Date : 20020429
Dossier : IMM-516-02
Référence neutre : 2002 CFPI 490
ENTRE :
PAULINA YEBOAH
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BEAUDRY
[1] La demanderesse Paulina Yeboah a demandé une ordonnance ayant pour effet de surseoir à l'exécution de la mesure par laquelle elle doit être renvoyée du Canada au Ghana à 19 h 30 aujourd'hui.
[2] J'ai lu attentivement l'ensemble de la preuve et entendu les avocats.
CRITÈRE APPLICABLE AU SURSIS
[3] Dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1998), 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.), il est mentionné que, pour que sa demande de sursis soit accueillie, le demandeur doit respecter les exigences suivantes : il doit établir l'existence d'une question sérieuse à trancher et d'un préjudice irréparable et doit prouver que la prépondérance des probabilités joue en sa faveur.
[4] Dans la présente affaire, la demanderesse soutient que les questions sérieuses résident dans le fait qu'aucun service d'interprète ne lui a été offert à l'aéroport, qu'elle ne comprenait pas l'anglais et que le paragraphe 44(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi) l'empêchait de présenter une demande de statut de réfugié.
[5] En ce qui a trait au préjudice irréparable, la demanderesse fait valoir que, si elle est expulsée, elle sera tuée ou brutalisée par son ami et que la prépondérance des probabilités joue en sa faveur, en raison de la probabilité que ces événements se produisent.
LES FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE
[6] La demanderesse a déposé deux demandes de visa de visiteur qui ont été refusées : l'une le 18 septembre 1999 et l'autre, le 7 décembre de la même année.
[7] Le 6 juin 2001, Patricia Sama Ansah a déposé une demande de visa de visiteur à l'ambassade du Canada située à Accra, au Ghana. Un visa a été établi le 21 novembre 2001.
[8] La demanderesse est arrivée au Canada le 6 décembre 2001 et s'est présentée sous le nom de Patricia Sama Ansah.
[9] La demanderesse a été interrogée par l'agente d'immigration Tonina Iermieri. Voici un extrait des notes de l'agente :
[TRADUCTION]
Q. Comprenez-vous l'anglais?
R. Oui.
Q. Avez-vous un problème dans votre pays?
R. Non.
Q. Auriez-vous des problèmes si vous retourniez au Ghana?
R. Non, je n'aurais aucun problème.
[10] Le lendemain, un agent d'immigration supérieur a pris une mesure d'exclusion contre la demanderesse, qui a demandé la protection du Canada quatre jours plus tard.
[11] Paulina Yeboah est détenue depuis ce temps. Elle a deux jeunes enfants qui restent toujours au Ghana.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES
[12] Le paragraphe 44(1) de la Loi énonce qu'une personne ne peut revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention lorsqu'elle est frappée d'une mesure de renvoi qui n'a pas été exécutée.
44. (1) Toute personne se trouvant au Canada peut revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention en avisant en ce sens un agent d'immigration, à condition de ne pas être frappée d'une mesure de renvoi qui n'a pas été exécutée, à moins que la mesure n'ait été annulée en appel. |
44. (1) Any person who is in Canada, other than a person against whom a removal order has been made but not executed, unless an appeal from that order has been allowed, and who claims to be a Convention refugee may seek a determination of the claim by notifying an immigration officer.
|
[13] Dans la présente affaire, la demanderesse a déposé la demande visant à obtenir l'autorisation de déposer la présente demande de contrôle judiciaire le 6 février 2002. Entre-temps, elle a également déposé une demande fondée sur des considérations humanitaires le 22 janvier 2002.
[14] À mon avis, la situation examinée dans Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 582 (IMM-2495-00) est semblable à celle de la présente affaire. Voici les commentaires que le juge Blanchard a formulés :
[17] Quant aux conséquences engendrées par l'ordonnance d'exclusion, il était du devoir des demandeurs de ne pas mentir aux autorités canadiennes à leur arrivée. Monsieur le juge Pinard a traité de la question d'une entrevue de deuxième étape dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. N ° . 719 en ligne: QL, où il a affirmé au par. 7 :
(...) [E]n réalité, c'est le manque de franchise de la requérante qui lui a fait perdre le droit de revendiquer le statut de réfugié (voir, par exemple, les arrêts Mbulu c. Canada (M.C.I.) (1995), 94 F.T.R. 81, et Nayci c. Canada (M.C.I.) (1995), 105 F.T.R. 122). Dans les circonstances de la présente affaire, je suis donc d'avis qu'il n'était pas nécessaire, au nom de l'équité, d'aviser la requérante de la nature et des conséquences du deuxième interrogatoire. En réalité, la requérante aurait dû savoir qu'elle risquait de ne pas être autorisée à entrer au Canada.
[18] De plus, la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Raman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (A-30-97, 4 juin 1999), un cas similaire à la présente affaire en ce que l'omission du demandeur de revendiquer le statut de réfugié dès son arrivée au pays l'a privé des droits qui y sont reliés, la Cour affirmait ceci aux paragraphes 14 et 16 :
(...) Bien que l'on puisse soutenir que l'appelant a été mal informé concernant le moment le plus approprié pour revendiquer le statut de réfugié, je ne vois pas comment cela peut le décharger de son obligation de dire la vérité quand il se présente à la frontière d'un pays. Un agent principal n'a aucunement l'obligation de reconsidérer les déclarations de personnes qui refusent de se prévaloir de la possibilité de revendiquer le statut de réfugié.
. . .
En l'espèce, on a demandé à l'appelant s'il souhaitait revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention, et il a décliné cette offre. (...) le refus conscient et volontaire de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention doit être suffisant pour décharger l'agent principal de ses obligations au niveau constitutionnel. Il est de droit constant que les principes de justice fondamentale dictent des procédures différentes selon les circonstances. (...) Toute personne autre qu'un citoyen canadien, toutefois, doit avoir le droit de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention. Si une personne revendique à bon droit un tel statut au moment opportun, la Charte lui offre des protections procédurales importantes, mais, en l'espèce, cette revendication n'a pas été faite.
[15] Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, j'estime que l'agent d'immigration supérieur a appliqué correctement le paragraphe 44(1) de la Loi. Par conséquent, la demanderesse n'avait pas le droit de revendiquer le statut de réfugié après la signature de la mesure d'exclusion le 7 décembre 2001.
[16] L'agente en poste au point d'entrée au Canada ne pouvait deviner si la demanderesse voulait demander le statut de réfugié et n'était pas tenue de chercher à savoir si telle était l'intention de la demanderesse, parce que Paulina Yeboah a répondu clairement qu'elle n'avait aucun problème au Ghana.
[17] En ce qui a trait à l'article 24 de la Charte, je souscris aux remarques que le juge Linden de la Cour d'appel a formulées dans l'arrêt Raman c. Canada, [1999] 4 C.F. 140, à la page 150 (paragraphe 16) :
Cette personne est un simple visiteur, et il existe un principe fondamental en droit de l'immigration selon lequel les visiteurs n'ont pas le droit d'entrer ou de demeurer au Canada. Toute personne autre qu'un citoyen canadien, toutefois, doit avoir le droit de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention. Si une personne revendique à bon droit un tel statut au moment opportun, la Charte lui offre des protections procédurales importantes, mais, en l'espèce, cette revendication n'a pas été faite. [Non souligné dans l'original.]
[18] Dans la présente affaire, la revendication a été présentée trop tard et la demanderesse ne pouvait non plus présenter une revendication de cette nature.
PRÉJUDICE IRRÉPARABLE
[19] La demanderesse ne m'a pas convaincu qu'elle sera victime d'agression physique ou sexuelle si elle retourne au Ghana. La réponse qu'elle a donnée à l'aéroport était claire et concluante.
PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS
[20] Enfin, en ce qui a trait au troisième volet du critère énoncé dans l'arrêt Toth, précité, la prépondérance des inconvénients joue en faveur du défendeur, compte tenu de l'article 48 de la Loi.
[21] En conséquence, je ne suis pas convaincu que la demanderesse a soulevé une question sérieuse à trancher ou qu'elle a prouvé l'existence d'un préjudice irréparable.
[22] Les avocats n'ont présenté aucune question à faire certifier.
[23] La présente demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est rejetée.
« Michel Beaudry »
Juge
MONTRÉAL (QUÉBEC)
Le 29 avril 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20020429
Dossier : IMM-516-02
ENTRE :
PAULINA YEBOAH
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-516-02
INTITULÉ : PAULINA YEBOAH
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : le 29 avril 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR : Monsieur le juge Beaudry
DATE DES MOTIFS : le 29 avril 2002
COMPARUTIONS:
M. Stewart Istanffy POUR LA DEMANDERESSE
M. Daniel Latulippe POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
M. Stewart Istanffy
Montréal (Québec) POUR LA DEMANDERESSE
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR