Date : 20050809
Dossier : IMM-6197-04
Référence : 2005 CF 1081
Ottawa (Ontario), le 9 août 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU
ENTRE :
HEBERT JARAMILLO DIAZ
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
1. Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 21 juin 2004, dans laquelle elle a conclu que le demandeur n’était pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).
2. La principale question qui se pose en l'espèce a trait à la crédibilité. La Commission n’a tout simplement pas cru que le demandeur serait exposé à un risque s’il rentrait en Colombie, ou qu’il serait exposé à un risque de subir des traitements cruels et inusités plus élevé que celui auquel font face toutes les personnes en Colombie vu la situation de violence due à l’état de guerre civile qui règne dans ce pays.
3. Outre les observations écrites figurant dans son dossier de demande (à la page 90), j’ai examiné les observations écrites du 11 juillet 2004 concernant la décision contestée, et traduites en anglais, faites par le demandeur (dossier de demande, pages 84 à 86). En résumé, le demandeur soutient que l’interprète a fait des erreurs de traduction à l’audience tenue devant la Commission. De plus, le demandeur conteste l’exactitude de certaines conclusions de fait. Il fournit aussi des explications concernant le fait qu’il a tardé à obtenir certains documents commerciaux demandés par la Commission. Lors de l’audience devant la Cour, le demandeur a aussi soutenu que la commissaire qui a rendu la décision contestée n’avait pas bien compris les conditions particulières régnant en Colombie (notamment en ce qui a trait aux documents commerciaux) et dans la région d’où il est originaire (qui est contrôlée par des groupes de guérilleros) et qu’elle n’avait pas non plus bien compris son expérience et ses activités en qualité d’ingénieur mécanique.
4. En dépit des efforts louables déployés par le demandeur lui-même, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur ou qu’elle a pris sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée d'une manière arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. J’abonde sans réserves dans le sens du défendeur qui a fait valoir des arguments pertinents à cet égard dans son mémoire. Je me contenterai donc de faire les observations suivantes.
5. Premièrement, si le demandeur est en désaccord avec l’issue de sa cause et les conclusions de fait tirées par la Commission ou s’il a des explications à faire valoir à cet égard, ce n’est pas le rôle de la Cour d’évaluer à nouveau la preuve et de substituer son opinion à celle de la Commission. Il ne s’agit pas d’un appel mais d’une instance en contrôle judiciaire. En tenant compte des arguments et des explications du demandeur, je suis incapable de conclure qu’une erreur susceptible de contrôle a été commise et je suis d’avis que, prise dans son ensemble, la décision contestée n’est pas manifestement déraisonnable.
6. Deuxièmement, à la lecture des motifs de la Commission, je ne peux pas conclure que la commissaire n’avait pas une compréhension bonne ou minimale des conditions particulières régnant en Colombie ou dans la région en question. Le demandeur a reproché à la Commission l’incompréhension dont elle aurait preuve au sujet de certains aspects techniques de son travail; même si ces reproches sont fondés (et c’est une question sur laquelle je n’ai pas besoin de statuer en l’espèce), ils ne sont pas déterminants. Il est manifeste que la décision contestée est fondée sur la preuve au dossier.
7. Troisièmement, dans ses motifs écrits, la Commission a expliqué en termes clairs et sans équivoque pourquoi elle ne croyait pas le demandeur. Les inférences défavorables tirées par la Commission sont fondées sur un certain nombre de contradictions entre la déclaration du demandeur dans l'exposé des faits qu'il avait fourni dans sa formule de renseignements personnels (FRP), ses documents commerciaux et sa déposition, qui ont trait à des faits essentiels de sa demande d’asile. À cet égard, la Commission pouvait à bon droit prendre en compte les contradictions relatives aux questions suivantes : le demandeur avait-il réellement construit (ou conçu) soit des machines, soit une centrale hydroélectrique? Avait-il des actions dans des sociétés colombiennes? Quelle était sa situation financière?
8. Quatrièrement, la Commission a conclu qu’il n’était pas vraisemblable que le demandeur ait cherché à rencontrer et ait rencontré un officier des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), après avoir été averti qu’il était considéré comme une cible par celles-ci. En outre, la Commission a conclu qu’il n’était pas vraisemblable que les FARC n’aient pas communiqué avec le demandeur pour obtenir d’autres directives au sujet de la logistique concernant la construction d’une génératrice de courant hydroélectrique. De plus, considérant l’importance de la présence et de l’influence des FARC à Cali, la Commission a aussi conclu qu’il n’était pas vraisemblable que le demandeur ait craint avec raison les FARC puisqu’il avait permis à sa femme et à ses enfants de rentrer à Cali parce que ces derniers étudiaient dans une école privée et parce que la vie était moins chère en Colombie. La Commission a aussi conclu qu’aucun élément ne permettait d’établir un lien entre le meurtre des frères du demandeur et sa demande d’asile. Par conséquent, elle a conclu qu’il n’était pas vraisemblable que lesdits meurtres aient été liés à la demande d’asile du demandeur. Je suis d’avis que c’est à bon droit que la Commission pouvait tirer ces conclusions, qui correspondent au simple bon sens.
9. Cinquièmement, la Commission avait le droit d’évaluer l’attitude du demandeur. La Commission a expliqué qu’il était tellement difficile d’obtenir des informations précises du demandeur sur des éléments essentiels de la cause qu’il lui a semblé que les réponses données étaient improvisées à l’audience même, et qu’elles ne constituaient pas un rappel de faits qui s’étaient effectivement produits. La Commission pouvait aussi tirer une inférence défavorable de la réticence du demandeur à fournir ses documents commerciaux. Ces conclusions sont inattaquables dans le cadre d’un contrôle judiciaire si elles n’ont pas été tirées de manière arbitraire, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.
10. Sixièmement, même si je convenais que des erreurs de traduction ont été commises à l’audience, comme l’a soutenu le demandeur, je suis d’avis qu’elles ne justifieraient pas le rejet de la conclusion générale de la Commission concernant la crédibilité.
11. Par conséquent, je conclus que la décision de la Commission n’est pas manifestement déraisonnable. Les parties n’ont pas demandé que soient certifiées des questions de portée générale et aucune ne le sera.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
« Luc Martineau »
Juge
Traduction certifiée conforme
François Brunet, LL.B., B.C.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6197-04
INTITULÉ : HEBERT JARAMILLO DIAZ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 4 AOÛT 2005
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE MARTINEAU
DATE DES MOTIFS : LE 9 AOÛT 2005
COMPARUTIONS :
Hebert Jaramillo Diaz POUR LE DEMANDEUR
Sharon Stewart Guthrie POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hebert Jaramillo Diaz POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada