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Date : 19990105


Dossier : IMM-1384-98

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 1999.

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :


Tan Thanh NGUYEN,

demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


YVON PINARD

                                             JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990105


Dossier : IMM-1384-98

Entre :


Tan Thanh NGUYEN,

demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      Il s"agit d"une demande fondée sur l"article 82.1 de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 7 juillet 1997, par laquelle W.A. Sheppit a conclu, en sa qualité de représentant du ministre, que le demandeur constituait un danger pour le public.

[2]      La demande de prorogation du délai applicable au dépôt de la présente demande est accueillie.

[3]      Le demandeur est né à Saïgon (Vietnam), le 2 octobre 1955. Il a deux enfants. Les membres de sa famille ont reçu le droit de s"établir au Canada dans le cadre de la catégorie désignée et ils sont arrivés à Vancouver le 4 janvier 1988. Le 6 février 1992, le demandeur s"est reconnu coupable du meurtre au deuxième degré de son épouse et il a été condamné à l"emprisonnement à perpétuité, n"étant pas admissible à être libéré de façon conditionnelle avant dix ans.

[4]      Le 13 août 1996, un avis d"intention daté du 7 août 1996 a été signifié au demandeur pour l"aviser qu"on demanderait l"avis du ministre, conformément au paragraphe 70(5) et au sous-alinéa 46.01(1)e )(iv) de la Loi, sur la question de savoir s"il constituait un danger pour le public. L"avis d"intention mentionnait que le ministre pouvait tenir compte des documents suivants :

     - le rapport fondé sur le paragraphe 27(1);

     - le rapport fondé sur le paragraphe 27(1) concernant les faits saillants du cas du demandeur;

     - le visa d"immigrant et la fiche relative au droit d"établissement;

     - la lettre de non-citoyenneté;

     - les documents relatifs à la condamnation;

     - les rapports du Service correctionnel du Canada.

[5]      L"arrêt de principe sur les avis ministériels concernant la question de savoir si une personne constitue un danger pour le public est l"arrêt Williams c. Canada (M.C.I.) , [1997] 2 C.F. 646. Dans cet arrêt, la Cour d"appel fédérale a dit clairement que les décisions de délivrer un avis en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi étaient de nature discrétionnaire et que " ces décisions subjectives ne peuvent pas être examinées par les tribunaux, sauf pour des motifs comme la mauvaise foi du décideur, une erreur de droit ou la prise en considération de facteurs dénués de pertinence ". Monsieur le juge Strayer a souligné, dans cet arrêt, à la page 675 :

         ...Toutefois, la séparation des pouvoirs et les principes ordinaires de retenue judiciaire exigent qu"il incombe à la personne qui conteste une décision discrétionnaire de prouver que cette décision est illégale. Cette preuve peut être facile à faire dans certains cas s"il s"agit d"une décision qui est manifestement absurde, qui est manifestement illégale parce qu"elle se rapporte à des questions qui ne ressortissent pas à la compétence du décideur, ou qui n"est explicable qu"en présumant la mauvaise foi. En l"absence de tels facteurs, c"est à la personne qui demande un contrôle judiciaire qu"il appartient de soumettre des éléments de preuve ou d"invoquer des moyens expliquant pourquoi la décision est illégale...         

En ce qui concerne l"équité procédurale, Monsieur le juge Strayer a conclu, à la page 678 :

         Selon moi, il est juste de présumer que les exigences de "justice naturelle" sont subsumées dans la catégorie générale de l""équité", particulièrement en ce qui a trait à une décision administrative comme celle qui nous intéresse. Il est indiscutable que les exigences en matière d"équité varient selon la gravité de la décision qui est prise. [...] Le processus décisionnel autorisé par le paragraphe 70(5) n"est pas un processus judiciaire ou quasi-judiciaire qui, par nature, comporte l"application de principes juridiques préexistants à des décisions factuelles précises, mais réside plutôt dans la formulation d"un avis de bonne foi basé sur les probabilités perçues par le ministre au moyen d"un examen des documents pertinents et sur une évaluation de l"acceptabilité du risque probable. Dans de telles circonstances, les exigences en matière d"équité sont minimes et ont sûrement été respectées pour des motifs identiques à ceux que j"ai donnés pour conclure que les exigences de justice fondamentale, le cas échéant, ont été respectées.         

[6]      Après avoir examiné la preuve et appliqué les critères de l"arrêt Williams , précité, j"ai conclu qu"il fallait rejeter la demande de contrôle judiciaire, le demandeur n"ayant pas réussi à me convaincre que le représentant du ministre a commis une erreur susceptible de contrôle. Je tiens également à souligner que la prétention du demandeur selon laquelle le représentant du ministre a commis une erreur de droit en formulant de façon prématurée un avis portant qu"il pose un danger pour le public est indéfendable, comme l"a souligné le juge Rothstein dans Correira c. M.C.I. (16 décembre 1997), IMM-1057-96 :

              Le deuxième point se pose de savoir si, étant donné que le requérant avait été déclaré coupable de meurtre et n'est admissible à la libération conditionnelle qu'en l'an 2011, l'avis de danger émis par le ministre n'est pas valable parce que cet avis est prématuré. Rien au paragraphe 70(5) n'empêche d'émettre un avis de danger lorsque le requérant est en prison [voir Gillespie c. MCI, IMM-1046-96, 20 août 1997]. Le paragraphe 70(5) ne laisse pas entendre non plus que le ministre n'a pas le droit d'exercer son pouvoir discrétionnaire prévu à ce paragraphe à n'importe quelque moment. Il semble quelque peu absurde de penser que le ministre ne pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire pour émettre un avis de danger à l'égard d'une personne déclarée coupable d'une infraction si grave qu'il est inadmissible à la libération conditionnelle pendant 15 ans, mais qu'il n'est pas ainsi contraint à l'égard de personnes déclarées coupables de crimes moins graves.         

[7]      Comme je l"ai mentionné à l"audition, je n"estime pas que la présente affaire soulève de question de portée générale méritant d"être certifiée.


YVON PINARD

                                             JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 5 janvier 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-1384-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      TAN THANH NGUYEN c. LE MINISTRE DE LA                      CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 10 décembre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :              5 janvier 1999

ONT COMPARU :

Mme Antya Schrack                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Sandra Weafer                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                     POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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