Date : 20040310
Dossier : IMM-3984-03
Référence : 2004 CF 357
Ottawa (Ontario), le 10 mars 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
ABUL FAJAL MOHAMMED MOSTAK AHMED
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Ahmed conteste une décision dans laquelle un membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a prononcé le désistement de sa demande d'asile. M. Ahmed a comparu devant la Commission pour expliquer pourquoi il n'avait pas présenté son formulaire sur les renseignements personnels (le FRP) dans le délai prévu à l'article 6 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, c'est-à-dire dans les 28 jours suivant la date à laquelle il l'a reçu. Il a affirmé qu'un consultant en immigration incompétent lui avait fourni des renseignements erronés au sujet du processus de traitement des demandes d'asile, mais qu'il avait depuis retenu les services d'un avocat.
[2] Lors d'une audience qui a eu lieu le 7 mai 2003, la Commission a donné à M. Ahmed la possibilité d'expliquer pourquoi il n'avait pas transmis son FRP dans le délai prescrit. M. Ahmed a assisté à l'audience, il a donné une explication et a présenté son FRP. Malgré cela, la Commission a prononcé le désistement de sa demande. L'avocat du demandeur n'a pas pu assister à l'audience, mais il a envoyé à la Commission une lettre exposant les circonstances.
[3] À l'audience du 7 mai, la Commission a dit ce qui suit :
[traduction] Une personne comme vous qui demande la protection du Canada a l'obligation d'essayer de suivre les règles. Si j'avais eu l'occasion, peut-être si M. Khan [le consultant en immigration] était venu ici et si j'avais pu lui poser des questions, peut-être il m'aurait dit quelque chose qui m'aurait fait changer d'avis, mais il n'est pas là.
[...]
Eh bien, je décide de prononcer le désistement. Votre avocat vous dira que vous aurez le droit de demander le contrôle judiciaire de ma décision ou que vous pourrez suivre notre procédure interne et interjeter appel de ma décision à l'interne, auprès de la Commission. Mais rien dans ce que j'ai entendu ne me permet de croire qu'il existe des circonstances exceptionnelles en l'espèce. C'est au demandeur qu'incombe la responsabilité de suivre les règles ou de fournir une explication qui soit satisfaisante à mes yeux [...] [Non souligné dans l'original.]
La question en litige
[4] M. Ahmed fait valoir que la Commission n'a pas suivi les règles applicables aux désistements. Il soutient qu'en vertu des Règles, la Commission est tenue de prendre en considération certains éléments avant de prononcer le désistement d'une demande d'asile. Le paragraphe 58(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés énonce :
Éléments à considérer 58. (3) Pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d'asile à l'audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d'asile est prêt à commencer ou à poursuivre l'affaire. |
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Factors to consider 58. (3) The Division must consider, in deciding if the claim should be declared abandoned, the explanations given by the claimant at the hearing and any other relevant information, including the fact that the claimant is ready to start or continue the proceedings.
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[5] Les Règles font état des éléments que la Commission doit prendre en considération. Je n'ai aucune raison de douter que la Commission ait tenu compte des éléments appropriés en l'espèce. Toutefois, le passage cité ci-dessus semble révéler que la Commission s'attendait à ce que M. Ahmed démontre l'existence de [traduction] _ circonstances exceptionnelles _ avant de lui donner la permission de poursuivre sa demande. Selon mon interprétation de la disposition applicable, la Commission doit prendre en considération les explications données par le demandeur, déterminer s'il a présenté les formulaires requis et s'il est prêt à poursuivre sa demande, et tenir compte de _ tout autre élément pertinent _. Bien sûr, la Commission ne permettra à un demandeur de poursuivre sa demande que si les explications qu'il donne pour justifier le retard sont raisonnables. Toutefois, je ne crois pas que l'on puisse déduire de cette disposition que le demandeur est tenu de démontrer l'existence de [traduction] _ circonstances exceptionnelles _. À mon avis, la norme que prévoient les Règles n'est pas aussi exigeante.
[6] Par conséquent, j'accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire et j'ordonnerai à un tribunal différemment constitué de la Commission de déterminer s'il convient de prononcer le désistement de la demande d'asile de M. Ahmed.
[7] Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur l'argument subsidiaire de M. Ahmed selon lequel le délai de 28 jours contrevient à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, et il n'est pas opportun que je certifie une question de portée générale à cet égard.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié aux fins d'une nouvelle audition.
2. Aucune question de portée générale n'est énoncée.
_ James W. O'Reilly _
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3984-03
INTITULÉ : ABUL FAJAL MOHAMMED MOSTAK AHMED
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 4 MARS 2004
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O'REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 10 MARS 2004
COMPARUTIONS:
Amina Sherazee POUR LE DEMANDEUR
Greg George POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Rocco Galati POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada