Date : 20000726
Dossier : IMM-6013-99
OTTAWA (ONTARIO), le 26 juillet 2000
DEVANT : LE JUGE EN CHEF ADJOINT
ENTRE :
ALFREDO COMPATTI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
Le demandeur ayant présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section d'appel de l'immigration a rejeté, le 29 octobre 1999, l'appel qu'il avait interjeté contre une mesure d'expulsion en date du 24 mars 1999, les motifs y afférents ayant été signés le 30 novembre 1999;
Les observations écrites des parties ayant été examinées et l'audience ayant eu lieu à Montréal (Québec) le 17 juillet 2000;
IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. L'affaire dans laquelle le demandeur a interjeté appel contre la décision de prendre une mesure d'expulsion en date du 24 mars 1999 est renvoyée pour nouvelle audition et nouvel examen par une formation différente de la section d'appel de l'immigration.
3. Aucune ordonnance n'est rendue à l'égard des dépens.
« Allan Lutfy » J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L. trad. a.
Date : 20000726
Dossier : IMM-6013-99
ENTRE :
ALFREDO COMPATTI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT
[1] Alfredo Compatti est devenu résident permanent du Canada avec ses parents en 1965, soit deux mois seulement après être né en Italie. M. Compatti est citoyen italien, mais il a passé presque toute sa vie au Canada. Il n'a effectué qu'un seul bref séjour en Italie lorsqu'il avait douze ans. Il n'a jamais obtenu la citoyenneté canadienne.
[2] Lorsqu'il avait environ dix-huit ans, M. Compatti a commencé à faire un usage abusif des drogues, en particulier de l'héroïne, et il a été traité. Afin de subvenir à ses besoins, il s'est livré à des activités criminelles. Selon le dossier, son casier judiciaire est chargé et couvre une période d'une quinzaine d'années. En 1984, 1992, 1998 et 1999, le demandeur a été reconnu coupable de plusieurs infractions, notamment d'introduction par effraction, de vol à main armée, de vol et de méfait. Il s'est vu infliger des peines d'emprisonnement allant de trois mois à deux ans.
[3] En 1989, après l'avoir interrogé en vertu de l'article 27 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le bureau d'immigration a averti le demandeur qu'étant donné qu'il n'était pas citoyen canadien, une enquête pourrait être tenue et qu'il pourrait être expulsé du Canada s'il se livrait à d'autres activités criminelles.
[4] Au mois de mars 1999, par suite de ses activités criminelles continues, une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur.
[5] Le demandeur en a appelé de la décision relative à la mesure d'expulsion devant la section d'appel de l'immigration en vertu de l'article 70 de la Loi sur l'immigration. Il n'a pas contesté la validité de la mesure d'expulsion, mais il a fait appel conformément à l'alinéa 70(1)b), pour le motif qu'eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il ne devrait pas être renvoyé du Canada.
[6] La section d'appel de l'immigration a rejeté l'appel; le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.
[7] Il est reconnu qu'en arrivant à une décision conformément à l'alinéa 70(1)b) de la Loi, la section d'appel de l'immigration devrait tenir compte des facteurs ci-après énumérés dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire : (i) la gravité de l'infraction commise; (ii) la possibilité d'une réadaptation; (iii) la durée de la période passée au Canada; (iv) les racines que l'appelant possède au Canada; (v) le soutien dont bénéficie l'appelant; (vi) l'importance des difficultés qu'éprouverait l'appelant en rentrant dans son pays de nationalité : Al Sagban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 234 N.R. 173 (C.A.), demande d'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada accueillie le 14 octobre 1999 dans le dossier du greffe no 27111.
[8] J'ai minutieusement examiné la décision de la section d'appel de l'immigration et je suis convaincu qu'il n'a pas été tenu compte du sixième facteur concernant les difficultés que le demandeur éprouverait en rentrant en Italie. Lorsqu'on lui a demandé de le faire, l'avocate du défendeur n'a pu signaler aucune déclaration concernant ce critère dans la décision ici en cause. Cette omission constitue une erreur de droit et la décision doit donc être infirmée.
[9] Le défendeur reconnaît également que le tribunal a commis une erreur en mentionnant à deux reprises que M. Compatti avait une amie depuis [TRADUCTION] « six mois » , alors qu'en fait, le seul élément de preuve à ce sujet montre que leurs relations duraient depuis plus de [TRADUCTION] « six ans » . De fait, le tribunal a supposé que cette relation avait pris naissance pendant la dernière période d'incarcération du demandeur, en 1999. Une bonne compréhension de la durée des relations que le demandeur avait avec la personne qu'il désigne comme étant sa conjointe de fait pourrait constituer un facteur pertinent aux fins de l'appréciation des difficultés qu'il éprouverait en rentrant en Italie.
[10] Un autre point contesté devant la section d'appel de l'immigration était de savoir si le demandeur faisait encore usage de drogues, et notamment d'héroïne. Il existait des contradictions entre la preuve fournie par un agent de police et celle que le demandeur avait présentée sur ce point. Le tribunal a retenu le témoignage de l'agent de police, selon lequel le demandeur « consomme encore de l'héroïne » . Toutefois, dans la décision, il n'a pas été fait mention du rapport du mois d'octobre 1999 du Centre de recherche et d'aide pour narcomanes, dans lequel il est dit que les analyses d'urine du demandeur établissaient « son abstinence constante » depuis 1996, soit l'année au cours de laquelle il avait commencé à participer au traitement d'entretien à la méthadone. Il était peut-être loisible au tribunal de retenir le témoignage de l'agent de police, mais le tribunal a commis une erreur en tirant pareille conclusion sans faire expressément mention du rapport en question.
[11] Enfin, le tribunal a conclu que le demandeur n'avait manifesté aucun remords au sujet de ses activités criminelles, mais il n'a pas tenu compte de deux déclarations distinctes que M. Compatti avait faites en témoignant: « Je me sens très coupable de qu'est-ce que j'ai fait dans mon passé. [...] Oui, je le regrette, oui, je me sens très coupable, j'ai des sens de remords. » Si le tribunal ne reconnaissait pas la sincérité du demandeur lorsqu'il a fait ces déclarations, il était du moins tenu de reconnaître que ces déclarations avaient été faites et il devait énoncer les motifs pour lesquels il ne tenait pas cette preuve pour crédible.
[12] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvelle audition et nouvel examen devant une formation différente de la section d'appel de l'immigration. Ni l'une ni l'autre partie n'a proposé la certification d'une question grave. Aucune ordonnance n'est rendue à l'égard des dépens.
« Allan Lutfy » J.C.A.
Ottawa (Ontario)
Le 26 juillet 2000
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L. trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU DOSSIER : IMM-6013-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : ALFREDO COMPATTI c. MCI |
DATE DE L'AUDIENCE : LE 17 JUILLET 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY EN DATE DU 26 JUILLET 2000.
ONT COMPARU :
Styliani Markaki pour le demandeur |
Sylviane Roy pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Styliani Markaki pour le demandeur
Morris Rosenberg pour le défendeur |
Sous-procureur général du Canada