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Date : 20200205


Dossier : T-1145-19

Référence : 2020 CF 206

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario) et St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

Le 5 février 2020

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

GAIL DEAN

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le procureur général du Canada, qui est demandeur dans la présente affaire, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 14 juin 2019 par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) du Canada. La division d’appel a accordé à la défenderesse, Mme Gail Dean, la permission d’en appeler de la décision par laquelle la division générale du TSS a refusé d’instruire son appel relativement à sa demande de prestations d’invalidité fondée sur le Régime de pensions du Canada, LRC 1985, c C‑8 (RPC).

[2]  Le procureur général demande à la Cour d’annuler la décision de la division d’appel et de renvoyer l’affaire à un autre membre de la division d’appel pour nouvelle décision avec les instructions que la Cour estime appropriées. La Cour est donc appelée à décider s’il était raisonnable de la part de la division d’appel d’accorder la permission d’interjeter appel.

[3]  Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande sera accueillie.

I.  Contexte

[4]  Mme Dean, qui n’est pas représentée par un avocat en l’espèce, a présenté une demande de prestations d’invalidité en vertu du RPC en septembre 2016 sur le fondement de son incapacité de travailler du fait de divers problèmes de santé, dont une cécité quasi‑totale de l’œil gauche et des ulcères aux pieds d’origine diabétique qui rendaient difficile la station debout et la marche. Vers la fin de décembre 2016, en réponse à sa demande, Mme Dean a reçu de Service Canada une lettre la priant de fournir des renseignements médicaux.

[5]  Dans la lettre, il était expliqué que, compte tenu de ses gains et de ses cotisations au RPC, Mme Dean n’avait pas rempli les conditions en ces matières depuis décembre 1993 : pour que Mme Dean soit jugée admissible aux prestations d’invalidité du RPC, il fallait que Service Canada conclue qu’elle avait été incapable d’effectuer tout type de travail depuis 1993, et ce, jusqu’à la date de sa demande, et que la situation ne changerait pas. En particulier, il était demandé à Mme Dean d’indiquer qui étaient ses médecins en 1993, de quelle affection elle était principalement atteinte à l’époque et en quoi cette affection l’empêchait de travailler. Dans sa réponse à Service Canada, Mme Dean a déclaré qu’elle n’avait pas ces renseignements.

[6]  En janvier 2017, Service Canada a donc refusé la demande de prestations d’invalidité de Mme Dean parce qu’elle ne répondait pas aux conditions prévues par le RPC. Mme Dean a demandé le réexamen de la décision de Service Canada. À l’issue de ce réexamen, Service Canada a confirmé sa décision selon laquelle Mme Dean n’était pas admissible aux prestations d’invalidité parce qu’elle n’avait pas suffisamment cotisé au RPC.

[7]  Dans une lettre datée du 1er mai 2017, Service Canada a déterminé que Mme Dean avait versé des cotisations au RPC pendant seulement deux des six dernières années; qu’elle n’avait pas cotisé au RPC pendant au moins 25 ans, dont trois des six dernières années; et qu’elle n’était pas non plus admissible selon les dispositions du RPC relatives aux « requérants tardifs » ou à l’exclusion pour élever des enfants. Cette lettre précisait qu’un évaluateur médical avait examiné son dossier, plus précisément les renseignements portant sur ses emplois et son état de santé entre décembre 1993 et la date de sa demande de prestations d’invalidité, et que, d’après son activité professionnelle et les gains d’emploi des années 2003, 2004, 2015 et 2016, elle était apte à travailler pendant ces années.

[8]  Au début de juin 2017, Mme Dean a interjeté appel de la décision rendue en réexamen devant la division générale du TSS, laquelle a rejeté l’appel en juin 2018, soit environ un an plus tard. La division générale souscrivait ainsi à la conclusion du ministre de l’Emploi et du Développement social selon laquelle Mme Dean n’avait pas droit à une pension d’invalidité, n’ayant pas présenté de preuve médicale montrant qu’elle souffrait d’une affection grave et prolongée à, ou avant, l’époque pertinente, appelée « période minimale d’admissibilité » (PMA).

[9]  Au début d’août 2018, Mme Dean a interjeté appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du TSS.

II.  Décision de la division d’appel

[10]  Après avoir résumé le contexte de l’appel, la division d’appel a rappelé que, sous le régime de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 (LMEDS), l’appel interjeté devant elle n’est pas une nouvelle instruction de la demande. En outre, selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, seuls trois types d’erreurs peuvent être examinés : la division générale doit, selon le cas, n’avoir pas observé un principe de justice naturelle ou avoir commis une erreur de compétence, avoir commis une erreur de droit ou avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11]  Selon la division d’appel, la permission d’en appeler doit être refusée si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, conformément au paragraphe 58(2) de la LMEDS. La division d’appel a expliqué que, pour se voir accorder la permission d’interjeter appel, il faut pouvoir invoquer au moins un des moyens d’appel prévus par la LMEDS et il faut que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

[12]  En réponse à l’argument de Mme Dean, qui soutenait qu’elle devait être autorisée à interjeter appel en raison de ses problèmes de santé, la division d’appel a souligné que la division générale disposait déjà de cette information et en avait tenu compte. La division d’appel a conclu que la répétition de cette information ne correspondait à aucun moyen d’appel prévu par la LMEDS et qu’elle ne pouvait servir de fondement à une autorisation d’interjeter appel.

[13]  La division d’appel a ensuite ajouté ceci :

[10]  Toutefois, la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit. La décision indique qu’une partie requérante doit fournir des éléments de preuve médicale objectifs de son invalidité et que ceux-ci doivent indiquer qu’il y avait invalidité pendant la PMA ainsi que par la suite, de façon continue […]. Toutefois, selon la Cour d’appel fédérale, la partie requérante doit effectivement fournir une preuve médicale objective de son invalidité, mais cette preuve ne doit pas forcément concerner la PMA et la période qui suit6. [Warren c Canada (Procureur général), 2008 CAF 377]. Ainsi, il est possible que la division générale ait commis une erreur de droit et sur ce fondement, l’appel a une chance raisonnable de succès.

[11]  La permission d’en appeler est donc accordée.

III.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

[14]  La Cour suprême du Canada a récemment rajusté le cadre servant à déterminer la norme applicable au contrôle des décisions administratives sur le fond.

[15]  L’analyse a comme point de départ la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable est la norme applicable dans tous les cas, les cours de révision ne devant déroger à cette présomption que lorsqu’une indication claire de l’intention du législateur ou la primauté du droit exige l’application de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, para 10, 16 et 17 [Vavilov]; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 201 CSC 67, para 27). L’affaire qui nous occupe ne fait intervenir aucune des deux situations qui justifient d’écarter la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable.

[16]  Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable vise à la fois le processus décisionnel et son issue. Lorsqu’elle procède au contrôle, la Cour examine la décision administrative pour s’assurer qu’elle repose sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et qu’elle est justifiée, transparente et intelligible. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une telle décision » (Vavilov, para 12, 85, 86 et 99; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, para 47).

[17]  Si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable, tout comme il n’entre pas non plus dans ses attributions de soupeser à nouveau la preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, para 59 et 61).

[18]  La norme de contrôle applicable aux décisions de la division d’appel est celle de la décision raisonnable (Garvey c Canada (Procureur général), 2018 CAF 118, para 1; Sjogren c Canada (Procureur général), 2019 CAF 157, para 6; Canada (Procureur général) c Hoffman, 2015 CF 1348, para 26 et 27). Cette jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov continue de donner des indications utiles sur la question de la norme de contrôle à appliquer (Vavilov, para 143).

B.  Les observations des parties

(1)  Les observations du procureur général

[19]  Le procureur général prétend qu’il était déraisonnable de la part de la division d’appel de conclure que l’appel de Mme Dean avait une chance raisonnable de succès étant donné la conclusion tirée par la division générale, à savoir que le régime législatif et la jurisprudence exigeaient la production d’une preuve médicale objective de l’existence d’une affection incapacitante contemporaine de la PMA. Le procureur général est d’avis que la décision de la division d’appel est déraisonnable et n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

(2)  Les observations de Mme Dean

[20]  Mme Dean n’a pas déposé d’observations écrites ni de dossier de défense. Lors de l’instruction de l’affaire, elle a toutefois fait part de la frustration qu’elle avait éprouvée jusqu’ici à l’égard du processus et a ajouté qu’elle avait été incapable d’obtenir des copies de ses dossiers médicaux de 1993.

C.  La décision est déraisonnable

[21]  Aux termes du paragraphe 58(2) de la LMEDS, la division d’appel doit accorder la permission d’en appeler d’une décision de la division générale si l’appel a une chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès lorsque sont soulevés « certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » (Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115, para 12). Les seuls moyens d’appel sont ceux prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, elle a commis une erreur de droit ou elle est arrivée à une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Cameron c Canada (Procureur général), 2018 CAF 100, para 2).

[22]  En l’espèce, la division d’appel a accueilli la demande de permission d’en appeler après avoir conclu que l’appel avait une chance raisonnable de succès, étant donné que la division générale avait commis une erreur de droit. En effet, selon la division d’appel, il était possible que la division générale ait commis une erreur de droit en concluant que Mme Dean était tenue de fournir une preuve médicale objective quant à son invalidité et que cette preuve devait se rapporter à la date de la PMA et couvrir toute la période postérieure, sans interruption. S’il est vrai que dans l’arrêt Warren c Canada (Procureur général), 2008 CAF 377 [Warren], la Cour d’appel fédérale a déclaré que le requérant devait fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale quant à son invalidité, elle n’a pas précisé que ces éléments de preuve devaient pouvoir être liés à la PMA ou à la période qui a suivi.

[23]  L’interprétation de l’arrêt Warren par la division d’appel est erronée.

[24]  Premièrement, l’arrêt Warren ne permet pas d’affirmer que la preuve objective n’a pas à renvoyer à la PMA. Dans cet arrêt, la Cour d’appel devait procéder au contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions, qui avait conclu que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité au sens du RPC à l’époque de la PMA pertinente. La Cour d’appel a jugé que la Commission n’avait commis aucune erreur de droit en exigeant une preuve médicale objective de l’invalidité du demandeur, ajoutant qu’il était bien établi en droit que le requérant devait fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale (Warren, para 1 et 4).

[25]  Deuxièmement, l’interprétation que fait la division d’appel de l’arrêt Warren ne cadre pas avec l’économie du RPC. À l’instar du procureur général, j’estime que, selon la loi, dont le libellé est clair et non équivoque, les prestations d’invalidité sont payables uniquement au requérant qui a versé les cotisations nécessaires au RPC et qui a été déclaré invalide au sens de cette loi. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, CRC, c 385 (le Règlement) exigeait en termes clairs que Mme Dean produise une preuve documentaire de l’affection dont elle disait être atteinte pendant sa PMA.

[26]  Troisièmement, l’interprétation de l’arrêt Warren retenue par la division d’appel va à l’encontre de la jurisprudence, qui confirme l’exigence législative d’une preuve médicale de l’affection qui entraînait l’incapacité au moment de la PMA. Par exemple, au paragraphe 3 de l’arrêt Gilroy c Canada (Procureur général), 2008 CAF 116, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle ne pouvait pas annuler la décision rejetant la demande de prestations d’invalidité de la requérante en raison de l’absence de preuve que cette dernière n’était pas en mesure d’exercer un emploi à l’époque de sa PMA ou avant.

[27]  La Cour fédérale a statué que la preuve médicale postérieure à la fin de la PMA du requérant n’est pas pertinente. Dans la décision Canada (Procureur général) c Hoffman, 2015 CF 1348, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel d’autoriser un appel pour les motifs suivants :

[48]  Les éléments de preuve postérieurs à la fin de la PMA ne sont pas pertinents, étant donné que la défenderesse ne semble pas avoir démontré qu’elle était invalide avant la fin de la PMA, et on ne voit pas clairement quel fondement ou quel élément de preuve a permis à la membre de conclure que la défenderesse avait une chance raisonnable de succès en appel.

[28]  Les prestations d’invalidité visent à remplacer le revenu des Canadiens invalides qui sont inaptes au travail pendant une longue période. Il ne s’agit pas d’un régime d’aide sociale, mais bien d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité (Granovsky c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28, para 9 [Granovsky]).

[29]  L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce qu’une pension d’invalidité doit être payée au cotisant qui est âgé de moins de 65 ans, à qui aucune pension de retraite n’est payable, qui est « invalide » au sens du RPC et qui a cotisé ou est réputé avoir cotisé au RPC pendant le nombre d’années spécifiées au cours de la période cotisable. Au paragraphe 2(1), le cotisant est défini comme une personne qui a versé une cotisation d’employé de la manière prescrite. L’admissibilité dépend des cotisations versées au RPC. C’est grâce à ces cotisations que le requérant peut faire valoir une PMA.

[30]  Le requérant établit qu’il a droit aux prestations d’invalidité uniquement s’il satisfait aux deux critères prescrits par la loi au moment où il présente sa demande : d’une part, le critère de l’invalidité physique ou mentale grave et prolongée, prévu au paragraphe 44(2) du RPC; d’autre part, le critère de la récence des cotisations, prévu aux alinéas 44(1)b) et 44(2)a) du RPC (Granovsky, para 10).

[31]  S’agissant du premier critère, le paragraphe 42(2) prévoit qu’une pension d’invalidité est payable au requérant qui est déclaré, de la manière prescrite, atteint d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Le sous-alinéa 42(2)a)(i) précise qu’une invalidité n’est grave que si, du fait de cette invalidité, la personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[32]  Selon le paragraphe 68.1(1) du Règlement, est « véritablement rémunératrice » l’occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité. La « régularité » ne se rattache pas à l’emploi, mais plutôt à l’incapacité du cotisant de travailler (Atkinson c Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, para 37).

[33]  L’aptitude au travail est la principale mesure de l’invalidité grave en vertu du RPC (Canada (Procureur général) c Fink, 2006 CAF 354, para 2; autorisation d’appel refusée, Lorena Fink c Procureur général du Canada, CSC no 31917). Cette aptitude au travail, ou employabilité, existe dans le contexte des réalités commerciales et de la situation particulière du requérant; elle n’est pas déterminée uniquement en fonction de l’occupation choisie par le requérant. En fait, l’employabilité se conçoit, dans le cadre du RPC, par rapport à n’importe quelle occupation véritablement rémunératrice. (Villani c Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, para 45 [Villani]). Pour ce qui concerne la gravité de l’invalidité, le critère établi par la loi exige qu’il y ait un « air de réalisme » pour évaluer si un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice (Villani, para 46).

[34]  Selon le sous-alinéa 42(2)a)(ii) du RPC, une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décès. Les deux exigences du RPC – la gravité et le caractère prolongé – sont cumulatives, de sorte que si un requérant ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité sera rejetée. Le fait que le TSS tire une conclusion défavorable quant à l’un des volets du critère et qu’il omette de se prononcer sur l’autre volet ne constitue pas une erreur (Klabouch c Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33, para 10).

[35]  Selon le paragraphe 68(1) du Règlement, le requérant qui allègue être invalide doit fournir un rapport sur son invalidité physique ou mentale indiquant la nature, l’étendue et le pronostic de l’invalidité, les constatations sur lesquelles se fondent le diagnostic et le pronostic et tout autre renseignement pertinent concernant l’invalidité.

[36]  Le second critère (la récence des cotisations) exige que le requérant ait versé des cotisations au RPC pendant la PMA. L’alinéa 44(2)b) définit les dates de commencement et de fin de la période cotisable d’une personne, autrement dit, de la période pendant laquelle cette personne peut cotiser au RPC. Cette période cotisable commence à la création du RPC, le 1er janvier 1966, ou le mois suivant le dix‑huitième anniversaire de naissance de la personne, si cette date est postérieure à la première; elle se termine avec le mois au cours duquel le requérant est déclaré invalide au sens du RPC.

[37]  L’alinéa 44(2)a) prévoit que le requérant doit avoir versé des cotisations au RPC sur des gains supérieurs à l’exemption de base de l’année en cause pendant au moins quatre des six dernières années civiles comprises, en tout ou en partie, dans sa période cotisable, ou, s’il a cotisé au RPC pendant au moins 25 années, pendant au moins trois des six dernières années comprises, en tout ou en partie, dans sa période cotisable. Le dossier révèle que Mme Dean a versé des cotisations au RPC au cours de seulement deux des six dernières années précédant sa demande (soit en 2015 et 2016) et qu’elle n’a pas cotisé au RPC pendant au moins 25 ans, dont trois des six dernières années.

[38]  Le sous-alinéa 44(1)b)(ii) confère aux requérants tardifs une certaine protection en matière d’admissibilité. Ainsi, le requérant qui ne remplit pas l’exigence relative à la PMA au moment du dépôt de sa demande peut néanmoins être admissible à des prestations s’il est en mesure de démontrer qu’il était invalide antérieurement, à l’époque où il a rempli pour la dernière fois les exigences en matière de cotisation, et qu’il était toujours invalide au moment de sa demande (Kaminski c Canada (Procureur général), 2014 CF 238, para 16). Mme Dean ne pouvait pas se prévaloir de cette disposition en raison de l’absence de renseignements médicaux liés à sa PMA du 31 décembre 1993.

IV.  Conclusion

[39]  L’économie du RPC exige de toute évidence que soit produite une preuve médicale de l’existence d’une affection incapacitante contemporaine de la PMA. La division d’appel a conclu que l’appel de Mme Dean avait une chance raisonnable de succès, ce qui était déraisonnable.

[40]  Les motifs pour lesquels la division d’appel a accordé à Mme Dean la permission d’en appeler de la décision de la division générale sont déraisonnables et ne peuvent se justifier. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[41]  La décision de la division d’appel est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre membre de la division d’appel pour qu’il rende une nouvelle décision.

[42]  Comme le procureur général n’a pas sollicité de dépens, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1145-19

LA COUR DÉCLARE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1145-19

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c GAIL DEAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario) et St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) par téléconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 février 2020

 

COMPARUTIONS :

Matthew Vens

 

Pour le demandeur

 

Gail Dean

 

Pour la défenderesse

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

 

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