Date : 20200206
Dossier : IMM‑5222‑19
Référence : 2020 CF 211
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 6 février 2020
En présence de madame la juge Kane
ENTRE :
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ZEINAB KAKA AGHAZADEH
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ROZHINA ABDOLLAHI
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demanderesses
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Les demanderesses, Mme Zeinab Kaka Aghazadeh [Mme Aghazadeh] et sa fille mineure, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration [l’agent] datée du 26 juin 2019. L’agent a estimé que Mme Aghazadeh n’était pas digne de foi dans son témoignage et que, par conséquent, les demanderesses n’avaient pas établi le fondement de leur demande d’asile. Il a conclu qu’elles ne répondaient pas à la définition de réfugié au sens de la Convention au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Il a refusé leur demande de résidence permanente à titre de réfugiées en réinstallation.
[2]
Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée. L’agent a raisonnablement estimé que le récit que faisaient les demanderesses des événements au fondement de leur allégation de risque de persécution et à l’origine de leur départ d’Iran n’était pas crédible. Ainsi, elles n’avaient pas démontré avoir une crainte fondée de persécution. Énoncés dans la lettre de décision et les notes du Système mondial de gestion des cas [le SMGC], les motifs de l’agent démontrent que celui‑ci a tenu compte de la demande d’asile et de toute la preuve et motivé chaque conclusion défavorable en matière de crédibilité, ainsi que sa conclusion d’ensemble. Ses motifs montrent l’adoption d’une démarche d’analyse cohérente aboutissant à une conclusion raisonnable.
I.
Contexte
[3]
Les demanderesses sont citoyennes de l’Iran et d’ascendance kurde. Elles demeurent actuellement à Van, en Turquie. Le fils de Mme Aghazadeh habite avec elles dans ce pays et ne demande pas l’asile.
A.
Demande d’asile des demanderesses
[4]
Mme Aghazadeh raconte que, le 23 février 2016, la police iranienne a fait une descente à l’atelier de couture où elle travaillait comme couturière. Elle l’accusait de confectionner des vêtements pour le Parti démocratique du Kurdistan et elle a manifesté l’intention de l’arrêter. Mme Aghazadeh précise que, sous prétexte de se changer, elle est allée dans l’arrière‑boutique de l’atelier et a fui au domicile de son cousin.
[5]
Mme Aghazadeh raconte que, le lendemain 24 février 2016, sa fille et elle ont quitté l’Iran pour la Turquie avec leurs propres passeports. Elle a dit à l’entrevue que son époux était allé en Turquie avec elles et y était resté 20 jours. Son fils les avait rejoints plus tard par un moyen différent, parce qu’il n’avait pas de passeport.
[6]
Mme Aghazadeh a prétendu que son époux était violent et donné à entendre qu’il aurait pu orchestrer cette descente de la police pour se débarrasser d’elle. Elle dit qu’il s’était rendu en Turquie avec elles en obéissant à un sentiment d’obligation. Elle avait par la suite appris par l’épouse de son cousin que, après son retour en Iran, son époux avait épousé quelqu’un d’autre.
[7]
Les demanderesses ont demandé l’asile par l’intermédiaire de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés [le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou le HCR]. Leur demande était toujours en cours de traitement au 28 février 2019.
[8]
En octobre 2016, les demanderesses ont sollicité la résidence permanente au Canada dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières. Un groupe au Canada comprenant trois de leurs parents a demandé à les parrainer.
B.
Dispositions législatives applicables
[9]
Quelle que soit leur demande d’asile au HCR ou l’état de cette demande, les demanderesses sont assujetties à tous les critères de la LIPR.
[10]
Le paragraphe 11(1) énonce les exigences à respecter pour obtenir un visa :
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Le paragraphe 139(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [le RIPR] énonce les exigences générales à respecter pour obtenir un visa. Il dit qu’un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si les éléments suivants sont établis, entre autres à l’alinéa 139(1)e) s’il fait partie d’une catégorie établie dans la présente section (section 1 du RIPR).
[12]
Voici les articles 145 et 147 du RIPR :
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[13]
L’article 96 de la LIPR définit la qualité de réfugié au sens de la Convention :
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C.
Entrevue de l’agent d’immigration
[14]
Les 23 et 24 janvier 2019, Mme Aghazadeh a été reçue en entrevue par l’agent au consulat canadien à Ankara, en Turquie.
[15]
Le 13 février 2019, l’agent a envoyé à Mme Aghazadeh une lettre d’équité procédurale où il faisait part de ses préoccupations au sujet de la crédibilité de son récit des événements en relevant des incohérences dans son exposé circonstancié et en demandant un complément d’information.
[16]
Ainsi, l’agent a jugé qu’il y avait incompatibilité entre sa suggestion que son époux avait orchestré la descente de la police pour se débarrasser d’elle et l’indication donnée que ce même époux l’avait accompagnée en Turquie. Il remettait aussi en question l’affirmation faite par Mme Aghazadeh que son amie lui aurait dit que la police était revenue le jour suivant à l’atelier de couture à sa recherche, considérant qu’elle avait par ailleurs affirmé ignorer si l’atelier était ouvert ce jour‑là. Il a en outre conclu à l’incohérence du récit de sa communication avec son cousin.
[17]
Le 28 février 2019, Mme Aghazadeh a produit, non sous serment, une déclaration en réponse à la lettre de l’agent.
II.
Décision contestée
[18]
L’agent énonce sa décision dans une lettre datée du 26 juin 2019. Le document dit qu’il a évalué la demande et examiné les dispositions législatives applicables et le témoignage de Mme Aghazadeh à l’entrevue. Il fait observer que celle‑ci a dit avoir fui l’Iran, parce que les forces de sécurité avaient fait une descente à l’atelier de couture pour y trouver des vêtements destinés à un parti politique kurde. Il explique : [traduction] « Ayant considéré à la fois votre réponse à l’entrevue et à la suite de ma lettre (d’équité procédurale), je ne juge pas crédible la description que vous avez faite des événements dans votre demande et à l’entrevue. Je ne crois donc pas que vous ayez une crainte fondée de persécution en Iran. Rien dans vos observations ne dit qu’une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne a eu et continue d’avoir des conséquences graves et personnelles sur vous […] Je n’ai pas la conviction que vous répondez aux exigences de la LIPR et du RIPR pour les motifs que j’ai exposés […] »
[19]
L’agent a conclu que les demanderesses n’avaient pas établi avoir une crainte fondée de persécution en Iran. Il a donc refusé la demande de résidence permanente au motif que celles‑ci ne satisfaisaient pas aux exigences de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières, ni de la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire.
[20]
La décision de l’agent ne se limite pas à la lettre qui l’énonce. Les notes du SMGC font partie de ses motifs (Pushparasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 828, au par. 15, 255 ACWS (3e) 962; Khowaja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 823, au par. 3, 231 ACWS (3e) 784; Kotanyan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 507, au par. 26, 241 ACWS (3e) 931).
[21]
Les notes du SMGC donnent la chronologie des événements et décrivent le fondement de la demande d’asile compte tenu de l’entrevue de l’agent avec Mme Aghazadeh et son fils, du détail de ses préoccupations en matière de crédibilité, de la lettre d’équité procédurale, de la réponse de Mme Aghazadeh à cette lettre et de la décision même.
III.
Question en litige et norme de contrôle
[22]
La seule question à trancher est de savoir si la décision de l’agent est raisonnable ou non. Il s’ensuit que je dois me demander si la conclusion déterminante - selon laquelle le récit des demanderesses n’était pas crédible – est raisonnable.
[23]
Dans son récent arrêt dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux paragraphes 16, 17, 69, 143 et 312, ACWS (3e) 460 [Vavilov], la Cour suprême du Canada dit qu’il doit y avoir présomption d’application de la norme de la décision raisonnable dans le contrôle du bien‑fondé d’une décision. Rien dans les circonstances de la présente affaire ne permet de réfuter cette présomption.
[24]
Qui plus est, il est déjà bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions des agents d’immigration ou de visas dans les questions mixtes de fait et de droit, s’il s’agit par exemple de déterminer si un demandeur appartient à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières (Ahmadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1145, au par. 5, 310 ACWS (3e) 820; Gebrewldi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 621, au par. 14, 282 ACWS (3e) 593; Selamssa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 966, au par. 9, 285 ACWS (3e) 384).
[25]
Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada donne de vastes indications sur ce qui constitue une décision raisonnable et sur l’application de cette norme de contrôle. Une décision raisonnable se remarque toujours au fait qu’elle est justifiée, transparente et intelligible. La cour de révision doit entreprendre son enquête sur le caractère raisonnable d’une décision en examinant en toute attention et tout respect les motifs exposés et en cherchant à comprendre la démarche logique adoptée par le décideur pour parvenir à sa conclusion. La décision raisonnable « doit être fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent qui est à la fois rationnel »
et « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision »
.
[26]
Il est également bien établi que le décideur qui entend le témoignage et examine la preuve est idéalement placé pour évaluer la crédibilité : Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (QL), au par. 4, 160 NR 315 (CA). Les conclusions en matière de crédibilité devraient commander une large déférence : Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116 au paragraphe 7, 228 FTR 43; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1052, au paragraphe 13, [2008] ACF no1329 (QL); Fatih c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 857, au paragraphe 65, 415 FTR 82).
[27]
Dans l’affaire Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 41 à 46, [2012] ACF no 369 (QL) [Rahal], la juge Mary Gleason résume les grands principes jurisprudentiels devant présider aux évaluations de crédibilité en faisant observer que le décideur est le mieux placé pour former des conclusions dans ce domaine. Elle explique : « [i]l faut reconnaître […] que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve. Ajoutons à cela que, dans bien des cas, le tribunal possède une expertise reconnue dans le domaine qui fait défaut à la cour de révision. »
IV.
Observations des demanderesses
[28]
Les demanderesses font valoir que la décision est déraisonnable, puisque les conclusions de l’agent en matière de crédibilité sont injustifiées. En règle générale, elles contestent la plupart des conclusions sur la crédibilité et donnent une autre interprétation des conclusions d’incohérence de l’agent. Elles soutiennent que le témoignage de Mme Aghazadeh n’était ni vague ni incohérent et que celle‑ci clarifiait tout renseignement la fois suivante. Elles maintiennent que l’agent n’a pas tenu compte des réponses de Mme Aghazadeh à ses préoccupations sur la crédibilité, lesquelles figurent dans la lettre d’équité procédurale.
[29]
Les demanderesses font valoir que l’agent a fait fond sur des questions non pertinentes pour conclure que le récit de Mme Aghazadeh manquait de crédibilité. Elles soutiennent qu’il est impossible de voir quelle importance attachait l’agent à ces questions sans pertinence. Elles disent que l’aspect central de leur demande d’asile - la police a fait une descente à l’atelier de couture à la recherche de Mme Aghazadeh – ne devrait pas être écarté en raison d’incohérences sur des points qui ne touchent pas au cœur du récit de cette descente, qu’il s’agisse du rôle de l’époux dans cette opération, de l’ouverture de l’atelier de couture après la descente ou du fait que Mme Aghazadeh ait été en rapport avec son cousin après celle‑ci.
V.
Observations du défendeur
[30]
Le défendeur fait remarquer que les conclusions des agents en matière de crédibilité appellent la déférence. Les observations défavorables de l’agent étaient raisonnables en raison des incohérences du récit fait par Mme Aghazadeh de la descente policière, de ses suites et des gestes de son époux. Selon lui, les divergences suffisent à révoquer en doute la question primordiale dans la demande d’asile qui est de savoir si Mme Aghazadeh craignait véritablement la persécution par la police iranienne.
[31]
Le défendeur fait observer que Mme Aghazadeh a eu plusieurs occasions d’expliquer ces incohérences à son entrevue et dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. Elle n’a toutefois pas donné d’explications satisfaisantes.
[32]
Le défendeur souligne plusieurs parties des notes du SMGC et de la transcription de l’entrevue où il semble que le témoignage est incohérent, vague et changeant.
VI.
La décision est raisonnable
[33]
Comme il a été dit, les conclusions en matière de crédibilité commandent la déférence. Dans la présente affaire, l’agent a questionné Mme Aghazadeh et éprouvé largement son récit. Les notes du SMGC, qui font partie des motifs, démontrent l’abondance des incohérences et contradictions dont ce récit est entaché. Les réponses de Mme Aghazadeh à l’entrevue ainsi qu’à la lettre d’équité procédurale ne donnent pas d’explication satisfaisante quant aux contradictions.
[34]
Les demanderesses s’interrogent sur la façon dont l’agent est parvenu à ses conclusions en matière de crédibilité et soulignent diverses parties des notes du SMGC qu’elles cherchent à réinterpréter. La Cour n’a pas pour rôle de juger de la crédibilité ni d’estimer si les demanderesses ont établi avoir une crainte fondée de persécution. Sa tâche est plutôt de juger si l’agent a tiré des conclusions raisonnables sur la crédibilité et aussi pris une décision raisonnable.
[35]
Dans la décision Rahal, aux paragraphes 41 à 46, la juge Gleason cite des exemples de ce qui justifie une conclusion de crédibilité :
- Les contradictions relevées dans la preuve, particulièrement dans le témoignage du demandeur d’asile, donneront généralement raison de conclure que le demandeur manque de crédibilité, mais les contradictions en question doivent être réelles et plus que banales ou dérisoires.
- Au moment de juger de la crédibilité, le décideur doit tenir compte du comportement, c’est‑à‑dire des hésitations, du manque de précision des propos et du fait que le demandeur d’asile modifie ou étoffe sa version des faits, mais il est préférable qu’il y ait aussi des faits objectifs pour justifier la conclusion.
- Le décideur doit étayer de détails suffisants les conclusions claires qu’il formule en matière de crédibilité.
[36]
Les conclusions sur la crédibilité formées par l’agent sont fondées sur de tels indices bien précis et sont exposées dans leurs particularités.
[37]
Les notes du SMGC disent notamment : [traduction] « [t]out au long de l’entrevue, [Mme Aghazadeh] a changé son récit chaque fois qu’elle se rendait compte que ses réponses posaient un problème. »
L’agent a tiré des conclusions défavorables en matière de crédibilité du fait des incohérences de son témoignage et des invraisemblances relevées :
- Mme Aghazadeh a raconté que la police iranienne était revenue à l’atelier de couture le 24 février 2016 pour l’arrêter et s’était enquise de ses allées et venues auprès des travailleurs de l’atelier, mais en disant par ailleurs ignorer si l’atelier était ouvert ce jour‑là ou si d’autres travailleurs des lieux avaient été arrêtés.
- Au dire de Mme Aghazadeh, la police iranienne voulait l’arrêter simplement parce qu’elle travaillait à l’atelier de couture en prétendant qu’elle confectionnait des vêtements pour un parti politique kurde, mais la police n’avait pas questionné ses collègues (apparemment parce qu’ils se trouvaient à la pause du déjeuner, bien qu’ayant aussi mentionné que la police parlait à d’autres gens non précisés pendant qu’elle s’échappait), ni n’avait mis fin à l’activité de l’atelier.
- Mme Aghazadeh prétend avoir fui au domicile de son cousin après la descente, mais pour ensuite affirmer ne pas avoir communiqué avec ce cousin ni n’avoir pu le faire, parce qu’il travaillait au gouvernement et qu’il y avait risque que leurs conversations ne soient surveillées, alors qu’elle avait communiqué avec l’épouse de celui‑ci.
- Mme Aghazadeh a d’abord dit que l’épouse de son cousin l’avait appelée une seule fois pour lui parler du remariage de son propre époux; elle a mentionné par la suite parler [traduction]
« de temps à autre »
à l’épouse de son cousin. - Mme Aghazadeh a dit n’avoir jamais parlé à son cousin de la descente policière à l’atelier de couture ni du retour de la police; elle n’aurait pas non plus posé de questions à l’épouse du cousin, bien que ceux‑ci aient été en mesure de l’éclairer sur les événements.
- Mme Aghazadeh a dit que son amie avait signalé à son cousin que la police était à sa propre recherche; une fois qu’il est apparu que son récit posait un problème, son explication a changé sur la façon dont son amie aurait pu savoir que la police était à sa recherche.
- Mme Aghazadeh a dit à l’entrevue que son époux [traduction]
« était tout à fait d’accord pour aller en Turquie »
avec elle. Il reste que, dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, elle a mentionné que ce même époux ne voulait pas l’accompagner en Turquie. Dans sa demande d’asile, elle a enfin indiqué que son époux ne l’avait pas accompagnée en Turquie. - Mme Aghazadeh a dit à l’entrevue ne pas désirer divorcer de son époux, parce que ne voulant pas que celui‑ci garde les enfants. Toutefois, l’époux était revenu en Iran en laissant sa fille à Mme Aghazadeh en Turquie.
- Mme Aghazadeh a allégué que son époux voulait [traduction]
« se débarrasser d’elle »
en donnant à entendre que celui‑ci était responsable de quelque manière de la descente de la police à l’atelier de couture. Cependant, l’époux n’avait pas averti la police iranienne qu’elle avait fui au domicile de son cousin à elle et il l’avait apparemment accompagnée en Turquie.
[38]
Mme Aghazadeh a pris connaissance des préoccupations particulières de l’agent en matière de crédibilité dans la lettre d’équité procédurale. Sa réponse à cette lettre manquait de détails, rendait compte des événements différemment et laissait nombre de questions sans réponse.
[39]
Que les demanderesses soutiennent que les conclusions en matière de crédibilité n’influent pas sur l’aspect central de leur demande d’asile - à savoir que les forces iraniennes ont fait une descente à l’atelier de couture à la recherche de Mme Aghazadeh, parce que celle‑ci confectionnait des vêtements pour un parti politique kurde - est dénué de fondement. Tout le récit des événements qui est jugé non crédible avait pour point de départ l’allégation d’une descente à l’atelier de couture. La preuve ne confirme pas cette allégation, parce que rien ne prouve que toute autre personne confectionnant, selon ce qui est allégué, les mêmes vêtements pour le parti politique kurde était une personne d’intérêt; la preuve ne dit pas non plus d’une manière cohérente si la police était revenue à l’atelier le jour suivant, si celui‑ci était ouvert et si quelqu’un d’autre avait été questionné. Aucun autre élément de preuve objective n’a été produit pour établir l’existence de cette descente ou sa raison.
[40]
Dans leurs observations, les demanderesses ne font qu’inviter la Cour à réévaluer la preuve pour qu’elle dégage des conclusions différentes en matière de crédibilité. Ce n’est pas là son rôle.
[41]
La lettre de décision de l’agent explique clairement pourquoi la demande a été refusée. Les notes du SMGC s’étendent sur les conclusions formées en matière de crédibilité et qui sont à la base du jugement voulant que les demanderesses n’avaient pas de crainte fondée de persécution. La décision est conforme à la norme de la décision raisonnable au sens de l’arrêt Vavilov. Elle est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et rationnel et justifiée au regard des faits et du droit, intelligible et transparente.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑5222‑19
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Catherine M. Kane »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 24e jour d’avril 2020.
Claude Leclerc, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑5222‑19
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INTITULÉ :
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ZEINAB KAKA AGHAZADEH, ROZHINA ABDOLLAHI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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lE 29 JANVIER 2020
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jugement et motifs :
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La juge KANE
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 6 FÉVRIER 2020
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COMPARUTIONS :
Rezaur Rahman
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POUR LES DEMANDERESSES
|
Mary Roberts
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Rezaur Rahman
Avocat
Ottawa (Ontario)
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POUR LES DEMANDERESSES
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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pour le défendeur
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