Date : 20000420
Dossier : IMM-3593-99
ENTRE
SUNGI CHANTAL LEMBAGUSALA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)
Le juge CAMPBELL
[1] À l'audience de la section du statut de réfugié (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), la demanderesse a rapporté les horribles actes de violence commis sur sa personne par les autorités policières et gouvernementales du Congo en 1998. Sa revendication du statut de réfugié est donc fondée sur la crainte d'être persécutée du fait de sa religion catholique et de ses opinions politiques, savoir l'intérêt qu'elle manifestait pour la situation des droits de la personne.
[2] Son histoire commence le jour où elle s'est intéressée à la situation des droits de la personne et s'en est ouverte aux membres de sa congrégation. Par la suite, elle a été arrêtée, battue et violée à plusieurs reprises, son oncle a été tué, sa maison a été détruite, un prêtre qui l'aidait a été pendu; elle s'est finalement enfuie avec l'aide d'un autre prêtre, fuite au cours de laquelle elle a été harcelée et violée par des gardes aux postes de contrôle et des douaniers.
[3] La section du statut n'a pas ajouté foi à son récit, notamment par le motif suivant :
[TRADUCTION]
Le passeport expiré était la seule pièce d'identité ou titre de voyage soumis au tribunal et ne constituait pas à lui seul la preuve concluante de son identité, compte tenu de son manque de crédibilité et d'autres facettes de sa revendication.[1]
Non seulement la section du statut a tiré une conclusion erronée au sujet des preuves documentaires administrées, puisque la demanderesse avait produit un acte de naissance, mais encore elle n'avait pas prévenu cette dernière que l'identité serait un facteur primordial. En outre, sa conclusion au manque de crédibilité est entachée d'une grave erreur.
[4] Voici ses deux principales conclusions en matière de crédibilité :
[TRADUCTION]
Le tribunal ne peut croire que pour avoir discuté de pareils sujets non controversés (même en RDC) avec un groupe de 20 femmes de la congrégation, la demanderesse ait été amenée devant le ministre de l'Intérieur, battue, violée et informée qu'elle allait être tuée. Le tribunal n'ignore pas l'anarchie et la violence dont sont victimes les gens, en particulier les femmes, en RDC de nos jours, mais la relation qu'elle faisait de ce qu'elle avait subi n'est ni raisonnable ni digne de foi, compte tenu de l'infraction qui aurait été commise.
On ne peut croire que non seulement elle ait été arrêtée, mais sa maison ait été détruite et son oncle tué pour ne pas révéler où elle se trouvait. Ensuite, les soldats ont réussi à la retrouver dans un village à 550 kilomètres de là, et ont tué le prêtre qui l'aidait. Pareil châtiment n'est tout simplement pas vraisemblable, en regard de ce qu'elle aurait fait.[2]
[5] La demanderesse n'a pas été crue parce que son histoire sonnait faux aux membres de la formation de jugement de la section du statut, lesquels ont visiblement fait preuve de jugement purement subjectif pour parvenir aux conclusions ci-dessus. À mon avis, rien ne permet de dire avec quelque certitude qu'ils étaient fondés à tirer ces conclusions en matière de vraisemblance.
[6] En effet, ils n'ont pu citer aucune preuve à l'appui de leur appréciation de l'histoire de la demanderesse. Par contre, celle-ci a produit de nombreux éléments de preuve tendant à établir que durant 1998, la persécution des défenseurs des droits de la personne était extrêmement active au Congo[3]. Il est possible que son récit s'accorde parfaitement avec ce qu'on pourrait attendre du contexte social et politique du Congo à l'époque.
[7] En conséquence, je conclus que l'appréciation par la section du statut du témoignage de la demanderesse tient de la conjecture et est, à ce titre, susceptible de contrôle judiciaire.
ORDONNANCE
[8] Par ces motifs, je conclus, en application de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, que la section du statut a rendu sa décision de façon arbitraire et au mépris des éléments de preuve dont elle disposait.
[9] En conséquence, j'annule sa décision et renvoie l'affaire pour nouvel examen par un tribunal de composition différente.
Signé : Douglas R. Campbell
________________________________
Juge
Edmonton (Alberta),
le 20 avril 2000
Traduction certifiée conforme,
Martine Brunet
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : IMM-3593-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Sungi Chantal Lembagusala
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF) PRONONCÉE PAR LE JUGE CAMPBELL
LE : 19 avril 2000
ONT COMPARU:
Karen Schwartzenberger pour la demanderesse
Tracy King pour le défendeur
Ministère de la Justice
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
McCuaig Desrochers pour la demanderesse
Edmonton (Alberta)
Morris A. Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)