Date : 19990930
Dossier : IMM-6172-98
ENTRE :
SABRY AHMED MOHAMED THAWOOS,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE PELLETIER
[1] Le demandeur demande le contrôle judiciaire du rejet de sa requête pour obtenir le bénéfice du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration L.R.C. (1985) ch. I-2. Il se fonde sur trois motifs :
1) l'agente d'immigration qui a fait l'évaluation s'est fondée sur une preuve extrinsèque qui n'a pas été communiquée au demandeur; |
2) il n'y a pas eu d'évaluation du risque; et |
3) on ne lui a pas donné l'occasion d'informer l'agente d'immigration du fait qu'il avait l'intention d'épouser une citoyenne canadienne. |
[2] Le seul affidavit déposé à l'appui de la requête est celui du demandeur. Il contient une transcription de l'entrevue avec l'agente d'immigration, que le demandeur a préparée de mémoire quelque temps après l'entrevue. Dans cet affidavit, le demandeur se réfère à des documents qu'il croit avoir été en possession de la Section du statut de réfugié (SSR) et devant l'agente d'immigration, savoir :
[traduction] |
Je crois que le rejet [de la SSR] est fondé sur le fait que la soeur de mon cousin a écrit des lettres négatives à mon sujet - même si on ne m'a pas posé de question sur ces lettres, je crois que c'est là le motif du rejet. |
À mon avis, le motif principal pour lequel la Commission a pris ces lettres au sérieux, c'est qu'elles déclarent que je suis un trafiquant de drogue, que mes clients sont des enfants d'âge scolaire, que je connais des " gens très importants aux États-Unis ", et que j'ai été arrêté à Cuba pour trafic de drogue. Ces assertions sont fausses. |
[3] La décision de la Section du statut de réfugié ne fait état d'aucune correspondance de la part de la soeur du cousin du demandeur; on n'y trouve pas non plus la moindre allégation qu'on considérait que le demandeur était un trafiquant de drogue. Le dossier certifié du tribunal ne contient pas de telles lettres et ne les mentionne nulle part.
[4] L'avocate du demandeur cherche à tirer une conclusion du fait que la " transcription " fait dire à l'agente d'immigration : [traduction ] " je vais maintenant examiner les lettres qui ont été envoyées à l'audition de votre demande de statut de réfugié ". Elle soutient que ceci pourrait se rapporter aux lettres de la soeur du cousin. Le dossier du tribunal contient des lettres en provenance de l'avocate et de l'employeur du demandeur.
[5] Rien dans la preuve ne démontre l'existence des lettres, sauf la déclaration du demandeur portant qu'elles existent. L'affidavit n'indique pas sur quelle base le demandeur fonde sa croyance à l'existence de ces documents. On me demande de tirer une conclusion négative du fait que le défendeur n'a pas présenté d'affidavit niant l'existence des lettres. Il pourrait y avoir des circonstances où une telle conclusion négative s'imposerait. Toutefois, à mon avis, une affirmation gratuite et non corroborée de l'existence d'un document n'a pas à être contredite par un affidavit.
[6] En définitive, que les lettres aient existé ou non est sans importance puisqu'en l'instance il ne s'agit pas de preuve extrinsèque selon la définition donnée à ces termes dans la jurisprudence. Dans Shah c. Canada [1994] J.C.F. no 1299, le juge Hugessen a déclaré au nom de la Cour d'appel que l'obligation d'un agent qui faisait une évaluation pour des raisons d'ordre humanitaire était minimale. " La tenue d'une audition et l'énoncé des motifs de la décision ne sont pas obligatoires. "1 Il ajoute ceci : " Si elle entend se fonder sur des éléments de preuve extrinsèque qui ne lui sont pas fournis par le requérant, elle doit bien sûr lui donner l'occasion d'y répondre ". Dans Dasent c. Canada ( M.C.I.) [1995] 1 C.F. 720, le juge Rothstein décrit la preuve extrinsèque de la façon suivante : " des éléments de preuve dont la partie requérante n'est pas au courant parce qu'ils proviennent d'une source extérieure. Il s'agit d'éléments de preuve dont la partie requérante ignore l'existence et que l'agent d'immigration a l'intention d'invoquer pour en arriver à une décision touchant cette partie ".
[7] On ne peut dire que le demandeur ne connaît pas l'existence des lettres, puisque c'est lui qui a soulevé la question au cours de son entrevue avec l'agente d'immigration. En conséquence, il a eu l'occasion d'en parler et c'est ce qu'il a fait. Le fait que l'agente d'immigration ne lui ait pas communiqué les lettres ne le privait pas de l'occasion de donner son point de vue quant aux allégations qu'elles étaient supposées contenir. Ce motif est donc rejeté.
[8] Le deuxième motif porte sur le fait que l'agente n'a pas fait une évaluation du risque en prenant sa décision. L'avocate a corrigé cette affirmation à l'audience en déclarant qu'ayant reçu le dossier du tribunal, elle convenait qu'une évaluation du risque avait été faite. Toutefois, elle soutient que cette évaluation n'a pas été faite correctement. Même si la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter et non celle de la décision manifestement déraisonnable, le résultat est le même. Bien que l'agente d'immigration aurait pu arriver à une conclusion différente au vu de la preuve, on ne peut dire que sa conclusion était déraisonnable.
[9] Le dernier motif présenté par le demandeur porte qu'il n'a pu informer l'agente d'immigration de ses projets de mariage avec une citoyenne canadienne. L'affidavit du demandeur déclare que l'entrevue a duré à peu près 35 minutes. On peut faire une lecture à haute voix de la transcription préparée par le demandeur en cinq minutes ou moins. À supposer qu'une conversation prend deux fois plus de temps que la lecture d'une transcription, il reste à peu près 25 minutes de conversation au cours desquelles le demandeur aurait pu parler de son projet de mariage s'il avait cru que c'était important. On trouve au dossier du tribunal une longue lettre de l'ancien avocat du demandeur adressée à l'agente d'immigration, lettre qui traite de divers aspects de la requête présentée par le demandeur pour des raisons d'ordre humanitaire. Rien dans cette lettre ne parle d'un mariage prévu. Il se peut maintenant que le demandeur évalue différemment la signification de son mariage projeté, mais il n'y a pas d'élément de preuve fiable qui viendrait appuyer sa prétention qu'on ne lui a pas donné l'occasion d'informer l'agente d'immigration à ce sujet. Ce motif est donc rejeté aussi.
[10] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[11] Les avocats n'ont suggéré aucune question grave d'importance générale à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
J.D. Denis Pelletier
JUGE
TORONTO (ONTARIO),
le 30 septembre 1999
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
No DU GREFFE : IMM-6172-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : SABRY AHMED MOHAMED THAWOOS |
et |
LE MINISTRE DE LA COTOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 28 SEPTEMBRE 1999 |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER
EN DATE DU : JEUDI 30 SEPTEMBRE 1999
ONT COMPARU M me Mary Lam |
pour le demandeur
M. Brian Frimeth
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER Cecil L. Rotenberg, C.R.
Barristers & Solicitors
255, Duncan Mill Road
Pièce 808
Don Mills (Ontario)
M3B 3H9
pour le demandeur |
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date :19990930
Dossier : IMM-6172-98
Entre :
SABRY AHMED MOHAMED THAWOOS, |
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION, |
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE |
ET ORDONNANCE
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1 Il faut maintenant interpréter cette déclaration au vu de la décision dans Baker c. Canada (M.C.I.) [1999] J.C.S. 39.