Date: 19981229
Dossier : IMM-663-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 29 DÉCEMBRE 1998
DEVANT : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ
ENTRE :
BEATRICE BAGUMA,
demanderesse,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
J.E. DUBÉ
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
Date: 19981229
Dossier : IMM-663-98
ENTRE :
BEATRICE BAGUMA,
demanderesse,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE DUBÉ :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (" la Commission ") a rendue le 28 janvier 1998, selon laquelle la demanderesse n'est pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition contenue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (" la Loi ").
1. Les faits
[2] La demanderesse est née le 16 octobre 1968 à Sumbawanga, Rukwa, en Tanzanie. Elle est une citoyenne du Rwanda depuis sa naissance et est une catholique Tutsi.
[3] Le 15 mai 1994, quand a commencé un génocide tutsi, la famille de la demanderesse a été attaquée : son père, sa mère et trois de ses soeurs ont été tués. La demanderesse s'est échappée avec ses deux frères et une autre soeur. Quand le génocide a pris fin, elle est retournée à Kigali où elle a été réunie avec ses deux frères et sa soeur qui ont survécu et a repris son emploi antérieur de secrétaire réceptionniste.
[4] Au début de 1997, elle prétendu avoir commencé à recevoir des menaces de mort par téléphone. Le 8 mai 1997, son cousin a été tué par balle à Ruhengeri. Au début juin 1997, une grenade chargée a été découverte derrière la maison dont elle était locataire. Elle en fait rapport à la police et prétend que la police lui a dit qu'elle ne pouvait protéger tous les témoins du génocide. Elle s'est alors enfuie au Canada. Ses frères et sa soeur survivants sont toujours au Rwanda, où ils vivent dans un pensionnat.
2. La décision de la Commission
[5] La Commission a conclu que la preuve objective n'appuyait pas la crainte de la demanderesse. La Commission a conclu ce qui suit :
[Traduction] Bien que les événements survenus au Rwanda en 1994 soient vraiment horribles et que, puisqu'elle a perdu cinq membres de sa famille, la vie de la demanderesse ait sans aucun doute été affectée par la tragédie, le tribunal conclut, suivant la prépondérence des probabilités, qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve objective pour appuyer la crainte subjective de la demanderesse que ces appels téléphoniques anonymes reçus à Kigali trois ans plus tard aient été reliés aux événements survenus à Nyanza en 1994. |
Le tribunal conclut donc que la crainte de persécution de la demanderesse, si elle devait retourner au Rwanda, fondée sur son origine tutsi et sur le fait qu'elle a survécu au génocide en 1994, n'est pas appuyée par la preuve objective et n'est donc pas bien fondée. Se fondant sur ce qui précède, le tribunal conclut que Beatrice BAGUMA n'est pas un réfugié au sens de la Convention.1 |
[6] En arrivant à sa décision, la Commission a jugé que :
[Traduction] [...] les Tutsis forment le gouvernement du Rwanda et exercent un contrôle effectif dans Kigali. Le tribunal peut conclure à l'insuffisance de preuve que la police ne fournirait pas une protection efficace à un Tutsi qui a été témoin du génocide à Kigali [...] il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve objective pour appuyer la crainte subjective de la demanderesse que ces appels téléphoniques anonymes reçus à Kigali trois ans plus tard aient été reliés aux événements survenus à Nyanza en 1994.2 |
3. Analyse
[7] Il ressort de la décision de la Commission que celle-ci a effectivement examiné la situation factuelle qui prévalait au Rwanda en 1994 et la tragédie précise qu'a vécue la famille de la demanderesse. Cependent, elle a conclu à une insuffisance de preuve démontrant que les appels téléphoniques reçus en 1997 étaient reliés aux événements de 1994. Elle a également examiné les circonstances qui existent du fait que les Tutsis ont maintenant un solide contrôle de Kigali. Elle a conclu que la preuve documentaire révélait effectivement qu'un grand nombre de meurtres commis en représailles contre des survivants et des témoins du génocide ont eu lieu dans certaines régions du Rwanda, mais non à Kigali. De plus, la demanderesse n'a pas convaincu la Commission qu'elle ne pouvait se prévaloir de la protection de la police dans son pays. Vu la documentation déposée devant la Commission, il était loisible à cette dernière de tirer cette conclusion. Ainsi, sa décision n'est pas manifestement déraisonnable et la Cour ne peut intervenir et immposer ses propres conclusions.
[8] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[9] Il n'a pas de question d'importance générale qui doive être certifiée en l'espèce.
OTTAWA (Ontario)
le 29 décembre 1998
J.E. DUBÉ
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-663-98
INTITULÉ : BEATRICE BABUMA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 2 DÉCEMBRE 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ
EN DATE DU : 29 DÉCEMBRE 1998
ONT COMPARU :
ME DOMINIQUE SETTON-LEMAR POUR LA DEMANDERESSE
ME DARRELL KLOEZE POUR L'INTIMÉ
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
ME DOMINIQUE SETTON-LEMAR POUR LA DEMANDERESSE
HULL (QUÉBEC)
M. MORRIS ROSENBERG POUR L'INTIMÉ
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA
__________________1 Décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié, p. 3 et 4 (p. 13 et 14 du dossier de la demanderesse).
2 Décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié), p. 3 (p. 13 du dossier de la demanderesse).