Date : 20041207
Dossier : IMM-3110-04
Référence : 2004 CF 1710
Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2004
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
QUINTUS PERERA BULATHSINHALA ARACHCHILAGE
HASITHA RENUKA WILARACHCHIGE
ASHINI LACHINDRIE PERERA BULATHSINHALA ARACHCHILAGE
LACHINI ISHARA PERERA BULATHSINHALA ARACHCHILAGE
THARUSHI NAVINDRI PERERA BULATHSINHALA ARACHCHILAGE
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Arachchilage, son épouse et leurs trois enfants sont citoyens du Sri Lanka. La famille a demandé l'asile au Canada du fait de l'appartenance de M. Arachchilage à un groupe social, celui des personnes à qui l'on impute une opinion politique. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, au motif que le témoignage de M. Arachchilage n'était ni crédible, ni digne de foi. Sa décision a été fondée presque entièrement sur des conclusions d'invraisemblance. Je n'ai pas été convaincue que la SPR ait commis quelque erreur que ce soit en rejetant les demandes.
[2] M. Arachchilage avait une entreprise de camionnage et transportait des marchandises principalement de Colombo vers plusieurs destinations au Sri Lanka. Il avait transporté des marchandises pour le compte de l'armée du Sri Lanka. Il prétend qu'à cause de sa participation à un détournement de marchandises de l'armée vers un camp de Tigres tamouls, conformément aux instructions d'un officier corrompu, l'armée à ordonné que soit portée atteinte à sa vie et à celle des membres de sa famille.
[3] La norme de contrôle relative aux décisions de la SPR, un tribunal spécialisé, est celle du caractère manifestement déraisonnable, sauf en matière d'interprétation des lois où la norme de la décision correcte s'applique : Pushpanathan c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 982. La Commission a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage et, dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). Des conclusions d'invraisemblance peuvent être fondées sur la raison et le bon sens : Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.). La Cour, quoiqu'elle aurait pu tirer une déduction différente ou conclure en la vraisemblance du témoignage, ne substituera pas son opinion à la décision de la Commission : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 1272. La Commission ne peut faire des conjectures ou tirer des inférences qui ne sont pas étayées par la preuve : Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 249.
[4] À l'audience, les demandeurs ont renoncé à l'argument contenu dans les observations écrites selon lequel la SPR avait l'obligation de leur laisser la possibilité d'examiner les conclusions d'invraisemblance qu'elle avait tirées. Les seules questions en litige sont celles de savoir si les conclusions d'invraisemblance sont appropriées et si la Commission aurait dû rejeter la preuve médicale présentée par les demandeurs.
[5] La SPR a tiré dix conclusions d'invraisemblance distinctes. Je suis d'avis que toutes les conclusions étaient raisonnables, à l'exception d'une seule. La Commission s'est presque toujours référée à la preuve documentaire qui lui a été soumise pour étayer ses observations relatives à la crédibilité du récit de M. Arachchilage. Les demandeurs attirent l'attention sur la preuve documentaire qui aurait pu mener à une conclusion différente, mais leurs observations ne sont fondées que sur des hypothèses. La Commission pouvait tirer ces conclusions en se fondant sur la preuve.
[6] Dans les domaines où elle s'est fondée sur le bons sens et la raison, la SPR pouvait conclure comme elle l'a fait. Par exemple, M. Arachchilage prétend qu'il a été capturé et poussé dans une jeep, qu'on lui a bandé les yeux et qu'on lui a ligoté les bras et les jambes. La jeep aurait été arrêtée et M. Arachchilage violemment battu. Ensuite, on l'a conduit ailleurs où on l'a poussé hors du véhicule. Il dit qu'il s'est senti tomber. Il a perdu connaissance, mais il ne sait pas pendant combien de temps. Ensuite, il s'est réveillé et a entendu de l'eau couler, comme s'il était près d'une rivière ou d'un lac. Le ruban s'était décollé de sa bouche et il a crié à l'aide. Un étranger l'a libéré et l'a aidé à monter au sommet de la falaise en empruntant un chemin moins escarpé. M. Arachchilage déclare qu'il a eu des égratignures aux jambes, mais il n'a pas confirmé avoir eu d'autres blessures importantes qui l'auraient obligé à se rendre à l'hôpital. La SPR a conclu qu'il était tout à fait invraisemblable que M. Arachchilage n'ait subi que des égratignures. Les demandeurs allèguent que la Commission a erré en ne lui posant pas suffisamment de questions au sujet de la hauteur de la falaise de laquelle on l'avait jeté. L'allégation n'est pas fondée.
[7] La seule conclusion déraisonnable concerne l'endroit où se trouvaient les officiers de l'armée après le déchargement de la marchandise. Je conviens que la SPR s'est perdue en conjectures pour ce qui concerne cette conclusion. Cependant, cette conclusion à elle seule n'est pas suffisante au point de justifier une intervention. Dans l'ensemble, la décision est inattaquable.
[8] Quant aux documents médicaux, la Commission a relevé le format des deux documents, la similarité de l'écriture sur les deux documents et la date qui avait été changée. Ces faits, ajoutés au manque de fiabilité du témoignage de M. Arachchilage, ont amené la SPR à rejeter la preuve. Les motifs du rejet de la preuve étaient clairs et sans équivoque et ne révèlent aucune erreur susceptible de contrôle.
[9] Essentiellement, les demandeurs me demandent d'examiner à nouveau la force probante de la preuve et de substituer mon opinion à celle de la SPR. Là n'est pas ma fonction. Aucune erreur, dans l'ensemble de la preuve présentée, ne peut justifier mon intervention.
[10] Les avocats n'ont présenté aucune question pour fins de certification et il n'y en a aucune.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE QUE :
1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
_ Carolyn Layden-Stevenson _
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM- 3110-04
INTITULÉ : QUINTUS PERERA BULATHSINHALA ARACHCHILAGE ET AL.
c.
M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 6 DÉCEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE : MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE 7 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Warren L. Creates POUR LES DEMANDEURS
Ramona Rothschild POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Warren L. Creates POUR LES DEMANDEURS
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada