[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 26 mars 2020
En présence de madame la juge Elliott
demanderesse
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et
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défendeur
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I.
Aperçu
[2]
La demanderesse fait partie de la minorité ethnique burgher. Elle a demandé l’asile au motif qu’elle risquait d’être persécutée à titre de femme chrétienne d’origine burgher vivant dans un quartier cingalais à majorité musulmane.
[3]
Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.
II.
Contexte factuel
[4]
En novembre 2013, la voisine de la demanderesse, Mme Swarah, a commencé à humilier sa famille et à la menacer. La demanderesse a porté plainte à la police, qui est venue dans le quartier, a donné un avertissement à Mme Swarah et a demandé à cette dernière de se rendre au poste de police. Malgré l’avertissement, Mme Swarah a répandu des rumeurs à propos de la demanderesse et a eu des conversations à voix haute à son sujet, la qualifiant de [traduction] « mauvaise personne »
. En 2014, la demanderesse a commencé à entendre son nom à la radio locale, et les résidents du quartier ont commencé à la reconnaître. Elle croyait que Mme Swarah était responsable.
[5]
En 2015, la demanderesse a déménagé dans une nouvelle maison pour ne pas attirer l’attention. Elle n’a plus eu aucune nouvelle de Mme Swarah ni de sa famille après son déménagement.
[6]
En 2016, les résidents du nouveau quartier de la demanderesse ont commencé à la dévisager. La demanderesse a déménagé d’un endroit à l’autre, habitant avec des amis, parce qu’elle croyait qu’il était trop dangereux de rester chez elle.
[7]
Le 16 janvier 2017, la demanderesse est entrée au Canada munie d’un visa de résident temporaire. Elle a présenté une demande d’asile le 20 juillet 2017. La demanderesse a déclaré qu’elle avait tardé à présenter sa demande d’asile parce qu’elle se remettait du stress causé par ce qui lui était arrivé et parce que le premier avocat qu’elle avait rencontré lui avait dit qu’elle ne pouvait pas présenter une demande d’asile.
A.
Décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]
[8]
La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Le préjudice qu’elle a subi, comme le fait d’être dévisagée, n’équivalait pas à de la persécution. La SPR a également conclu que les documents présentés par la demanderesse, dont un rapport de police et des lettres d’appui de sa famille et de ses amis, ne fournissaient [traduction] « aucune preuve d’importance quant au niveau de préjudice [qu’elle a] subi »
.
B.
Décision faisant l’objet du contrôle – la SAR
[11]
La SAR a conclu que les actes de discrimination allégués par la demanderesse n’équivalaient pas à de la persécution, puisqu’ils ne portaient pas atteinte à un droit fondamental de la personne et n’ont pas été perpétrés de façon répétée et constante. Le comportement de Mme Swarah était grossier et cette dernière a peut‑être commis un acte criminel mineur lorsqu’elle a proféré des menaces, mais cette menace a été gérée adéquatement par la police. Lorsque la demanderesse a déménagé dans un autre quartier, elle a déclaré qu’elle n’avait plus jamais entendu parler de Mme Swarah ni de sa famille. Même si les résidents de son nouveau quartier la dévisageaient, être dévisagé ne constitue pas une atteinte à un droit fondamental de la personne. La SAR a conclu que la demanderesse n’avait subi aucune persécution.
[12]
La SAR a examiné le profil résiduel de la demanderesse en tant que femme chrétienne d’origine burgher. Elle a examiné les documents sur le pays fournis par le conseil, qui indiquaient que les chrétiens étaient victimes de discrimination au Sri Lanka. Cependant, la SAR a conclu que le nombre d’incidents était faible : 47 incidents de discrimination ont été signalés de 2015 à 2016 dans une population chrétienne qui s’élève à plus d’un million et demi de personnes, et 87 attaques ont été signalées contre des églises, des pasteurs et des congrégations dans une population de 1 655 000 personnes. La SAR a conclu qu’il n’existait pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée à un risque à son retour au Sri Lanka.
[14]
La SAR a affirmé que la demanderesse disait craindre d’être prise pour cible du fait qu’elle est une « femme célibataire tamoule »
, malgré qu’elle l’ait identifié comme étant d’origine burgher plus tôt dans sa décision. La SAR a ensuite établi une distinction entre la situation de la demanderesse et le risque que représente le renvoi de femmes tamoules soupçonnées d’avoir des liens avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET).
III.
Question en litige et norme de contrôle
[20]
Récemment, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a examiné de façon approfondie le droit régissant le contrôle judiciaire de décisions administratives. La Cour suprême a confirmé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas au vu des faits en l’espèce : Vavilov, au par. 23.
IV.
Analyse
[24]
Le défendeur a qualifié cette affirmation de simple [traduction] « coquille »
.
A.
La SAR a dûment tenu compte du profil résiduel de la demanderesse
[25]
À la lecture de la décision dans son ensemble, il ne fait aucun doute que la SAR a compris que la demanderesse était d’origine burgher, et non tamoule. Au paragraphe 2 de la décision, la SAR affirme que la demanderesse « dit [...] craindre d’être prise pour cible du fait de son origine burgher; il s’agit d’un groupe constituant une très petite minorité au Sri Lanka »
.
[26]
Plus loin dans la décision, la SAR aborde expressément le profil résiduel complet de la demanderesse dans la section intitulée « Profil résiduel ». La SAR a examiné si des éléments de preuve démontraient que la demanderesse serait persécutée en tant que « femme chrétienne d’origine burgher »
dans huit paragraphes.
[27]
Comme je l’ai déjà dit, lorsqu’elle a examiné le profil résiduel de la demanderesse, la SAR a tenu compte du fait que les Directives numéro 4 du président traitaient des demandes d’asile fondées sur le sexe. La SAR a fait remarquer qu’en plus de l’appartenance de la demanderesse à un groupe social en particulier, il y avait un deuxième motif, soit celui de la race. C’est à ce moment‑là que la SAR a affirmé à tort que la demanderesse alléguait qu’elle serait prise pour cible « du fait qu’elle est une femme célibataire tamoule »
.
[31]
Je conclus que la SAR a raisonnablement examiné les arguments soulevés par la demanderesse concernant son profil. Elle les a examinés en détail en tenant compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait. La conclusion selon laquelle son profil résiduel ne l’exposait à aucun risque est étayée par le dossier.
[32]
Pour ces motifs, cet aspect de la décision est raisonnable.
B.
La SAR n’a pas minimisé la preuve
[33]
La demanderesse soutient également que la SAR n’a pas tenu compte de son identité de catholique et de Burgher et qu’elle a indûment minimisé la preuve documentaire. Elle affirme que la preuve démontre que les chrétiens sont souvent persécutés.
[34]
La SAR a examiné les éléments de preuve documentaires présentés par la demanderesse provenant du rapport de 2015 sur la liberté religieuse internationale du Département d’État des États‑Unis concernant le Sri Lanka [le rapport du Département d’État des É.‑U.]. Il contenait des statistiques sur le nombre d’incidents de discrimination religieuse contre des personnes et des églises. Compte tenu des chiffres, qu’elle a décrits comme un « pourcentage infiniment petit »
, la SAR a raisonnablement conclu que, bien que les chrétiens soient victimes de discrimination, il n’existait pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée à un tel risque au Sri Lanka.
[36]
Je ne suis pas autorisée à intervenir de cette façon. Je ne suis pas non plus portée à le faire compte tenu des faits en l’espèce.
[38]
La preuve documentaire présentée par la demanderesse comprenait un article de deux pages du New York Times, daté du 27 décembre 1988, intitulé « Colombo Journal; A Proud People, Scattered and Forgotten by Time ». L’article portait sur le fait que les Burgher sont des chrétiens qui descendent d’Eurasiens, d’Européens et de Cingalais de haute lignée qui, à l’époque au Sri Lanka, ne comptaient pas plus de 30 000 personnes. Les Burgher sont devenus instruits et actifs dans le secteur professionnel. Ils sont devenus des mécènes de l’art. Lorsque les Cingalais sont arrivés au pouvoir, plus de 60 000 Sri-Lankais, pour la plupart des Burgher, se sont déplacés en Australie, où vivent aujourd’hui plus de Burgher qu’au Sri Lanka.
[39]
La demanderesse a mentionné un paragraphe de l’article dans lequel il était indiqué que les familles d’origine burgher avaient quitté le pays pour éviter la violence croissante et l’effondrement des services dans un pays qui, autrefois, était en tête dans presque tous les domaines de développement en Asie du Sud. L’article concluait ainsi : [traduction] « Nous, les Burgher, sommes une collectivité de la classe moyenne, un peuple respectueux des lois
[…]. Nous détestons les conflits et, par solidarité, nous sommes pour le socialisme et la révolution. »
[40]
La SAR a fait remarquer que rien dans l’article du New York Times ne démontrait que les Burgher ou les chrétiens au Sri Lanka sont ou seront victimes de persécution. Cette conclusion est raisonnable au vu de la preuve. L’article, écrit il y a plus de 30 ans, est largement dépassé. Il fait état de [traduction] « l’intolérance »
à l’égard des minorités religieuses, et non de menaces ou de persécution. La violence dont il est question dans l’article, lorsqu’il est interprété dans son contexte, fait référence aux combats entre les Tamouls et les Cingalais qui ont paralysé Colombo.
V.
Conclusion
[43]
La SAR a raisonnablement examiné les actes de discrimination allégués et les documents sur la situation dans le pays qui, selon la demanderesse, démontraient que les chrétiens et les Burgher au Sri Lanka étaient souvent victimes de persécution et de violence. En clair, la preuve n’appuyait pas ces allégations.
[44]
Le processus décisionnel de la SAR satisfait à l’exigence de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité. L’issue appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, aux par. 47‑49; Vavilov, aux par. 15 et 86.
[45]
Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus que la décision est raisonnable.
[46]
La demande est rejetée, sans frais.
[47]
Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-6321-18
LA COUR STATUE que la demande est rejetée, sans frais. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
Traduction certifiée conforme
Ce 22e jour d’avril 2020.
Mylène Boudreau, traductrice