Date : 20030206
Dossier : IMM-1861-01
Référence neutre : 2003 CFPI 131
Toronto (Ontario), le jeudi 6 février 2003
EN PRESENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
MOHAMMAD YAQUB
demandeur
- et -
LE MINISTRE
DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rendue le 1er mars 2001, qui a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur en tant que demandeur indépendant fondée sur sa profession de technicien en génie civil (CNP 2231.2).).
[2] La seule question à trancher est de savoir si la décision de l'agent des visas d'accorder trois points d'appréciation pour les qualités personnelles était manifestement déraisonnable.
[3] Le demandeur allègue trois erreurs :
1.) L'agent des visas a violé les principes d'équité en obtenant une preuve extrinsèque et en se fondant sur elle sans en informer le demandeur et sans donner à ce dernier l'occasion de la réfuter ;
2.) L'agent des visas a violé les principes d'équité en faisant défaut d'aviser le demandeur de toute préoccupation qu'il aurait pu avoir concernant les qualités personnelles du demandeur, sans donner à ce dernier l'occasion de se défendre ou de dissiper ;
3.) L'agent des visas a commis une erreur de droit en tirant des conclusions négatives qui étaient manifestement déraisonnables.
[4] La première allégation d'erreur se rapporte à un appel téléphonique placé par un employé du Haut-commissariat du Canada en vue de vérifier une lettre de recommandation soumise par le demandeur. L'employé a été informé par la société en question que le demandeur n'avait jamais travaillé pour elle. L'agent des visas témoigne que la vérification visait à apprécier l'expérience du demandeur et n'a pas été prise en compte par rapport au facteur personnalité. Le demandeur a obtenu le nombre maximum de points d'appréciation pour l'expérience, sur la foi d'autres emplois. Il n'est pas question dans l'affidavit de l'agent des visas ni dans le STIDI (système de traitement informatisé des dossiers d'immigration) de cette preuve par rapport au facteur personnalité. Les déclarations de l'agent des visas n'ont pas été remises en cause en contre-interrogatoire. Aucune violation de l'équité procédurale n'a été démontrée.
[5] En ce qui concerne la seconde allégation d'erreur, le juge Gibson a récemment passé en revue et résumé, dans la décision Javed c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) 2003 F.C.T. 96, [2003] A.C.F. no 95, le droit applicable en cette matière. Je fais mien le raisonnement de mon collègue concernant l'obligation d'un agent des visas d'agir équitablement. Par conséquent, le demandeur ne peut obtenir gain de cause sur ce point.
[6] La troisième allégation porte que l'agent des visas a commis une erreur en tirant des conclusions négatives manifestement déraisonnables. L'agent des visas témoigne que son évaluation des qualités personnelles est fondée sur trois facteurs. Il déclare :
[TRADUCTION] Après l'entrevue, j'ai procédé à un dernier examen de la demande. J'ai dû conclure que le demandeur ne semblait pas avoir fait l'effort de se renseigner sur le Canada, qu'il avait fait une recherche d'emploi précipitée à la dernière minute et qu'il semblait s'en remettre beaucoup à son cousin, lequel résidait au Canada, plutôt que de faire preuve d'esprit d'initiative, de motivation, d'ingéniosité ou de faculté d'adaptation par lui-même, pour se préparer à une nouvelle vie au Canada. Monsieur Yaqub a obtenu trois points pour la personnalité.
[7] Le demandeur conteste la position de l'agent des visas selon laquelle la lenteur du demandeur à chercher un emploi influe négativement sur l'évaluation du facteur personnalité. À mon avis, il n'était pas déraisonnable pour l'agent des visas de considérer que ce facteur était pertinent quant à la motivation et à l'esprit d'initiative du demandeur.
[8] Selon un principe juridique établi, l'évaluation des qualités personnelles du demandeur relève du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas et ne donnera pas lieu à une intervention judiciaire pourvu qu'elle soit raisonnable et qu'elle ne soit ni arbitraire ni abusive. En l'occurrence, l'agent des visas a conclu que le demandeur [TRADUCTION] « s'en remettait beaucoup à son cousin. » Il n'y a pas de preuve à l'appui de cette conclusion. La seule déclaration du demandeur concernant son cousin a été faite en réponse à une question de l'agent, qui voulait savoir pourquoi le demandeur souhaitait vivre à Toronto. Le demandeur a répondu que son cousin vit là -bas, qu'il l'aidera, qu'il est citoyen canadien et qu'il connaît le Canada. Il s'agit de la seule mention du cousin du demandeur au dossier. Je ne trouve rien dans le dossier qui puisse appuyer la conclusion de l'agent selon laquelle le demandeur ne semblait pas avoir fait l'effort de se renseigner sur le Canada. Ni le STIDI ni l'affidavit de l'agent des visas n'indiquent que la connaissance du Canada du demandeur, ou l'absence d'une telle connaissance, a fait l'objet de quelconques discussions. Les réponses en contre-interrogatoire de l'agent des visas n'éclaircissent aucunement ce point. En résumé, la preuve ne démontre pas que le demandeur ne s'était pas renseigné sur le Canada.
[9] Il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas qu'il a droit à un visa. L'agent des visas ne viole pas son obligation d'agir équitablement en omettant d'aviser le demandeur de toutes les préoccupations que l'agent peut avoir. Il n'en découle pas pour autant que l'agent des visas est un observateur passif. La procédure d'entrevue requiert nécessairement un certain degré de communication.
[10] L'agent des visas doit interroger activement un demandeur afin de recueillir les renseignements dont l'agent a besoin pour parvenir à une conclusion équitable et réfléchie... La procédure prévoit une entrevue, et non une inquisition : Bhatia c. Canada (Ministre de la citoyennetéet de l'immigration) (2000), 181 F.T.R. 119.
[11] L'agent des visas ne peut omettre de poser des questions d'une nature générale ou parvenir à une conclusion non étayée par la preuve ou fondée sur une preuve sans rapport avec elle, et ensuite rejeter la faute sur le demandeur parce que le fardeau de la preuve lui incombe.
[12] En l'occurrence, l'agent des visas est parvenu à une conclusion en l'absence de preuve à son appui. La conclusion est par conséquent manifestement déraisonnable. Vu la pauvreté des motifs fournis dans l'affidavit concernant les qualités personnelles, je ne ferais qu'émettre des suppositions en tentant de déterminer les conséquences de l'erreur.
[13] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent des visas est infirmée et la demande de résidence permanente du demandeur est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen. Les avocats n'ont pas soumis de question à certifier. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
Aucune question n'est certifiée.
« Carolyn Layden-Stevenson »
J.F.C.C.
Traduction certifiée conforme
Ghislaine Poitras, LL.L.
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1861-01
INTITULÉ : MOHAMMAD YAQUB
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO, ONTARIO
DATE DE L'AUDIENCE : LE MERCREDI 5 FÉVRIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE JEUDI 6 FÉVRIER 2003
COMPARUTIONS : M. Paul Vandervennen
POUR LE DEMANDEUR
Mme Mary Matthews
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : M. Paul Vandervennen
Vandervennen Lehrer
Avocats
45, rue St-Nicholas
Toronto (Ontario) M4Y 1W6
POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DEMANDEUR
COUR FÉDÉ RALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20030206
Dossier : IMM-1861-01
ENTRE :
MOHAMMAD YAQUB
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE