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Date : 20060411

Dossier : T‑1506‑02

Référence : 2006 CF 462

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

LE GENDARME DARREL BRUNO

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE RESPONSABLE DE L’EXAMEN DES GRIEFS DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, UNITÉ DES RELATIONS DE TRAVAIL, RESSOURCES HUMAINES, RNO REGINA, LE SOUS‑OFFICIER RESPONSABLE DU PERSONNEL ET DES AFFECTATIONS, DIVISION « K », RNO

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Gendarmerie royale du Canada a adopté une politique selon laquelle les collectivités des Premières nations doivent bénéficier de services de police dotés d’un certain nombre d’agents autochtones de la GRC ayant des antécédents culturels et linguistiques similaires, pouvant ainsi assurer des services de police efficaces, qui répondent aux besoins de ces collectivités. La présente affaire porte sur la façon dont la GRC évalue et détermine si un candidat à un poste de la GRC devant être doté par un Autochtone répond aux critères de la GRC afin d’être admissible à titre d’Autochtone.

 

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 29 juillet 2002 par laquelle le sergent d’état‑major David Asp, officier du Personnel et des Affectations dans la région du Nord‑Ouest de la division « K » de la GRC, a donné suite à la décision rendue au deuxième palier par laquelle un arbitre avait fait droit au grief du demandeur concernant sa non‑sélection à l’un de trois postes de caporal dotés par des Autochtones.

 

Les faits

 

[3]               Le demandeur est un Indien inscrit visé par le Traité 6; il est membre de la Première nation crie de Samson. Dans son affidavit, il déclare ce qui suit aux paragraphes 3, 4 et 5 :

[traduction]

 

3.             En ma qualité de membre de la Nation crie de Samson et puisque je suis né de parents indiens, j’ai appris à parler en cri et j’ai acquis une connaissance approfondie de la culture, des valeurs et des coutumes cries.

 

4.             J’ai vécu dans la réserve de la Nation crie de Samson, à Hobbema, à divers moments jusqu’à l’âge de 12 ans. Lorsque j’avais 16 ans, je me suis installé dans la réserve de la Nation crie d’Enoch où j’ai vécu jusqu’à ce que j’aie à peu près 34 ans. J’ai vécu à l’extérieur de la réserve jusqu’à l’âge de 38 ans. Je me suis ensuite installé dans la réserve de Samson et j’habite une propriété de la bande de Samson.

 

5.             Le 19 décembre 1993, j’ai été embauché par la division « K » de la GRC dans le cadre du Programme des gendarmes spéciaux des bandes d’Edmonton. Ce programme avait été mis sur pied par le gouvernement fédéral […] aux fins du recrutement d’Autochtones au sein de la GRC. […]

 

 

[4]               Le 18 mai 1999 ou vers cette date, un bulletin de possibilité d’emploi au sein de la GRC (le BPE) a été publié pour trois postes de caporal dans trois détachements autochtones différents au sein de la division « K ». Selon le BPE, [traduction] « afin de répondre aux objectifs du Programme de la police des Autochtones […] ce poste [devait être] ouvert aux gendarmes autochtones qualifiés aptes à être promus et possédant une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones ».

 

[5]               Le demandeur a déclaré que le BPE [traduction] « l’enthousiasmait » étant donné que le poste de caporal était constamment doté par des non‑Autochtones. Le demandeur a présenté sa candidature au poste de caporal au sein du détachement autochtone d’Hobbema.

 

[6]               Le 22 juin 1999, la GRC a informé le demandeur qu’il n’avait pas été promu. Sur les 15 membres de la GRC qui cherchaient à obtenir une promotion, trois candidats ont été choisis sur la base suivante :

1.         on déterminait si les candidats étaient des Autochtones ou s’ils étaient identifiés à titre d’Autochtones dans le formulaire 3501 de la GRC : [traduction] « Questionnaire d’auto‑identification »;

2.         ces membres étaient classés compte tenu à la fois de leur ancienneté au sein de la GRC et de la valeur moyenne des résultats de l’exercice de simulation d’emploi et du rapport sur le rendement aux fins d’une promotion.

Le service du personnel et des affectations a choisi les trois membres qui avaient obtenu les meilleurs résultats et il leur a accordé les promotions. Le demandeur a été considéré comme qualifié pour occuper le poste, mais il s’est classé neuvième.

 

[7]               Le gendarme Bruno a déclaré que la nomination du gendarme Thorne à l’un des trois postes de caporal dotés par des Autochtones l’avait [traduction] « étonné et surpris », et ce, pour les raisons suivantes :

1.                  le caporal Thorne ne possédait pas les traits physiques des Autochtones;

2.                  le caporal Thorne n’avait pas été élevé dans une famille, dans une collectivité ou en milieu autochtone;

3.                  le caporal Thorne ne parlait pas une langue aborigène;

4.                  le caporal Thorne n’avait pas une connaissance approfondie de la culture, des valeurs ou des coutumes autochtones.

 

Dans son affidavit, le gendarme Bruno déclarait ce qui suit :

[traduction] Le gendarme David Thorne m’a par la suite informé qu’il avait assisté à des funérailles familiales trois semaines avant d’être promu et qu’il avait découvert qu’il était peut‑être d’origine métisse. Il m’a en outre fait savoir qu’à la suite de cette découverte, il avait obtenu une carte de Métis moyennant le paiement d’une somme de 10 $ et qu’il s’était identifié à titre d’Autochtone dans le questionnaire d’auto‑identification.

 

 

 

Le grief au premier palier

 

[8]               Le 30 juin 1999, le gendarme Bruno a déposé un grief à l’encontre de la décision prise en matière de dotation, devant l’arbitre au premier palier qui, par une décision datée du 8 juin 2001, a rejeté le grief. L’arbitre au premier palier a conclu que la GRC considérait les membres visés par un Traité ainsi que les Métis comme des Autochtones et que l’« auto‑identification » d’un membre à titre d’Autochtone était suffisante pour remplir la condition du BPE concernant les Autochtones.

 

Le grief au deuxième palier

 

[9]               Le 8 janvier 2002, le gendarme Bruno a déposé un grief au deuxième palier. Par une décision en date du 8 juillet 2002, l’arbitre de la GRC au deuxième palier, le surintendant J. P. Brazeau, a fait droit au grief du demandeur et il a conclu que l’auto‑identification n’était pas suffisante pour établir que l’exigence d’un poste est justifiée, qu’il fallait adopter des pratiques en vue de faire en sorte que les membres ne remplissant pas les conditions d’admissibilité n’utilisent pas à mauvais escient les normes et que la note de service de la GRC du 18 octobre 1996 rédigée par Dieter Schachhuber, officier responsable de la Sous‑direction des langues officielles et de la gestion de la diversité, énonçait une norme appropriée permettant de déterminer l’identité d’un Autochtone aux fins des promotions.

 

La note de service de la GRC en date du 18 octobre 1996

 

[10]           Dans cette note de service, on recommandait qu’un candidat réponde à deux de trois critères pour établir son identité autochtone :

1. il devait posséder les traits physiques des Autochtones;

2. il devait prouver qu’il était Autochtone et soumettre des documents à l’appui;

3. il devait démontrer son identité autochtone et notamment la connaissance d’une langue aborigène et de la culture autochtone.

 

[11]           La note de service de la GRC en date du 18 octobre 1996 est en partie rédigée comme suit :

Objet : DÉSIGNATION DU STATUT D’AUTOCHTONE

 

[…]

 

Il faut d’abord préciser que les priorités en matière de recrutement d’agents autochtones constituent un programme de promotion sociale et que les postulants autochtones doivent répondre à certains critères. Ceux qui n’y répondent pas ne peuvent s’attendre à être engagés tout simplement en se disant Autochtones.

 

[ …]

 

Une personne qui ne possède pas les traits physiques des gens issus des minorités visibles qui subissent des désavantages, qui n’a pas grandi ou qui n’habite pas dans un milieu défavorisé comme c’est le cas des personnes issues d’un groupe minoritaire visible désavantagé n’est pas admissible au programme de promotion spéciale conçu pour compenser les désavantages du passé.

 

Conformément aux références susmentionnées, il est possible de définir certains critères auxquels un postulant doit répondre pour être désigné Autochtone aux fins du recrutement.

 

1.   POSSÉDER LES TRAITS PHYSIQUES DES AUTOCHTONES : Il s’agit d’une mesure fortement subjective mais qui est généralement raisonnable; les personnes informées peuvent trouver un consensus. Si une personne ne possède pas ces traits physiques, on doit appliquer les points 2 et 3.

 

2.   PROUVER QU’ON EST AUTOCHTONE : La personne doit présenter une preuve documentée voulant qu’elle soit Autochtone. Pour éliminer tout doute, il est préférable que cette preuve documentée s’ajoute au point no 1 ci‑dessus. Avec une telle preuve, le postulant montre qu’il a été élevé dans une famille, dans une communauté ou en milieu autochtone.

 

3.   AVOIR UNE IDENTITÉ AUTOCHTONE : Il s’agit du critère le plus important. La GRC recrute des Autochtones pour qu’ils travaillent au sein de la police autochtone. Ils doivent parler des langues aborigènes et connaître la culture, les valeurs et les coutumes aborigènes. Ces qualités s’acquièrent en ayant grandi dans des communautés autochtones ou, à tout le moins, dans le voisinage des communautés, des groupes et des familles autochtones.

 

 

 

Pour s’assurer que les postulants autochtones contribuent le plus possible au travail de la GRC, ils doivent répondre à deux des trois critères susmentionnés. Ainsi, les agents de recrutement pourront s’assurer que les prétentions au statut d’Autochtone sont probablement vraies et que ces recrues contribueront au travail de la GRC en milieu autochtone.

 

[…]

 

La décision de l’arbitre au deuxième palier

 

[12]           Dans la décision qu’il a rendue au deuxième palier, l’arbitre a tiré les conditions suivantes :

1.                  il ne souscrivait pas à l’avis de l’arbitre au premier palier selon lequel aucun mécanisme d’évaluation n’est en place afin de permettre à la GRC d’évaluer les candidats possibles quant à leur connaissance du mode de vie ou de la culture autochtone;

2.                  la note de service du 18 octobre 1996 constitue un mécanisme d’évaluation efficace au sein de la GRC, et elle permet de déterminer si les candidats sont vraiment des Autochtones;

3.                  dans ce cas‑ci, le service des affectations de la GRC n’a pas tenté de déterminer si les candidats étaient Autochtones et s’ils avaient [traduction] « une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones »;

4.                  le gendarme Bruno, le demandeur, n’a pas bénéficié d’un examen approprié; il faudrait l’évaluer, ainsi que les trois candidats reçus, pour déterminer s’ils répondent aux critères énoncés dans le BPE à l’aide du mécanisme d’évaluation élaboré dans la note de service du 18 octobre 1996;

5.                  si cette nouvelle évaluation permettait de conclure que le gendarme Bruno remplit les conditions prévues par le BPE (c’est‑à‑dire qu’il était un gendarme autochtone qualifié, apte à être promu et ayant une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones), alors que l’un ou l’autre des trois candidats reçus ne les remplit pas, le gendarme Bruno devrait être promu rétroactivement.

 

[13]           À la page 8 de sa décision, l’arbitre dit ce qui suit :

[traduction] Les observations présentées au deuxième palier par le plaignant renferment un certain nombre d’arguments convaincants, mais je ne suis pas d’accord avec lui pour dire que l’utilisation de formulaires « d’auto‑identification » va à l’encontre de la politique de la GRC et de la politique de la PPN. En l’espèce, le problème est le suivant : le service des affectations n’a pas tenté de déterminer si les candidats qui s’étaient identifiés possédaient certains attributs que le service des affectations avait inclus dans le BPE. Je ne suis pas non plus d’accord pour dire qu’il n’existe au sein de la GRC aucun mécanisme d’évaluation efficace permettant de déterminer l’origine autochtone des candidats. Comme je l’ai dit ci‑dessus, je crois que la note de service du 18 octobre 1996 de M. Schachhuber remplit exactement ce rôle. Quant aux observations présentées au deuxième palier, je souscris d’une façon plus particulière aux remarques suivantes :

 

[traduction] « L’adoption d’une norme d’équité en matière d’emploi qui favorise le recrutement et la promotion de membres d’origine autochtone comporte juridiquement certaines obligations. Plus précisément, il faut adopter des pratiques destinées à faire en sorte que les membres qui ne remplissent pas les conditions d’admissibilité n’utilisent pas à mauvais escient la norme. »

[…]

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]           À la page 9 de la décision, l’arbitre a affirmé ce qui suit :

[traduction] Je crois que le plaignant n’a pas bénéficié d’un examen approprié et qu’il faudrait l’évaluer, ainsi que les trois candidats reçus, pour déterminer s’ils répondent aux critères énoncés dans le BPE du 18 mai 1999. Si aucun mécanisme d’évaluation permettant de déterminer l’origine autochtone n’a été élaboré entre le 18 mai 1999 et la date de ma décision, le service des affectations devrait appliquer les critères énoncés dans la note de service de M. Schachhuer en date du 18 octobre 1996. Si le plaignant satisfait à cette exigence du poste (« c’est‑à‑dire qu’il était un gendarme autochtone qualifié, apte à être promu et ayant une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones ») alors que l’un ou l’autre des trois candidats reçus n’y satisfait pas, le plaignant devrait être promu rétroactivement à la date où le premier des trois candidats reçus (ne satisfaisant pas à cette exigence du poste) a été promu.

 

 

La décision de la GRC visée par l’examen

 

[15]           La GRC n’a pas interjeté appel de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier au palier suivant de la procédure applicable aux griefs. Elle a plutôt accepté la décision, de sorte qu’il s’agit d’une décision définitive liant la GRC. La GRC a ensuite donné suite à cette décision.

 

[16]           La décision relative à la mise à exécution ne réévaluait pas les trois candidats reçus et le gendarme Bruno au moyen d’une entrevue ou au moyen d’autres recherches. Le sergent d’état‑major Asp a plutôt examiné les dossiers et il a conclu ce qui suit :

1.                  le caporal Thorne ne possède pas les traits physiques des Autochtones;

2.                  le caporal Thorne et les autres candidats reçus possèdent des documents établissant leur identité formelle à titre de Métis;

 

3.                  le caporal Thorne et les deux autres candidats reçus ont été affectés à des détachements autochtones. Le caporal Thorne a été affecté à des détachements autochtones pendant onze ans en tout. Grâce à ces affectations, les candidats possèdent la connaissance nécessaire pour ce qui est du mode de vie et de la culture autochtones.

 

[17]           Il est fait état de la décision relative à la mise à exécution dans une note de service en date du 29 juillet 2002 du sergent d’état‑major Asp, qui a conclu que les candidats reçus qui avaient été promus au grade de caporal étaient des membres autochtones pleinement qualifiés, de sorte que le gendarme Bruno ne pouvait pas être promu à l’un quelconque des postes que ceux‑ci occupaient. La note de service est en partie rédigée comme suit :

[traduction] […] Le gendarme Bruno satisfait clairement aux exigences du poste selon le Bulletin de possibilité d’emploi alors publié.

 

L’arbitre conclut que si l’un quelconque des trois candidats reçus ne satisfait pas aux exigences du BPE, (« c’est‑à‑dire qu’il est un gendarme autochtone qualifié, apte à être promu et ayant une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones »), le gendarme Bruno doit être promu rétroactivement à la date où le premier des trois candidats reçus (ne satisfaisant pas à cette exigence du poste) a été promu. Les dossiers des trois candidats reçus ont été examinés. Tous ces candidats ont transmis des documents faisant état de leur identité formelle en tant qu’Autochtones. Il ressort clairement de l’examen que deux des trois membres, à savoir le caporal Fraser et le caporal Ladouceur (leur grade actuel), en plus de posséder et de présenter des caractéristiques autochtones distinctes, possèdent les traits physiques des Autochtones.

 

Si l’on utilise les critères énoncés dans la note de service du mois d’octobre 1996 de M. Schachhuber, puisque aucun autre critère officiel n’a été établi, à savoir 1) POSSEDER LES TRAITS PHYSIQUES DES AUTOCHTONES, 2) PROUVER QU’ON EST AUTOCHTONE, ET 3) AVOIR UNE IDENTITE AUTOCHTONE, les premier et deuxième critères sont simples et selon le troisième, le membre doit « parler des langues aborigènes et connaître la culture, les valeurs et les coutumes aborigènes ». Selon les recommandations, les candidats doivent répondre à deux des trois critères.

 

Les trois candidats reçus sont officiellement reconnus à titre de MÉTIS, compte tenu de la documentation fournie. Le caporal Thorne ne présente pas de caractéristiques autochtones distinctives, mais il ressort de l’examen des affectations de ce membre au long de sa carrière et jusqu’à ce jour qu’il possède la connaissance nécessaire quant au mode de vie et à la culture autochtones. Le caporal Thorne a reçu à des affectations désignées comme autochtones à Prince Rupert (Colombie‑Britannique), à Fort Providence (Territoires du Nord‑Ouest), au détachement de Yaloyoak (Inuvik), et au détachement d’Hobbema depuis 1997. Aux fins du présent examen, jusqu’au 3 Juin 1999, il avait été affecté à des détachements autochtones pendant onze ans en tout. De plus, les caporaux Fraser et Ladouceur avaient également été principalement affectés à un détachement autochtone et occupaient des postes au sein de services de police des Premières nations désignés comme tels; le caporal Ladouceur a été affecté à Lac La Biche, à Wetaskiwin, à Fort Chipewyan, au détachement de la PPN de Saddle Lake, pendant huit ans en tout avant d’être promu au grade de caporal à Saddle Lake. Le caporal Fraser a été affecté à la PPN de Ft. McMurray, à la Direction des services de police autochtones de la division « N », au Quartier général, et au détachement de Rocky Mountain House ainsi qu’au détachement de la PPN de Sunchild O’ches, pendant huit ans en tout.

 

Il ressort clairement de l’examen que les trois candidats reçus étaient et sont encore des membres autochtones pleinement qualifiés; aucun autre redressement n’est nécessaire à l’égard de cette décision.

 

[Caractères gras et majuscules dans l’original.]

 

[18]           Le gendarme Bruno a déposé un autre grief à l’encontre de la décision par laquelle la GRC donnait suite à la décision rendue par l’arbitre. Le sergent d’état‑major Asp a répondu à ce grief dans une note de service datée du 23 octobre 2002. Il a dit que la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier avait déjà été mise à exécution et il a ajouté ce qui suit :

[traduction] Le gendarme Bruno n’a pas le droit de déposer un autre grief. Toutefois, il a le droit de demander un examen de l’affaire devant la Cour fédérale, et c’est ce qu’il a fait.

 

Ce grief n’est pas recevable et aucune autre mesure ne sera prise par le présent bureau.

 

 

La législation pertinente

 

[19]           La législation pertinente, pour ce qui est de la procédure applicable aux griefs de la GRC, est la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R‑10 (la Loi) et les Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes), DORS/2000‑141. Les dispositions pertinentes sont jointes à ces motifs, à l’appendice A.

 

Les points litigieux

 

[20]           La présente demande soulève les questions ci‑après énoncées :

1.         La Cour, à sa discrétion, devrait‑elle refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire pour le motif que la question fait l’objet de la procédure applicable aux griefs, qui est un autre recours adéquat, et dont il aurait fallu se prévaloir avant de demander le contrôle judiciaire devant la Cour?

 

2.         Si la Cour exerce sa compétence en matière de contrôle judiciaire dans la présente affaire, quelle est la norme de contrôle applicable?

 

3.         En appliquant la norme de contrôle pertinente, la décision du sergent d’état‑major Asp en date du 29 juillet 2002, en ce qui concerne la mise à exécution de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier, devrait‑elle être annulée, pour le motif qu’elle est manifestement déraisonnable ou qu’elle est déraisonnable?

 

 

Analyse

 

Question no 1 :      La Cour, à sa discrétion, devrait‑elle refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire pour le motif que la question fait l’objet de la procédure applicable aux griefs, qui est un autre recours adéquat, et dont il aurait fallu se prévaloir avant de demander le contrôle judiciaire devant la Cour?

 

[21]           Dans la décision Rae c. Canada (Procureur général) (1995), 58 A.C.W.S. (3d) 3 (C.F. 1re inst.), la juge Reed a conclu qu’un membre de la GRC doit épuiser les recours dont il peut se prévaloir et déposer un grief à l’encontre d’une décision avant que la Cour assume sa compétence en matière de contrôle judiciaire. La juge Reed a dit ce qui suit au paragraphe 3 :

 3      Les difficultés qui s’opposent à la formulation d’un jugement valable sur la requête en instance sont les suivantes : (1) la décision attaquée est celle du sergent d’état‑major Jeffery […] Aucun grief n’a été formulé contre la décision antérieure du sergent d’état-major Jeffery, bien que selon l’avocate de l’intimé, cette voie de recours fût ouverte au requérant qui aurait dû l’exercer avant de saisir la Cour d’un recours en contrôle judiciaire.  Quoi qu’il en soit, un principe fondamental du droit administratif pose qu’un requérant doit épuiser toutes les voies de recours disponibles avant que le recours en contrôle judiciaire ne soit recevable.

 

 

[22]           Le paragraphe 31(1) de la Loi prévoit une procédure interne de présentation des griefs pour les différends en matière de relations de travail dans le cas où « la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice ». Or, à la date à laquelle la décision visant à corriger le préjudice a été prise, le 29 juillet 2002, les Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes), DORS/2000‑141 (les CC concernant les promotions) étaient en vigueur depuis le 6 avril 2000 conformément aux paragraphes 21(2) et 31(1) de la Loi. Selon l’article 2 des CC concernant les promotions, les consignes s’appliquent, à la place de la partie III de la Loi, à la présentation et au règlement des griefs ayant trait aux processus de sélection en vue de la promotion des membres et à ceux ayant trait aux exigences de postes qui sont arrêtées. Le différend ici en cause se rapporte à une décision donnant suite à une décision antérieure rendue par un arbitre au deuxième palier, par laquelle l’arbitre a ordonné la réévaluation par la direction de la question de savoir si les postulants satisfaisaient aux exigences de postes autochtones précises. À mon avis, les CC concernant les promotions s’appliquent aux questions soulevées, et il existe donc une procédure interne de présentation des griefs dont le demandeur doit se prévaloir avant de demander l’intervention de la Cour.

 

[23]           Pour décider s’il y a lieu de refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire, la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, a conclu, au paragraphe 12 de l’arrêt Froom c. Canada (Ministre de la Justice), [2005] 2 R.C.F. 195 (C.A.), qu’il faut se demander si le recours subsidiaire est adéquat, et non s’il est parfait.

 

[24]           En l’espèce, il a été fait droit au grief déposé par le gendarme Bruno à l’encontre de la décision par laquelle il n’avait pas été choisi pour occuper l’un des trois postes de caporal aux détachements de la division « K ». Après que l’arbitre eut rendu sa décision au deuxième palier, le sergent David Asp a donné suite à cette décision d’une façon qui ne satisfaisait pas le demandeur, de sorte que celui‑ci demande maintenant à la Cour d’intervenir dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Toutefois, la décision de mise à exécution dont l’examen est demandé en l’espèce n’est pas une décision définitive rendue par un arbitre. Il incombait au demandeur de soumettre d’abord un grief à l’encontre de la décision de mise à exécution.

 

[25]           Les défendeurs font valoir que la Cour ne devrait pas exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire étant donné que le gendarme Bruno aurait dû déposer un grief à l’encontre de la décision de mise à exécution. Toutefois, les défendeurs ont omis de tenir compte du fait que, dans une note de service datée du 23 octobre 2003, le sergent d’état‑major Asp avait informé le gendarme Bruno qu’il n’avait pas le droit de déposer un autre grief, que le grief qu’il avait déposé à l’encontre de la décision de mise à exécution n’était pas recevable et que la GRC ne prendrait aucune autre mesure à l’égard de ce grief.

 

[26]           Il est clair, de l’avis de la Cour, que la position prise par le sergent d’état‑major Asp, à savoir que le demandeur ne pouvait pas se prévaloir de la procédure applicable aux griefs ou que cette procédure n’était pas appropriée, était erronée. Il est également clair que les défendeurs ne peuvent pas d’une part informer le gendarme Bruno qu’il ne peut pas se prévaloir de la procédure applicable aux griefs à l’encontre de la décision de mise à exécution et d’autre part prendre la position, devant la Cour, suivant laquelle le gendarme Bruno aurait dû avoir recours à la procédure interne applicable aux griefs. Les défendeurs doivent n’avoir rien à se reprocher lorsqu’ils affirment que la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire sur cette base.

 

[27]           Dans un cas similaire concernant la GRC, Sauvé c. Canada (1998), F.T.R. 91 (1re inst.), le juge Max Teitelbaum a conclu comme suit au paragraphe 26 :

Étant donné que le Commissaire adjoint a conclu que la procédure de règlement des griefs n’était pas le recours approprié pour traiter des allégations de discrimination et de harcèlement, je suis convaincu que le demandeur n’avait plus de raison de poursuivre cette voie en appelant de cette décision au palier supérieur de la procédure de règlement des griefs.

 

Le juge a donc refusé de radier l’action pour le motif que le demandeur n’avait pas eu recours à la procédure interne applicable aux griefs.

 

 

[28]           Pour les mêmes motifs, la Cour en l’espèce ne peut s’attendre à ce que le gendarme Bruno ait déposé un grief à l’encontre de la décision de mise à exécution. La Cour devrait donc assumer sa compétence et procéder à un examen judiciaire de la décision de mise à exécution prise par le sergent d’état‑major Asp.

 

Question no 2 :      Si la Cour exerce sa compétence en matière de contrôle judiciaire dans la présente affaire, quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[29]           Le demandeur fait valoir que la décision par laquelle le sergent d’état‑major Asp donnait suite à l’ordonnance rendue par l’arbitre au deuxième palier est assujettie, sur le plan de la norme de contrôle, à la décision raisonnable simpliciter. Les défendeurs font de leur côté valoir que la norme de contrôle est la décision manifestement déraisonnable.

 

[30]           Si j’applique l’approche pragmatique et fonctionnelle, je conclus que la norme de contrôle applicable en l’espèce est la décision raisonnable simpliciter. Dans l’arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour suprême du Canada a décidé, au paragraphe 26, que la cour de révision doit tenir compte de quatre facteurs contextuels en décidant de la norme de contrôle à appliquer :

¶ 26         […] Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels – la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel; l’expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l’objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question – de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. […]

 

La clause privative et le droit d’appel prévu par la loi

 

[31]           La décision du service du personnel et des affectations de donner suite à la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier n’est pas à l’abri d’un examen. La Loi prévoit une procédure interne de règlement des griefs aux fins de l’examen des décisions de la direction touchant un employé. Toutefois, la GRC a informé le demandeur qu’il ne pouvait pas se prévaloir de cette procédure et qu’il devrait demander le contrôle judiciaire. Ce facteur mérite donc peu de retenue.

 

L’expertise du tribunal

 

[32]           En l’espèce, il incombait au sous‑officier responsable des affectations de décider si le demandeur et trois agents qui avaient été promus étaient des « gendarmes autochtones qualifiés, aptes à être promus ayant une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones », compte tenu de la note de service de la GRC du mois d’octobre 1996, suivant laquelle il faut « posséder les traits physiques des Autochtones, prouver qu’on est Autochtone, et avoir une identité autochtone ». La mise à exécution de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier exigeait l’application des critères énoncés dans la note de service de la GRC. Il s’agit d’un domaine dans lequel le service du personnel et des affectations de la GRC a de l’expertise. Il faut donc faire preuve de retenue.

 

L’objet de la législation et de la politique en matière de services de police autochtones

 

[33]           L’objet de la législation et de la « Politique sur la police des Premières nations » est de conférer à la GRC un pouvoir discrétionnaire aux fins de la sélection d’agents autochtones de la GRC qualifiés pouvant assurer des services de police efficaces, qui répondent aux besoins des communautés autochtones. Ce facteur milite en faveur de la retenue en ce qui concerne les décisions prises par la GRC au sujet du personnel.

 

La nature de la question

 

[34]           La décision de mise à exécution de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier exigeait que la GRC applique les critères permettant d’identifier les candidats autochtones. Les critères constituent en fait la législation que le sergent d’état‑major Asp était tenu d’appliquer en décidant si les trois candidats et le gendarme Bruno étaient Autochtones. À mon avis, cela correspond à une question mixte de fait et de droit, ce qui justifie une certaine retenue, la décision raisonnable étant toutefois la norme à appliquer.

 

Conclusion concernant la norme à appliquer

 

[35]           Je conclus que la norme de contrôle applicable à la décision de mise à exécution prise par le sergent d’état‑major Asp est la décision raisonnable simpliciter.

 

Question no 3 :      En appliquant la norme de contrôle pertinente, la décision du sergent d’état‑major Asp en date du 29 juillet 2002, en ce qui concerne la mise à exécution de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier, devrait‑elle être annulée, pour le motif qu’elle est déraisonnable?

 

[36]           L’arbitre au deuxième palier a conclu que le plaignant (le gendarme Bruno) n’avait pas bénéficié d’un examen approprié et qu’il faudrait l’évaluer, ainsi que les trois candidats reçus, pour déterminer s’ils répondent aux critères énoncés dans le BPE du 18 mai 1999. L’arbitre a également conclu que les observations du gendarme Bruno [traduction] « renferm[aient] un certain nombre d’arguments convaincants ». L’un des arguments invoqués par le gendarme Bruno était que le caporal Thorne ne possédait pas les traits physiques des Autochtones, qu’il n’avait pas été élevé dans une famille, dans une collectivité ou en milieu autochtone, qu’il ne parlait pas une langue aborigène, et qu’il n’avait pas une connaissance approfondie de la culture, des valeurs ou des coutumes autochtones. Ces facteurs sont les critères énoncés dans la note de service de la GRC du mois d’octobre 1996, intitulée « Désignation du statut d’Autochtone ».

 

[37]           Selon le BPE, le concours était ouvert aux gendarmes autochtones qui [traduction] « [avaient] une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones ». Le mot « intrinsèque » est défini comme suit :

[traduction]

 

2. qui fait partie de l’objet dont il s’agit en tant que qualité ou en tant qu’attribut permanent; formant un élément, en particulier un élément essentiel de l’objet; essentiel.

 

Voir le Shorter Oxford English Dictionary, volume 1 (Oxford University Press, 1986).

 

 

[38]           La décision rendue par l’arbitre au deuxième palier faisait droit au grief déposé par le gendarme Bruno, et la GRC n’a pas interjeté appel. Il s’agit donc d’une décision exécutoire et définitive pour la GRC. La décision de neuf pages exigeait que la GRC :

1.                  détermine si les trois candidats reçus avaient « une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones »

 

2.                  établisse si les candidats qui s’étaient identifiés à titre d’Autochtones possédaient les attributs autochtones, et ce, au moyen de l’application des critères énoncés dans la note de service de la GRC en date du 18 octobre 1996 intitulée « Désignation du statut d’Autochtone ».

 

[39]           En donnant suite à la décision de l’arbitre, le sergent d’état‑major Asp ne s’est pas raisonnablement demandé si les trois candidats reçus avaient [traduction] « une connaissance intrinsèque du mode de vie et de la culture autochtones » ou s’ils répondaient aux critères énoncés dans la note de service de la GRC intitulée : « Désignation du statut d’Autochtone ». De l’avis de la Cour, c’est ce qui ressort clairement des éléments suivants :

1.                  les défendeurs reconnaissent que le sergent d’état‑major Asp ne s’est pas renseigné sur la question de savoir si les trois candidats reçus répondaient aux critères, si ce n’est qu’il a examiné les renseignements figurant à leurs dossiers. Ce sont ces renseignements que l’arbitre a jugés inadéquats aux fins de l’évaluation;

2.                  les défendeurs reconnaissent qu’ils n’ont pas de renseignements au sujet de la question de savoir si le caporal Thorne parle une langue aborigène et qu’ils n’ont fait aucun effort pour évaluer ce critère à l’égard du caporal Thorne ou des deux autres candidats reçus;

3.                  les défendeurs reconnaissent que le gendarme Thorne ne possède pas les traits physiques des Autochtones; puisqu’il ne répond pas à ce critère, le gendarme Thorne doit donc répondre au deuxième critère (prouver qu’il est Autochtone) et au troisième critère (avoir une identité autochtone). Quant au troisième critère, le sergent d’état‑major Asp ne s’est pas demandé si le caporal Thorne, ou les deux autres candidats reçus, « connaissent » la culture, les valeurs et les coutumes aborigènes « en ayant grandi dans des communautés autochtones ou, à tout le moins, dans le voisinage des communautés, des groupes et des familles autochtones ». Le sergent d’état‑major Asp a plutôt décidé que le caporal Thorne possédait la connaissance nécessaire du mode de vie et de la culture autochtones parce qu’il avait été affecté à des détachements autochtones pendant onze ans. Il ne s’agit pas d’un fondement raisonnable aux fins de l’évaluation étant donné que le troisième critère prévoit que la connaissance de la culture, des valeurs et des coutumes aborigènes « s’acquiert en ayant grandi dans des communautés autochtones ou, à tout le moins, dans le voisinage des communautés, des groupes et des familles autochtones »;

4.                  le BPE emploie le mot [traduction] « intrinsèque », ce qui veut dire que la connaissance de la culture et des valeurs autochtones constitue un élément essentiel des antécédents du postulant. Un agent de la GRC affecté dans une communauté autochtone n’acquiert pas nécessairement une connaissance [traduction] « intrinsèque » de la culture et des valeurs autochtones;

5.                  la décision de mise à exécution n’évaluait pas le principal fondement du grief déposé par le gendarme Bruno à l’égard du caporal Thorne. Il était allégué que le caporal Thorne n’avait pas grandi dans une communauté autochtone, qu’il n’avait appris que quelques semaines avant le concours qu’il avait du sang métis, et qu’il avait alors demandé une carte de Métis. Le deuxième critère de la note de service de la GRC sur la « Désignation du statut d’Autochtone » prévoit que le postulant doit présenter une preuve documentée voulant qu’il soit Autochtone et qu’« [a]vec une telle preuve, le postulant montre qu’il a été élevé dans une famille, dans une communauté ou en milieu autochtone ».

 

[40]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la décision de mise à exécution prise par le sergent d’état‑major Asp n’est pas raisonnable en ce sens qu’elle ne donne pas suite à la décision de l’arbitre d’une façon appropriée. Par conséquent, la décision de mise à exécution doit être annulée et l’affaire doit être renvoyée à un autre officier du Personnel et des Affectations de la GRC pour qu’il donne suite à la décision de l’arbitre d’une façon appropriée. Il faut appliquer les critères aux trois candidats reçus ainsi qu’au gendarme Bruno. S’il est jugé que l’un des trois candidats reçus ne répond pas aux critères, et s’il est jugé que le gendarme Bruno répond aux critères, le gendarme Bruno doit être promu rétroactivement comme l’exige la décision de l’arbitre.

 

Les dépens

 

[41]           Depuis le 22 juin 1999, le gendarme Bruno a persévéré, lorsqu’il s’est agi de présenter un grief à l’encontre de la décision ici en cause et de porter ensuite l’affaire devant la Cour fédérale. Il s’agit d’une affaire importante pour ce qui est de la façon dont les postulants autochtones sont identifiés dans le cadre de la Politique sur la police des Premières nations de la GRC. La décision de mise à exécution prise par le sergent d’état‑major Asp était déraisonnable, et son autre décision selon laquelle le gendarme Bruno ne pouvait pas déposer de grief à l’encontre de la décision de mise à exécution était erronée. Le gendarme Bruno aura droit aux dépens.

 


JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 29 juillet 2002 du sergent d’état‑major David Asp est accueillie, la décision est annulée, et la question de la mise à exécution de la décision rendue par l’arbitre au deuxième palier de la procédure applicable aux griefs est renvoyée à un autre officier du Personnel et des Affectations de la GRC pour qu’il donne suite de la façon appropriée à la décision de l’arbitre, conformément aux présents motifs;

2.                  Le demandeur a droit aux dépens partie‑partie selon l’extrémité supérieure de la colonne III du tarif B.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


APPENDICE « A »

 

1.         Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R‑10

 

PARTIE III

 

PART III

 

GRIEFS

 

GRIEVANCES

 

Présentation des griefs

 

Presentation of Grievances

 

Règle

 

Right of member

 

31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), un membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue à la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice.

 

31. (1) Subject to subsections (2) and (3), where any member is aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Force in respect of which no other process for redress is provided by this Act, the regulations or the Commissioner’s standing orders, the member is entitled to present the grievance in writing at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Part.

 

Prescription

 

Limitation period

 

(2) Un grief visé à la présente partie doit être présenté :

 

(2) A grievance under this Part must be presented

 

a) au premier niveau de la procédure applicable aux griefs, dans les trente jours suivant celui où le membre qui a subi un préjudice a connu ou aurait normalement dû connaître la décision, l’acte ou l’omission donnant lieu au grief;

 

(a) at the initial level in the grievance process, within thirty days after the day on which the aggrieved member knew or reasonably ought to have known of the decision, act or omission giving rise to the grievance; and

 

b) à tous les autres niveaux de la procédure applicable aux griefs, dans les quatorze jours suivant la signification au membre de la décision relative au grief rendue par le niveau inférieur immédiat.

 

(b) at the second and any succeeding level in the grievance process, within fourteen days after the day the aggrieved member is served with the decision of the immediately preceding level in respect of the grievance.

 

[...]

 

[...]

 

Décision

 

Decision

 

(6) Le membre qui constitue un niveau de la procédure applicable aux griefs rend une décision écrite et motivée dans les meilleurs délais possible après la présentation et l’étude du grief, et en signifie copie au membre intéressé, ainsi qu’au président du Comité en cas de renvoi devant le Comité en vertu de l’article 33.

 

(6) As soon as possible after the presentation and consideration of a grievance at any level in the grievance process, the member constituting the level shall render a decision in writing as to the disposition of the grievance, including reasons for the decision, and serve the member presenting the grievance and, if the grievance has been referred to the Committee pursuant to section 33, the Committee Chairman with a copy of the decision.

 

[...]

 

[...]

 

Dernier niveau

 

32. (1) Le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs; sa décision est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

 

Final level in grievance process

 

32. (1) The Commissioner constitutes the final level in the grievance process and the Commissioner’s decision in respect of any grievance is final and binding and, except for judicial review under the Federal Courts Act, is not subject to appeal to or review by any court.

 

[...]

[...]

 

 

 

2.         Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes), DORS/2000‑141

 

CHAMP D’APPLICATION

 

APPLICATION

 

2. (1) Les présentes consignes s’appliquent, à la place de la partie III de la Loi, à la présentation et au règlement des griefs suivants :

 

2. (1) These Standing Orders apply instead of Part III of the Act to the presentation and resolution of all grievances of members in respect of

 

a) ceux ayant trait à une décision, un acte ou une omission liés aux processus de sélection en vue de la promotion des membres et causant un préjudice à un membre;

 

(a) a decision, act or omission made in the course of the selection processes for the promotion of members, by which decision, act or omission a member has been aggrieved; or

 

b) ceux ayant trait aux exigences de postes -- à l’exception des exigences en matières de langues officielles -- qui sont arrêtées à la suite d’une décision, d’un acte ou d’une omission, lesquels causent un préjudice à un membre.

 

(b) job requirements, other than official languages requirements, established for a position through a decision, act or omission, by which decision, act or omission a member has been aggrieved.

 

(2) Les présentes consignes ne s’appliquent qu’au règlement des griefs pour lesquels une demande d’intervention est présentée aux termes des présentes consignes à la date de leur entrée en vigueur ou après celle‑ci.

 

(2) These Standing Orders apply only to the resolution of grievances initiated by a request for intervention submitted in accordance with these Standing Orders on or after the day on which these Standing Orders come into force.

 

[...]

 

[...]

 

PROCÉDURE APPLICABLE POUR LA CORRECTION D’UN PRÉJUDICE

 

PROCESS FOR REDRESS

 

Règlement consensual

 

7. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le membre à qui une décision, un acte ou une omission lié au processus de sélection en vue de sa promotion cause un préjudice et qui tente de régler la question directement avec la personne ayant rendu la décision, posé l’acte ou commis l’omission n’est pas soustrait à l’obligation de se conformer au délai prévu au paragraphe 8(1).

 

Consensual Settlement

 

7. (1) Subject to subsection (2), a member who is aggrieved by any decision, act or omission made in the course of a selection process for the member’s promotion and who attempts to settle the issue directly with the person responsible for the decision, act or omission is not exempt from the obligation to submit a request for intervention within the time provided under subsection 8(1).

 

(2) Sur demande des deux parties qui ont entamé un processus de règlement consensuel, l’arbitre proroge le délai prévu au paragraphe 8(1) pour la période demandée.

 

(2) On request by the two parties involved in the consensual settlement, the adjudicator shall grant an extension of the time for submission of a related request for intervention under subsection 8(1).

 

Présentation de la demande

 

Submission of Request for Intervention

 

Délai

 

Time for Submission

 

8. (1) Le membre à qui une décision, un acte ou une omission lié au processus de sélection en vue de sa promotion cause un préjudice peut présenter une demande d’intervention d’un arbitre au bureau de coordination des griefs dans sa région d’affectation, dans les trente jours suivant celui où le membre a connu ou aurait dû connaître la décision, l’acte ou l’omission.

 

8. (1) A member who is aggrieved by any decision, act or omission made in the course of a selection process for the member’s promotion may submit a request for the intervention of an adjudicator, to the office for the coordination of grievances in the region where the member is posted, within 30 days after the day on which the member knew or ought to have known of the decision, act or omission.

 

(2) Le membre à qui une décision, un acte ou une omission relatif aux exigences d’un poste cause un préjudice peut présenter une demande d’intervention d’un arbitre au bureau de coordination des griefs dans sa région d’affectation, dans les trente jours suivant celui où les exigences du poste ont été publiées pour la première fois.

 

(2) A member who is aggrieved by any decision, act or omission made in the course of the establishment of the job requirements for a position may submit a request for the intervention of an adjudicator, to the office for the coordination of grievances in the region where the member is posted, within 30 days after the day on which the job requirements were first published.

 

[...]

 

[...]

 

Décision sur le fond

 

Decision on the Merits

 

22. (1) Si la demande d’intervention n’est pas rejetée aux termes du paragraphe 21(2), l’arbitre :

 

22. (1) If a request for intervention is not rejected under subsection 21(2), the adjudicator

 

a) soit, rejette la demande;

 

(a) shall dismiss the request for intervention; or

 

b) soit, s’il conclut que la décision, l’acte ou l’omission donnant lieu au différend est erroné et que le demandeur en a subi un préjudice, ordonne la prise des mesures correctives indiquées.

 

(b) shall, if the adjudicator determines that a decision, act or omission is erroneous and has prejudiced the complainant, order appropriate corrective action.

 

(2) Dans le cas d’une demande présentée aux termes du paragraphe 8(1), la seule mesure corrective que l’arbitre peut ordonner est la correction de la décision, de l’acte ou de l’omission erroné.

 

(2) In the case of a request for intervention under subsection 8(1), the only corrective action that may be awarded by the adjudicator is an order that the erroneous decision, act or omission be corrected.

 

(3) Dans le cas de la demande présentée aux termes du paragraphe 8(2), les seules mesures correctives que l’arbitre peut ordonner sont l’ajout ou le retrait d’une ou de plusieurs exigences de poste, et la publication des exigences modifiées.

 

(3) In the case of a request for intervention under subsection 8(2), the only corrective action that may be awarded by the adjudicator is an order requiring the addition or deletion of one or more job requirements for the position and requiring publication of the revised job requirements.

 

[...]

 

[...]

 

Décision finale

 

Final Decision

 

25. La décision que l’arbitre rend à la suite d’une demande d’intervention n’est pas susceptible d’appel ou de révision ultérieure.

25. The decision of the adjudicator that disposes of a request for intervention is not subject to appeal or further review.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1506‑02

 

 

INTITULÉ :                                                   LE GENDARME DARREL BRUNO

                                                                        c.

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                        ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 21 MARS 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 AVRIL 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. ROLF                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

M. STAM                                                        POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PARLEE MCLAWS LLP                                POUR LE DEMANDEUR

Edmonton (Alberta)

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                        POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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