintes strictes au pouvoir discrétionnaire d’un décideur, et une dérogation à ce critère serait généralement considérée comme déraisonnable en l’absence de raisons convaincantes explicites justifiant cette dérogation. Voir l’arrêt Vavilov, aux par. 105 à 114, 129 à 132, notamment le par. 111 :
[111] Il coule de source que le droit – tant la loi que la common law – limitera l’éventail des options qui s’offrent légalement au décideur administratif chargé de trancher un cas particulier : voir Dunsmuir, par. 47 et 74. Par exemple, le décideur administratif qui interprète la portée de son pouvoir de réglementation dans le but de l’exercer ne peut retenir une interprétation incompatible avec les principes de common law applicables en ce qui concerne la nature des pouvoirs législatifs : voir Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, [2013] 3 R.C.S. 810, par. 45‑48. Un organisme chargé par la loi d’évaluer un taux d’imposition applicable conformément à un régime fiscal existant en particulier ne peut non plus faire fi de ce régime ni baser ses calculs sur un système « fictif » qu’il a créé arbitrairement : Montréal (Ville), par. 40. Lorsqu’une relation est régie par le droit privé, il serait déraisonnable de la part du décideur de faire abstration de ce fait lorsqu’il se prononce sur les droits des parties dans le cadre de cette relation : Dunsmuir, par. 74. De la même manière, lorsque la loi habilitante prévoit l’application d’une norme bien connue en droit et dans la jurisprudence, une décision raisonnable sera généralement conforme à l’acception consacrée de cette norme : voir, p. ex., l’analyse des « motifs raisonnables de soupçonner » dans l’arrêt Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Farwaha, 2014 CAF 56, [2015] 2 R.C.F. 1006, par. 93‑98.
[29] Quant à l’examen par la Cour de l’appréciation effectuée par la SAR du risque de persécution ou de préjudice auquel le demandeur s’expose, l’application de la norme de la décision raisonnable à cette question est également conforme à la jurisprudence qui existait avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Vavilov. Voir Iraqi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1049, au par. 15.
[30] Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse portera sur la question de savoir si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov, au par. 99). La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle unique qui varie et « qui s’adapte au contexte »
(Vavilov, au par. 89, citant Khosa, au par. 59). Ces contraintes d’ordre contextuel « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu’il peut retenir »
(Vavilov, au par. 90). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que lorsqu’elle est convaincue que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »
(Vavilov, au par. 100). La Cour suprême du Canada énonce deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : 1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur; 2) le caractère indéfendable d’une décision « sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision »
(Vavilov, au par. 101).
VI.
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
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VII.
LES ARGUMENTS
A.
Le demandeur
(1)
Le manquement à l’équité procédurale
[34] Premièrement, le demandeur fait valoir que la SAR a violé son droit à l’équité procédurale en tirant une inférence défavorable concernant sa capacité à obtenir un passeport et à quitter le Sri Lanka sans incident. Le demandeur déclare que la SPR n’a pas tiré une telle conclusion et qu’elle a implicitement couvert ce point.
[35] Deuxièmement, le demandeur soutient que la SAR a violé son droit à l’équité procédurale en tirant une inférence défavorable concernant le fait qu’il n’ait pas présenté une demande d’asile aux É.‑U. La SPR a accepté les faits en l’espèce et a fondé sa décision sur le changement de circonstances. Le demandeur déclare que les cours de justice ont jugé que le fait de soulever une nouvelle question sans en informer un demandeur constitue un manquement à l’équité procédurale. Voir Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, aux par. 65 à 76 [Ching].
[36] Troisièmement, le demandeur fait valoir que la SAR a violé son droit à l’équité procédurale en concluant qu’il n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il était toujours susceptible d’être persécuté par M. Silva et M. Kularathne. Le demandeur fait remarquer que la SPR n’a pas tiré une telle conclusion et que, par conséquent, la SAR ne pouvait pas examiner cette preuve de nouveau : voir Perampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 909, au par. 45.
(2)
L’application d’un critère juridique erroné pour l’appréciation du risque prospectif
[37] Le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur de droit en utilisant plusieurs normes pour apprécier le risque prospectif de persécution auquel le demandeur est exposé. La SAR a commis de nombreuses erreurs en appréciant le risque prospectif de persécution selon la « prépondérance des probabilités »
plutôt que selon le critère exigeant qu’il y ait plus qu’une « simple possibilité »
. Le demandeur déclare que la Cour a jugé, la décision Sivagnanasundarampillai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1109, aux par. 12 à 14 [Sivagnanasundarampillai], que cela constitue une erreur.
(3)
L’appréciation du risque de persécution ou de préjudice auquel le demandeur est exposé
[38] Le demandeur soutient que la SAR a apprécié de manière déraisonnable le risque de persécution et de préjudice auquel il s’expose s’il retourne au Sri Lanka. Plus précisément, le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, parce que la SAR : 1) a apprécié de manière erronée le risque qu’il court en tant que demandeur d’asile débouté de retour au pays; 2) n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents concernant la possibilité qu’il soit étiqueté comme partisan des TLET; 3) a apprécié de manière erronée le risque de persécution ou de préjudice que M. Silva et M. Kularathne représentent.
[39] Premièrement, le demandeur fait valoir que la SAR a conclu de manière déraisonnable qu’il ne courait pas de risque de persécution en tant que demandeur d’asile débouté s’il retournait au Sri Lanka, parce « qu’aucune preuve au dossier ne démontre que les autorités sri lankaises savent que l’appelant a présenté une demande d’asile au Canada »
(au par. 45). Le demandeur déclare qu’il n’est pas raisonnable de supposer qu’un demandeur peut dissimuler le fait qu’il a fait une demande d’asile et la Cour a jugé que c’est toujours une erreur de refuser la protection au motif qu’un demandeur peut éviter d’être persécuté s’il est prêt à mentir ou à fournir de fausses explications. Le demandeur cite la décision Donboli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 883, au par. 8, ainsi que la décision Vilvarajah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 349, aux par. 15 à 17 [Vilvarajah].
[40] Deuxièmement, le demandeur fait valoir que la SAR n’a pas tenu compte des faits suivants : 1) la femme de M. Eknaligoda avait également été accusée d’être une partisane des TLET; 2) les suspects interpellés relativement à la disparition de M. Eknaligoda avaient tous été libérés sans qu’aucune accusation soit déposée contre eux.
[41] Troisièmement, le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable pour la SAR de conclure qu’il ne risquait pas d’être victime d’un préjudice causé par M. Silva et M. Kularathne ou d’être persécuté par ces derniers. Le demandeur affirme qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que ses persécuteurs se lancent en vain dans des recherches pour le retrouver alors qu’il a été à l’extérieur du pays pendant plusieurs années.
B.
Le défendeur
[42] Le défendeur soutient que la SAR : 1) n’a pas soulevé de nouvelles questions ni violé le droit du demandeur à l’équité procédurale; 2) a correctement apprécié la question de savoir si le demandeur était exposé à plus qu’une simple possibilité de risque de préjudice ou de persécution; 3) a raisonnablement apprécié les éléments de preuve présentés concernant le risque de préjudice ou de persécution du demandeur au Sri Lanka. Pour ces motifs, le défendeur soutient que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
(1)
Le manquement à l’équité procédurale
[43] Le défendeur soutient que la SAR n’a pas violé le droit du demandeur à l’équité procédurale, puisqu’elle n’a pas examiné de nouvelles questions en litige, mais a plutôt réexaminé les éléments de preuve soulevés par le demandeur comme elle est tenue de le faire. Le défendeur note que la SAR et la SPR peuvent parvenir à une conclusion différente lors de l’appréciation des éléments de preuve et que cela n’équivaut pas à une violation du droit du demandeur à l’équité procédurale. Voir les décisions Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 380, au par. 30, et Bakare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 267, aux par. 18 et 19.
[44] Plus précisément, le défendeur déclare que la SAR avait la possibilité d’examiner les éléments de preuve concernant la capacité du demandeur d’obtenir un passeport et de quitter le Sri Lanka sans incident, ainsi que les éléments de preuve concernant le risque de préjudice ou de persécution aux mains de M. Silva et de M. Kularathne. De plus, le défendeur affirme que la SAR n’a pas tiré de conclusion concernant le fait que le demandeur n’a pas présenté de demande d’asile aux É.‑U.
(2)
L’application du critère juridique pour l’appréciation du risque prospectif
[45] Le défendeur soutient que la SAR a appliqué le critère juridique approprié en l’espèce et qu’elle a examiné la question de savoir si le demandeur s’exposait à plus qu’une simple possibilité de risque de persécution. Le défendeur constate que la SAR n’a pas apprécié le risque de persécution du demandeur selon la prépondérance des probabilités, mais a plutôt appliqué ce critère pour établir si le demandeur avait établi les faits sur lesquels ses demandes sont fondées. Le défendeur souligne que cela est conforme aux décisions de la Cour dans les affaires Pararajasingham c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1416, au par. 46, et Nageem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 867, aux par. 24 et 25.
(3)
L’appréciation du risque de persécution ou de préjudice auquel est exposé le demandeur
[46] Le défendeur soutient que l’évaluation par la SAR du risque de persécution ou de préjudice auquel le demandeur s’expose était raisonnable, car la SAR : 1) a apprécié le risque auquel il était exposé s’il retournait dans son pays en tant que demandeur d’asile débouté en fonction de sa situation et de son profil particuliers; 2) a examiné tous les éléments de preuve pertinents pour rendre sa décision; 3) a apprécié le risque de préjudice ou de persécution que représentent M. Silva et M. Kularathne en fonction des éléments de preuve présentés.
[47] Premièrement, le défendeur fait valoir que la SAR a tenu compte des circonstances particulières et du profil du demandeur dans leur ensemble pour conclure qu’il ne risquait pas d’être persécuté ou de subir un préjudice s’il retournait au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté. La SAR a noté que le demandeur retournerait dans son pays avec son propre passeport, qu’il avait quitté le Sri Lanka sans problème et qu’il n’y avait pas de perception raisonnable de liens avec les TLET. Par ailleurs, la preuve n’indiquait pas que le demandeur figurait dans une quelconque base de données sur l’immigration, le renseignement ou la criminalité, et rien ne démontre qu’il avait critiqué le gouvernement sri lankais alors qu’il se trouvait à l’étranger. Le défendeur souligne également que la SAR n’a pas déclaré, laissé entendre ou supposé que le demandeur serait tenu de dissimuler le fait qu’il avait présenté une demande d’asile, mais a simplement mentionné qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que le gouvernement sri lankais serait au courant de ce fait.
[48] Deuxièmement, le défendeur souligne que la SAR a examiné l’ensemble des éléments de preuve présentés et a fondé sa décision sur plusieurs facteurs. Bien que le défendeur note que la SAR n’a pas mentionné le fait que les suspects interpellés en lien avec la disparition de M. Eknaligoda avaient été libérés, le fait de ne pas avoir expressément énuméré tous les éléments de preuve soumis ne constitue pas une erreur importante.
VIII.
ANALYSE
[50] Dans ses observations écrites, le demandeur a soulevé une pléthore de questions à examiner. Cependant, lors de l’audience relative à la présente affaire tenue à Toronto le 3 décembre 2019, le demandeur a retiré toutes les questions en litige sauf les trois suivantes : A) l’application par la SAR du critère juridique pour évaluer le risque prospectif de persécution; B) les questions d’équité procédurale liées à l’analyse par la SAR de son défaut de présenter une demande d’asile aux É.‑U.; C) l’appréciation de la SAR du risque auquel est exposé le demandeur en tant que demandeur d’asile débouté.
A.
Le critère juridique pour l’appréciation du risque prospectif
[8] Ce qu’il faut retenir de l’arrêt Adjei, c’est que la norme de preuve applicable réunit la norme civile habituelle et un seuil spécial qui s’applique uniquement dans le contexte des demandes d’asile. Bien entendu, les demandeurs doivent prouver les faits sur lesquels ils se fondent et la norme de preuve civile constitue la bonne façon d’apprécier la preuve qu’ils présentent à l’appui de leurs assertions de fait. Dans la même veine, les demandeurs doivent convaincre la Commission en bout de ligne qu’ils risquent d’être persécutés. Il s’agit encore là d’une norme de preuve civile. Cependant, étant donné qu’ils doivent démontrer uniquement l’existence d’un risque de persécution, il ne convient pas d’exiger d’eux qu’ils prouvent que la persécution est probable. En conséquence, ils doivent simplement prouver qu’il existe « une possibilité raisonnable », « davantage qu’une possibilité minime » ou « de bonnes raisons de croire » qu’ils seront persécutés.
[9] Il appert des décisions susmentionnées que, lorsque la Commission a articulé l’essentiel de la norme de preuve applicable (c’est‑à‑dire la combinaison de la norme de preuve civile et du concept de la « possibilité raisonnable »), la Cour fédérale n’est pas intervenue. En revanche, dans les cas où il a semblé que la Commission avait rehaussé la norme de preuve, la Cour est passée à un examen où elle s’est demandé si une nouvelle audience était nécessaire. De plus, si la Cour ne peut déterminer la norme de preuve qui a été appliquée, une nouvelle audience sera peut-être nécessaire : Begollari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 1340, [2004] A.C.F. no 1613 (QL).
[10] Lorsque la Commission impose un fardeau de la preuve excessif, il se peut qu’une demande d’asile rejetée eût pu par ailleurs être accueillie. Cependant, dans certains cas, l’erreur serait purement théorique, notamment lorsque la preuve du demandeur est faible au point où elle ne pourrait pas satisfaire même à la norme de la « possibilité raisonnable » : décision Brovina, précitée.
[11] En conséquence, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire dans des circonstances de cette nature, la Cour doit se demander si la Commission a appliqué la norme de preuve qui convenait. Dans la négative, la Cour doit ensuite décider si l’erreur nécessite une nouvelle audience.
[12] Le demandeur soutient que la SPR a appliqué le mauvais critère, imposant ainsi une norme de preuve trop élevée à l’égard de la persécution, soit la prépondérance des probabilités, plutôt que la bonne norme, qui va au-delà de la simple possibilité. Le demandeur allègue en outre que la SPR a également mal énoncé le critère lorsqu’elle a statué qu’il « est improbable que le demandeur d’asile soit soumis à de la surveillance additionnelle à son retour au Sri Lanka en raison des activités qu’il a pratiquées au Sri Lanka et à la suite de son départ du Sri Lanka » (la décision, au paragraphe 22; soulignement ajouté). Ce faisant, le demandeur soutient que l’analyse complète de la détermination de la qualité de réfugié au sens de l’article 96 était entachée d’une erreur de droit, car le critère qu’il convient d’appliquer consiste à vérifier s’il existe une possibilité raisonnable ou plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit perçu comme un partisan des TLET.
[13] Le défendeur répond que l’évaluation faite par la SPR de la demande d’asile du demandeur au titre de l’article 96, considérée dans son ensemble, était raisonnable, malgré le libellé maladroit. À d’autres endroits de la décision, la Commission a correctement formulé le critère, puis l’a appliqué raisonnablement, c’est‑à‑dire à l’aune de la norme de la prépondérance des probabilités, et l’a comparé au bon critère juridique selon lequel il existe une possibilité raisonnable ou plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté (Nageem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 867 [la décision Nageem], par. 24–25).
[56] Par exemple, au par. 37 de la décision, la SAR affirme :
Comme il a été mentionné, la SAR a conclu que l’appelant n’a pas établi de façon crédible que ses prétendus agents de persécution, Sudath Silva et Chaminda Kularathne, ont continué de travailler pour le gouvernement ou cherchent à lui causer du tort à l’heure actuelle. De plus, la SAR souscrit aux conclusions de la SPR selon lesquelles l’appelant ne serait pas considéré comme un partisan des TLET en raison de sa brève rencontre avec le journaliste Prageeth Eknaligoda, puisque cette personne a maintenant été blanchie. La SAR conclut, selon la prépondérance des probabilités, que cette brève rencontre ne serait pas utilisée contre l’appelant comme preuve qu’il était lié aux TLET compte tenu des circonstances particulières.
[57] Il me semble que, lorsque la SAR dit « ne serait pas considéré »
et « ne serait pas utilisée contre l’appelant »
, elle dit, en fait, que le demandeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, des faits suffisants pour étayer ses allégations relatives au risque prospectif. En particulier, la SAR affirme que les faits n’appuient pas son affirmation selon laquelle il serait considéré comme un partisan des TLET ou que sa rencontre avec M. Eknaligoda serait utilisée contre lui comme preuve qu’il est un partisan des TLET. S’il n’y a pas de faits à l’appui de son affirmation selon laquelle il serait considéré comme un partisan des TLET, il n’y a inévitablement aucune possibilité qu’il soit traité comme un partisan des TLET ou persécuté en tant que tel à son retour au Sri Lanka. Le demandeur n’a pas établi les faits sur lesquels il s’est appuyé pour établir qu’il s’exposait à plus qu’une simple possibilité de persécution.
[58] Au paragraphe 38 de la décision, la SAR fait les constatations suivantes :
La SAR conclut que les allégations de l’appelant selon lesquelles il était considéré comme un partisan des TLET pendant qu’il se trouvait au Sri Lanka n’ont pas été établies selon la prépondérance des probabilités. La SAR conclut en outre que, si l’appelant retournait au Sri Lanka, il ne serait pas considéré comme un partisan des TLET par les autorités et il ne ferait pas l’objet d’enquête ou de détention pour cette raison compte tenu de sa situation personnelle. La SAR conclut qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que l’appelant soit arrêté et torturé à son retour au Sri Lanka en raison de liens perçus avec les TLET.
[59] Une fois de plus, lorsque la SAR utilise « ne serait pas »,
elle dit que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’a pas prouvé que, à son retour au Sri Lanka, les autorités le considéreraient comme un partisan des TLET ou bien qu’il ferait l’objet d’une enquête ou serait mis en détention pour cette raison. La question de savoir si les autorités considéreraient le demandeur comme un partisan des TLET est un fait qui doit être établi selon la prépondérance des probabilités avant que la SAR puisse juger s’il y a plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté pour avoir soutenu les TLET.
La SAR constate que l’appelant a son propre passeport sri lankais permanent qui lui a été délivré pendant qu’il était à l’extérieur du pays, et qu’il a pu quitter le Sri Lanka sans problème. La SAR a déjà conclu que l’appelant n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités sri lankaises le considèrent ou pourraient le considérer comme associé aux TLET. Rien au dossier n’indique que le nom de l’appelant figure dans les bases de données sur l’immigration, le renseignement ou la criminalité étant donné qu’il a pu quitter le pays sans problème au plus fort de l’époque où il croyait être considéré comme un partisan ou un associé des TLET. Rien dans le dossier n’indique que l’appelant était lié à des organisations de la diaspora des TLET lorsqu’il se trouvait à l’extérieur du Sri Lanka, ou qu’il a rédigé des articles au sujet du gouvernement sri lankais ou qu’il l’a critiqué de quelque façon que ce soit à l’extérieur du pays. La SAR conclut que le fait de demeurer à l’extérieur du Sri Lanka pendant une longue période pourrait faire en sorte que l’appelant soit soumis à un contrôle plus poussé à l’aéroport sous la forme de questions sur ses activités à l’étranger, mais cela, en soi, n’équivaut pas à de la persécution.
[61] Le demandeur affirme qu’au paragraphe 49, lorsque la SAR utilise le critère de la « prépondérance des probabilités »
, elle aurait plutôt dû utiliser le critère exigeant qu’il y ait « plus qu’une simple possibilité »
. Le paragraphe 49 de la décision se lit ainsi :
La SAR a examiné le dossier et elle conclut qu’il n’y a pas suffisamment de renseignements dans la preuve documentaire indiquant que l’appelant ne pourrait pas exercer sa profession de journaliste au Sri Lanka. La SAR fait remarquer que l’appelant a réintégré son emploi à l’administration portuaire en 2009 et qu’il y a travaillé jusqu’en 2011. Rien dans le dossier n’indique qu’il a été congédié. Comme il a été mentionné, la preuve documentaire récente indique que les médias indépendants sont actifs et expriment une grande variété de points de vue. La SAR a également examiné les autres conclusions tirées dans la présente décision concernant les agents de persécution et le risque auquel l’appelant serait exposé à son retour et conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant pourrait exercer la profession de son choix au Sri Lanka.
[62] Puisque la SAR a conclu que le demandeur serait en mesure de travailler dans la profession de son choix, cela implique nécessairement que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne serait pas en mesure d’exercer sa profession de journaliste. Si le demandeur avait établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait empêché d’une manière ou d’une autre d’exercer la profession de journaliste dans l’éventualité où il retournait au Sri Lanka, la SAR aurait dû examiner si les obstacles auxquels il était confronté représentaient plus qu’une simple possibilité de persécution. Cependant, le demandeur n’a pas établi les faits permettant de conclure à une possibilité de persécution pour ce motif.
[63] Lorsque je lis la décision dans son ensemble, je suis d’avis que, lorsque la SAR utilise le critère de la « prépondérance des probabilités »
ou renvoie d’une autre manière à ce que le demandeur n’a pas établi, que ce soit dans le passé ou dans l’avenir, elle examine s’il existe un fondement factuel pour étayer la conclusion qu’il y a possibilité de persécution. En substance, elle affirme que le demandeur n’a pas établi les faits sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Je ne vois pas d’erreur dans cette affirmation.
B.
Le fait que le demandeur n’a pas demandé l’asile aux É.‑U. n’a pas été soulevé par la SPR
[64] Le demandeur déclare que, lors de l’examen de son appel de la décision de la SPR, la SAR a soulevé le fait que le demandeur a omis de demander l’asile aux É.‑U. Il affirme que cette question n’a pas été soulevée ou invoquée par la SPR et qu’il était donc injuste sur le plan de la procédure que la SAR l’aborde sans lui donner la possibilité de répondre.
[l]a question qui se pose alors est celle de savoir comment établir un juste équilibre entre ces principes opposés. Une cour d’appel doit avoir le pouvoir discrétionnaire de soulever une nouvelle question, mais ce pouvoir ne doit être exercé que dans de rares situations. En effet, elle ne doit soulever une telle question que si son omission de le faire risquerait d’entraîner une injustice. La cour doit aussi se demander si suffisamment d’éléments au dossier justifient de soulever la question et si, le faisant, elle causerait un préjudice d’ordre procédural à l’une ou l’autre des parties. Ce test est suffisamment souple, tout en offrant un degré approprié de retenue pour régler les tensions inhérentes au rôle d’une cour d’appel.
[66] Il est bien établi que le rôle de la SAR est d’entendre les appels de la SPR et de déterminer si la décision de la SPR est correcte en droit, en fait, ou en droit et en fait. En d’autres termes, la SAR n’est généralement pas tenue de faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de la SPR, y compris à l’égard des conclusions de fait; la norme de contrôle de la SAR est la norme de la décision correcte. Voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, aux par. 54, 58, 59 et 78 [Huruglica]. Après avoir examiné la décision de la SPR, la SAR doit plutôt procéder à sa propre analyse du dossier pour déterminer si la SPR a commis une erreur. Voir l’arrêt Huruglica, au par. 103 :
Au terme de mon analyse des dispositions législatives, je conclus que, concernant les conclusions de fait (ainsi que les conclusions mixtes de fait et de droit) comme celle dont il est question ici, laquelle ne soulève pas la question de la crédibilité des témoignages de vive voix, la SAR doit examiner les décisions de la SPR en appliquant la norme de la décision correcte. Ainsi, après examen attentif de la décision de la SPR, la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant. Après cette étape, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive, soit en confirmant la décision de la SPR, soit en cassant celle‑ci et en y substituant sa propre décision sur le fond de la demande d’asile. L’affaire ne peut être renvoyée à la SPR pour réexamen que si la SAR conclut qu’elle ne peut rendre une décision définitive sans entendre les témoignages de vive voix présentés à la SPR. Nulle autre interprétation des dispositions législatives pertinentes ne serait raisonnable.
[67] Lors de l’examen d’un appel, la SAR dispose essentiellement des mêmes pouvoirs que la SPR. Cependant, il existe également quelques distinctions importantes entre les pouvoirs de la SPR et ceux de la SAR. Ces similitudes et différences sont bien analysées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica :
[56] Lorsqu’elle examine un appel, la SAR dispose essentiellement des mêmes pouvoirs que la SPR : voir les articles 162 et 171 de la LIPR. Par exemple, la SAR a la même capacité que la SPR à admettre « d’office les faits admissibles en justice et les faits généralement reconnus et les renseignements ou opinions qui sont du ressort de sa spécialisation » : alinéa 171b) de la LIPR. Néanmoins, il existe quelques différences importantes entre la SAR et la SPR. Tout d’abord, la SAR tient rarement une audience : paragraphe 110(6) de la LIPR. Bien qu’elle puisse examiner tout nouvel élément de preuve documentaire présenté par le ministre, elle peut uniquement accepter de nouveaux éléments de preuve au sens du paragraphe 110(4) de la part du demandeur d’asile (voir la décision Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Parminder Singh, 2016 CAF 96). En outre, 10 % de ses commissaires, ainsi que son vice‑président, doivent être des avocats ou des notaires : paragraphe 153(4) de la LIPR. Lorsqu’un appel est entendu par trois commissaires de la SAR, leur décision a la même valeur jurisprudentielle qu’une décision d’une juridiction d’appel a pour une juridiction de première instance. Une telle décision lie tous les commissaires de la SPR, ainsi qu’un tribunal constitué d’un seul commissaire de la SAR : alinéa 171c) de la LIPR.
[68] Ces distinctions signifient que, dans certaines circonstances, la SAR n’est pas aussi bien placée que la SPR pour tirer certaines conclusions et devrait donc faire preuve de retenue lorsqu’elle substitue ses propres conclusions à celles de la SPR. C’est notamment le cas pour les conclusions quant à la crédibilité ou les conclusions tirées à partir de témoignages oraux, étant donné « l’avantage certain que peut avoir la SPR sur la SAR »
en raison de l’avantage que procure une audience. Lorsque ces questions se posent, la SAR « doit rechercher si la SPR a joui d’un véritable avantage et si, le cas échéant, elle peut néanmoins rendre une décision définitive relativement à une demande d’asile »
(Huruglica, au par. 70). Si la SAR conclut qu’elle ne peut prendre une décision finale, elle « peut décider de renvoyer l’affaire à la SPR et donner ses instructions concernant l’erreur relevée dans les conclusions concernant la crédibilité »
(Huruglica, au par. 73).
[69] Dans l’exercice de ses pouvoirs lors de l’appel, la SAR ne mène pas un « véritable processus de novo »
(Huruglica, au par. 79), mais doit « effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant »
(Huruglica, au par. 103). En d’autres termes, lorsqu’elle examine un appel, la SAR ne recommence pas à zéro et doit tenir compte de la décision de la SPR ainsi que du dossier dont elle est saisie. En fait, comme la Cour l’a conclu dans la décision Rozas del Solar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1145, au par. 99, la SAR est « limitée par le dossier dont elle dispose et par ses fonctions de tribunal d’appel »
et doit « s’en tenir à la décision de la SPR »
.
[40] Ce que je retiens de ce qui précède, c’est que dans le cadre d’un appel auprès de la SAR, lorsqu’aucune des parties ne soulève de question ou lorsque la SPR ne se prononce pas sur une question, il n’est généralement pas loisible à la SAR de soulever une question et de rendre une décision au sujet de celle‑ci, car cela soulève un nouveau motif d’appel non identifié ou prévu par les parties, lequel est susceptible de violer l’obligation d’équité procédurale en privant la partie concernée de la possibilité de répondre. Cela est particulièrement vrai dans le contexte des conclusions quant à la crédibilité (Ching, aux paragraphes 65 à 76; Jianzhu, au paragraphe 12; Ojarike, aux paragraphes 14 à 23). Toutefois, en ce qui concerne les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit qui ne soulèvent aucune question de crédibilité, la SAR doit examiner attentivement la décision de la SPR, en appliquant la norme de la décision correcte, puis procéder à sa propre analyse du dossier pour déterminer si la SPR a commis une erreur. Le cas échéant, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive en substituant à la décision de la SPR sa propre décision sur le fond de la demande d’asile (Huruglica CAF, au paragraphe 103). La SAR doit alors instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride. La SAR n’est pas tenue de déférer aux conclusions de fait de la SPR (Huruglica CAF, au paragraphe 58). De plus, au moment d’examiner les questions soulevées par les parties, la SAR est en droit de procéder à une évaluation indépendante du dossier présenté à la SPR (Sary, au paragraphe 29; Haji, aux paragraphes 23 et 27; Ibrahim, au paragraphe 26) et de se référer à la preuve qui corrobore les constations ou les conclusions de la SPR (Kwakwa, au paragraphe 30; Sary, au paragraphe 31). À mon avis, le corollaire nécessaire de cette affirmation est que la SAR est également autorisée à se référer aux éléments de preuve contenus dans le dossier dont disposait la SPR pour expliquer pourquoi elle pense que la SPR a commis une erreur relativement à une question qui a été soulevée en appel ou pourquoi elle n’est pas d’accord avec les conclusions de fait de la SPR. Ces motifs, en soi, ne donnent pas lieu à une nouvelle question. Le fait que la SAR perçoive certains éléments de preuve différemment de la SPR n’est pas une raison de contester la décision de la SPR pour des motifs d’équité lorsqu’aucune nouvelle question n’a été soulevée (Ibrahim, au paragraphe 30).
[71] En substance, tant que la SAR ne soulève pas un nouveau motif d’appel sans donner aux parties la possibilité d’y répondre, elle peut s’appuyer sur des éléments de preuve dans le dossier pour étayer ses conclusions sur les motifs d’appel existants, que la SPR ait ou non explicitement abordé ces éléments de preuve dans sa décision. Cette question est également examinée en détail par la juge Kane dans la décision Ching.
[72] Dans la décision Tan, cela signifiait que le fait pour la SAR de tirer de nouvelles conclusions factuelles à l’appui de sa décision sur la question de la protection de l’État, sur la révocabilité de l’exemption de service militaire du demandeur, sur son admissibilité à une protection en matière d’emploi grâce à des programmes gouvernementaux ainsi que sur son droit à un recours auprès des autorités civiles, ne constituait pas un manquement à l’équité procédurale. Malgré le fait que ces conclusions factuelles n’aient pas été soulevées lors de l’appel devant la SAR et qu’elles n’aient pas été appréciées par la SPR, et que le demandeur n’a pas eu la possibilité de répondre à ces conclusions factuelles, la Cour a jugé que ces conclusions n’étaient pas de nouvelles questions, car la question de la protection de l’État était un motif d’appel présenté devant la SAR.
[73] Dans le même ordre d’idées, dans la décision Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 870, le juge Gleeson, appliquant la décision Tan, a conclu que la SAR n’avait pas violé le droit des demandeurs à l’équité procédurale en concluant qu’il était invraisemblable que les autorités de planification familiale ignorent le fait qu’une demanderesse soit tombée enceinte. La Cour a noté que, bien que la SAR soit parvenue à une conclusion encore plus définitive que la SPR sur cette question, étant donné que la SPR s’est contentée de mentionner la documentation et l’absence de mesures d’exécution de la loi alors que la SAR a conclu que la documentation elle‑même n’était pas authentique, elle a néanmoins estimé qu’il ne s’agissait pas d’une « nouvelle question »
débordant le cadre des motifs d’appel. Au contraire, la Cour a estimé que la SAR avait correctement procédé à une évaluation indépendante des éléments de preuve lorsqu’elle a examiné la position du demandeur.
[74] En revanche, dans la décision Isapourkhoramdehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 819 [Isapourkhoramdehi], la juge Strickland, appliquant la décision Tan, a jugé que la SAR avait effectivement violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en soulevant une nouvelle question en appel sans lui donner la possibilité de présenter des observations sur cette question. La Cour a conclu ce qui suit :
[17] Je suis d’avis qu’en l’espèce, la SAR a manqué à son obligation d’équité procédurale en soulevant de nouvelles questions de crédibilité que la SPR n’avait pas soulevées dans sa décision. Bien que la SPR ait demandé au demandeur, lors de l’audience, pourquoi il n’avait pas été baptisé au Canada, elle n’a pas traité du défaut du demandeur de s’être fait baptiser dans sa décision et elle n’a formulé aucune conclusion sur la crédibilité ni aucune autre conclusion concernant cette question. Dans sa décision, la SAR a cité la partie de la transcription de l’audience de la SPR qui contient le passage où cette dernière interroge le demandeur sur la raison pour laquelle il n’a pas été baptisé au Canada et la réponse de ce dernier. Elle a indiqué qu’elle avait du mal à accepter l’absence de l’acte de baptême du demandeur et, en outre, la raison que le demandeur a fournie à la SPR concernant le fait qu’il n’avait pas été baptisé. La SAR a conclu que cette réserve relative à la crédibilité ainsi que les éléments de preuve sur le motif de la conversion lui donnaient des raisons de douter de la véracité de la conversion du demandeur au christianisme.
[75] De plus, dans la décision Xu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 639 [Xu], le juge Norris a jugé que la SAR avait violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en soulevant la question de la protection de l’État sans donner au demandeur la possibilité de présenter des observations sur ce point. La Cour a jugé que, comme la protection de l’État n’était pas une question déterminante dans l’affaire dont la SPR était saisie et que la décision ne tirait par conséquent aucune conclusion sur cette question, il était impossible de dire que la question de la protection de l’État découlait raisonnablement des motifs d’appel existants.
[76] Bien que la compétence de la SAR lui permette de soulever de nouvelles questions en appel étant donné son rôle relatif au contrôle de la décision de la SPR selon la norme de la décision correcte, ce qui l’oblige à effectuer sa propre analyse du dossier, la jurisprudence indique clairement qu’elle doit le faire d’une manière qui respecte l’équité procédurale. Comme l’a déclaré la juge Kane dans la décision Ching, « [d]ans le cas où [la SAR] décidera d’aller de l’avant avec la nouvelle question, il paraît évident que l’équité procédurale l’obligera à aviser la ou les parties intéressées, ainsi qu’à leur donner la possibilité de présenter des observations »
(au par. 71). Cela est également confirmé par la jurisprudence ultérieure. Voir, par exemple : Tan, aux par. 31‑32 et 40; Isapourkhoramdehi, au par. 24; Akram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 785, au par. 19.
[77] Plus particulièrement, il convient de souligner le résumé fait par la Cour des concepts clés en jeu dans la décision Xu, où la Cour a jugé que la SAR avait violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des observations concernant les nouveaux motifs soulevés par la SAR. La Cour a résumé l’état du droit de la façon suivante, au paragraphe 33 :
[33] En cas d’erreur, la SAR peut malgré tout confirmer la décision de la SPR sur un autre fondement (Huruglica, au paragraphe 78). Ce pouvoir doit néanmoins être exercé conformément aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Ainsi, avant de confirmer une décision de la SPR pour un motif qui ne peut raisonnablement être considéré comme découlant des questions en litige formulées par les parties, la SAR doit aviser les parties concernées et leur permettre de présenter des observations (Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, aux paragraphes 65 à 76; Ojarikre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 896, aux paragraphes 20 à 23; Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600, aux paragraphes 24 à 26; Tan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 876, au paragraphe 40). Comme l’a déclaré avec une certaine éloquence le juge Hughes « [l]e fait est que si la SAR décide de se plonger dans le dossier afin de tirer d’autres conclusions de fond, elle devrait prévenir les parties et leur donner la possibilité de formuler des observations » (Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684, au paragraphe 10).
[78] Lorsqu’un manquement à l’équité procédurale est constaté, la règle générale veut que la Cour annule la décision et retourne l’affaire pour nouvel examen. Toutefois, il existe une exception à cette règle qui permet à une cour de révision de ne pas tenir compte d’un manquement à l’équité procédurale « lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir »
. Voir Mobil Oil Canada Ltd et al c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] RCS 202, à la page 228, 115 Nfld & PEIR 334. Dans de tels cas, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le résultat doit être « inéluctable sur le plan juridique »
. Voir Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204, au par. 10.
[39] En règle générale, un manquement à l’équité procédurale rendra une décision nulle et l’affaire sera retournée pour un nouvel examen. Il y a cependant une exception limitée à cette règle : une cour de révision peut ignorer un manquement à l’équité procédurale « lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir » : Mobil Oil Canada Ltd et al c Office Canada-Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 1994 CanLII 114 (CSC), [1994] 1 RCS 202, à la p. 228, [1994] A.C.S. no 14 (QL) [Mobil Oil] citant W Wade, dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535; voir également l’arrêt Yassine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994) 172 NR 308, 27 Imm LR (2e) 135, au paragraphe 9 (CAF) [Yassine]. En d’autres termes, l’exception limitée s’applique dans les cas où le résultat est juridiquement inéluctable : Canada (PG) c McBain, 2017 CAF 204, au paragraphe 10 [McBain].
[40] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont appliqué cette exception limitée, énoncée pour la première fois dans Mobil Oil, précité : voir par exemple Canada (Transports, Infrastructure et Collectivités) c Farwaha, 2014 CAF 56, au paragraphe 117 [Farwaha]; Ilaslan c Hospitality and Service Trades Union, section locale 261, 2013 CAF 150, au paragraphe 28 [Ilaslan]; Yassine et McBain, précitées; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2012 CF 445, au paragraphe 203; Dhaliwal c Canada (MCI), 2011 CF 201, aux paragraphes 25 à 26; et Singh c Canada (MCI), 2013 CF 807, au paragraphe 1.
[41] Dans ces conditions, même si j’avais été convaincu que les estampilles temporelles constituaient une « nouvelle question » exigeant que le demandeur ait l’occasion de s’expliquer, il ne s’agit pas ici d’un cas où j’aurais jugé nécessaire de renvoyer l’affaire en vue d’un nouvel examen par une autre SAR. Le manquement allégué n’était pas suffisamment grave pour justifier l’annulation de la décision de la SAR et le renvoi de l’affaire pour qu’elle soit examinée une troisième fois par un autre agent : voir, par exemple, Farwaha, précité, au paragraphe 117; et Ilaslan, précité, au paragraphe 28.
[80] De même, dans la décision Corvil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 300, la Cour a estimé que, indépendamment de sa conclusion selon laquelle il n’y avait pas eu de manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la question en litige soulevée, le renvoi de la décision à la SAR ne serait d’aucune utilité pour le demandeur, car la question en litige soulevée n’aurait pas modifié l’issue de l’appel. La Cour a déclaré que cela est dû au fait que la question « venait simplement s’ajouter aux autres inférences négatives quant à la crédibilité du demandeur tirées par la SPR et avalisées par la SAR, lesquelles, devant chaque instance, ont été jugées suffisantes pour rejeter la demande d’asile, et par la suite, l’appel interjeté à l’encontre de cette décision »
(aux par. 16‑17).
[82] La SAR a abordé cette question ainsi dans la décision :
[36] La SAR a également tenu compte du fait que, même s’il a été étiqueté comme un partisan des TLET et qu’il a été menacé de mort à au moins une occasion, l’appelant n’a pas présenté de demande d’asile aux États-Unis, où il a résidé pendant environ sept ans après avoir quitté le Sri Lanka en 2011. La SAR ne trouve pas raisonnable l’explication de l’appelant selon laquelle il n’avait pas les moyens de se payer un avocat étant donné qu’il a résidé illégalement aux États‑Unis après les six premiers mois qu’il s’y trouvait, et qu’il aurait pu être renvoyé au Sri Lanka à n’importe quel moment par la suite; qu’il n’a fourni aucune preuve de recherche ou de tentative d’obtenir de l’aide juridique du gouvernement ou d’organisations non gouvernementales aux États‑Unis pour payer les frais juridiques; qu’il aurait pu présenter une demande d’asile sans avoir recours aux services d’un avocat, comme il l’a fait initialement pour sa demande d’asile au Canada; et parce qu’il a affirmé que des menaces ont été proférées à son endroit après son départ du Sri Lanka.
[83] Le demandeur souligne que la SPR n’a pas soulevé cette question et a plutôt fondé sa décision sur un changement de circonstances au Sri Lanka. Le demandeur n’a pas été avisé du fait que la SAR examinerait cette question. De plus, il affirme qu’il n’avait aucune raison de soupçonner que cette question jouerait un rôle dans l’appel, ce qui explique pourquoi il n’a pas pu présenter d’observations sur ce point. Il affirme que la SAR aurait dû, à tout le moins, examiner si l’équité procédurale exigeait qu’il soit autorisé à présenter des observations sur ce point. Il affirme également qu’il s’agit d’une question déterminante importante qui aurait pu avoir une influence sur la conclusion finale de la SAR et que, à moins que la Cour ne conclue qu’il serait futile de renvoyer cette affaire pour un nouvel examen en se fondant uniquement sur cette question, le bénéfice du doute devrait lui être accordé.
[85] Il ressort de la formulation employée au paragraphe 36 – « [l]a SAR a également tenu compte du fait »
– qu’il s’agit d’un facteur supplémentaire appuyant la conclusion générale de la SAR selon laquelle le demandeur ne risque pas d’être persécuté s’il retourne au Sri Lanka. En fait, le paragraphe 36 fait partie de l’examen de la SAR quant à la question de savoir si le demandeur serait considéré comme un partisan des TLET au Sri Lanka. Le paragraphe 36 fait suite aux paragraphes 34 et 35, qui sont libellés ainsi :
[34] La SAR a examiné les allégations de l’appelant selon lesquelles il était perçu comme une personne associée aux TLET pour des raisons autres que sa rencontre avec Prageeth Eknaligoda. Bien que l’appelant ait déclaré avoir reçu de l’information de Tamouls au sujet de son exposition de photos réussie en Europe, ce qui l’a amené à être étiqueté comme un sympathisant terroriste, la SAR note que l’objet de l’exposition était de montrer les atrocités commises par les TLET pendant la guerre et que le gouvernement sri lankais lui a demandé d’organiser une autre exposition de photos en Australie en raison du succès remporté par l’exposition de photos en Europe. La demande a été faite par le secrétaire particulier du président, et la SAR ne juge pas raisonnable ni vraisemblable que l’appelant soit appelé à organiser une autre exposition s’il était considéré comme un sympathisant terroriste.
[86] Le paragraphe 36 est ensuite suivi des paragraphes 37 à 40 :
[37] Comme il a été mentionné, la SAR a conclu que l’appelant n’a pas établi de façon crédible que ses prétendus agents de persécution, Sudath Silva et Chaminda Kularathne, ont continué de travailler pour le gouvernement ou cherchent à lui causer du tort à l’heure actuelle. De plus, la SAR souscrit aux conclusions de la SPR selon lesquelles l’appelant ne serait pas considéré comme un partisan des TLET en raison de sa brève rencontre avec le journaliste Prageeth Eknaligoda, puisque cette personne a maintenant été blanchie. La SAR conclut, selon la prépondérance des probabilités, que cette brève rencontre ne serait pas utilisée contre l’appelant comme preuve qu’il était lié aux TLET compte tenu des circonstances particulières.
[38] La SAR conclut que les allégations de l’appelant selon lesquelles il était considéré comme un partisan des TLET pendant qu’il se trouvait au Sri Lanka n’ont pas été établies selon la prépondérance des probabilités. La SAR conclut en outre que, si l’appelant retournait au Sri Lanka, il ne serait pas considéré comme un partisan des TLET par les autorités et il ne ferait pas l’objet d’enquête ou de détention pour cette raison compte tenu de sa situation personnelle. La SAR conclut qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que l’appelant soit arrêté et torturé à son retour au Sri Lanka en raison de liens perçus avec les TLET.
[39] La SAR a tenu compte du profil de l’appelant en tant que journaliste et souscrit aux conclusions de la SPR selon lesquelles la preuve documentaire indique que la situation des journalistes a changé au cours des dernières années. La preuve documentaire récente indique que la constitution prévoit la liberté d’expression, y compris pour la presse, et que le gouvernement respecte généralement ces droits. La preuve documentaire indique que, ensemble, une presse indépendante, un système judiciaire efficace et un système politique démocratique fonctionnel favorisent la liberté d’expression, y compris pour la presse. Il est à noter que les médias indépendants ont été actifs et ont exprimé une grande variété de points de vue. Toujours selon la preuve documentaire, les journalistes de la majorité tamoule du Nord ont signalé des cas de harcèlement et d’intimidation; toutefois, la SAR constate qu’il n’y a aucune preuve au dossier selon laquelle l’appelant a déjà résidé dans le Nord du Sri Lanka ou qu’il en a fait rapport. Le régime de censure a été officiellement démantelé par le président actuel, et du contenu auparavant inaccessible sur Internet est maintenant accessible, sauf pour ce qui est de la pornographie. Les autorités ont rouvert les enquêtes sur des crimes antérieurs commis contre des journalistes, et ont mis en détention près d’une douzaine de suspects lors de la disparition de Prageeth Eknaligoda en 2010.
[40] La SAR a examiné la preuve documentaire et la situation personnelle de l’appelant. La SAR estime qu’il existe moins qu’une simple possibilité que l’appelant soit persécuté au Sri Lanka s’il choisissait de travailler comme journaliste dans ce pays.
[87] Le demandeur a expliqué pourquoi il n’avait pas demandé l’asile aux É.‑U. et cette explication a été citée par la SAR, qui s’y réfère dans le cadre de son examen général quant à la question de savoir si le demandeur serait considéré comme un partisan des TLET. Le demandeur était bien conscient que le fait qu’il n’ait pas demandé l’asile aux É.‑U. nécessitait une explication, c’est pourquoi il en a fourni une.
[88] Le demandeur affirme que, dans le cadre de l’examen de son appel, la SAR ne peut pas se fonder sur des éléments du dossier que la SPR n’a pas invoqués et que la SAR était, pour des raisons d’équité, tenue de lui dire qu’elle examinait son défaut de demander l’asile aux É.‑U. et qu’elle devait donc lui permettre de répondre et d’expliquer pourquoi il ne l’avait pas fait. Le demandeur avait toutefois déjà fourni cette explication, et rien de ce qui m’a été présenté ne permet de penser que, si cette affaire était renvoyée pour nouvel examen, l’explication du demandeur différerait de quelque manière que ce soit qui aurait une incidence sur la conclusion de la SAR selon laquelle il n’a pas fourni de preuve laissant entendre qu’il serait en danger s’il retournait au Sri Lanka.
[90] Enfin, je ne crois pas qu’il s’agissait d’une conclusion quant à la crédibilité comme l’affirme le demandeur. Le demandeur n’avait peut‑être pas les moyens de se payer un avocat, mais il avait d’autres options, et le fait qu’il ne les ait pas explorées en dit long sur la mesure dans laquelle il craignait subjectivement de retourner au Sri Lanka, ce qui concorde avec la preuve objective étayant la conclusion selon laquelle il n’est pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution au Sri Lanka. Je suis, à la lecture de l’ensemble de la décision, que la SAR dit simplement que la preuve relative à la crainte objective figurant au dossier concorde avec les faits objectifs selon lesquels le demandeur n’a pas établi qu’il court un risque quelconque de persécution au Sri Lanka. Même si le demandeur établissait qu’il avait une crainte subjective importante, cela ne modifierait pas les conclusions relatives à l’absence de preuve objective.
C.
Le risque en tant que demandeur d’asile débouté
[91] Le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur dans son appréciation du risque auquel il est exposé en tant que demandeur d’asile débouté. Il affirme que la SAR a déraisonnablement tenu pour acquis qu’il serait en mesure de cacher aux autorités sri lankaises qu’il avait fait une demande d’asile. Le demandeur déclare que, à son arrivée au Sri Lanka, les autorités lui demanderaient sans aucun doute ce qu’il a fait à l’étranger, et qu’il devrait alors révéler qu’il a présenté une demande d’asile et que celle‑ci a été rejetée.
[93] La SAR ne tient pas pour acquis que le demandeur sera en mesure de dissimuler le fait que sa demande d’asile a été rejetée. Le demandeur reprend ces termes hors de leur contexte. Voici le contexte :
[43] La SAR a examiné la preuve documentaire au sujet du traitement des dossiers de personnes retournant dans leur pays par différents organismes, dont le ministère de l’Immigration et de l’Émigration, le service de renseignement de l’État et le service des enquêtes criminelles. Ces organismes vérifient les documents de voyage et les renseignements relatifs à l’identité dans les bases de données sur l’immigration, les bases de données du renseignement et les dossiers d’affaires criminelles en suspens. Il est également noté que, dans le cas de personnes retournant dans leur pays qui voyagent avec des documents de voyage temporaires, la police entreprend un processus d’enquête pour confirmer l’identité, ce qui consiste souvent à interviewer la personne qui retourne dans son pays, à communiquer avec la police locale, ses voisins et sa famille, et à vérifier les casiers et dossiers judiciaires.
[44] La SAR constate que l’appelant a son propre passeport sri lankais permanent qui lui a été délivré pendant qu’il était à l’extérieur du pays, et qu’il a pu quitter le Sri Lanka sans problème. La SAR a déjà conclu que l’appelant n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités sri lankaises le considèrent ou pourraient le considérer comme associé aux TLET. Rien au dossier n’indique que le nom de l’appelant figure dans les bases de données sur l’immigration, le renseignement ou la criminalité étant donné qu’il a pu quitter le pays sans problème au plus fort de l’époque où il croyait être considéré comme un partisan ou un associé des TLET. Rien dans le dossier n’indique que l’appelant était lié à des organisations de la diaspora des TLET lorsqu’il se trouvait à l’extérieur du Sri Lanka, ou qu’il a rédigé des articles au sujet du gouvernement sri lankais ou qu’il l’a critiqué de quelque façon que ce soit à l’extérieur du pays. La SAR conclut que le fait de demeurer à l’extérieur du Sri Lanka pendant une longue période pourrait faire en sorte que l’appelant soit soumis à un contrôle plus poussé à l’aéroport sous la forme de questions sur ses activités à l’étranger, mais cela, en soi, n’équivaut pas à de la persécution.
[45] Selon la preuve documentaire, les arrestations et les détentions des personnes qui pourraient avoir des liens avec les TLET se poursuivent, mais elles sont moins fréquentes; de plus, selon le directeur général du conseil provincial du Nord, les arrestations et les détentions ne sont pas courantes, sauf dans les cas de soupçons raisonnables d’activités criminelles. Comme il a été mentionné, la SAR a conclu que l’appelant ne serait pas perçu comme une personne associée aux TLET. Aucune preuve au dossier ne démontre que l’appelant a déjà été impliqué dans une activité criminelle. Compte tenu de sa situation particulière, la SAR conclut, comme il a été mentionné, que malgré la possibilité que l’appelant fasse l’objet d’un contrôle plus strict à l’aéroport parce qu’il a vécu à l’étranger, il n’y a pas de possibilité sérieuse que ce traitement équivaille à de la persécution. La SAR fait remarquer qu’aucune preuve au dossier ne démontre que les autorités sri lankaises savent que l’appelant a présenté une demande d’asile au Canada et que celle‑ci a été rejetée.
[46] La SAR conclut que l’appelant pourrait être victime de harcèlement à son retour au Sri Lanka, mais estime qu’il ne serait pas suffisamment grave pour constituer une possibilité sérieuse de persécution.
[47] La SAR conclut que l’appelant ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution au Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté.
[94] Il me semble que l’argument principal de la SAR est que le demandeur «
pourrait être victime de harcèlement à son retour au Sri Lanka, mais [qu’elle] estime qu’il ne serait pas suffisamment grave pour constituer une possibilité sérieuse de persécution »
.
[95] La préoccupation de la SAR est de savoir comment le demandeur sera contrôlé à son arrivée au Sri Lanka. Les personnes de retour au pays sont traitées par différents organismes. Le demandeur est resté longtemps hors du Canada, mais il est cinghalais et non tamoul, il a son propre passeport sri lankais et il a quitté le pays sans problème. Son nom n’est pas susceptible d’apparaître dans les bases de données sur l’immigration, le renseignement ou la criminalité. Il n’y a pas non plus de preuve démontrant que le demandeur est lié d’une quelconque façon aux organisations de la diaspora des TLET en dehors du Sri Lanka, ou qu’il ait écrit au sujet du gouvernement sri lankais. Un autre élément qui affectera la manière dont le demandeur sera traité est le fait que les autorités sri lankaises n’ont elles‑mêmes aucune trace du fait qu’il est un demandeur d’asile débouté. Cela ne signifie pas que ce fait n’apparaîtra pas au cours de l’examen, ni que le demandeur pourra le garder secret, ou même qu’il essaiera de le faire. Toutefois, compte tenu du profil complet du demandeur, rien ne prouve que le processus de contrôle se soldera par de la persécution, même si le demandeur pourrait faire l’objet d’un certain harcèlement. Le demandeur n’a présenté aucune preuve démontrant qu’un demandeur d’asile débouté ayant son profil particulier serait contrôlé d’une manière qui équivaudrait à de la persécution.
[96] Le demandeur tente d’isoler un facteur – son potentiel statut de demandeur d’asile débouté – afin d’établir qu’il sera torturé et maltraité lors de son contrôle à son retour au Sri Lanka. La SAR est d’avis que le contrôle est effectué par différents organismes et que le profil général du demandeur est susceptible d’affecter la manière dont il sera contrôlé et par qui il le sera à son retour au pays. Compte tenu de la preuve dont disposait la SAR, je ne relève rien de déraisonnable dans ses motifs ou ses conclusions. Dans le cas présent, rien ne laisse entendre que le demandeur devrait tenter de dissimuler ou de camoufler un quelconque aspect de son profil à son retour au Sri Lanka. Quelle que soit la manière utilisée pour l’interroger, il se peut que les autorités constatent qu’il est un demandeur d’asile débouté, le point principal étant qu’il n’y a aucune preuve selon laquelle il serait considéré comme une personne entretenant des liens avec les TLET. Le fait qu’il soit un demandeur d’asile débouté signifie que le Canada a conclu qu’il n’entretient aucun lien avec les TLET.
[97] Le demandeur invoque la décision Vilvarajah, mais ne tient pas compte des propos de la Cour dans cette affaire. La Cour a clairement indiqué qu’elle « ne doit pas décortiquer la décision – mais plutôt l’examiner comme un tout – dans les circonstances de cette affaire »
. En l’espèce, la SAR n’analyse pas le profil du demandeur; c’est plutôt le demandeur qui tente de le faire devant moi lorsqu’il qualifie étroitement son profil de « demandeur d’asile débouté »
.
IX.
LA CERTIFICATION
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1986‑19
Traduction certifiée conforme
Ce 28e jour de mai 2020
M. Deslippes