Date : 20021002
Dossier : IMM-225-02
Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
THARWAT IBRAHIM, a/s de DALMA Import Expert Ltd,
390, rue Notre-Dame Ouest, bureau 400,
Montréal (Québec) H2Y 1T9
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a/s du ministère de la Justice,
Complexe Guy-Favreau, 200, boul. René-Lévesque Ouest,
Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire visant la décision prise par une agente des visas du Haut-commissariat du Canada à Londres (Angleterre), Barbara Stewart (l'agente), le 13 décembre 2001, selon laquelle le demandeur ne satisfaisait pas aux conditions requises pour immigrer au Canada à titre d'entrepreneur, est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20021002
Dossier : IMM-225-02
Référence neutre : 2002 CFPI 1017
ENTRE :
THARWAT IBRAHIM, a/s de DALMA Import Expert Ltd,
390, rue Notre-Dame Ouest, bureau 400,
Montréal (Québec) H2Y 1T9
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a/s du ministère de la Justice,
Complexe Guy-Favreau, 200, boul. René-Lévesque Ouest,
Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec) H2Z 1X4
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision prise par une agente des visas du Haut-commissariat du Canada à Londres (Angleterre), Barbara Stewart (l'agente), le 13 décembre 2001, selon laquelle le demandeur ne satisfaisait pas aux conditions requises pour immigrer au Canada à titre d'entrepreneur.
Le demandeur est un citoyen de l'Égypte. La demande qu'il a présentée relativement à la catégorie des entrepreneurs a été rejetée parce qu'il ne satisfaisait pas aux conditions requises pour immigrer au Canada. L'agente a indiqué dans sa décision :
[traduction] J'ai terminé l'évaluation de votre demande et j'ai le regret de vous annoncer que vous ne remplissez pas les conditions requises pour immigrer au Canada à titre d'entrepreneur.
[...]
Vous ne répondez pas à cette définition parce que la nature de votre entreprise et sa complexité ne font pas en sorte que vous êtes en mesure de gérer une entreprise au Canada.
De plus, je ne suis pas convaincue quant aux dispositions du paragraphe 9(4) de la Loi...
Vous appartenez par conséquent à la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration et votre demande a été rejetée.
Dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la Cour d'appel fédérale a énoncé la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires prises par les agents des visas relativement aux demandes d'immigration. Il s'agit en fait de la norme que la Cour suprême du Canada a adoptée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, où M. le juge McIntyre a indiqué aux pages 7 et 8 :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.
Le terme « entrepreneur » est défini au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 :
« entrepreneur » désigne un immigrant
a) qui a l'intention et est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et
"entrepreneur" means an immigrant
(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and
b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;
(b) who intends and has the ability to provide active and on going participation in the management of the business or commercial venture;
Le demandeur affirme que l'agente a commis une erreur en exigeant [traduction] « une vaste expérience spécialisée dans le secteur des affaires » plutôt que de prendre en considération sa capacité de gérer une entreprise au Canada. Je ne suis pas d'accord avec lui. Après avoir examiné les faits, les éléments de preuve et les dispositions législatives pertinentes, j'estime que l'agente pouvait tenir compte des antécédents et des succès du demandeur pour décider si celui-ci satisfaisait à la définition d' « entrepreneur » .
M. le juge Blais précise, dans la décision Cho c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 808 (QL), les critères auxquels un demandeur doit satisfaire pour être considéré comme un entrepreneur :
[28] Pour être considéré comme un entrepreneur, le demandeur doit convaincre l'agent des visas qu'il avait l'intention et la capacité d'établir ou d'acheter une entreprise, ou d'y investir une somme importante. Le demandeur peut établir qu'il avait une telle intention en prouvant qu'il s'était préparé en conséquence. Par ailleurs, il arrive souvent que le demandeur établisse sa capacité en faisant état de ses antécédents et démontrant qu'il a suffisamment d'argent à consacrer à son projet.
[Non souligné dans l'original]
Mme le juge Layden-Stevenson a récemment confirmé, dans la décision Talwar c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (21 juin 2002), IMM-4565-00, 2002 CFPI 702, que le fait de tenir compte de la rentabilité lors de l'évaluation d'un demandeur à titre d'entrepreneur ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.
Je conclus, sur la foi de son affidavit et des notes qu'elle a versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), que l'agente a donné au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve démontrant qu'il était en mesure d'établir et de gérer une entreprise au Canada.
Au cours de l'entrevue, le demandeur a indiqué qu'il avait ouvert sa propre pharmacie en juillet 1997. Or, il ressort d'un document déposé en preuve que la pharmacie du demandeur a été enregistrée pour la première fois le 23 août 1998.
L'agente a également interrogé le demandeur au sujet des méthodes comptables utilisées par son entreprise. Après avoir passé en revue les éléments de preuve produits, elle a conclu que ces méthodes [traduction] « n'étaient pas totalement transparentes » pour les raisons suivantes : (1) le demandeur était incapable d'expliquer comment il pouvait présenter les chiffres d'une entreprise qui n'avait pas encore démarré; (2) la pharmacie a réalisé des profits dépassant à peine 9 000 $CAN; (3) le demandeur n'a gagné aucun revenu selon le bilan; (4) la demande du demandeur indiquait que son salaire mensuel brut était de [traduction] « 1 300 $US + les profits » en 1997, mais ce salaire n'était pas indiqué dans le bilan contenu dans le dossier.
Finalement, il ressort des notes versées par l'agente dans le STIDI que le demandeur savait très peu de choses sur le monde des affaires au Canada. Ainsi, il a décrit en termes très généraux la façon de déposer de l'argent à la banque, et il [traduction] « pensait » que des impôts étaient payables au Canada.
Il a également été confirmé qu'un agent a toute la compétence voulue pour exiger que l'entreprise d'un demandeur soit potentiellement viable au Canada (Chiu c. Canada (M.C.I.), [1996] A.C.F. no 1460 (1re inst.), et plus récemment Saadat c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 39 (1re inst.)).
Me fondant sur ce qui précède, je considère que la conclusion tirée par l'agente est raisonnable et justifiée vu le manque de transparence des méthodes comptables, les données incomplètes et les incohérences contenues dans la preuve. De plus, compte tenu de l'expérience des affaires acquise par le demandeur et des renseignements contradictoires qu'il a déposés au soutien de sa demande, je suis d'avis que l'agente a eu raison de conclure que le demandeur n'était pas en mesure de gérer une entreprise au Canada.
Il est vrai que la lettre de refus ne précise pas tous les éléments de preuve dont l'agente a tenu compte, mais les notes qu'elle a versées dans le STIDI et son affidavit indiquent qu'elle a effectivement pris en compte tous les facteurs invoqués par le demandeur (Hui c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 60 (1re inst.)).
Après avoir examiné les éléments de preuve pertinents en l'espèce ainsi que les prétentions des parties, je ne crois pas que le demandeur a réussi à prouver son admissibilité comme il devait le faire. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 2 octobre 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-225-02
INTITULÉ : THARWAT IBRAHIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 27 août 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 2 octobre 2002
COMPARUTIONS :
Jean-François Bertrand POUR LE DEMANDEUR
Barbara Boily POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bertrand Deslauriers POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)