Date : 20050201
Dossier : IMM-432-04
Référence : 2005 CF 129
ENTRE :
GURMEJ SINGH
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 19 décembre 2003 rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) dans laquelle la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Gurmej Singh (le demandeur) est un citoyen de l'Inde et il est un sikh. Il allègue craindre d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.
[3] La Commission a fondé sa décision sur une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Lorsqu'il s'agit d'une question de crédibilité, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission sauf si le demandeur peut établir que la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). Il est établi que la Commission est un tribunal spécialisé qui a pleine compétence pour apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure où les inférences qu'elle tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et dans la mesure où elle a donné ses motifs en termes clairs et non équivoques (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[4] Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur et qu'elle n'a pas établi clairement les motifs pour lesquels elle a conclu qu'il n'était pas crédible. Le défendeur prétend que la Commission n'a commis aucune erreur et que le demandeur ne s'est pas acquitté de son fardeau d'établir que la décision était manifestement déraisonnable. Je suis d'accord avec les observations du défendeur pour les motifs qui suivent.
[5] La conclusion tirée par la Commission selon laquelle il était invraisemblable que le demandeur soit recherché par la police n'était pas déraisonnable. Le passeport du demandeur a été délivré en 2000; toutefois, le formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur révèle que les déboires de ce dernier avec la police ont commencé en 1998. Si la police recherchait le demandeur en 1998, il est invraisemblable qu'elle lui ait remis un passeport en 2000. Quand on lui a souligné cette incohérence, le demandeur n'a pas donné une explication raisonnable.
[6] Le FRP et le témoignage du demandeur présentaient d'autres incohérences. Le FRP du demandeur révèle que pendant qu'il était caché, on lui a dit que la police avait arrêté son fils; toutefois, pendant son témoignage, le demandeur a dit que le « panchayat » avait protégé son fils et sa femme. En sus de la contradiction entre les deux déclarations, la preuve documentaire indique que les jeunes sont ciblés par la police. La Commission peut préférer la preuve documentaire à celle du demandeur (Zhou c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.F.) (QL)). Si le demandeur était recherché par la police en 1998, son fils aurait sans doute été arrêté plus tôt et non plus tard. Cela nuit à la crédibilité du demandeur.
[7] Le demandeur prétend que la Commission n'a pas dit clairement quelles étaient les deux déclarations contraires du demandeur concernant sa crainte de la police et ses réponses à la question 41 du FRP. La Commission a souligné que le demandeur avait allégué que la police le harcelait dans le but de mettre la main sur son beau-frère et son ami; toutefois, à la question 41 du FRP, le demandeur affirme que la police a arrêté les deux individus concernés. Il est impossible de savoir si la police a continué de harceler le demandeur ou si elle a cessé de le faire une fois les deux individus arrêtés; toutefois, même s'il n'a pas été établi quelles ont été les actions de la police, le demandeur n'a pas expliqué pourquoi la police aurait continué de le harceler.
[8] La Commission a clairement mentionné les deux déclarations en cause; toutefois, elle a parlé de contradiction plutôt que d'invraisemblance. Certes, la Commission aurait pu ajouter une phrase à sa décision pour dire qu'il était invraisemblable que la police ait continué de harceler le demandeur après avoir arrêté les deux individus recherchés; toutefois, j'estime qu'il n'est pas déraisonnable de penser que si la police avait trouvé les individus qu'elle recherchait, elle aurait cessé de harceler le demandeur. Il n'était pas déraisonnable que la Commission en vienne à la conclusion que cette contradiction minait encore plus la crédibilité du demandeur.
[9] Il semble que la Commission ait présenté ces contradictions et invraisemblances au demandeur avant de tirer sa conclusion. Selon moi, la Commission a bien apprécié la plausibilité et la crédibilité du témoignage du demandeur et j'estime que les inférences que la Commission a tirées de ce témoignage n'étaient pas déraisonnables et qu'elle a donné ses motifs en termes clairs et non équivoques (voir Aguebor et Hilo, précités).
[10] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Ottawa (Ontario)
le 1er février 2005
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-432-04
INTITULÉ : GURMEJ SINGH
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 14 DÉCEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 1ER FÉVRIER 2005
COMPARUTIONS :
Jessica Lipes POUR LE DEMANDEUR
Simone Truong POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jessica Lipes POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada