Date : 20051220
Dossier : IMM-182-05
Référence : 2005 CF 1655
ENTRE :
HANNA KAMIAK
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 16 décembre 2004, dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Hanna Kamiak (la demanderesse), citoyenne du Bélarus, prétend craindre avec raison d'être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir les femmes exploitées.
[3] La Commission a fondé sa décision sur une conclusion défavorable en matière de crédibilité. En matière de crédibilité, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission sauf si la demanderesse peut prouver que la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). Par ailleurs, la décision de la Commission ne sera modifiée que si elle est suffisamment déraisonnable pour justifier l'intervention de la Cour. Il a été établi que la Commission est un tribunal spécialisé, qui a pleine compétence pour apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage, dans la mesure où les inférences qu'elle tire de ce témoignage ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et où ses motifs sont exposés clairement et intelligiblement (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).
[4] La demanderesse prétend tout d'abord que la Commission a commis une erreur en refusant de modifier l'ordre de l'interrogatoire de manière à autoriser le conseil de la demanderesse à être le premier à l'interroger, modification rendue nécessaire par la dépression dont souffrait la demanderesse, et que cette décision a influé sur l'audience au complet.
[5] Toutefois, il n'existe absolument aucune preuve qui étaye l'assertion de la demanderesse que l'équité procédurale lui a été en fait refusée parce que l'agent de protection des réfugiés a été le premier à l'interroger.
[6] La Commission peut modifier l'ordre des interrogatoires si elle estime que des circonstances exceptionnelles justifient un changement de l'ordre habituel (Directives no 7 de la Section de la protection des réfugiés, « Directives concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés » , section 3.2, article 23).
[7] À mon avis, il n'est pas déraisonnable que la Commission n'ait pas conclu que la dépression de la demanderesse ne constituait pas une telle circonstance exceptionnelle, puisque rien ne prouvait que cette dépression aurait le moindre effet sur la capacité de la demanderesse de présenter son témoignage.
[8] La demanderesse fait aussi valoir que la Commission ne croyait pas que le rapport médical ait pu être préparé à plus d'une fin, ce qui équivaut à une conclusion atteinte sans raisonnement ou soutien valide.
[9] Mais ce n'est pas ce que la Commission a conclu. En fait, elle s'est plutôt servie du témoignage de la demanderesse au sujet du rapport médical pour apprécier sa crédibilité. La Commission a conclu que le témoignage de la demanderesse sur cette question n'était ni franc ni spontané, et qu'il manquait de cohérence.
[10] À mon avis, il n'était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que le manque de cohérence du témoignage de la demanderesse concernant l'objet du rapport médical aurait des incidences sur l'appréciation de la crédibilité.
[11] La demanderesse soutient en outre que la Commission a conclu que les documents auraient dû porter des sceaux qui étaient apposés, plutôt que des sceaux imprimés par jet d'encre, sans offrir de raisonnement valable ou une autre autorité pour une telle conclusion.
[12] L'expertise judiciaire a permis de déterminer que les sceaux sur les documents étaient imprimés par jet d'encre, tandis que la demanderesse affirmait que ces sceaux étaient apposés. La demanderesse s'est manifestement trompée.
[13] Selon moi, la Commission ne se trompait pas quand elle a conclu que les sceaux auraient dû être apposés plutôt qu'imprimés par jet d'encre, puisque la fonction du sceau est d'authentifier les documents. De l'avis de la Commission, l'emplacement du tampon, le but même de l'apposition de sceaux et le témoignage de la demanderesse que les sceaux étaient apposés - tout cela donnait à croire que des sceaux auraient dû être apposés sur les documents. Après que l'expertise judiciaire a fourni la preuve que les sceaux étaient imprimés par jet d'encre, et à la lumière du manque de cohérence du témoignage de la demanderesse, la Commission a conclu, selon la prépondérance de la preuve, que les rapports médicaux et de police n'étaient ni crédibles ni dignes de foi, et elle a donc décidé de n'accorder aucun poids à ces documents.
[14] Il appartenait à la demanderesse de produire des preuves crédibles ou dignes de foi pour corroborer ses allégations. La Commission n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable quand elle a conclu que la demanderesse ne s'est pas acquittée de son fardeau, à la lumière de ce qui précède.
[15] Enfin, la Commission a tranché que la demanderesse s'était de nouveau réclamée de la protection de l'État et qu'elle avait tardé à présenter sa revendication, facteurs qui ont confirmé sa conclusion que la demanderesse ne ressentait pas de crainte subjective. La demanderesse soutient que les faits n'étayent pas ces conclusions particulières. Après avoir examiné la preuve, je suis d'accord avec elle.
[16] Toutefois, les constatations de la Commission sur le retard et la réclamation de protection de l'État sont toutes des conclusions subsidiaires qui appuient la conclusion principale de la Commission, c'est-à -dire que la demanderesse manque de crédibilité en raison de l'authenticité douteuse de ses documents et de l'incohérence de son témoignage.
[17] En conséquence, et bien que j'estime que la Commission a fait une présentation inexacte des faits et est arrivée à des conclusions de fait erronées touchant le retard et la réclamation de la protection de l'État, je conclus que la décision de la Commission, selon laquelle la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, ne doit pas être modifiée.
[18] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 20 décembre 2005
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-182-05
INTITULÉ : HANNA KAMIAK c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 20 DÉCEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Salvatore Campese POUR LA DEMANDERESSE
Mary Matthews POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Salvatore Campese POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20051220
Dossier : IMM-182-05
Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD
ENTRE :
HANNA KAMIAK
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 16 décembre 2004, dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali