Date : 1990128
Dossier : IMM-2346-98
OTTAWA (Ontario), le 28 janvier 1999
EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau
ENTRE :
AMIRUL ISLAM,
demandeur,
ET :
LE MINISTRE,
défendeur.
ORDONNANCE
[1] La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué.
" P. Rouleau "
juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
Date : 1990128
Dossier : IMM-2346-98
ENTRE :
AMIRUL ISLAM,
demandeur,
ET :
LE MINISTRE,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE ROULEAU
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission du statut de réfugié a rejeté la revendication du statut de réfugié du demandeur, le 29 avril 1998. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant cette décision et renvoyant l'affaire pour réexamen par un tribunal différemment constitué.
[2] Le demandeur était membre du Parti national du Bangladesh (PNB) depuis 1992 et appartenait à la minorité ethnique assamaise. Il est arrivé au Canada en octobre 1996 et il a revendiqué le statut de réfugié en raison à la fois de son origine ethnique et de ses opinions politiques.
[3] Le Parti national du Bangladesh est entré au pouvoir en 1991. En novembre 1995, il a dissous le Parlement et convoqué des élections. Il a été réélu en février 1996. Toutefois, la première ministre Zia du PNB a démissionné le 30 mars 1996 en raison d'allégations de fraude électorale. La Ligue Awami (LA), un parti politique rival, a pris le pouvoir la même année.
[4] Le demandeur s'est joint au PNB en 1992 parce qu'il aimait sa position en matière de droits de la personne et parce qu'il donnait, selon lui, un élan au développement du pays. En 1993, il est devenu le secrétaire chargé de la publicité du PNB pour le Comité Thana de la région de Moulvi Bazar.
[5] Dès le début de l'année 1993, il a été attaqué par des partisans de la Ligue Awami; en 1994, son groupe a été à nouveau attaqué par des fiers-à-bras lors d'un rassemblement anti PNB.
[6] Le 22 novembre 1995, sa maison a été attaquée par des hommes de main de la LA. Le demandeur ne se trouvait pas chez lui à ce moment et n'a donc pas été blessé. Après cet incident, il s'est caché chez un ami à Rajnagar. Le demandeur est retourné chez lui le 30 mars 1996. Le 20 mai 1996, il a été attaqué par un groupe de fiers-à-bras de la LA. Il a été admis à une clinique et il y est resté pendant une semaine pour recevoir des soins. En juillet 1996, le même groupe a saccagé son commerce. Sa maison a été de nouveau attaquée par le même groupe le 15 août 1996. Le demandeur a réussi à s'échapper. Le lendemain, il a entendu dire que ces fiers-à-bras le cherchaient pour le tuer et violer sa femme. Le demandeur et sa famille se sont cachés à Srimangal. En apprenant que les fiers-à-bras le cherchaient toujours, il a décidé de quitter le pays.
[7] Devant la Commission, le demandeur a prétendu que les travailleurs du PNB étaient encore persécutés par la LA, qui est maintenant au pouvoir au Bangladesh. Il risque d'être emprisonné sans procès équitable ou d'être tué en raison de ses allégeances politiques s'il retourne dans son pays. Le demandeur a aussi affirmé avoir été victime de discrimination au Bangladesh parce qu'il appartenait à la minorité assamaise.
[8] Les questions en litige sont les suivantes :
1. Le témoignage du demandeur a-t-il été beaucoup déformé par la Commission? |
2. La Commission a-t-elle commis une erreur en rendant sa décision sans tenir compte de l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise et sans prendre en considération la preuve spécifique concernant le demandeur? |
3. Le demandeur a-t-il été privé du bénéfice des principes de justice naturelle du fait qu'on ne lui a pas divulgué les articles qui ont été cités dans les motifs de la Commission? |
4. Le témoignage du demandeur relativement aux événements survenus en novembre 1995 ont-ils été mal interprétés par le traducteur? |
[9] La Commission a jugé que le demandeur n'était pas crédible. Toutefois, la Cour n'est pas convaincue qu'elle a apprécié adéquatement la situation du demandeur et sa crainte de retourner dans son pays ni qu'elle s'est appuyée sur des documents de référence suffisants pour satisfaire au critère voulant que le demandeur ne coure pas de risque s'il est renvoyé dans son pays natal. Toute la question de la crédibilité semble reposer sur un aspect et une seule question que lui a posée la Commission pour vérifier sa connaissance de la situation politique au Bangladesh.
[10] La Commission a laissé entendre, dans sa décision, que le demandeur a affirmé être bien informé de la situation politique dans son pays. Une lecture attentive de la transcription révèle qu'il n'a pas fait pareille affirmation et je dois conclure que la conclusion de la Commission concernant sa crédibilité est maintenant suspecte.
[11] La Commission a ensuite procédé à l'évaluation de l'atrocité de la situation qui existait au Bangladesh sous le régime du PNB, le parti auquel le demandeur avait promis allégeance. Le demandeur s'est trouvé dans la situation qu'il a décrite parce que la LA avait pris le pouvoir et qu'elle lui a causé des problèmes; le PNB avait été délogé et ne pouvait pas être l'auteur des atrocités commises contre le demandeur.
[12] La Commission laisse entendre que les membres du PNB ne sont généralement pas menacés de persécution au Bangladesh. Dans sa décision, à la page 5, elle semble se contredire :
[traduction] La lutte acharnée pour le pouvoir que se livrent les principaux partis politiques au Bangladesh a favorisé l'anarchie et le désordre civil, de sorte que les actes gratuits de violence et d'intimidation de la part à la fois du parti autrefois au pouvoir, le Parti national du Bangladesh (PNB), soutenu par les forces de sécurité, et des partis d'opposition sont devenus chose courante dans le processus politique. |
[13] La Commission affirme, dans sa décision :
[Traduction] Le seul risque que le demandeur courrait, à notre avis, s'il reprenait ses activités politiques au Bangladesh, serait celui que court toute personne qui s'engage dans la vie publique ou le processus politique; les actes de violence commis au hasard par les travailleurs politiques et les partisans et la riposte des forces de sécurité. L'intervention des forces de sécurité dans ces circonstances ne constitue pas des actes de persécution. Les actes des partis politiques qui se font la guerre ne constituent pas de la persécution. |
[14] Suggérer que le demandeur retourne au Bangladesh et ne participe pas à la vie politique va à l'encontre de l'objet de la protection accordée par la Convention internationale. Un réfugié au sens de la Convention est une personne qui craint d'être persécutée en raison de son appartenance à un groupe particulier ou de ses opinions politiques. La Commission n'a pas analysé les craintes personnelles du demandeur et ne les a pas situées dans le contexte de la violence politique qui persiste au Bangladesh.
[15] Le fait d'analyser les éléments de preuve documentaire concernant la situation dans un pays, sans tenir compte de la crainte objective du revendicateur, et de ne pas prendre les risques en considération laisse trop de questions irrésolues.
[16] Comme j'ai conclu que la décision contestée comporte des lacunes quant à la crédibilité et à l'appréciation de la situation qui existe dans le pays en cause, il n'est pas nécessaire que j'examine les autres questions en litige. La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué.
" P. Rouleau "
juge
OTTAWA (Ontario)
28 janvier 1999
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-2346-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : AMIRUL ISLAM c. LE MINISTRE
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : 13 JANVIER 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU
DATE DES MOTIFS : 28 JANVIER 1999
ONT COMPARU :
Me JEAN-MICHEL MONTBRIAND POUR LE DEMANDEUR
Me DANIEL LATULIPPE POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DOYON, GUERTIN, MONTBRIAND POUR LE DEMANDEUR
& PLAMONDON
MONTRÉAL (QUÉBEC)
Me MORRIS ROSENBERG POUR LE DÉFENDEUR
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA