Date : 19981028
T-411-98
E n t r e :
APOTEX INC.,
demanderesse,
et
ABBOTT LABORATORIES, LIMITED et
ABBOTT LABORATORIES, INC.,
défenderesses.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE ROTHSTEIN
[1] La Cour statue sur l'appel interjeté par la demanderesse (Apotex) d'une décision par laquelle le protonotaire adjoint a rejeté la demande présentée par Apotex en vue de faire radier la demande reconventionnelle des défenderesses (Abbott).
[2] Dans son action, Apotex conclut au prononcé d'un jugement déclaratoire portant que la fabrication et la vente de ses comprimés Divalproex Sodium ne contrefont pas le brevet no 1 136 151 d'Abbott (le brevet 151). Abbott conteste la demande et présente une demande reconventionnelle. Voici les éléments essentiels de la demande reconventionnelle :
1 -Abbott sollicite un jugement déclaratoire portant que le procédé et le produit d'Apotex contrefont le brevet 151, ainsi qu'une injonction interdisant à Apotex de contrefaire le brevet 151;
2 -Abbott sollicite un jugement déclaratoire portant que Bernard Sherman, président-directeur général d'Apotex et propriétaire du brevet no 2 172 603 (le brevet 603) relatif au procédé de fabrication du Divalproex Sodium, s'est rendu coupable de complicité de contrefaçon en ce qui concerne le brevet 151. Abbott sollicite également une injonction interdisant à Sherman de contrefaire le brevet 151;
3 -Abbott sollicite un jugement déclarant le brevet 603 nul et non avenu.
[3] Le protonotaire adjoint a rejeté la requête présentée par Apotex en vue de faire radier la demande reconventionnelle et a permis à Abbott de maintenir sa demande reconventionnelle à condition de la modifier pour y reprocher au docteur Sherman d'avoir incité Apotex à agir comme elle l'avait fait ou pour lui imputer la responsabilité des agissements d'Apotex. Je conclus que l'exercice que le protonotaire adjoint a fait de son pouvoir discrétionnaire reposait sur une interprétation erronée des faits (voir l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.)).
[4] Abbott n'a pas besoin de présenter une demande reconventionnelle pour obtenir un jugement déclarant que le procédé et le produit d'Apotex contrefont au brevet 151. C'est le résultat pratique qu'elle obtiendra si elle conteste avec succès l'action d'Apotex. La demande reconventionnelle n'y ajoute rien.
[5] Abbott fait valoir que, dans sa déclaration, Apotex déclare qu'elle a l'intention de commercialiser le Divalproex Sodium et qu'une injonction est, par conséquent, nécessaire. J'infère toutefois du fait qu'Apotex a intenté une action en déclaration de non-contrefaçon qu'Apotex n'a pas l'intention de commercialiser le produit en question à moins d'obtenir gain de cause dans son action ou dans l'instance en interdiction qu'elle a introduite contre Apotex relativement à l'avis d'allégation délivré par Apotex au sujet du Divalproex Sodium. De toute façon, elle ne peut pas commercialiser le produit tant que le ministre de la Santé ne lui aura pas délivré d'avis de conformité. L'avis de conformité ne sera délivré à Apotex que si elle obtient gain de cause dans l'instance en interdiction qu'elle a introduite contre Abbott. Si Apotex est déboutée de la présente action, que le brevet 151 n'est pas expiré et qu'Abbott dispose d'éléments de preuve tendant à démontrer qu'Apotex doit commercialiser le Divalproex, ou est sur le point de le faire, il sera alors temps pour Abbott d'intenter une action en contrefaçon et de solliciter une injonction (voir les décisions Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., (1997), 72 C.P.R. (3rd) 515et Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., (1997), 74 C.P.R. (3rd) 202).
[6] Comme la demande reconventionnelle qu'Abbott a présentée contre Apotex est inutile et prématurée, elle est nécessairement inutile et prématurée pour ce qui est de Sherman.
[7] Quant aux allégations formulées par Abbott au sujet du brevet 603, leur pertinence n'a pas été démontrée. Dans sa déclaration, Apotex déclare que son procédé de fabrication du Divalproex Sodium est décrit dans le brevet 603. Toutefois, cette mention n'a pas pour effet de faire de la validité du brevet 603 une question en litige dans la présente instance. Ou bien la commercialisation et la vente du Divalproex Sodium par Apotex contrefont le brevet 151 ou bien elles ne contrefont pas. L'avocat d'Apotex a informé la Cour qu'Apotex n'invoquera dans la présente action aucun moyen en vue d'obtenir une déclaration de non-contrefaçon sur le fondement du brevet 603. En particulier, Apotex ne prétendra pas que son procédé et son produit bénéficient d'une présomption de non-contrefaçon du fait de la délivrance du brevet 603. Par conséquent, cet aspect de la demande reconventionnelle portant sur la validité du brevet 603 n'est pas pertinent.
[8] Bien que je sois conscient du fait que la multiplicité d'actions n'est pas souhaitable, j'estime que les avantages que représente la suppression des considérations non pertinentes dans la présente instance l'emportent de toute évidence sur les inconvénients que comporte l'introduction d'éventuelles instances distinctes par Abbott. Abbott ne m'a pas convaincu qu'elle subirait un préjudice si sa demande reconventionnelle était radiée en entier.
[9] Je suis d'avis d'accueillir l'appel et de radier la demande reconventionnelle en entier aux conditions suivantes :
1 -Abbott n'est pas irrecevable à introduire une action distincte contre Apotex et/ou Sherman et elle peut présenter une demande en vue de produire et de signifier une nouvelle demande reconventionnelle, dans laquelle elle pourra notamment demander une injonction si de nouvelles circonstances le justifient;
2 -Apotex ne se fondera d'aucune façon sur le brevet 603 dans la présente action;
3 -Apotex s'engage à ne commercialiser le Divalproex Sodium que si elle obtient un avis de conformité après avoir obtenu gain de cause à l'issue de l'instance en interdiction introduite par Abbott en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).
[10] La Cour adjuge à Apotex la somme de 3 000 $ à titre de dépens. Cette somme comprend les débours afférents à la présente instance et à celle qui s'est déroulée devant le protonotaire, indépendamment de l'issue de la cause.
« Marshall Rothstein »
Juge
TORONTO (ONTARIO)
Le 28 octobre 1998
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-411-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : APOTEX INC.
et
ABBOTT LABORATORIES, LIMITED et
ABBOTT LABORATORIES, INC.
DATE DE L'AUDIENCE : LUNDI 26 OCTOBRE 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Rothstein le 28 octobre 1998
ONT COMPARU : Me David Scrimger
pour la demanderesse
Me Stéphane Létourneau
pour les défenderesses
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER : Goodman Phillips & Vineberg
Avocats et procureurs
C.P. 24, 250, rue Yonge, bureau 2400
Toronto (Ontario) M5B 2M6
pour la demanderesse
Martineau Walker
Avocats et procureurs
Tour de la Bourse
800, Place Victoria, bureau 3400
Montréal (Québec) H4Z 1E9
pour les défenderesses
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19981028
T-411-98
E n t r e :
APOTEX INC.,
demanderesse,
et
ABBOTT LABORATORIES, LIMITED et
ABBOTT LABORATORIES, INC.,
défenderesses.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE