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Date : 20020412

Dossier : IMM-6373-00

Référence neutre : 2002 CFPI 425

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                         ALIREZA MAHROOZADEH

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, à l'encontre de la décision de l'agent d'immigration (l'agent), datée du 27 novembre 2000, dans laquelle ce dernier a décidé que le demandeur n'était pas un demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC), ainsi que le définit le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (dans sa version modifiée).

[2]                 Le demandeur souhaite obtenir une ordonnance annulant la décision et renvoyant l'affaire devant un autre agent pour qu'il rende une nouvelle décision en conformité avec les directives que la Cour pourra juger appropriées.

Contexte

[3]                 Le demandeur est un citoyen de l'Iran. Il a une femme et un fils de cinq ans qui vivent à Téhéran, en Iran.

[4]                 Le demandeur est arrivé au Canada le 3 janvier 1998 et il a présenté une revendication du statut de réfugié ce jour-là. Le 17 septembre 1999, la Section du statut de réfugié (SSR) a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La Cour fédérale a rejeté la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision.

[5]                 Un examen de sa demande à titre de DNRSRC a été demandé par le demandeur, mais ce dernier n'a fourni aucune nouvelle observation. Dans la décision datée du 27 novembre 2000, l'agent a décidé que le demandeur n'était pas un DNRSRC. La présente constitue le contrôle judiciaire de la décision relative à la catégorie des DNRSRC.


Observations du demandeur

[6]                 Le demandeur soutient que la Cour suprême du Canada a décidé dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 que la norme de contrôle appropriée à l'égard des demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire du paragraphe 114(2) est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[7]                 Le demandeur soutient que la norme de contrôle est au moins équivalente à celle de la décision raisonnable simpliciter, sinon à celle de la décision correcte. Il fait valoir que le Règlement définit les critères juridiques et concerne une décision relative à la question de savoir si un demandeur était sujet à un risque extrême, à des sanctions ou à un traitement inhumains et, par conséquent, si la décision était soumise à la norme de contrôle de la décision correcte.

[8]                 Le demandeur prétend que l'agent a violé les principes de justice naturelle en utilisant les observations relatives à l'évaluation du risque du demandeur tirées d'une demande formulée en vertu du paragraphe 114(2) et en les appliquant à une décision relative à la catégorie des DNRSRC sans lui fournir un rapport d'un agent de révision des revendications refusées (ARRR). Le demandeur soutient que cela contourne la règle de l'arrêt Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 407 (C.A.).

[9]                 Le demandeur fait valoir que l'agent a violé les principes d'équité en s'appuyant sur des renseignements indépendants fournis dans la réponse aux renseignements demandés datée du 3 mars 2000, sans en fournir une copie au demandeur avant le dépôt des observations de ce dernier. Le demandeur prétend qu'en ce faisant, l'obligation d'équité décrite dans l'arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.) a été violée.

[10]            Le demandeur soutient que les motifs n'étaient pas adéquats. Il est d'avis que les motifs ne font pas la démonstration d'une analyse minutieuse. Il prétend que l'agent a l'obligation de commenter la preuve et, si les éléments de preuve sont acceptés ou rejetés, le demandeur devrait être avisé des motifs.

Observations du défendeur

[11]            Le défendeur soutient que l'agent a fourni des motifs de décision plus que suffisants. Il fait valoir que la décision de l'agent a fait suite à un très long résumé de la preuve documentaire et du témoignage du demandeur qui lui ont été présentés.


[12]            Le défendeur note que le demandeur n'a produit aucune observation relative à la catégorie des DNRSRC. L'agent s'est appuyé sur les observations relatives au risque du demandeur contenues dans sa demande fondée sur des raisons humanitaires. Lesdites observations sont datées du 20 mars 2000. Cette date est postérieure à celle de la réponse à la demande de renseignements du demandeur, qui est le 3 mars 2000. Le défendeur fait valoir qu'il s'ensuit que le document était accessible au demandeur avant que celui-ci ne formule ses observations relatives au risque pour sa demande fondée sur des raisons humanitaires. Le défendeur soutient qu'aucune preuve n'a été présentée selon laquelle le demandeur avait été traité de manière injuste.

[13]            Le défendeur prétend que la Cour d'appel fédérale a décidé dans l'arrêt Haghighi, précité, que le fait pour l'agent responsable des demandes fondées sur des raisons humanitaires de s'appuyer sur l'opinion relative au risque de l'agent responsable des DNRSRC sans d'abord communiquer ces renseignements à la personne concernée constituait une violation de l'équité. En l'espèce, l'agent responsable des DNRSRC, par souci d'équité envers le demandeur, qui n'a formulé aucune observation relative aux DNRSRC, a pris en considération les observations relatives au risque du demandeur formulées dans le cadre de sa demande fondée sur des raisons humanitaires. Le défendeur soutient que cela ne constitue aucunement une injustice envers le demandeur. Les seuls prétendus éléments de preuve ou renseignements « extrinsèques » sur lesquels s'est appuyé l'agent responsable des DNRSRC sont les observations du demandeur lui-même. Le défendeur fait valoir que l'arrêt Haghighi, précité, peut faire l'objet d'une distinction de cette façon et qu'il n'y a pas eu violation de l'équité à l'égard du demandeur.

[14]            Questions en litige

1.          Quelle est la norme de contrôle?

2.          Est-ce que l'agent a commis une erreur susceptible de révision en :

a)          prenant en considération les observations relatives au risque du demandeur déposées avec sa demande fondée sur des raisons humanitaires?

b)          prenant en considération des renseignements publics qui ont été publiés le 3 mars 2000 sans en donner une copie au demandeur?

c)          faisant défaut de formuler des motifs de décision suffisants?

Dispositions législatives pertinentes

[15]            On retrouve la définition suivante au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, précité :



2. (1) Dans le présent règlement,

. . .

« demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » Immigrant au Canada:

a) à l'égard duquel la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date, de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, à l'exclusion d'un immigrant, selon le cas:

(i) qui a retiré sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention,

(ii) à l'égard duquel la section du statut a, en vertu du paragraphe 69.1(6) de la Loi, conclu au désistement de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention,

(iii) à l'égard duquel la section du statut a déterminé, en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, que sa revendication n'a pas un minimum de fondement,

(iv) qui a quitté le Canada à tout moment après qu'il a été déterminé qu'il n'est pas un réfugié au sens de la Convention,

(v) qui est, par suite d'une décision de la section du statut, considéré comme une personne visée à la section F de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés figurant à l'annexe de la Loi,

   

(vi) qui est une personne visée à l'alinéa 19(1)c), au sous-alinéa 19(1)c.1)(i), à l'un des alinéas 19(1)e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) de la Loi,

2. (1) In these Regulations,

. . .

"member of the post-determination refugee claimants in Canada class" means an immigrant in Canada

(a) who the Refugee Division has determined on or after February 1, 1993 is not a Convention refugee, other than an immigrant

(i) who has withdrawn the immigrant's claim to be a Convention refugee,

(ii) whom the Refugee Division has declared to have abandoned a claim to be a Convention refugee, pursuant to subsection 69.1(6) of the Act,

(iii) whom the Refugee Division has determined does not have a credible basis for the claim, pursuant to subsection 69.1(9.1) of the Act,

(iv) who has left Canada at any time after it was determined that the immigrant is not a Convention refugee,

(v) who, as a result of a determination by the Refugee Division, is considered to be a person referred to in section F of Article 1 of the United Nations Convention Relating to the Status of Refugees, set out in the schedule to the Act,

(vi) who is a person described in paragraph 19(1)(c), subparagraph 19(1)(c.1)(i), paragraph 19(1)(e), (f), (g), (j), (k) or (l) or subparagraph 27(1)(a.1)(i) of the Act, or



(vii) qui a été l'objet d'une mesure de renvoi, a quitté le Canada et est demeuré depuis la date de l'exécution de la mesure de renvoi soit aux États-Unis, soit à Saint-Pierre-et-Miquelon, pendant une période maximale de six mois;

b) [Abrogé, DORS/97-182, art. 1]

c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l'expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l'un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d'autres individus provenant de ce pays ou s'y trouvant :

(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l'incapacité de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats,

(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées contre lui,

(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé.

(vii) who has been the subject of a removal order, has left Canada and has, since the date of execution of the removal order, stayed in the United States or St. Pierre and Miquelon for a period of not more than six months, and

(b) [Repealed, SOR/97-182, s. 1]

(c) who if removed to a country to which the immigrant could be removed would be subjected to an objectively identifiable risk, which risk would apply in every part of that country and would not be faced generally by other individuals in or from that country,

(i) to the immigrant's life, other than a risk to the immigrant's life that is caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care,

(ii) of extreme sanctions against the immigrant, or

(iii) of inhumane treatment of the immigrant;

Analyse et décision

[16]            Question 1

Quelle est la norme de contrôle?

La norme de contrôle à appliquer à la décision de l'ARRR est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[17]            Question 2a)

Est-ce que l'agent a commis une erreur susceptible de révision en :

a)          prenant en considération les observations relatives au risque du demandeur déposées avec sa demande fondée sur des raisons humanitaires?


Le demandeur n'a déposé aucune observation avec sa demande à titre de DNRSRC, mais il a formulé des observations relatives au risque dans sa demande fondée sur des raisons humanitaires déposée subséquemment. L'agent a examiné les documents déposés avec la demande fondée sur des raisons humanitaires lorsqu'il a rendu une décision concernant la demande à titre de DNRSRC. Le demandeur a soutenu que l'agent a manqué à son obligation d'équité à son égard ainsi qu'elle est énoncée dans l'arrêt Haghighi, précité. Dans cet arrêt, un agent d'immigration, alors qu'il traitait une demande fondée sur des raisons humanitaires, a demandé et reçu une évaluation du risque d'un ARRR. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Dans l'arrêt Haghighi, précité, l'ARRR n'a pas communiqué le rapport au demandeur avant de rendre une décision. La Cour a décidé que l'obligation d'équité exigeait que le demandeur reçoive une copie du rapport d'évaluation du risque et qu'il lui soit permis d'y répondre. L'ARRR, dans le cadre de la présente demande, a examiné les renseignements relatifs au risque qui ont été fournis par le demandeur et son avocat pour les fins de la demande fondée sur des raisons humanitaires. Je ne vois pas comment cela peut être injuste pour le demandeur, puisqu'il a déjà présenté ces renseignements avec sa demande fondée sur des raisons humanitaires. Il s'agit de son propre dossier de renseignements. Il ne s'agit pas d'un cas où l'arrêt Haghighi, précité, s'applique. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a eu une violation de l'obligation d'équité procédurale.

[18]            Question 2b)

2.          Est-ce que l'agent a commis une erreur susceptible de révision en :

b)          prenant en considération des renseignements publics qui ont été publiés le 3 mars 2000 sans en donner une copie au demandeur?


L'ARRR a renvoyé au document no IRN33937.FE traitant de l'Iran et daté du 3 mars 2000. Le demandeur soutient que ce rapport n'était pas disponible lorsqu'il a formulé ses observations relatives au risque pour sa demande fondée sur des raisons humanitaires le 20 mars 2000. J'ai examiné les remarques de l'ARRR portant sur ce rapport et je ne peux voir à quel endroit les remarques contiennent des renseignements qui ne figuraient pas déjà dans les rapports précédents présentés à l'ARRR. La Cour d'appel, dans l'arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.F.) a énoncé ce qui suit à la page 473 :

Ces décisions me semblent fondées sur les deux propositions suivantes. Premièrement, un demandeur est réputé savoir, grâce à son expérience du processus applicable aux réfugiés, sur quel type de preuve concernant la situation générale dans un pays l'agent d'immigration s'appuiera et où trouver cette preuve; en conséquence, l'équité n'exige pas qu'il soit informé des documents auxquels il peut avoir accès dans les centres de documentation. Deuxièmement, lorsque l'agent d'immigration entend se fonder sur une preuve qui ne se trouve normalement pas dans les centres de documentation, ou qui ne pouvait pas y être consultée au moment du dépôt des observations du demandeur, l'équité exige que le demandeur soit informé de toute information inédite et importante faisant état d'un changement survenu dans la situation générale d'un pays si ce changement risque d'avoir une incidence sur l'issue du dossier.

Et à la page 475 :

[...] généralement préparés par des sources dignes de confiance. Ils peuvent être répétitifs, en ce sens que, souvent, ils se limitent à répéter, confirmer ou exposer en d'autres termes la situation générale dans un pays décrite dans des documents déjà accessibles. Le fait qu'un document ne devienne accessible qu'après le dépôt des observations d'un demandeur ne signifie absolument pas qu'il contient des renseignements nouveaux ni que ces renseignements sont pertinents et qu'ils auront une incidence sur la décision. À mon avis, l'obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent d'immigration s'appuie sur un document important postérieur aux observations et où ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays qui risquent d'avoir une incidence sur sa décision.


[19]            Le document daté du 3 mars 2000 ne contient aucun renseignement nouveau et ne donne aucun renseignement indiquant un changement dans la situation générale du pays en Iran qui risque d'avoir eu une incidence sur la décision de l'agent. Il répétait des renseignements antérieurs qui, en vertu du critère de l'arrêt Mancia, précité, peuvent être utilisés par l'ARRR sans communication antérieure au demandeur.

[20]            Par conséquent, en me fondant sur mes conclusions, je conclus que l'ARRR n'a pas commis d'erreur susceptible de révision à l'égard de ces questions.

[21]            Question 2c)

2.          Est-ce que l'agent a commis une erreur susceptible de révision en :

c)          faisant défaut de donner des motifs de décision suffisants?

Je suis également d'avis que l'ARRR a donné des motifs de décision suffisants. Les renseignements disponibles ont été résumés, et une conclusion a été formulée. Une lecture du rapport d'évaluation du risque indique pourquoi l'ARRR en est arrivé à la décision en cause.

[22]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23]            J'ai examiné les questions graves de portée générale proposées par le demandeur et je ne suis pas prêt à les certifier, puisque je ne suis pas convaincu qu'il s'agit de questions visant [traduction] « les questions d'intérêt général ou d'application générale dont la juridiction saisie estime qu'elles doivent être tranchées par l'instance supérieure » (voir Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 116 F.T.R. 68).


ORDONNANCE

[24]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

  

                                                                                 « John A. O'Keefe »      

                                                                                                             Juge                    

Ottawa (Ontario)

Le 12 avril 2002

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                             COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-6373-00

INTITULÉ :              ALIREZA MAHROOZADEH c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 21 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :       Le 12 avril 2002

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                      POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah A. Eastman                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

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