Date : 20020925
Dossier : IMM-2015-01
Référence neutre : 2002 CFPI 1004
Toronto (Ontario), le mercredi 25 septembre 2002
EN PRÉSENCE de Monsieur le juge Kelen
ENTRE :
ZHAO YUE
demandeur
- et -
LE MINISTRE
DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui vise la décision, rendue en date du 22 mars 2001, par laquelle l'agent des visas Robert Foo, de l'Ambassade du Canada à Beijing, en Chine, a rejeté la demande de visa d'étudiant présentée par le demandeur dans le but de poursuivre des études au Canada. La demande a été rejetée au motif que le demandeur n'avait pas établi qu'il était un véritable visiteur, c'est-à-dire qu'il avait l'intention de quitter le Canada à la fin de ses études.
[2] La question en l'espèce est celle de savoir si l'omission de l'agent d'avoir fourni au demandeur la possibilité de dissiper les préoccupations qu'il avait à son égard a privé le demandeur de l'équité procédurale.
[3] L'agent a évalué la demande sans avoir accordé au demandeur une entrevue, en personne ou par téléphone. Il a affirmé dans ses notes du STIDI :
[TRADUCTION]
[...] JE CROIS QU'IL SOUHAITE ALLER AU CANADA EN UTILISANT UNE AUTORISATION D'ÉTUDIER AFIN D'AMÉLIORER SA SITUATION ÉCONOMIQUE ET QU'UNE FOIS QU'IL Y SERA, IL NE REVIENDRA PAS ÉTANT DONNÉ QUE SES PERSPECTIVES, FONDÉES SUR LE NIVEAU DE VIE, Y SERONT MEILLEURES.
LES AVANTAGES ÉVENTUELS POUR SA CARRIÈRE EN CHINE, QUI POURRAIENT RÉSULTER DE SES ÉTUDES, NE JUSTIFIENT PAS LES COÛTS ÉLEVÉS DU PROJET D'ÉTUDES AU CANADA. COMPTE TENU DES RESSOURCES FINANCIÈRES DU DEMANDEUR UN TEL INVESTISSEMENT EN TEMPS ET EN ARGENT N'A DE SENS QUE SI LES INTENTIONS DU DEMANDEUR SONT MOTIVÉES PAR LE DÉSIR DE CHERCHER DES POSSIBILITÉS AU CANADA PLUTÔT QUE DE PROMOUVOIR SA CARRIÈRE EN CHINE.
AINSI, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR N'EST PAS UN IMMIGRANT ET QU'IL NE SATISFAIT PAS AU PARAGRAPHE 9 (1.2). IL EST REFUSÉ.
[4] L'agent des visas s'est appuyé sur un facteur qui peut s'appliquer ou non au demandeur, à savoir qu'il n'était pas un véritable visiteur parce qu'il était de la ville de Shenzen et qu'il souhaitait travailler en informatique. L'agent des visas a affirmé dans son affidavit que Shenzen était une ville qui auparavant [TRADUCTION] « connaissait le plus grand essor et avait l'économie la plus compétitive [...] mais que ce n'était plus le cas maintenant » . L'agent s'est appuyé sur sa propre analyse des perspectives de promotion, dans la ville de Shenzen, des fonctionnaires tels que le demandeur, et sur une étude du service des visas qui mentionnait que [TRADUCTION] « la majorité des étudiants qui vont étudier à l'étranger ne reviennent pas en Chine » .
[5] Même s'il n'est pas nécessaire qu'une audience soit tenue pour que le devoir d'agir équitablement soit respecté, il faut que l'agent des visas fournisse au demandeur la possibilité de dissiper une préoccupation principale, c'est-à-dire que le demandeur doit avoir la possibilité d'y répondre.
[6] Dans son affidavit, l'agent Foo fait référence à ses propres connaissances et à sa propre expérience desquelles il s'inspire lorsqu'il prend une décision quant à une demande de visa d'étudiant. Bien que les agents des visas puissent en droit utiliser leur propre expérience pour prendre une décision (Yu (par sa tutrice aux fins de l'instance) c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm.L.R. (2d) 1, [1993] A.C.F. no 786 (C.F. 1re inst.), par le juge McKeown), il ne faut pas qu'un agent applique un stéréotype à un demandeur en se fondant sur cette expérience. Comme l'a déclaré M. le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) dans la décision Mittal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 147 F.T.R. 285, [1998] A.C. F. no 727 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12 :
En second lieu, même si l'agente des visas avait accès à pareils renseignements et même si elle avait raison en ce qui concerne le système des écoles privées indiennes, elle aurait dû donner à la famille des demandeurs la possibilité de répondre à ses préoccupations, qui sont fondées sur des renseignements qui n'avaient pas été fournis par les demandeurs. Pareille mesure est proposée à l'article 2.7.4 de la Ligne directrice [Lignes directrices en matière d'immigration], qui traite de la bonne foi des étudiants mineurs :
Si les agents veulent tenir compte d'informations complémentaires, plus particulièrement de celles qui soulèvent des doutes ou des inquiétudes quant à la bonne foi du demandeur, ils doivent pouvoir faire la preuve que ce dernier en a été mis au courant et que l'occasion de régler la question lui a été offerte.
[7] L'extrait précédemment mentionné caractérise le devoir d'équité de l'agent dans l'évaluation des demandes de visas d'étudiant. Le même devoir d'équité a été appliqué dans des affaires de visas d'immigration dans les décisions Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1986), 66 N.R. 8, [1986] 2 C.F. 205 (C.F. 1re inst.), Fong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 26 F.T.R. 235, [1997] A.C.F. no 190 (C.F. 1re inst.), et Basco c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 43 F.T.R. 233, [1991] A.C.F. no 406. Comme je l'ai déclaré dans la décision Yuan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1852 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 14 :
Refuser la présente demanderesse à partir d'une généralisation au sujet d'un endroit particulier en Chine et d'un certain genre d'emploi est inéquitable si on ne fournit pas au demandeur la possibilité de répondre à cette préoccupation.
[15] Dans l'arrêt Baker c. M.C.I. (1999), 1 Imm. L.R. (3d) 1, [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a réaffirmé que la notion d'équité procédurale était variable par nature. Pour que la personne dont les intérêts sont touchés ait une possibilité réelle et équitable de présenter l'ensemble de ses arguments, il ne faut pas nécessairement qu'une audience soit tenue. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que l'agent des visas à Beijing accorde une entrevue individuelle à chaque demandeur de visa d'étude. L'avocate de la demanderesse en l'espèce a fait valoir que l'agent des visas pouvait fournir à cette dernière une possibilité réelle de répondre à la préoccupation par téléphone ou par lettre. La demanderesse doit avoir la possibilité de répondre à la préoccupation de l'agent des visas, qui peut être légitime, selon laquelle de nombreux demandeurs de visa de visiteur provenant d'une région particulière de la Chine utilisent ce véhicule comme moyen illégitime d'obtenir le droit d'entrer au Canada sous de faux prétextes alors qu'ils visent en fait à revendiquer le statut de réfugié. La demanderesse doit avoir la possibilité réelle de répondre à cette préoccupation avant que l'agent des visas n'applique son expérience générale à l'égard de cette demanderesse en particulier.
[16] Il incombe toujours à la demanderesse de convaincre l'agent des visas qu'elle est un véritable visiteur ayant l'intention de retourner en Chine.
Par conséquent, le demandeur n'a pas obtenu l'équité procédurale.
ORDONNANCE
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée au défendeur afin qu'un autre agent des visas statue à nouveau sur l'affaire. Aucun des avocats n'a demandé la certification d'une question qui pourrait être portée en appel et aucune question n'est certifiée.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-2015-01
INTITULÉ : ZHAO YUE
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
DATE DES MOTIFS : LE MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2002
COMPARUTIONS : M. Max Chaudhary
Pour le demandeur
Michael Butterfield
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Max Chaudhary
Chaudhary Law Office
Avocat
18 Wynford Drive
Bureau 707
North York (Ontario) M3C 3S2
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
Date : 20020925
Dossier : IMM-2015-01
ENTRE :
ZHAO YUE
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE