Date : 20021209
Dossier : IMM-4771-01
Référence neutre : 2002 CFPI 1279
Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2002
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
ENTRE :
CHEN, XUEMING
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 19 septembre 2001 dans laquelle Eliane Wassler, agente d'immigration à l'Ambassade du Canada à Berlin, a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.
[2] Le demandeur, M. Xueming Chen, est un citoyen de la République populaire de Chine âgé de 42 ans.
[3] Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada. La section de l'immigration de l'Ambassade du Canada à Berlin a reçu cette demande le 17 mai 1999.
[4] Dans sa demande, il a dit qu'il envisageait d'exercer la profession d'ingénieur mécanicien au Canada (rubrique 2132 de la Classification nationale des professions (la CNP)).
[5] Le 11 septembre 2001, l'agente des visas Eliane Wassler a fait passer une entrevue au demandeur et à son épouse.
[6] L'agente des visas a accordé au demandeur les points d'appréciation suivants pour la profession d'ingénieur mécanicien (2132 CNP) :
Âge 10
Facteur professionnel 05
Études et formation 17
Expérience 02
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 16
Anglais 06
Français 00
Points supplémentaires 00
Personnalité 04
TOTAL (minimum requis : 70) 68
[7] L'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur parce que celui-ci n'avait pas obtenu suffisamment de points d'appréciation.
[8] Le demandeur soutient dans un premier temps que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui accordant que 2 points pour le facteur de l'expérience. Il fait remarquer qu'il a travaillé comme ingénieur de juin 1988 à novembre 1990, soit pendant 2 ½ ans. Ainsi, conformément à l'alinéa 3d) de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS/78-172) (le Règlement), il aurait dû obtenir 4 points pour le facteur de l'expérience (2 points pour chaque année d'expérience). N'eût été cette erreur, il aurait obtenu 70 points, ce qui lui aurait donné droit à un visa. Le demandeur prétend que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui accordant que 2 points pour le facteur de l'expérience et que sa décision était abusive. Je ne suis pas d'accord.
[9] L'agente des visas a examiné toute l'expérience de travail du demandeur au cours de l'entrevue, mais elle n'était pas convaincue qu'il avait exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la CNP pour la profession d'ingénieur mécanicien. Elle a conclu que l'expérience de travail du demandeur avait trait à la recherche, à la conception et au développement, et que cette expérience était celle d'un chargé cours, et non d'un ingénieur mécanicien.
[10] Quoi qu'il en soit, le demandeur a essayé de convaincre l'agente des visas que pendant ses 2 ½ ans d'expérience de travail, il avait fait de la recherche à temps partiel pour le secteur privé. Elle lui a donné le bénéfice du doute et lui a accordé 2 points pour un an d'expérience de travail.
[11] Je ne trouve aucune erreur dans la décision de l'agente des visas d'accorder au demandeur 2 points pour le facteur de l'expérience.
[12] Le demandeur conteste également l'appréciation qu'a faite l'agente des visas de sa personnalité en invoquant trois moyens : l'agente des visas a mal exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a conclu que son omission de chercher du travail témoignait d'un manque de motivation; elle a compté en double le facteur de l'âge et celui de l'expérience; et elle n'a pas tenu compte des qualités de l'épouse du demandeur. Je vais maintenant examiner chacun de ces moyens.
[13] Le demandeur soutient dans un premier temps que, compte tenu de ses titres de compétence particuliers, de sa réussite professionnelle et de la forte demande dans la profession d'ingénieur mécanicien, l'agente des visas aurait dû envisager la possibilité qu'il n'ait pas fait de recherches dans le marché canadien de l'emploi parce que la demande était telle qu'il aurait pu trouver un emploi à ses propres conditions. Ainsi, l'agente des visas aurait mal exercé son pouvoir discrétionnaire. Je ne suis pas d'accord.
[14] La Cour a jugé que l'omission par le demandeur de faire des recherches sur les possibilités d'emploi peut établir un manque de motivation et d'esprit d'initiative, et faire en sorte que moins de points soient accordés pour le facteur de la personnalité. Dans Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1078, le juge Rouleau a déclaré au paragraphe 12 :
[...] La personnalité est un facteur qui permet à l'agent des visas de se former une opinion sur la question de savoir si le demandeur possède les qualités requises pour s'établir au Canada d'une manière indépendante économiquement parlant [...]. Il est évident que la mesure dans laquelle le demandeur a fait des recherches sur les possibilités d'emploi et sur le marché du travail canadien est un indice de sa motivation et de son esprit d'initiative, et constitue un élément parfaitement pertinent au facteur personnalité.
[15] En conséquence, je ne trouve aucune erreur dans la décision de l'agente des visas d'accorder 4 points pour le facteur de la personnalité à la lumière de l'omission du demandeur de faire des recherches sur les possibilités d'emploi au Canada.
[16] En ce qui a trait à l'allégation selon laquelle l'agente des visas a commis une erreur en comptant en double le facteur de l'âge et celui de l'expérience, elle est également mal fondée.
[17] Le juge Pinard dans Ajmal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 484, au paragraphe 10, a résumé comme suit la jurisprudence sur le double comptage :
J'aborde maintenant la question du double calcul du niveau de scolarité et de l'absence de parents au Canada du requérant. Malgré le principe général selon lequel un agent des visas ne peut faire du double calcul lorsqu'il évalue un requérant sur la base des critères énoncés au paragraphe 8(1) du Règlement, il a été établi par la jurisprudence qu'il était acceptable de prendre en considération, dans l'évaluation des aptitudes personnelles, l'un des autres facteurs énumérés, dans la mesure où il est évalué sous un angle différent. [...]
[18] En l'espèce, le demandeur a reçu les 10 points maximum pour le facteur de l'âge. En conséquence, il ne peut prétendre qu'il a été pénalisé deux fois pour les mêmes critères parce qu'il n'a pas été pénalisé en ce qui a trait au facteur de l'âge.
[19] Pour ce qui est du commentaire de l'agente des visas selon lequel le demandeur [TRADUCTION] « n'avait jamais travaillé hors du domaine universitaire » , je crois également qu'il ne s'agit pas là de double comptage. Le fait que le demandeur n'avait jamais travaillé hors du domaine universitaire était une considération importante dans l'appréciation de sa motivation et de son esprit d'initiative, parce qu'il établissait qu'il n'avait jamais travaillé et qu'il n'avait jamais cherché d'emploi dans le secteur privé.
[20] Le demandeur prétend enfin que les qualités de son épouse auraient dû contribuer à l'obtention de plus de points pour le facteur de la personnalité. Il fait remarquer qu'elle possède un diplôme universitaire en anglais et qu'elle a travaillé dans quatre domaines d'activité différents.
[21] Le demandeur cite l'une de mes décisions, Wen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 633 (la décision Wen), où j'ai conclu que l'agente des visas avait commis une erreur en ne tenant pas compte des qualités de l'épouse du demandeur.
[22] Cependant, la décision Wen, précitée, peut être distinguée d'avec la présente affaire. Dans Wen, l'agente des visas avait admis qu'elle avait commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que la profession de l'épouse du demandeur figurait sur la liste de la demande dans la profession. J'ai reproduit ci-dessous l'extrait pertinent de cette décision :
[...] L'agente des visas n'a tenu aucun compte du fait que la femme du demandeur travaillait comme aide-comptable, emploi qui figure sur la liste de la demande dans la profession. L'employabilité de la femme du demandeur était un facteur pertinent pour apprécier la personnalité de ce dernier. Aucun point n'a été attribué pour ce facteur. Dans son affidavit, l'agente des visas admet cet oubli et, dans son contre-interrogatoire, elle a reconnu que si elle avait tenu compte de ce facteur, elle aurait attribué un point pour la demande dans la profession de l'épouse. [Non souligné dans l'original.]
Wen, précitée, au paragraphe 8.
[23] En l'espèce, l'agente des visas n'a pas omis de tenir compte de qualités pertinentes de l'épouse du demandeur. Elle a noté dans ses notes au STIDI qu'elle lui avait fait passer une entrevue. Malgré les qualités de l'épouse du demandeur, l'agente des visas n'était pas convaincue que le demandeur avait la faculté d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative ou l'ingéniosité nécessaires pour réussir son installation au Canada.
[24] Dans l'ensemble, je suis convaincue de la pertinence des facteurs que l'agente des visas a pris en considération dans son appréciation du facteur de la personnalité parce qu'ils se rapportent à la capacité du demandeur de s'établir au Canada d'un point de vue économique, et je suis convaincue que la conclusion de l'agente des visas est raisonnable.
[25] Le demandeur soutient finalement que l'agente des visas aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire de façon favorable conformément au paragraphe 11(3) du Règlement. Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Le paragraphe 11(3) confère à l'agent des visas un vaste pouvoir discrétionnaire. C'est seulement si l'agent des visas a exercé ce pouvoir de façon arbitraire ou en se fondant sur des considérations non pertinentes que la Cour intervient. Dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 528, le juge Evans a déclaré au paragraphe 21 :
[...] C'est seulement si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable que la Cour doit intervenir.
[26] En l'espèce, l'agente des visas, après avoir apprécié le demandeur, n'était pas convaincue qu'elle devait exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire et lui accorder un visa même s'il n'avait pas obtenu le nombre de points d'appréciation requis. Je ne puis conclure que la décision de l'agente des visas était arbitraire.
[27] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
« Danièle Tremblay-Lamer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4771-01
INTITULÉ : CHEN, XUEMING
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 4 décembre 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 9 décembre 2002
COMPARUTIONS :
Jean-François Bertrand POUR LE DEMANDEUR
Guy Lamb POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bertrand Deslauriers
Montréal (Québec) POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR