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Date : 20200211


Dossier : T‑1608‑18

Référence : 2020 CF 224

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2020

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

COREY BESSNER CONSULTING INC.

faisant affaire sous le nom de

CORE CONSULTANTS REALTY

demanderesse

et

CORE CONSULTANTS REALTY INC.

et SHAWN ABRAMOVITZ

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le présent jugement statue sur les allégations contradictoires des parties quant à la propriété des deux marques de commerce suivantes et au droit de les employer : le logo CORE (défini au paragraphe 5 du présent jugement) et CORE CONSULTANTS REALTY (collectivement, les marques de commerce), en lien avec leurs entreprises de courtage immobilier commercial respectives. La demanderesse a déposé sa déclaration le 4 septembre 2018, et les défenderesses y ont réagi en déposant une défense et demande reconventionnelle le 21 novembre 2018. L’action a ensuite été instruite par voie de procès sommaire les 4 et 5 septembre 2019.

I.  Les parties

[2]  La demanderesse, Corey Bessner Consulting Inc., faisant affaire sous le nom de Core Consultants Realty, est une entreprise de consultation et de courtage dans le secteur immobilier commercial qui est située à Montréal (Québec). Elle est détenue et exploitée par M. Corey Bessner, un courtier immobilier ayant plus de 15 années d’expérience au sein du marché immobilier commercial à Montréal. Monsieur Bessner est l’unique dirigeant, administrateur et actionnaire de la demanderesse et, depuis le mois de juin 2015, il emploie pour les activités de courtage de son entreprise le logo CORE ainsi que les marques de commerce et les noms commerciaux CORE REALTY CONSULTANTS et CORE CONSULTANTS REALTY.

[3]  La société défenderesse, Core Consultants Realty Inc., a été constituée par M. Sari Samarah en janvier 2016 dans le but d’exercer des activités de consultation et de courtage dans le secteur immobilier commercial, à Toronto (Ontario). Monsieur Samarah est un courtier immobilier d’expérience qui s’était lié d’amitié avec M. Bessner par l’intermédiaire de leurs contacts professionnels. Le défendeur, M. Shawn Abramovitz, lui aussi un courtier immobilier d’expérience à Toronto, était le meilleur ami de M. Samarah. Après avoir tout d’abord travaillé à temps partiel avec M. Samarah et la société défenderesse, M. Abramovitz a officiellement uni ses efforts à ceux de M. Samarah en avril 2016, devenant actionnaire à parts égales ainsi que dirigeant et administrateur de la société défenderesse. Par souci de simplicité dans le présent jugement, j’appellerai Core Consultants Realty Inc. la société défenderesse et je désignerai M. Abramovitz par son nom de famille (plutôt que de l’appeler le « défendeur »).

[4]  Au cours du dernier trimestre de l’année 2015 et au début de l’année 2016, MM. Bessner, Samarah et Abramovitz se sont entretenus de la possibilité de combiner leur expertise et leur expérience au sein des marchés immobiliers commerciaux de Montréal et de Toronto. Ils ont envisagé de former une alliance commerciale, avantageuse pour les deux entreprises distinctes, afin de faire la promotion d’un service de courtage national sous une marque commune. La genèse, la structure et la dissolution subséquente de l’alliance sont au cœur de la présente action.

II.  Le contexte factuel

La création de l’entreprise de la demanderesse et la mise au point des noms commerciaux et des marques de commerce

[5]  Au début de l’année 2015, M. Bessner a décidé de lancer à Montréal sa propre entreprise de courtage immobilier commercial en employant la marque de commerce et le nom commercial CORE REALTY CONSULTANTS. Le 22 avril 2015, il a fait enregistrer deux noms de domaine pour le site Web de cette entreprise : <corerealtyconsultants.com> et <corerealtyconsultants.ca>. Il a également travaillé avec un concepteur Web en vue de la conception d’un logo à employer en liaison avec l’entreprise de la demanderesse (le logo CORE). Le dessin initial du logo CORE consistait en une présentation stylisée, et bien en vue, du mot « CORE », et cette caractéristique graphique est toujours la même. Le seul changement digne de mention qui a été apporté au logo CORE au cours des années qui ont suivi a été l’ordre dans lequel figurent les mots « realty » et « consultants » apparaissant sous la présentation stylisée du mot « CORE ». Le logo CORE est aujourd’hui une marque de commerce déposée au Canada (LMC1014664) :

 

 

[6]  Le 21 mai 2015, la demanderesse a fait enregistrer la raison sociale « Core Realty Consultants Inc. ».

[7]  Monsieur Bessner a lancé son entreprise de courtage et son site Web en juin 2015, employant relativement à ces activités le logo CORE et la marque CORE REALTY CONSULTANTS. Le logo CORE faisait partie de la stratégie de marque applicable à toutes les activités de l’entreprise. Le site Web (le « site Web CORE ») était hébergé à l’adresse « www.corerealtyconsultants.com » et les deux noms de domaine enregistrés en avril 2015 orientaient le trafic vers ce site. Le site Web CORE était et est toujours contrôlé par la demanderesse et M. Bessner.

[8]  Monsieur Bessner a fait enregistrer les noms de domaine <coreconsultantsrealty.com> et <corecconsultantsrealty.ca> le 5 janvier 2016, époque à laquelle la demanderesse commençait à délaisser la marque CORE REALTY CONSULTANTS en faveur de la marque CORE CONSULTANTS REALTY en lien avec son entreprise et la nouvelle relation naissante avec la société défenderesse. En février 2016, les noms de domaine enregistrés en avril 2015 et en janvier 2016 orientaient tout le trafic vers le site Web CORE de la demanderesse et, en mai 2016, ce site était hébergé à l’adresse « www.coreconsultantsrealty.com ». Ces derniers jalons terminaient le processus de transition de la demanderesse vers l’emploi de la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[9]  Le 14 mars 2018, la demanderesse a déposé une demande d’enregistrement pour les marques de commerce – à savoir, le logo CORE et CORE CONSULTANTS REALTY – au Canada sous le régime de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13. Le 6 février 2019, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a délivré un certificat d’enregistrement canadien pour la marque de commerce no LMC1014664, pour le logo CORE.

[10]  En novembre 2018, les défendeurs ont intenté une procédure d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1888061 pour la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY des demanderesses, et cette demande est toujours en instance.

La formation de l’alliance commerciale entre la demanderesse et la société défenderesse

[11]  Au fil des rencontres qu’ils ont eues au cours de leurs carrières respectives dans le secteur immobilier commercial, MM. Bessner et M. Samarah ont fini par se lier d’amitié. En octobre 2015, M. Bessner a proposé à M. Samarah un arrangement commercial. Selon cet arrangement, M. Samarah ouvrirait une entreprise de courtage immobilier commercial à Toronto en liaison avec laquelle il se servirait de la marque CORE et du site Web de la demanderesse. Monsieur Samarah souhaitait donner suite à la proposition de M. Bessner parce qu’il s’agissait d’un moyen économique de lancer une entreprise de courtage indépendante. Leur intention commune était d’avoir une marque unique avec laquelle ils feraient de la publicité croisée qui leur permettrait de faire croître leurs entreprises respectives à Montréal et Toronto.

[12]  Au cours de la même période, M. Samarah a discuté avec M. Abramovitz de l’ouverture d’une entreprise de courtage à Toronto et de la création d’une alliance avec M. Bessner. Messieurs Samarah et Abramowitz, qui étaient des amis très proches, ont tous deux qualifié de fraternelle la relation qu’ils entretenaient à cette époque. L’amitié de longue date entre ces deux hommes est importante pour comprendre la manière dont l’alliance commerciale des défendeurs avec la demanderesse et M. Bessner a été conçue et exploitée.

[13]  Au cours des mois de novembre et de décembre 2015, des discussions ont eu lieu entre MM. Bessner, Samarah et Abramovitz : par courriels entre ces trois hommes ainsi que par appels téléphoniques entre, principalement, MM. Bessner et Samarah. Je signale qu’à cette étape initiale une quatrième personne présente à Montréal a pris part aux discussions, mais qu’elle a vite disparu du tableau et que sa participation n’est pas importante pour les questions qui sont en litige en l’espèce. Au cours de cette période, les trois hommes ont parlé du nom qu’ils allaient employer pour l’entreprise, convenant d’aller de l’avant avec « CORE CONSULTANTS REALTY » plutôt que « CORE REALTY CONSULTANTS ».

[14]  Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz ont également parlé des projets de structure pour leur alliance commerciale. Ils ont échangé un certain nombre de courriels dans lesquels ils soulignaient divers éléments financiers de l’entreprise, la propriété des droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, l’octroi d’une licence d’emploi du nom, la durée de l’arrangement, les mécanismes pour se retirer de l’arrangement et le processus décisionnel. Ces discussions ont abouti à un courriel daté du 24 décembre 2015, envoyé par M. Samarah à M. Bessner, visant à résumer l’arrangement commercial (le courriel du 24 décembre). Ce document contenait les conditions générales projetées de la structure de l’alliance commerciale et il indiquait que [traduction« [l]es trois associés seraient cotitulaires à parts égales des droits de propriété intellectuelle ». Monsieur Samarah a demandé à M. Bessner de lui faire part de son accord et a indiqué qu’il allait falloir confier la rédaction de leur entente aux avocats des parties.

[15]  Monsieur Bessner n’a pas répondu par écrit au courriel du 24 décembre et les hommes n’ont pas eu d’autres échanges par écrit scellant la proposition. Aucun suivi n’a été effectué par les avocats respectifs des parties, et aucune entente officielle n’a été conclue. Je reviendrai, dans mon analyse, sur les témoignages livrés lors du procès à propos du courriel du 24 décembre.

[16]  Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz ont continué d’avoir des discussions au sujet de leur relation commerciale et de sa structuration en janvier 2016, époque à laquelle la demanderesse opérait la transition vers l’emploi de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. La société défenderesse a été constituée en Ontario le 13 janvier 2016 par M. Samarah, avec le consentement de M. Bessner. Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz se sont occupés de réviser le site Web CORE de la demanderesse de façon à ce qu’il reflète leurs activités commerciales combinées, tout en continuant d’utiliser les services de Sparrow Digital et de M. Ryan Hayes, le concepteur du site Web dont la demanderesse et M. Bessner avaient retenu au départ les services par contrat.

[17]  L’entreprise de Toronto a commencé à exploiter ses activités au début de 2016. Dans le cadre des activités qu’ils ont principalement exploitées au sein de leurs sphères respectives à Montréal et à Toronto au cours des deux années et demie qui ont suivi, la demanderesse et la société défenderesse, par l’intermédiaire de MM. Bessner, Samarah et Abramovitz, ont employé le logo CORE, le site Web CORE, les stratégies de marque et les comptes de médias sociaux, et elles ont mis en commun les bases de données sur les clients ainsi que certaines dépenses. Ils n’ont pas partagé les profits ou les commissions, pas plus qu’ils n’ont mis en œuvre une structure de commissions d’aiguillage. La propriété des droits de propriété intellectuelle, concernant le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY, n’a pas été revue.

Le déroulement des activités de l’alliance commerciale et sa dissolution

[18]  À l’été de 2018, les relations personnelles et commerciales qu’entretenaient MM. Samarah et Abramovitz ont été rompues irrévocablement. En conséquence, le 20 août 2018, M. Abramovitz a acheté la part que détenait M. Samarah dans la société défenderesse en se prévalant de la clause d’achat forcé que comportait leur convention unanime des actionnaires et il en est devenu l’unique dirigeant, administrateur et actionnaire.

[19]  Quand M. Bessner a appris que M. Samarah avait officiellement quitté l’entreprise de la société défenderesse, il a pris des mesures pour mettre fin à l’arrangement commercial intervenu entre les parties. Dans une mise en demeure datée du 22 août 2018, envoyée par les avocats de la demanderesse (la lettre du 22 août) et reçue par les défendeurs le 23 août 2018, la demanderesse déclarait qu’elle était l’unique propriétaire du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY et que l’entente conclue en 2016 entre MM. Bessner et Samarah à propos de l’emploi des deux marques de commerce était un contrat de licence :

[traduction]

Comme vous le savez, il y a environ deux ou trois ans, notre cliente avait octroyé à M. Sari Samarah le droit limité, révocable, non exclusif et non transférable d’employer la marque Core Consultants Realty à Toronto (la marque de commerce). Selon l’entente conclue entre notre cliente et M. Samarah, notre cliente avait le droit de mettre fin, en tout temps, à tout droit rattaché à la marque de commerce.

Notre cliente prend maintenant la décision de mettre fin sur-le-champ à tous les droits rattachés à la marque de commerce.

(Souligné dans l’original.)

[20]  La demanderesse a exigé des défendeurs qu’ils cessent sur-le-champ d’employer ses marques de commerce ainsi que toute marque de commerce dont la similitude est susceptible de créer de la confusion, et qu’ils changent le nom de la société défenderesse. Elle a demandé aux défendeurs qu’ils lui confirment par écrit, au plus tard le 29 août 2018, qu’ils s’étaient conformés à la lettre du 22 août.

[21]  Craignant les conséquences des difficultés qu’avaient MM. Samarah et Abramovitz, la demanderesse, qui avait suspendu le 13 juillet 2018 l’accès des défendeurs aux comptes de médias sociaux associés au site Web CORE, a mis fin le 27 août 2018 à cet accès ainsi qu’aux comptes de courriel, et a ensuite supprimé les renseignements concernant les défendeurs qui figuraient dans ce site.

[22]  Malgré la lettre du 22 août, les défendeurs ont continué d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY et, brièvement, le logo CORE, dans le cadre de leurs activités. Ils avaient déjà enregistré le 19 août 2018 un nouveau nom de domaine (<coreconsultantsrealtyinc.com>) et, le 27 août 2018, ils ont lancé un nouveau site Web (www.coreconsultantsrealtyinc.com). Le 31 août 2018, ils ont remplacé le logo CORE par un nouveau logo :

[23]  Dans une lettre datée du 28 août 2018, que ses avocats ont adressée aux avocats de la demanderesse (la lettre de réponse), la société défenderesse a contesté l’existence d’une licence d’emploi non exclusive et révocable de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Les avocats ont précisé dans la lettre de réponse que les défendeurs s’affairaient à la conception de leurs propres site Web et logo et qu’ils avaient acquis un achalandage rattaché au nom CORE CONSULTANTS REALTY depuis que la défenderesse avait été constituée en société :

[traduction]

L’emploi, par votre cliente, du nom Core Consultants Realty crée la fausse impression que ses activités sont associées d’une certaine façon à notre cliente ou qu’elles continuent d’y être associées, ce qui risque de créer de la confusion au sein du marché et constitue une pratique de commercialisation trompeuse. Notre cliente a acquis un achalandage associé au nom Core Consultants Realty depuis que la société a été constituée.

Notre cliente ne changera pas son nom, car elle en est la propriétaire inscrite, ce dont votre cliente était au courant depuis plusieurs années sans jamais lui reprocher. Les exigences que votre cliente pose à l’égard du nom de notre cliente sont donc irrecevables. Nous signalons également qu’aux termes de l’alinéa 16(3)c) de la Loi sur les marques de commerce du Canada, votre cliente n’a pas le droit d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce projetée.

[24]  La société défenderesse a exigé que la demanderesse cesse d’utiliser le nom « Core Consultants Realty » dans les 15 jours ouvrables suivant la date de la lettre de réponse.

[25]  La demanderesse et la société défenderesse ont depuis continué d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY dans le cadre de leurs activités. Chacune soutient que l’autre a créé de la confusion au sein du marché et porté atteinte à son entreprise respective.

III.  L’historique procédural

[26]  La demanderesse a produit une déclaration le 4 septembre 2018, dans laquelle elle sollicitait : 1) un jugement déclaratoire contre les défendeurs confirmant qu’elle est la propriétaire du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY, confirmant son droit à l’emploi exclusif de ce logo et de cette marque, et interdisant aux défenderesses de violer ses droits et de se livrer à une commercialisation trompeuse; 2) une injonction; et 3) des dommages-intérêts. Le 6 septembre 2018, elle a déposé une requête en vue d’obtenir une injonction interlocutoire visant à empêcher les défendeurs d’employer les marques de commerce jusqu’à ce qu’une décision finale soit prononcée dans le cadre de l’action. Cette requête a été ajournée un certain nombre de fois pendant l’automne 2018.

[27]  Les défendeurs ont produit une défense et demande reconventionnelle le 21 novembre 2018. Dans leur demande reconventionnelle, ils sollicitaient : 1) un jugement déclarant que la demanderesse et les défendeurs sont cotitulaires à parts égales des droits de propriété intellectuelle rattachés au nom « CORE CONSULTANTS REALTY »; 2) que les défendeurs ont le droit d’employer en Ontario le nom CORE CONSULTANTS REALTY et les éléments de propriété intellectuelle qui s’y rattachent; et 3) des dommages-intérêts.

[28]  Le 30 janvier 2019 et, ensuite, le 25 mars 2019, la demanderesse a modifié sa requête du 6 septembre 2018 en vue de solliciter un jugement ou procès sommaire ou, subsidiairement, une injonction interlocutoire. Le 8 avril 2019, les défendeurs ont produit leur dossier de requête visant à contester la requête en jugement sommaire de la demanderesse. Ils ont fait valoir que la preuve soumise à la Cour soulevait des questions sérieuses quant à la crédibilité et qu’il ne convient pas de statuer sur la défense et demande reconventionnelle par voie de jugement sommaire. Ils se sont également opposés à la demande d’injonction interlocutoire de la demanderesse.

[29]  Le 12 avril 2019, en réponse à des directives de la Cour et de façon à permettre que des témoins, surtout M. Samarah, soient entendus de vive voix, les parties ont convenu que la défense et demande reconventionnelle ferait l’objet d’une instruction sommaire.

[30]  La demanderesse a déposé un troisième avis de requête modifié le 12 juillet 2019 en vue de faire trancher dans le cadre du procès sommaire les questions suivantes :

[traduction]

  1. La demanderesse est-elle la propriétaire de la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY et la personne qui, parmi les parties, a le droit de l’enregistrer au Canada, en liaison avec des services immobiliers commerciaux?

  2. Les défendeurs violent-ils les droits conférés à la demanderesse par l’enregistrement canadien no LMC1014664 du registre des marques de commerce pour le logo CORE, en contravention des articles 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce?

  3. Faudrait-il interdire aux défendeurs d’employer au Canada la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY en liaison avec des services immobiliers commerciaux?

[31]  Les défendeurs n’ont produit aucun document supplémentaire en réponse à l’avis de requête du 12 juillet 2019 de la demanderesse.

IV.  Convient-il de tenir un procès sommaire?

[32]  Ainsi qu’il a été mentionné plus tôt, les parties ont convenu que la présente action ferait l’objet d’une instruction sommaire, conformément aux articles 213 à 219 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). Les circonstances dans lesquelles un procès sommaire est indiqué ont été examinées par la Cour dans un certain nombre de décisions, tout particulièrement par le juge Hughes dans Teva Canada Limited c Wyeth and Pfizer Canada Inc, 2011 CF 1169 (par. 28 à 37; appel accueilli pour d’autres motifs dans 2012 CAF 141 (voir aussi 0871768 B.C. Ltd. c Aestival (Vessel), 2014 CF 1047, par. 55 à 63)). Dans Cascade Corporation c Kinshofer GmbH, 2016 CF 1117, le juge Southcott a résumé au paragraphe 35 les circonstances que la Cour devrait prendre en considération pour décider de tenir ou non un procès sommaire :

[35]  Dans une requête en procès sommaire, le paragraphe 216(6) des Règles dispose que si la Cour est convaincue de la suffisance de la preuve pour trancher l’affaire, indépendamment des sommes en cause, de la complexité des questions en litige et de l’existence d’une preuve contradictoire, elle peut rendre un jugement sur l’ensemble des questions ou sur une question en particulier à moins qu’elle ne soit d’avis qu’il serait injuste de trancher les questions en litige dans le cadre de la requête. Pour établir s’il y a lieu de tenir un procès sommaire, le tribunal devrait prendre en considération des facteurs tels que le montant en question, la complexité de l’affaire, l’urgence de son règlement, tout préjudice que sont susceptibles de causer les lenteurs d’un procès complet, le coût d’un procès complet en comparaison du montant en question, la marche de l’instance et tous autres facteurs qui s’imposent à l’examen (voir Louis Vuitton Malletier S.A. c. Singga Enterprises (Canada) Inc., 2011 CF 776).

[33]  Je conclus qu’une instruction sommaire convient à la présente action : les questions en litige sont bien énoncées; la preuve produite est abondante; les faits nécessaires pour trancher les questions en litige sont exposés dans la preuve produite par affidavit, dans les réponses obtenues lors des contre-interrogatoires sur les affidavits principaux et lors du procès; et malgré l’existence de préoccupations quant à la crédibilité, MM. Bessner et Abramovitz ont été contre-interrogés sur leurs affidavits respectifs et MM. Bessner, Abramovitz et Samarah ont tous trois été entendus en interrogatoire principal et en contre-interrogatoire. Procéder par voie de procès sommaire procure à ces parties un règlement abordable et expéditif de l’affaire (Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7, par. 5).

V.  Les questions en litige et la réparation demandée

La thèse de la demanderesse

[34]  La demanderesse estime qu’elle est l’unique propriétaire du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Elle souligne que M. Bessner a imaginé, conçu et employé le mot « CORE » de manière à ce qu’il soit l’élément central de la stratégie de marque et de la promotion de son entreprise, avant d’entamer quelque discussion que ce soit avec M. Samarah ou les défendeurs. Le mot « CORE » est l’élément central du logo CORE et il constitue l’élément inaltéré des marques CORE REALTY CONSULTANTS et CORE CONSULTANTS REALTY. Selon la demanderesse, aucun élément de preuve n’établit qu’elle ou M. Bessner a consenti à céder un quelconque droit de propriété sur les marques de commerce.

[35]  La demanderesse soutient que l’emploi des marques de commerce, par les défendeurs, entre l’année 2016 et le mois d’août 2018 est réputé avoir fait l’objet d’une licence, suivant l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce. L’emploi par les défendeurs des marques de commerce au cours de cette période a donc le même effet que s’il s’agissait de celui de la demanderesse. Elle fait aussi valoir que l’emploi continu par les défendeurs de la marque CORE CONSULTANTS REALTY comme dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine dans le cadre de la fourniture de services de consultation et de courtage dans le secteur immobilier commercial en Ontario après la cessation de la licence en août 2018 constitue une pratique de commercialisation trompeuse, et viole les marques de commerce de la demanderesse (al. 7b) et art. 20 de la Loi sur les marques de commerce).

La thèse des défendeurs

[36]  Les défendeurs ont contesté l’action intentée par la demanderesse en faisant initialement valoir que selon le courriel du 24 décembre la demanderesse et la société défenderesse sont copropriétaires de la marque CORE CONSULTANTS REALTY puisque M. Bessner a consenti aux conditions qui y étaient énoncées avant le 31 décembre 2015. Or, compte tenu de la preuve contraire fournie par MM. Bessner et Samarah lors du procès, les défendeurs soutiennent maintenant que M. Bessner a consenti par sa conduite subséquente aux conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre, étant donné qu’il ne s’est pas expressément opposé au courriel et qu’il a mis en œuvre l’alliance conclue avec les défendeurs d’une manière essentiellement conforme aux principes énoncés dans le courriel.

[37]  Les défendeurs font également valoir que leur emploi de la marque CORE CONSULTANTS REALTY entre l’année 2016 et le mois d’août 2018 n’avait pas fait l’objet d’une licence expresse ou réputée au sens de l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce, car M. Bessner et la demanderesse n’exerçaient pas un contrôle suffisant sur les activités de la société défenderesse. Par conséquent, les défendeurs profitaient eux-mêmes de l’emploi de la marque CORE CONSULTANTS REALTY, et cet emploi affaiblissait le caractère distinctif de la marque de commerce. Au procès, les défendeurs ont également contesté la validité de la marque déposée constituée du logo CORE.

[38]  Selon les défendeurs, la Cour devrait exercer sa compétence en equity et conclure qu’il était raisonnable pour eux de croire que, par sa conduite, M. Bessner les avait autorisés à employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY en Ontario, de sorte que M. Bessner et la demanderesse devraient être irrecevables à contester le droit des défendeurs de continuer d’employer la marque de commerce. Enfin, ils soutiennent que la demanderesse n’a pas établi qu’ils se sont livrés à une pratique de commercialisation trompeuse ou qu’ils violent les marques de commerce, en contravention de l’alinéa 7b) et de l’article 20, respectivement, de la Loi sur les marques de commerce.

Les questions en litige que doit trancher la Cour

[39]  Voici les quatre questions en litige auxquelles je dois répondre :

  1. La demanderesse a‑t‑elle octroyé ou cédé aux défendeurs un quelconque droit de propriété sur logo CORE ou sur la marque CORE CONSULTANTS REALTY?

  2. L’emploi des marques de commerce par les défendeurs entre le début de l’année 2016 et le 23 août 2018 avait-il fait l’objet d’une licence d’emploi, suivant l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce?

  3. L’emploi continu par les défendeurs de la marque CORE CONSULTANTS REALTY depuis le 23 août 2018 constitue‑t‑il une pratique de commercialisation trompeuse et viole‑t‑il les droits de la demanderesse, suivant l’alinéa 7b) et l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce?

  4. La partie qui obtiendra gain de cause a‑t‑elle droit à une réparation de la nature d’une injonction?

[40]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a donné suite à sa réclamation en dommages-intérêts.

VI.  Le résumé de la preuve présentée au procès

[41]  Le dossier de requête que la demanderesse a déposé auprès de la Cour le 25 mars 2018 en lien avec sa deuxième requête modifiée en jugement ou procès sommaire a été admis en preuve, tout comme le dossier de requête en réponse que les défendeurs ont déposé le 8 avril 2019. Messieurs Bessner et Abramovitz ont tous deux souscrit des affidavits dans le contexte de la requête de la demanderesse et ils ont été contre-interrogés sur leurs affidavits. Ces affidavits et les transcriptions des contre-interrogatoires font partie des dossiers de requête, et des éléments de preuve documentaire concernant la genèse et le fonctionnement de l’alliance commerciale conclue entre la demanderesse et la société défenderesse en font aussi partie. Le témoignage anticipé de M. Abramovitz, dans sa forme modifiée, a lui aussi été produit en preuve.

[42]  Le dossier de requête de la demanderesse comprenait l’affidavit d’un de ses clients de longue date, M. Michael Wolfe, que les défendeurs n’ont pas contre-interrogé.

[43]  Trois témoins – MM. Bessner, Abramovitz et Samarah – ont été entendus lors du procès sommaire, et ils ont été contre-interrogés par les avocats du camp adverse. J’estime que chacun de ces témoins était généralement digne de foi, sauf sur les points que je préciserai plus loin dans le présent jugement. Messieurs Bessner et Abramovitz donnent une interprétation différente de l’arrangement commercial conclu par la demanderesse et la société défenderesse, mais les éléments factuels qu’ils ont relatés dans le cadre de leurs témoignages respectifs ne divergent pas beaucoup. J’ai accordé une grande importance au témoignage de M. Samarah au moment où j’ai tiré mes conclusions. J’estime que son témoignage était franc et sérieux, et qu’il a répondu de manière mesurée aux questions que les avocats des deux parties lui ont posées. Comme il était le principal élément de liaison entre MM. Bessner et Abramovitz lors des discussions ayant mené à l’alliance commerciale conclue entre la demanderesse et la société défenderesse, son témoignage revêt une importance cruciale dans la conclusion que j’ai tirée sur l’existence et la nature de toute entente ou de toute licence conclue entre les parties quant à la propriété et l’emploi du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[44]  Les défendeurs ont soulevé le fait que MM. Bessner et Samarah sont actionnaires minoritaires d’une entreprise de restauration située à Montréal, Kinton Ramen. Ils semblent se fonder sur cet intérêt commercial commun pour expliquer une déclaration faite par M. Abramovitz dans son affidavit, à savoir que, tandis que sa relation avec M. Samarah se détériorait, il croyait que M. Bessner prenait des mesures pour l’écarter de la société défenderesse. Les défendeurs n’ont produit aucune preuve à propos des actions détenues dans Kinton Ramen ou d’une quelconque forme de complot de la part de MM. Bessner et Samarah au détriment de M. Abramovitz. Je n’accorde aucune importance à cet intérêt commercial conjoint de MM. Bessner et Samarah dans mon évaluation de leur crédibilité.

[45]  Je traiterai du contenu de la preuve des parties dans le cadre de mon analyse.

VII.  L’analyse

1.  La demanderesse a‑t‑elle octroyé ou cédé aux défendeurs un quelconque droit de propriété sur le logo CORE ou sur la marque CORE CONSULTANTS REALTY?

[46]  Mon analyse quant à cette question comporte deux aspects. Premièrement, je traiterai de la manière dont M. Bessner a élaboré la stratégie de marque et les activités de promotion de son entreprise autour du mot « CORE » (la marque CORE), à compter de 2015 et au fil des discussions qui ont mené à l’adoption de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Deuxièmement, je traiterai du courriel du 24 décembre ainsi que des discussions et de la conduite des parties – MM. Samarah et Bessner – et j’examinerai s’il a été convenu d’une quelconque façon que la demanderesse et la société défenderesse seraient les copropriétaires du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[47]  Monsieur Bessner a conçu la marque CORE et a mis au point, de façon indépendante, le logo CORE et la marque CORE REALTY CONSULTANTS avant d’entamer quelque discussion que ce soit avec M. Samarah à propos d’une alliance commerciale. Au printemps de 2015, M. Bessner a fait enregistrer des noms de domaine pour son nouveau site Web de courtage où il employait la marque CORE REALTY CONSULTANTS, il a conçu et mis au point le logo CORE avec un graphiste, il a conçu le site Web CORE avec l’aide de Sparrow Digital, et il a fait enregistrer sa raison sociale, Core Realty Consulting Inc. En juin 2015, il a lancé le site Web CORE et son entreprise de courtage immobilier commercial à Montréal. Au cœur des initiatives de M. Bessner figurait le mot « CORE ». Il s’agit de l’élément dominant du logo CORE et du seul mot qui se trouve dans tous les aspects de la stratégie de marque que M. Bessner et la demanderesse ont utilisés, tant en anglais qu’en français. Monsieur Bessner a choisi ce mot parce qu’il s’agissait d’un jeu de mots inspiré de son prénom et parce qu’il constitue la prémisse de son entreprise qui vise à combler, d’une manière essentielle [l’un des sens du mot « CORE » en anglais], les besoins de ses clients en matière de services immobiliers commerciaux.

[48]  Selon le témoignage de M. Samarah, M. Bessner est entré en contact avec lui à l’automne de 2015 à Toronto et il a [traduction] « semé l’idée que [M. Samarah] puisse exploiter [s]a propre entreprise de courtage à Toronto sous le nom de Core ». La preuve documentaire versée au dossier et les témoignages de MM. Bessner et Samarah établissent que leur alliance commerciale devait reposer sur la stratégie de marque CORE de M. Bessner, ce qui permettrait à M. Samarah d’entrer sans difficulté sur le marché du courtage torontois en se servant du site Web CORE, ainsi que des noms de domaine et des comptes existants de médias sociaux. Aux yeux de M. Bessner, une alliance avec M. Samarah devait permettre à la demanderesse d’implanter la marque CORE et les activités commerciales connexes sur le marché immobilier commercial torontois, et ce, sans grands risques financiers.

[49]  La demanderesse est d’avis – et j’abonde dans le même sens qu’elle – que les principales discussions entourant l’alliance commerciale qui ont eu lieu à la fin de 2015 et au début de 2016 ont été menées par MM. Bessner et Samarah. Monsieur Abramovitz a pris part à ces discussions par l’entremise, et sur la foi, de M. Samarah et de ses entretiens avec M. Bessner, et parfois directement au moyen de courriels de groupe.

[50]  Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz ont discuté de l’emploi de la marque CORE REALTY CONSULTANTS durant la période comprise entre la fin de 2015 et le début de 2016. Les trois hommes ont proposé des variantes de cette marque, dans lesquelles le mot « CORE » apparaissait bien en vue. Une série de propositions de la part de la quatrième personne comportaient des noms dans lesquels se cachait ce mot (4Score Realty Consultants, Scorecard Realty, PreCore Realty Consultants et SACore Realty), mais ces suggestions ont été vite rejetées. Finalement, les trois associés restants ont convenu de changer l’ordre des mots « Realty » et « Consultants » et d’aller de l’avant en se servant de « CORE CONSULTANTS REALTY », de pair avec le logo CORE et le site Web CORE.

[51]  Même si la preuve documentaire établit l’existence de nombreuses discussions entre MM. Bessner, Samarah et Abramovitz qui se sont soldées par une entente sur l’emploi de la marque CORE CONSULTANTS REALTY, la preuve démontre également que tout emploi du mot « CORE » dans le cadre de l’alliance commerciale – notamment le fait d’avoir changé CORE REALTY CONSULTANTS pour CORE CONSULTANTS REALTY – était assujetti à l’approbation de M. Bessner, qui détenait un droit de veto. Messieurs Samarah et Abramovitz ont tous deux déclaré que si M. Bessner n’avait pas consenti à l’emploi de ce nom, ils auraient employé une marque et un nom différents pour leur propre service de courtage à Toronto.

[52]  Je conclus que la marque CORE CONSULTANTS REALTY est une variante de la marque CORE REALTY CONSULTANTS qui fait partie de la stratégie de marque CORE conçue par M. Bessner et la demanderesse. La preuve démontre que le mot « CORE » a occupé une place prépondérante dans les discussions des parties. Les trois hommes faisaient référence à la nouvelle entreprise en l’appelant « Core », sous forme abrégée. Le mot « CORE » était l’élément dominant dans les propositions examinées lors des discussions à propos des changements envisagés à la marque CORE REALTY CONSULTANTS.

[53]  C’est à cet égard que le témoignage de M. Abramovitz n’était pas digne de foi. Lors du contre‑interrogatoire sur son affidavit ainsi qu’au procès, M. Abramovitz a évité à maintes reprises de répondre aux questions des avocats de la demanderesse sur la relation qu’il y avait entre, d’une part, la marque CORE, le logo CORE et la marque CORE REALTY CONSULTANTS et, d’autre part, la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Son insistance sur le fait que la marque CORE CONSULTANTS REALTY avait été conçue par les trois hommes sans qu’ils fassent référence aux marques et à la stratégie de marque préexistantes n’est pas digne de foi. En réponse à la question de savoir pourquoi ils avaient décidé d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY, M. Abramovitz a affirmé qu’ils détestaient la marque CORE REALTY CONSULTANTS. Puis, à la question de savoir pourquoi le mot « core » revenait partout, il a répondu qu’il ne s’agissait que d’une série de noms qu’ils avaient examinés. Je ne retiens pas le témoignage de M. Abramovitz. J’estime que la marque CORE CONSULTANTS REALTY a été adoptée pour que les défendeurs, M. Samarah, la demanderesse et M. Bessner l’emploient dans le cadre de leur alliance commerciale et ce, dans la continuité de la stratégie de marque CORE existante, et que l’emploi de cette marque était assujetti à l’approbation de M. Bessner.

[54]  Rien dans le dossier ne démontre l’existence d’une quelconque entente concernant la copropriété de la marque CORE CONSULTANTS REALTY dans le cadre des discussions concernant son adoption. Après l’entente intervenue entre les trois hommes sur l’adoption de la marque CORE CONSULTANTS REALTY, M. Bessner a veillé à sa mise en œuvre en faisant enregistrer des noms de domaine au nom de la demanderesse et en donnant instruction à son mandataire de commencer à réviser le site Web CORE. Monsieur Bessner a aussi consenti à ce que « Core Consultants Realty » fasse partie du nom de la société défenderesse. Dès le départ, MM. Bessner, Samarah et Abramovitz ont traité la marque CORE CONSULTANTS REALTY comme faisant partie de la stratégie de marque CORE de M. Bessner. Sous réserve de mon analyse du courriel du 24 décembre et des arguments des défendeurs basés sur le principe de l’irrecevabilité fondée sur une promesse entre la demanderesse et les défendeurs, la demanderesse était et demeure l’unique titulaire de tous les droits relatifs à la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[55]  Les défendeurs invoquent deux autres arguments. Premièrement, ils font valoir que la société défenderesse a employé la marque CORE CONSULTANTS REALTY à compter de janvier 2016, avant que la demanderesse procède à la transition nécessaire pour exploiter ses activités sous la nouvelle marque au printemps de 2016. La preuve documentaire confirme cet argument. Cependant, l’emploi, par la société défenderesse, de la marque CORE CONSULTANTS REALTY était assujetti à l’approbation et à l’autorisation de M. Bessner, et son emploi hâtif de la marque ne prouve pas l’existence d’un droit de propriété. Deuxièmement, les défendeurs soutiennent qu’ils ont payé la moitié des révisions effectuées au site Web CORE de façon à ce que celui-ci reflète l’adoption de la marque CORE CONSULTANTS REALTY et le lancement de l’alliance commerciale Montréal-Toronto. Là encore, la preuve confirme leur argument, mais le fait que la société défenderesse ait contribué pécuniairement aux révisions apportées au site Web CORE ainsi qu’aux autres dépenses nécessaires pour lancer l’alliance commerciale n’établit pas l’existence d’un droit de propriété sur le logo CORE, le site Web CORE ou la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[56]  J’examinerai maintenant le courriel du 24 décembre. Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz ont échangé un certain nombre de courriels en novembre et décembre 2015 à propos de la nature du projet d’alliance commerciale et de la relation entre la demanderesse et la société défenderesse. Ces courriels ont mené au courriel du 24 décembre, que M. Samarah a transmis à M. Bessner, et qui indique ceci :

[traduction]

Corey, voici la structure qui se dégage de nos discussions :

Un bureau en Ontario (exploité par moi et Shawn), et un bureau au Québec (exploité par vous-même).

Chaque bureau fonctionne de manière indépendante sans partage des profits.

Les trois associés seraient cotitulaires à parts égales des droits de propriété intellectuelle.

Tous les prospects doivent faire l’objet d’un renvoi entre nos entreprises. Un taux de 25 p. 100 pour les frais d’aiguillage paraît être un bon incitatif, mais nous pouvons aussi procéder au cas par cas.

Nous pouvons essayer de mettre en commun le plus de frais possible, y compris les frais d’admin. de TI (serveur de courriel Exchange), admin. du site Web, kiosques aux activités du CICC, activités festives, mise en marché, etc.

Fractionnements – il est nécessaire de discuter de la question de savoir si nous avons une structure fractionnée universelle.

Si ça vous semble juste, nous pourrons confier à nos avocats le mandat de rédiger un accord en termes simples pour régler les derniers détails de ces conditions. Mon objectif est de faire enregistrer l’entreprise, le service de courtage, le service interagences d’ici la fin de janvier, à temps pour Whistler.

Faites-moi signe si vous avez des questions ou si vous voulez discuter davantage.

Merci

[57]  Monsieur Samarah a transféré le courriel du 24 décembre à M. Abramovitz. Dans son affidavit, M. Abramovitz indique que M. Samarah et lui ont discuté de la possibilité que M. Bessner ne souscrive pas aux conditions énoncées dans le courriel. Ils ont convenu que dans ce cas, ils iraient de l’avant sans lui en se servant d’un autre nom et d’un autre site Web.

[58]  Selon le témoignage de M. Abramovitz, M. Samarah l’a informé à la fin de décembre 2015 que M. Bessner avait verbalement consenti aux conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre. Or selon les témoignages de MM. Bessner et Samarah, M. Bessner n’a pas souscrit au courriel du 24 décembre lors de leur conversation téléphonique, et M. Bessner a même indiqué que l’idée de consentir aux conditions énoncées dans le courriel lui posait problème. Monsieur Samarah a ajouté que M. Bessner et lui avaient convenu de voir comment l’alliance commerciale évoluerait au cours des années suivantes et que, si l’alliance fonctionnait bien, ils trouveraient alors un moyen de regrouper les entreprises.

[59]  Monsieur Samarah a également déclaré qu’il avait recontacté M. Abramovitz pour l’informer qu’ils emploieraient le nom et le site Web CORE et qu’ils auraient l’air d’avoir deux bureaux, mais que M. Bessner n’était pas disposé à faire un écrit et qu’ils verraient comment l’entreprise fonctionnerait.

[60]  Messieurs Bessner, Samarah et Abramovitz reconnaissent tous que les conditions de leur alliance n’ont jamais été officialisées par écrit. Les premiers mois de 2016 étaient une période stimulante au cours de laquelle les trois hommes voulaient s’en tenir à lancer leur entreprise de courtage nationale, sans s’enliser dans les détails juridiques de leur arrangement. En contre‑interrogatoire, M. Samarah a déclaré que les points soulevés dans le courriel du 24 décembre étaient délicats et que les trois hommes avaient décidé d’[traduction] « y aller à vue de nez en souhaitant que tout se passe bien, compte tenu des relations [qu’ils] entreten[aient] tous ». À la question de savoir ce que M. Abramovitz et lui auraient fait si l’arrangement conclu avec M. Bessner n’avait pas fonctionné après quelques années, M. Samarah a répondu qu’il croyait comprendre que M. Abramovitz et lui seraient allés de l’avant par eux-mêmes, mais sous un nom différent.

[61]  Dans leurs observations finales, les défendeurs ont admis que le courriel du 24 décembre ne constituait pas une preuve de l’existence d’une entente exécutoire entre la demanderesse et eux. Je suis du même avis et j’estime que le courriel du 24 décembre n’était qu’une proposition. Monsieur Bessner n’a pas adhéré par écrit à cette proposition. De plus, je retiens le témoignage de MM. Bessner et Samarah selon lequel M. Bessner n’a pas verbalement consenti aux conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre et selon lequel il a plutôt fait part à M. Samarah des réserves qu’il avait à propos du courriel. J’estime également que ces réserves ont été communiquées à M. Abramovitz. Ce dernier n’a peut‑être pas saisi les conséquences juridiques du défaut d’insister pour régler la question de savoir à qui appartiendraient les objets de propriété intellectuelle en lien avec l’entreprise, mais en fin de compte, les trois hommes ont tous décidé d’aller de l’avant même s’ils n’avaient qu’une idée vague de la nature de leur entreprise commune et des conséquences qu’emporterait la fin d’une telle entreprise. Par conséquent, je conclus que ni la demanderesse ni M. Bessner n’ont consenti à une quelconque copropriété ou cession des droits de la demanderesse sur le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[62]  Lors du procès sommaire et dans leurs observations finales, les défendeurs se sont appuyés sur des principes d’équité et de justice pour affirmer que M. Bessner et la demanderesse, de par leur conduite, ont implicitement convenu d’exploiter l’alliance commerciale conformément aux conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre, et qu’en conséquence ils sont irrecevables à 1) rejeter les conditions de la présumée entente ou 2) mettre fin au droit des défendeurs d’employer les marques de commerce ou à la licence d’emploi qui leur avait été octroyée.

[63]  Je conclus que les exigences de la doctrine de common law de l’irrecevabilité fondée sur une promesse ne sont pas remplies en l’espèce. Ces exigences sont énoncées dans l’arrêt Maracle c Travellers Indemnity Co of Canada, [1991] 2 RCS 50, où le juge Sopinka a fait les remarques suivantes (à la p. 57) :

Les principes de l’irrecevabilité fondée sur une promesse sont bien établis. Il incombe à la partie qui invoque cette exception d’établir que l’autre partie a, par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse ou donné une assurance destinée à modifier leurs rapports juridiques et à inciter à l’accomplissement de certains actes. De plus, le destinataire des déclarations doit prouver que, sur la foi de celles‑ci, il a pris une mesure quelconque ou a de quelque manière changé sa position. […]

[64]  En l’espèce, la preuve n’établit pas que, par leurs paroles ou par leur conduite, ni M. Bessner ni la demanderesse n’ont clairement promis aux défendeurs qu’ils seraient copropriétaires du logo CORE ou de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Monsieur Bessner a fait savoir à M. Samarah que les conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre ne lui convenaient pas vraiment. Monsieur Samarah a indiqué dans son témoignage qu’il avait fait part de la position de M. Bessner à M. Abramovitz. Par souci d’équité pour M. Abramovitz, il est difficile de cerner avec précision la mesure dans laquelle les réserves de M. Bessner lui ont été clairement communiquées. Cependant, la conduite de M. Bessner, par son refus de répondre au courriel du 24 décembre, ainsi que sa conversation avec M. Samarah auraient dû, à tout le moins, faire comprendre à M. Abramovitz que toute décision d’aller de l’avant ne reposait pas sur l’existence d’une entente définitive sur la copropriété des objets de propriété intellectuelle employés dans le cadre de l’alliance commerciale.

[65]  Les défendeurs soutiennent que les parties ont mis en œuvre leur alliance commerciale d’une manière conforme au courriel du 24 décembre, et que M. Bessner et la demanderesse sont irrecevables à en rejeter les conditions. Ils disent que M. Bessner ne s’est pas déclaré titulaire des droits de propriété sur le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY pendant la durée de l’alliance commerciale. Malgré la volonté de la demanderesse à aller de l’avant avec une alliance qui, à certains égards, reflétait les conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre, rien n’établit que M. Bessner ou la demanderesse ont promis de quelque manière que ce soit, de par leur conduite, qu’elles cèderaient aux défendeurs un droit de propriété sur les marques de commerce de la demanderesse. Monsieur Bessner a fait savoir à M. Samarah qu’il n’était pas disposé à mettre en œuvre les conditions énoncées dans le courriel du 24 décembre. Les réserves de M. Bessner lui ayant été communiquées, M. Abramovitz ne peut maintenant faire valoir qu’il se fiait à une promesse qui découlerait de la conduite de M. Bessner. Monsieur Bessner n’avait aucune obligation positive de confirmer de nouveau ses droits sur les deux marques de commerce.

[66]  Qui plus est, M. Bessner avait toujours le contrôle physique sur le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY en raison du contrôle qu’il exerçait sur le site Web CORE et sur les comptes de courriel et les comptes de médias sociaux. Il a aussi continué d’exercer le contrôle effectif sur l’emploi des marques de commerce entre le moment où l’alliance été établie, au début de 2016, jusqu’à sa fin, en août 2018, car aucun changement ne pouvait être apporté sans son consentement aux marques de commerce ou aux initiatives promotionnelles de l’alliance. Monsieur Samarah a reconnu lors de son témoignage que tout changement apporté au logo CORE, à la marque CORE CONSULTANTS REALTY ou à leur emploi dans le cadre de la promotion des deux entreprises était assujetti à l’approbation de M. Bessner. Comme l’a déclaré M. Samarah, [traduction] « c’était le nom et le logo qu’il possédait auparavant et il nous a, en quelque sorte, intégrés dans tout ça ». Enfin, la participation concrète et financière des défendeurs à la révision du site Web CORE ne suffit pas pour établir l’existence d’une cession implicite de droits sur le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY. Il ne s’agit que d’un reflet de leur participation à l’entreprise.

[67]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la demanderesse n’a octroyé ou cédé aux défendeurs aucun droit de propriété sur le logo CORE ou la marque CORE CONSULTANTS REALTY, soit expressément soit par sa conduite, à compter du moment où ont eu lieu les premières discussions survenues en 2015 et le lancement de l’alliance au début de 2016 jusqu’en août 2018.

2.  L’emploi des marques de commerce par les défendeurs entre le début de l’année 2016 et le 23 août 2018 avait-il fait l’objet d’une licence d’emploi, suivant l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce?

[68]  Vu ma conclusion selon laquelle la demanderesse n’a octroyé ou cédé aux défendeurs aucun droit de propriété sur le logo CORE ou la marque CORE CONSULTANTS REALTY, il s’agit maintenant de savoir sur quoi les défendeurs se sont fondés pour employer les deux marques de commerce en Ontario à compter du lancement de leur entreprise en 2016 jusqu’au 23 août 2018, date à laquelle la demanderesse a exigé qu’ils cessent d’employer ces marques. Selon la demanderesse, les défendeurs ont employé les marques de commerce en vertu d’une licence d’emploi, suivant l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce. Les défendeurs, eux, estiment que la preuve au dossier ne permet pas d’établir l’existence d’une telle licence, car la demanderesse n’exerçait pas un contrôle suffisant sur les activités de la société défenderesse ou sur l’emploi des marques de commerce en liaison avec les services que les défendeurs offraient en Ontario.

[69]  Le paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce dispose :

Licence d’emploi d’une marque de commerce

Licence to use trademark

50 (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

50 (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trademark to use the trademark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the goods or services, then the use, advertisement or display of the trademark in that country as or in a trademark, trade name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trademark in that country by the owner.

[70]  Les parties conviennent qu’aucun contrat de licence écrit n’a été conclu pour autoriser les défendeurs à employer les marques de commerce, mais que leur relation d’affaires permet d’inférer, ou de considérer comme implicite, l’existence d’une licence d’emploi. Elles conviennent également que, pour qu’une licence soit visée par l’article 50, le propriétaire de la marque de commerce doit contrôler, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et des services en cause.

[71]  Les défendeurs invoquent principalement des jugements quelque peu désuets dans lesquels la structure organisationnelle qu’auraient adoptée le concédant de licence et le licencié et le degré de contrôle exercé par le concédant de licence étaient examinés dans le contexte d’un contrat de concession ou de la fourniture de biens matériels. Deux des jugements cités ont été rendus sous le régime de l’ancienne Loi sur les marques de commerce et ils ne traitent pas de la nature d’une licence d’emploi visée par l’article 50 dans sa version actuellement en vigueur (Foodcorp Ltd. c Chalet Bar‑B‑Q (Canada) Inc., 55 CPR (2d) 46, [1981] ACF no 110, (CF 1re inst.), appel accueilli en partie dans Chalet Bar‑B‑Q (Canada) Inc. c Foodcorp Ltd. (1982), 66 CPR (2d) 56 (CAF); et Moore Dry Kiln Co, of Canada Ltd. c U. S. Natural Resources Inc. (1976) 23 CPR (2d) 35, [1975] ACF no 506 (CF 1re inst.)). En tout état de cause, les circonstances factuelles des deux affaires sont nettement différentes de celles dont il est question en l’espèce.

[72]  La demanderesse invoque deux décisions de notre Cour (Cushman & Wakefield Inc. c Wakefield Realty Corp., 2004 CF 210; conf. par 2004 CAF 415 (Cushman & Wakefield), et Allianz Global Investors of America LP c Middlefield Capital Corporation, 2014 CF 620 (Allianz)). À mon avis, les principes énoncés dans Cushman & Wakefield et Allianz sont plus utiles pour cerner la nature et la teneur d’une licence d’emploi visée à l’article 50 dans le contexte où des marques de commerce sont employées dans le cadre de la prestation de services de courtage immobilier commercial.

[73]  Dans Cushman & Wakefield, un appel d’une décision relative à une opposition des marques de commerce, l’une des questions en litige soumises à l’examen de la Cour consistait à savoir si l’emploi du nom commercial et de la marque de commerce « Cushman & Wakefield » au Canada par une tierce partie, Royal LePage Commercial Inc., faisait l’objet d’une licence visée à l’article 50 aux termes de laquelle Cushman & Wakefield exerçaient un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques ou la qualité des services que fournissait Royal LePage. Wakefield Realty a fait valoir que Cushman & Wakefield avait « tout au plus conservé un contrôle indirect sur l’emploi de la marque de commerce et non sur les caractéristiques et la qualité des services, à savoir le courtage immobilier, etc. » (Cushman & Wakefield, par. 55). Le juge Harrington a conclu que l’emploi par Royal LePage de la marque de commerce était autorisé et contrôlé par Cushman & Wakefield, et il a fait les remarques suivantes (Cushman & Wakefield, par. 56) :

[56]  La relation entre Cushman & Wakefield et Royal Lepage est, pour l’essentiel, fondée sur une entente de coentreprise et de références. Le mémoire d’entente n’aborde pas la question des marques de commerce. Toutefois, l’autorisation n’a pas besoin d’être écrite. Je suis convaincu que Royal Lepage détenait une autorisation de Cushman & Wakefield pour l’emploi du nom commercial « CUSHMAN & WAKEFIELD » et de la marque de commerce « CUSHMAN & WAKEFIELD WORLDWIDE ». Les témoignages de M. John Coppedge et de Mme Sarah Langdon démontrent qu’il y avait autorisation. Pour mettre en œuvre la coentreprise, Cushman & Wakefield a créé le poste de directeur aux opérations États‑Unis/Canada, poste qui était à l’origine occupé par M. Frank Ziska. Par la suite, Royal Lepage a mis sur pied une initiative de développement de l’image de marque qui lui a permis de continuer à employer le nom commercial « CUSHMAN & WAKEFIELD », mais aussi la marque de commerce. Toutes les activités commerciales étaient étroitement surveillées, de sorte qu’il a été satisfait aux exigences du paragraphe 50(1).

[74]  Dans Allianz, une affaire concernant la mise en marché de services de valeurs mobilières auprès d’investisseurs institutionnels, la Cour a cité le jugement Cushman & Wakefield et confirmé que l’existence d’un contrat de licence écrit sur l’emploi d’une marque n’est pas indispensable au maintien du contrôle sur cette marque; elle a précisé qu’il est possible d’inférer l’existence d’un contrat de licence (Allianz, par. 15). Le juge Rennie a conclu que l’emploi de la marque en question par des courtiers en valeurs mobilières tiers constituait un emploi par le propriétaire et non une perte de contrôle sur les caractéristiques des services en question (Allianz, par. 18). La Cour examinait dans Allianz le degré de contrôle exercé par le propriétaire de la marque sur les caractéristiques des services en liaison avec lesquels la marque pouvait être employée par la tierce partie, et non sur la fourniture, par cette partie, des services eux-mêmes.

[75]  La relation d’affaires entre la demanderesse et la société défenderesse est analogue à celle qu’entretenaient Cushman & Wakefield et Royal LePage : une coentreprise et une entente d’aiguillages dans le cadre desquelles M. Bessner et la demanderesse n’exerçaient aucun contrôle sur les activités courantes de la société défenderesse, mais plutôt sur les caractéristiques et l’emploi du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY en liaison avec les services que fournissait la société défenderesse.

[76]  La société défenderesse avait manifestement l’autorisation et le consentement de la demanderesse pour employer les marques de commerce en liaison avec ses services de courtage immobilier commercial à Toronto. Monsieur Bessner et la demanderesse se servaient des contacts qu’avait M. Bessner avec M. Samarah pendant la durée de l’alliance commerciale et, de façon plus importante, du contrôle et de la supervision du site Web CORE, des comptes de courriel et des comptes de médias sociaux, ainsi que des changements apportés aux marques de commerce elles-mêmes ou à la nature de la publicité et des services pour lesquels les marques de commerce étaient employées pour surveiller l’emploi des marques de commerce. La demanderesse n’avait pas de droits d’inspection sur les activités de la société défenderesse, mais dans ce genre d’entreprise de services, de tels droits ne seraient pas nécessaires ou courants. Dans le même ordre d’idées, il n’était pas nécessaire que M. Bessner se rende régulièrement au bureau de Toronto, car il contrôlait et supervisait par voie électronique l’emploi des marques de commerce.

[77]  Les défendeurs soulignent à raison que les parties ont adopté une approche collaborative pour la promotion et la mise en marché de leurs entreprises et de leurs initiatives conjointes de courtage respectives jusqu’en août 2018, mais que cette collaboration soutenue ne change rien au fait que l’emploi continu du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY était assujetti au consentement de M. Bessner. Le témoignage de MM. Bessner et Samarah a été sans équivoque à cet égard. Il est raisonnable d’inférer de la preuve que personne, y compris M. Abramovitz, ne se méprenait au sujet du contrôle ultime de M. Bessner sur le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[78]  Je conclus qu’entre le lancement de l’alliance commerciale en 2016 et le 23 août 2018, l’emploi par les défendeurs des marques de commerce était assujetti à une licence d’emploi, suivant l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce. L’absence de contrôle de la demanderesse sur les activités commerciales courantes des défendeurs n’exclut pas nécessairement l’existence d’une licence d’emploi visée à l’article 50. Dans ce genre d’arrangement commercial, le contrôle qu’exerçait la demanderesse sur les marques de commerce ainsi que la nature des services en liaison avec lesquels les défendeurs pouvaient employer ces marques constituent les facteurs déterminants. Du fait de l’article 50, l’emploi par les défendeurs des marques de commerce en Ontario entre les mois de janvier 2016 et d’août 2018 est considéré comme étant un emploi des marques par la demanderesse qui en est la propriétaire. L’emploi simultané par les défendeurs des marques de commerce au cours de cette période n’a pas privé les marques de leur caractère distinctif.

[79]  Les défendeurs font valoir que, si la Cour devait conclure que leur emploi des marques en Ontario était assujetti à une licence d’emploi implicite, des principes d’equity rendent la demanderesse irrecevable à révoquer cette licence. Là encore, je conclus que les défendeurs n’ont pas établi les éléments nécessaires à l’irrecevabilité fondée sur une promesse. Ils se sont fondés sur la permission de la demanderesse d’employer les marques de commerce pour exploiter leurs activités commerciales en Ontario pendant la durée de l’alliance commerciale. Je ne puis toutefois conclure qu’il s’agit d’une promesse de la part de la demanderesse ou de M. Bessner pour une licence d’emploi irrévocable et perpétuelle des marques de commerce qui continuerait d’être en vigueur malgré la cessation de la relation commerciale. Les défendeurs n’ont présenté aucune preuve à cet effet, pas plus que leur argument n’est commercialement raisonnable.

[80]  Les défendeurs soutiennent également que la révocation, par la demanderesse, de la licence d’emploi le 23 août était un geste inéquitable, car la lettre du 22 août ne leur donnait qu’un bref préavis pour cesser l’emploi des marques de commerce. Ils font valoir qu’ils n’ont pas reçu un avis raisonnable, compte tenu du fait que l’identité de la société défenderesse elle-même et l’entreprise de courtage des défendeurs reposaient sur la marque CORE.

[81]  Je conviens qu’un délai de sept jours est une courte période pour donner une nouvelle image à une entreprise active, mais les défendeurs n’ont formulé aucune observation sur ce qui aurait constitué un préavis raisonnable et ils n’ont pris aucune mesure pour atténuer leurs risques.

[82]  Selon son propre témoignage, M. Abramovitz a été informé le 13 juillet 2018 que l’emploi du logo CORE, de la marque CORE CONSULTANTS REALTY et du site Web CORE, par la société défenderesse et lui-même, était en jeu. À cette date, il a constaté que Sparrow Digital avait changé le mot de passe du compte Instagram commercial ainsi que les mots de passe de tous les comptes de médias sociaux. Messieurs Ryan Hayes et Samarah ont dit à M. Abramovitz qu’il devait s’adresser à M. Bessner pour obtenir de plus amples informations. Monsieur Abramovitz a décidé de ne pas communiquer avec M. Bessner, car il anticipait que ce dernier ne serait pas coopératif. Il a pris des mesures en prévision du litige à venir, faisant enregistrer un nouveau nom de domaine le 19 août 2018 : <coreconsultantsrealtyinc.com>. De plus, après avoir reçu la lettre du 22 août, les défendeurs ont décidé de continuer leurs activités en faisant du mot « CORE » une caractéristique importante de leur stratégie de marque et de la promotion de leur entreprise. Ils ont lancé un nouveau site Web et changé l’image de leur entreprise en employant un nouveau logo qui incorporait la marque Core, même s’ils risquaient manifestement de ne plus avoir le droit de continuer d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY.

[83]  Je conclus que la révocation, par la demanderesse, de son autorisation et de sa licence d’emploi des marques de commerce était valide. Les défendeurs n’ont rien fait au départ pour se conformer aux exigences énoncées dans la lettre du 22 août, pas plus qu’ils n’ont pris depuis des mesures pour changer l’image de l’entreprise de la société défenderesse. Je prends note du fait que les défendeurs invoquent un jugement de la Division de la chancellerie du Royaume-Uni (Dorling c Honnor Marine Ltd., [1964] CH 560 (Div Ch R-U) (Dorling)), mais tiens à préciser que dans cette affaire, la Cour n’a pas conclu que la révocation de licence était sans effet. Elle a simplement conclu que la défenderesse avait droit à un délai de préavis de révocation raisonnable. Dans l’affaire Dorling, la défenderesse avait poursuivi ses activités, au mépris de la révocation qui avait fait l’objet d’un préavis raisonnable. Le juge Cross a précisé que [traduction« cette conduite ne peut être approuvée ». En l’espèce, tout délai de préavis raisonnable a expiré depuis longtemps.

  1. L’emploi continu par les défendeurs de la marque CORE CONSULTANTS REALTY depuis le 23 août 2018 constitue‑t‑il une pratique de commercialisation trompeuse et viole‑t‑il les droits de la demanderesse, suivant l’alinéa 7b) et l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce?

[84]  La demanderesse soutient que l’emploi continu des marques de commerce, par les défendeurs, depuis le 23 août 2018 constitue une pratique de commercialisation trompeuse et qu’il viole les droits que lui confèrent l’alinéa 7b) et l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce, qu’il crée de la confusion et des dommages à son entreprise et qu’il diminue la valeur de l’achalandage qu’elle a acquis grâce au logo CORE. Même si la demanderesse a également fait référence à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce dans son troisième avis de requête modifié, les arguments qu’elle a fait valoir lors du procès portaient sur la violation du logo CORE, sur le fondement de l’article 20.

[85]  Les défendeurs soutiennent que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir qu’ils ont violé les marques de commerce, car la demanderesse ne s’est fondée que sur l’affidavit d’un seul client, M. Wolfe, ainsi que sur le témoignage même de M. Bessner au sujet de la confusion et des dommages causés à son entreprise. Les défendeurs ont également fait valoir au procès que le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY ne sont pas distinctifs et que l’enregistrement du logo CORE (LMC1014664) est invalide suivant l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce et qu’il devrait être radié.

[86]  Dans la section précédente du présent jugement, j’ai répondu aux arguments des défendeurs au sujet de la perte du caractère distinctif des marques de commerce en raison de leur emploi simultané des marques depuis l’année 2016 jusqu’au 23 août 2018. Leur emploi des marques de commerce au cours de cette période était autorisé par la demanderesse au moyen d’une licence d’emploi visée à l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce, et cet emploi était réputé être celui de la demanderesse.

[87]  Les défendeurs font également valoir que le logo CORE est invalide pour cause d’absence de caractère distinctif, d’après une recherche menée en 2015 dans le système NUANS, dont les résultats ont été produits en preuve lors du témoignage de M. Samarah. Une recherche dans le système NUANS est une recherche de dénominations sociales habituellement effectuée en lien avec le nom commercial proposé pour une constitution en société ou un enregistrement. Les parties se sont servies de la recherche NUANS à laquelle M. Samarah a fait référence au début de janvier 2016 afin d’évaluer l’opportunité de constituer la société défenderesse en utilisant la marque CORE CONSULTANTS REALTY. J’estime que la recherche faite dans le système NUANS ne prouve pas l’absence de caractère distinctif du logo CORE. La recherche ne fait que produire une liste non à jour de noms d’entreprise. Elle ne permet pas de savoir si l’une quelconque des entreprises énumérées est toujours en affaires et, dans l’affirmative, elle ne donne aucun renseignement sur la nature de ses activités et l’emploi du mot « CORE ». Je conclus que les défendeurs n’ont pas établi que l’enregistrement du logo CORE est invalide suivant l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce.

[88]  Voici les éléments de preuve de commercialisation trompeuse et de violation produits par la demanderesse :

[traduction]

  1. Les défendeurs continuent d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY en liaison avec la promotion et la fourniture de services de courtage immobilier commercial à Toronto. Ils ont enregistré des noms de domaine utilisant la marque, et leur site Web est www.coreconsultantsrealtyinc.com. La caractéristique importante du nouveau logo des défendeurs est les mots « CORE CONSULTANTS ». Ils font affaires sous le nom de « Core Consultants Realty ».

  2. L’emploi par les défendeurs de la marque CORE CONSULTANTS REALTY crée une réelle confusion au sein du marché. Dans le secteur immobilier commercial au Canada, les salons qu’organise le Conseil international des centres commerciaux (CICC) constituent l’une des premières plateformes de mise en marché. Monsieur Bessner a affirmé lors de son témoignage que la demanderesse et la société défenderesse ont assisté à deux salons du CICC après le mois d’août 2018, l’un à Toronto et l’autre à Whistler (C.‑B.). La présence de deux entreprises de courtage, exploitant leurs activités sous le même nom, a créé de la confusion. La demanderesse a présenté une liste de participants au salon du CICC d’octobre 2018, à Toronto, qui comporte des représentants de la demanderesse et de la société défenderesse. La liste indique que ces personnes travaillent toutes pour « Core Consultants Realty ». Le seul renseignement qui les distingue est leur adresse différente. Une tierce partie qui lirait cette liste conclurait inévitablement que ces personnes travaillent pour la même entreprise. À l’occasion du même salon, M. Bessner et ses collègues ont assisté à une activité organisée par un grand propriétaire d’immeubles commerciaux au Canada et on leur a remis des porte-noms comportant le logo de la société défenderesse, dont des exemplaires constituent des pièces jointes au second affidavit de M. Bessner.

  3. Monsieur Wolfe, un client de la demanderesse depuis 2015, a souscrit le 21 mars 2019 un affidavit qui fait partie de la preuve de la demanderesse. Monsieur Wolfe est le président d’une société de Montréal qui possède environ 100 immeubles de vente au détail, à bureaux et industriels dans tout le Québec. Il a conclu un certain nombre de transactions avec la demanderesse et déclare qu’il la désigne habituellement par le nom « Core ». Monsieur Wolfe déclare aussi qu’il a assisté au salon du CICC à Toronto et qu’il a vu un kiosque portant le nom « Core Consultants Realty ». Il a tenu pour acquis que ce kiosque était celui de la demanderesse, mais le représentant qui occupait le kiosque lui a dit que non. Il affirme également qu’il a reçu des courriels de la part de la société défenderesse depuis août 2018 et qu’il a tout d’abord supposé que ces courriels venaient de la demanderesse.

  4. Monsieur Bessner a affirmé lors de son témoignage que la présence et les activités commerciales de la société défenderesse à Toronto ont fait obstacle à ses plans d’expansion des activités de la demanderesse au sein du marché de Toronto.

[89]  S’agissant des plans d’affaires futurs de la demanderesse, je souscris à l’argument des défendeurs selon lequel le témoignage de M. Bessner à cet égard n’est pas concluant, mais je tiens à faire remarquer que les premières démarches que M. Bessner a faites auprès de M. Samarah en 2015 étaient motivées par son souhait d’élargir les activités montréalaises de CORE de façon à intégrer le marché torontois. Entre l’année 2016 et le mois d’août 2018, M. Bessner n’a rien fait pour prendre seul de l’expansion à Toronto en raison de la relation commerciale qu’il entretenait avec la société défenderesse. On ne peut considérer que son inaction au cours de cette période soit le signe d’un désintéressement vis-à-vis du marché. On peut raisonnablement supposer que l’emploi continu par les défendeurs de la marque CORE CONSULTANTS REALTY au sein du marché immobilier commercial de Toronto et le règlement de la présente action retardent les plans d’expansion de M. Bessner depuis le mois d’août 2018.

[90]  Il y a violation d’une marque de commerce lorsqu’un défendeur a employé, en liaison avec des produits ou services, une marque de commerce ou une marque dont la similitude est susceptible de créer de la confusion, sans le consentement du titulaire des droits de la marque de commerce. L’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce dispose :

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trademark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trademark or trade name;

[91]  Les éléments de la violation visés à l’alinéa 20(1)a) sont les suivants : l’existence d’une marque de commerce déposée, l’« emploi » d’une marque de commerce créant de la confusion par une partie à qui la violation est reprochée; la vente, la distribution ou l’annonce de produits ou de services en liaison avec la marque de commerce ou le nom commercial créant de la confusion; et l’absence du droit ou de l’autorisation d’employer la marque de commerce.

[92]  J’estime que la demanderesse a satisfait à chacun des éléments nécessaires, énoncés à l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, pour établir la violation du logo CORE reprochée aux défendeurs. Le logo CORE est une marque déposée (LMC1014664) dont la demanderesse est propriétaire.

[93]  Une analyse détaillée des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce n’est pas nécessaire en l’espèce pour établir la violation. L’élément dominant du logo CORE est le mot « CORE », assorti, juste au-dessous, de la mention « Core Consultants Realty ». Le mot « Core » apparaît également dans la version française du nom commercial inclus dans le logo. Il y a clairement un important degré de ressemblance entre le logo CORE et la marque CORE CONSULTANTS REALTY employée par les défendeurs. L’emploi de la marque par les défendeurs dans leur logo, comme nom pour leur entreprise et dans la promotion de services essentiellement identiques à ceux que fournit la demanderesse a créé une réelle confusion au sein du marché et j’estime que cette confusion sera vraisemblablement, sinon inévitablement, constante.

[94]  Enfin, les défendeurs emploient la marque CORE CONSULTANTS REALTY depuis le 23 août 2018 sans avoir obtenu de la demanderesse l’autorisation de mettre en marché les activités de courtage immobilier commercial de la société défenderesse en Ontario.

[95]  La demanderesse soutient également que l’emploi continu de la marque CORE CONSULTANTS REALTY par les défendeurs contrevient à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, lequel dispose :

Concurrence déloyale et signes interdits

Interdictions

Unfair Competition and Prohibited Signs

Prohibitions

7 Nul ne peut :

7 No person shall

. . .

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[96]  S’agissant de la commercialisation trompeuse, les causes d’action d’origine législative et prévues par la common law requièrent la présence de trois éléments : 1) l’existence d’un achalandage associé à une marque de commerce valide dont la partie demanderesse est propriétaire, 2) une confusion réelle ou vraisemblable au sein du public par suite d’une représentation trompeuse, et 3) des dommages réels ou potentiels causés à la demanderesse (Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120; Scott Technologies Inc. c 783825 Alberta Ltd. (Scott Safety Supply Services), 2015 CF 1336, par. 53).

[97]  Je conclus que la demanderesse a établi que les défendeurs se sont livrés à une pratique de commercialisation trompeuse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Premièrement, il est raisonnable d’inférer de la preuve que, depuis 2015, la demanderesse a acquis un achalandage important, rattaché au logo CORE et à la marque CORE CONSULTANTS REALTY, sur les marchés des services de courtage immobilier commercial à Montréal directement, de même qu’à Toronto, grâce à la licence d’emploi qu’elle a octroyée à la société défenderesse. Deuxièmement, pour ce qui est de la confusion, les défendeurs exploitent leurs activités en employant la marque CORE CONSULTANTS REALTY de la demanderesse. Ils n’emploient pas une marque similaire. Ils emploient la marque elle-même, offrant les mêmes services sous le même nom et dans le même segment de marché. Dans ces circonstances, la confusion au sein du public est facilement établie et, en tout état de cause, la demanderesse a établi l’existence d’une réelle confusion. Nous ne sommes pas en présence d’une affaire dans laquelle il est nécessaire de produire une preuve par sondage pour établir la confusion. Troisièmement, les dommages réellement causés ou susceptibles d’être causés à la demanderesse découlent de la confusion créée chez ses clients réels et potentiels, et de son incapacité de prendre appui sur ses marques de commerce établies pour entrer sur le marché torontois.

  1. La partie qui obtiendra gain de cause a‑t‑elle droit à une réparation de la nature d’une injonction?

[98]  J’ai conclu que seule la demanderesse en l’espèce est la propriétaire du logo CORE et de la marque CORE CONSULTANTS REALTY. J’ai aussi conclu que les défendeurs se sont livrés à une pratique de commercialisation trompeuse et qu’ils ont commis une violation à l’égard des marques de commerce parce qu’ils ont continué d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY pour faire de la promotion et fournir des services de consultation et de courtage dans le secteur immobilier commercial à Toronto. Les défendeurs créent sur le marché une confusion qui a une incidence défavorable sur les activités commerciales courantes de la demanderesse et qui fait obstacle à ses plans d’expansion. Ces circonstances me convainquent que la demanderesse a droit à une injonction permanente pour obliger les défendeurs à cesser d’employer la marque CORE CONSULTANTS REALTY et les empêcher de mener des activités qui violent les droits de la demanderesse.

  1. Les dépens

[99]  Chacune des parties a réclamé des dépens dans le cadre du présent procès sommaire. À l’audience, elles se sont entendues sur la quantification des dépens à adjuger à la partie qui aurait gain de cause. Le montant convenu s’élève à 45 000 $, inclusion faite de la totalité des honoraires, des débours et des taxes applicables. Comme la demanderesse est la partie qui a gain de cause, je lui adjuge des dépens d’un tel montant.


JUGEMENT dans le dossier T‑1608‑18

LA COUR STATUE COMME SUIT :

  1. La demanderesse n’a octroyé ou cédé aux défendeurs aucun droit de propriété sur le logo CORE ou la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY, soit expressément soit par sa conduite.

  2. Seule la demanderesse en l’espèce est la propriétaire du logo CORE et de la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY.

  3. Les défendeurs ont violé la marque de commerce que constitue le logo CORE, en contravention de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce.

  4. Les défendeurs se sont livrés à une pratique de commercialisation trompeuse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, en appelant l’attention du public sur leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs services ou leur entreprise et les services et l’entreprise de la demanderesse.

  5. La demanderesse a droit à une injonction permanente qui interdit aux défendeurs eux-mêmes, ainsi que par l’entremise de toute entreprise ou société connexe dans laquelle l’un ou l’autre des défendeurs, ou les deux, détiennent un intérêt ou qui est soumise, directement ou indirectement, à leur pouvoir ou à leur contrôle, y compris à titre de licenciée, de même que ses administrateurs, dirigeants, actionnaires, employés, représentants et mandataires, de faire ce qui suit :

  • a) employer soit le logo CORE soit la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY, soit toute marque dont la similitude est susceptible de créer de la confusion, que ce soit à l’égard d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’une dénomination sociale ou d’un nom de domaine ou, à tous autres égards, en liaison avec des services fournis dans le secteur immobilier commercial;

  • b) appeler l’attention du public sur les services ou l’entreprise des défendeurs de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada avec les services et l’entreprise de la demanderesse, notamment en adoptant ou en employant le logo CORE ou la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY, ou toute marque dont la similitude est susceptible de créer de la confusion, que ce soit à l’égard d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’une dénomination sociale ou nom de domaine ou, à tous autres égards, en liaison avec des services fournis dans le secteur immobilier commercial;

  • c) employer le logo CORE ou toute marque de commerce déposée de la demanderesse, y compris, au moment de son enregistrement, le cas échéant, la marque de commerce CORE CONSULTANTS REALTY, ou toute autre marque de commerce ou tout autre nom commercial qui risque de créer de la confusion avec le logo CORE ou avec toute marque de commerce déposée de cette nature, et ce, d’une manière susceptible d’avoir pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage rattaché au logo CORE ou à une marque de commerce déposée de cette nature.

  1. Des dépens d’un montant forfaitaire de 45 000 $ (inclusion faite des honoraires, des débours et des taxes, le cas échéant), payables par les défendeurs, sont adjugés à la demanderesse.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour d’avril 2020.

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1608‑18

 

INTITULÉ :

COREY BESSNER CONSULTING INC. s/n CORE CONSULTANTS REALTY c CORE CONSULTANTS REALTY INC. et SHAWN ABRAMOVITZ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 4 ET 5 SEPTEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 11 FÉVRIER 2020

 

COMPARUTIONS :

John H. Simpson

Shan Arora

POUR LA DEMANDERESSE

Justin Robinson

Selina Piekarski

POUR LES DÉFENDEurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shift Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Friedman Law Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEurs

 

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