Date : 20020614
Dossier : IMM-5221-00
Référence neutre : 2002 CFPI 680
Ottawa (Ontario), le 14 juin 2002
En présence de Monsieur le juge John A. O'Keefe
ENTRE :
MUZZAFFAR UL HASSAN ZAFFAR
PARVEEN AKHTAR ZAFFAR
AFZAL NAVEED RANA
IMTISAL AHMAD RANA
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE O'KEEFE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas, au haut-commissariat du Canada, à Colombo, Sri Lanka, a rejeté, le 19 mai 2000, la demande de résidence permanente de Muzzaffar Ul Hassan Zaffar (le demandeur).
[2] Le demandeur est citoyen pakistanais. Il a demandé à résider en permanence au Canada dans une demande en date du 24 avril 1997.
[3] Le demandeur s'est présenté à une entrevue devant l'agente des visas le 16 mai 2000.
[4] Dans sa demande, le demandeur a indiqué la profession envisagée comme étant celle de « comptable, no 1171-114 de la CCDP » . Dans son affidavit, le demandeur a déclaré qu'à l'entrevue, il avait demandé à être apprécié comme comptable et comme gestionnaire financier. L'agente des visas n'a pas dit que le demandeur voulait être apprécié à titre de gestionnaire financier.
[5] Dans sa demande, le demandeur a inclus une lettre de son employeur en date du 18 février 2000; cette lettre, si elle est authentique, aurait entraîné l'acceptation du demandeur en tant que gestionnaire financier. L'agente des visas a confirmé la chose lors du contre-interrogatoire.
[6] Le jour de l'entrevue, l'agente des visas a fait savoir au demandeur qu'elle voulait vérifier son emploi. Elle n'a pas pu communiquer avec l'employeur en présence du demandeur.
[7] Au cours de l'après-midi du 16 mai 2000, après le départ du demandeur, l'agente des visas a communiqué avec une personne, au lieu de travail du demandeur; cette personne l'a informée que le demandeur travaillait pour la société comme gestionnaire financier et directeur du personnel. L'agente des visas ne connaît pas le nom de la personne à qui elle a parlé et elle ne sait pas quel poste cette dernière occupe.
[8] L'agente des visas n'a pas communiqué avec le demandeur pour l'informer des nouveaux renseignements qu'elle avait obtenus, lesquels donnaient à entendre que le demandeur n'effectuait pas le travail mentionné dans la lettre de l'employeur en date du 18 février 2000.
[9] Dans son affidavit, le demandeur a déclaré qu'à la date de sa demande, il travaillait dans le domaine de la comptabilité et de la gestion financière comme le disait la lettre. Or, étant donné qu'il avait fallu trois ans pour traiter la demande, le demandeur occupait, au moment de l'entrevue, un autre poste auprès du même employeur.
[10] Le demandeur travaillait pour l'employeur depuis le mois de novembre 1983.
[11] La lettre de refus faisant état de la décision de l'agente des visas était datée du 19 mai 2000. Les notes consignées dans le STIDI indiquent que la lettre de refus a été préparée le 18 mai 2000. La décision est en partie ainsi libellée :
[TRADUCTION] Compte tenu de la profession envisagée mentionnée dan le formulaire de demande d'immigration, j'ai apprécié la demande à l'égard de la profession de « comptable » (no 1171-114 de la CCDP); vous avez obtenu les points d'appréciation ci-après indiqués :
Âge 04
Demande dans la profession 03
Préparation professionnelle spécifique 18
Expérience 00
Emploi réservé 00
Facteur démographique 08
Études 13
Anglais 09
Français 00
Points supplémentaires 05
Personnalité 01
Total 61
L'agente des visas a refusé la demande parce que le demandeur n'avait pas obtenu le minimum de 70 points d'appréciation nécessaire aux fins de l'immigration au Canada. La demande dont je suis ici saisi vise le contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas.
[12] Points litigieux
1. L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en n'avisant pas le demandeur qu'elle avait appris qu'il travaillait pour la société à titre de gestionnaire financier et de directeur du personnel?
2. L'agente des visas a-t-elle commis des erreurs susceptibles de révision dans son appréciation du demandeur?
Analyse et décision
[13] Première question
L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en n'avisant pas le demandeur qu'elle avait appris qu'il travaillait pour la société à titre de gestionnaire financier et de directeur du personnel?
Dans l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit, page 215 :
Pour en revenir à la question de l'appréciation faite par la province de l'Ontario, je ne considère pas que sa transmission à l'agent des visas constitue en soi une erreur. En fait, l'appelant l'avait envisagée et même autorisée au moment où il a présenté sa demande et par la suite. Toutefois, j'estime qu'avant de statuer sur la demande et de prendre la décision à laquelle il était légalement tenu, l'agent aurait dû informer l'appelant de l'appréciation négative et lui donner la possibilité de la corriger ou de la réfuter. Je pense que c'est du même type de possibilité dont parlait la Chambre des lords dans Board of Education v. Rice, [1911] A.C. 179, dans cet extrait souvent cité des motifs du lord chancelier Loreburn, à la page 182 :
[TRADUCTION] Il peut obtenir des renseignements de la manière qu'il juge la meilleure, en donnant toujours aux parties engagées dans la controverse une possibilité suffisante de corriger ou de contredire toute déclaration pertinente portant préjudice à leur cause.
Ces propos s'appliquent en l'espèce même si la tenue d'une audience pleine et entière n'était pas envisagée. (Kane c. Conseil d'administration (Université de la Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105, à la page 1113; voir également Randolph, Bernard et al. v. The Queen, [1966] R.C.É. 157, à la page 164).
[14] En l'espèce, voici ce que l'agente des visas a déclaré pendant le contre-interrogatoire :
[TRADUCTION]
Q. D'accord. Je crois comprendre que vous aviez certaines préoccupations -- il planifie et organise les activités, il supervise la préparation des budgets financiers, les projections, les rapports de gestion, il s'occupe du maintien des actifs, il assure le suivi des lettres de crédit. Toute une série de tâches qui comportent -- êtes-vous d'accord pour dire que s'il avait accompli ces tâches, il aurait exécuté les tâches d'un comptable et d'un gestionnaire financier?
R. S'il avait accompli ces tâches, il se serait agi des tâches d'un gestionnaire financier.
Q. D'accord. Par conséquent, si c'était -- si cette lettre était authentique, il aurait eu les qualités requises, n'est-ce pas?
R. Si cette lettre était authentique, je l'aurais accepté à titre de gestionnaire financier.
[15] Si l'agente des visas avait communiqué avec le demandeur, les renseignements fournis par celui-ci auraient bien pu réussir à la convaincre de l'authenticité de la lettre et du fait que ces renseignements étaient valables jusqu'à ce qu'il commence à occuper son nouveau poste. Le témoignage de l'agente des visas, lors du contre-interrogatoire, m'amène à croire que le demandeur aurait été accepté à titre de gestionnaire financier. Eu égard aux faits de l'affaire, l'équité exigeait que l'agente des visas donne au demandeur la possibilité d'expliquer les incohérences qu'elle avait constatées dans la réponse de l'employeur, et ce, d'autant plus que les nouveaux éléments de preuve avaient pour effet d'annuler presque toute l'expérience initialement mentionnée par l'employeur dans la lettre du 18 février 2000. Il y a eu manquement à l'obligation d'agir équitablement envers le demandeur.
[16] Le défendeur a soutenu que même si une erreur avait été commise, il ne s'agissait pas d'une erreur importante. Je ne suis pas d'accord. L'agente des visas a déclaré que si la lettre du 18 février 2000 était exacte, elle aurait accepté le demandeur à titre de gestionnaire financier.
[17] Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée au sujet de la première question, je n'ai pas à examiner l'autre question.
[18] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour être réexaminée.
[19] Ni l'une ni l'autre partie ne voulait soumettre une question grave de portée générale aux fins de la certification.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour être réexaminée.
« John A. O'Keefe »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 14 juin 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5221-00
INTITULÉ : MUZZAFFAR UL HASSAN ZAFFAR
PARVEEN AKHTAR ZAFFAR
AFZAL NAVEED RANA
IMTISAL AHMAD RANA
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : le mardi 4 juin 2002
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Monsieur le juge O'Keefe
DATE DES MOTIFS : le vendredi 14 juin 2002
COMPARUTIONS :
M. Lorne Waldman POUR LES DEMANDEURS
M. Alexis Singer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman, Waldman et associés POUR LES DEMANDEURS
281, avenue Eglinton est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
Ministère de la Justice POUR LE DÉFENDEUR
Bureau 3400, C.P. 36
130, rue King ouest
Toronto (Ontario)
M5Z 1K6
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20020614
Dossier : IMM-5221-00
ENTRE :
MUZZAFFAR UL HASSAN ZAFFAR
PARVEEN AKHTAR ZAFFAR
AFZAL NAVEED RANA
IMTISAL AHMAD RANA
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE |