Date : 20040630
Dossier : IMM-2251-03
Référence : 2004 CF 922
ENTRE :
NOKUTHULA MAHLANGU
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 4 mars 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une « personne à protéger » selon la définition donnée respectivement aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Nokuthula Mahlangu (la demanderesse) est une femme ndébélé de Bulawayo, au Zimbabwe, qui prétend craindre avec raison d'être persécutée du fait des opinions politiques qu'on lui impute.
[3] La Commission a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une « personne à protéger » parce qu'à son avis, sa demande n'était pas crédible.
[4] La Commission a grandement mis en doute les allégations de la demanderesse quant à son emploi en tant qu'enseignante au Zimbabwe. La Commission a noté que la demanderesse ne semblait pas avoir les connaissances auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre d'une personne qui travaillait comme enseignante. En outre, la seule preuve soumise à l'appui de ses allégations était un bordereau de paye qui n'indiquait pas qu'elle était enseignante au Zimbabwe. J'estime que la Commission pouvait raisonnablement conclure, sur la base de ces conclusions, que l'allégation de la demanderesse suivant laquelle elle travaillait de fait comme enseignante au Zimbabwe n'était pas crédible. La demanderesse a soutenu que lorsqu'un demandeur affirme sous serment la véracité de ses allégations, celles-ci doivent être tenues pour avérées sauf s'il existe de bonnes raisons de douter de leur véracité (Thind c. Canada (M.E.I.), [1983] A.C.F. no 939 (C.A.F.) (QL)). En l'espèce, je conclus que la Commission avait de bonnes raisons de douter de la véracité de l'allégation de la demanderesse suivant laquelle elle travaillait comme enseignante. Les conclusions de la Commission que la demanderesse ne semblait pas avoir les connaissances générales auxquelles on pouvait s'attendre d'une enseignante et le fait que le bordereau de paye que la demanderesse avait soumis ne contenait aucun renseignement quant à la nature de son emploi au Zimbabwe étaient suffisants pour mettre en doute l'allégation de la demanderesse sur ce point. Comme la crainte de persécution de la demanderesse est directement liée à son emploi en tant qu'enseignante, l'absence de preuve corroborante à l'appui de son allégation suivant laquelle elle travaillait comme enseignante au Zimbabwe a une importance cruciale pour sa demande d'asile.
[5] La Commission a également mis en doute l'allégation suivant laquelle la demanderesse avait participé aux activités du Liberty Party of Zimbabwe (LPZ). La Commission a noté que la demanderesse avait été extrêmement vague et incohérente lorsqu'elle avait décrit sa participation aux activités du LPZ. À titre d'exemple, la demanderesse a témoigné que le LPZ avait 13 députés. Toutefois, la preuve documentaire indiquait qu'aucun candidat du LPZ n'avait déjà été élu au Parlement. En fait, selon le Zimbabwe Assessment d'avril 2002, bien qu'ayant contesté 13 sièges aux élections de juin 2000, le LPZ n'avait pas obtenu suffisamment de votes pour obtenir quelque siège que ce soit. En conséquence, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur en tenant compte de cette contradiction dans son évaluation de la crédibilité de la demanderesse.
[6] En outre, la Commission a conclu que, bien que la demanderesse ait affirmé avoir adhéré au LPZ en septembre 2001, le tampon apposé sur sa carte de membre indiquait que la carte avait été délivrée le 18 juillet 1999 et que la demanderesse contribuait au financement du LPZ depuis janvier 1998. Un examen de la carte de membre révèle que la demanderesse avait payé des frais d'adhésion initiaux de 5 $Z et qu'elle faisait aussi des versements mensuels de 50 cents. Je conclus que la Commission ne peut se fonder en toute confiance sur les renseignements figurant sur la carte de membre de la demanderesse en ce qui concerne les contributions financières parce que, d'après le tableau ambigu figurant au dos de la carte, la demanderesse a fait des versements mensuels de 50 cents jusqu'à février 2004 ou 2005, même si un tampon daté du 9 janvier 2002 figure sur la pièce en question. De plus, la date de délivrance dont parle la Commission est illisible sur la photocopie contenue dans le dossier du tribunal et il est impossible pour la Cour de déterminer à quelle date la carte de membre a été délivrée. Ces conclusions semblent confirmer la conclusion de la Commission que la carte de membre ne constitue pas un élément de preuve crédible corroborant l'allégation de la demanderesse suivant laquelle elle est membre du LPZ. En conséquence, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que la demanderesse n'avait pas soumis d'éléments de preuve crédibles à l'appui de son allégation suivant laquelle elle était membre du LPZ.
[7] Enfin, la demanderesse soutient que les motifs de la Commission étaient inadéquats. Un examen de la décision de la Commission révèle que celle-ci a fourni des motifs précis et intelligibles à l'appui de ses conclusions, de sorte que la demanderesse était adéquatement informée des motifs du rejet de sa demande d'asile (Mehterian c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. 545 (C.A.F.) (QL), et Tekin c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 506 (C.F. 1re inst.) (QL)). En conséquence, l'observation de la demanderesse sur ce point est non fondée.
[8] Les contradictions relevées par la Commission avaient une importance cruciale pour la demande de la demanderesse parce qu'elles mettaient en doute le fondement même de sa crainte de persécution. La Commission a expliqué de façon claire ses motifs de douter de la crédibilité de la demanderesse en raison de ces contradictions.
[9] Comme l'a déclaré la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, la perception du tribunal que le demandeur n'est pas crédible relativement à un élément important de sa demande d'asile peut équivaloir à la conclusion qu'il n'existe aucun élément de preuve crédible à l'appui de cette demande. De plus, la Commission peut rejeter des éléments de preuve non réfutés s'ils ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l'affaire prise dans son ensemble ou si elle relève des contradictions dans la preuve (voir Monteiro c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1720 (C.F. 1re inst.) (QL), et Akinlolu c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 296 (C.F. 1re inst.) (QL)). Enfin, il est bien établi en droit que la Commission est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle était saisie.
[10] Pour tous ces motifs, j'estime que la décision de la Commission ne comporte aucune erreur manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 30 juin 2004
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2251-03
INTITULÉ : NOKUTHULA MAHLANGU
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 JUIN 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 30 JUIN 2004
COMPARUTIONS :
Jeffrey Platt POUR LA DEMANDERESSE
Evan Liosis POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jeffrey Platt POUR LA DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Date : 20040630
Dossier : IMM-2251-03
Ottawa (Ontario), le 30 juin 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
NOKUTHULA MAHLANGU
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 4 mars 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une « personne à protéger » selon la définition donnée respectivement aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.