Date : 20041213
Dossier : IMM-95-04
Référence : 2004 CF 1647
ENTRE :
LIN ZHENG HUA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE TEITELBAUM
[1] Par son avis de demande dans la présente affaire, signé le 5 janvier 2003, le demandeur sollicite une audience en français.
[2] L'audience devant la Cour a été tenue en français.
[3] Tous les documents déposés, y compris le mémoire initial et le mémoire additionnel du demandeur de même que le mémoire du défendeur, sont en anglais.
[4] À la fin de l'audience, il a été convenu que, à l'intention du demandeur, ma décision serait rendue en anglais.
INTRODUCTION
[5] Une décision défavorable, par laquelle un agent des visas (l'agent) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur dans la catégorie d'investisseur immigrant, a été rendue le 30 octobre 2003 à l'ambassade du Canada à Beijing, en Chine. L'agent a conclu que le demandeur n'avait pas démontré que son avoir net provenait de sources légales et légitimes. La présente demande vise le contrôle judiciaire de cette décision.
LES FAITS
[6] Le demandeur est citoyen de la République populaire de Chine. Les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (CAIPS) révèlent que le demandeur a commencé à travailler pour Pingtang Marine Fishery Company en 1978 en tant que représentant de commerce et qu'il recevait un salaire mensuel de 1 500 RMB. En 1982, il a obtenu une promotion à un poste de sous-gérant et il recevait un salaire annuel et une prime totalisant 30 000 RMB.
[7] En 1993, le demandeur a fait un placement de 350 000 RMB en achetant des actions de la société Fuzhou Jiaotong Petroleum Supply Company. Il a informé l'agent des visas que cet argent provenait de ses économies. La société a été renommée Fuzhou Jiaotong Zhongyou Petroleum Supply en 1999. Selon le demandeur, il reçoit de l'entreprise approximativement 558 000 RMB par année, ce qui inclut son salaire, une prime et des dividendes.
[8] Le 24 novembre 1999, le demandeur a présenté une demande de statut de résident permanent dans la catégorie d'investisseur immigrant.
[9] Le 22 mai 2002, un certificat de sélection du Québec a été délivré pour le demandeur, son épouse et ses quatre enfants.
[10] Le 10 mars 2003, l'agent a mentionné qu'il recommandait la tenue d'une entrevue afin de clarifier la situation financière du demandeur. L'agent a demandé qu'on prenne contact avec le demandeur afin qu'il fournisse des documents comme des relevés de transactions boursières pour les trois dernières années, qui incluraient les dates des transactions, le nom et le coût des actions, des certificats d'enregistrement d'actions, des relevés à jour de preuve de fonds, des bordereaux de salaires, des reçus de primes et de dividendes et tous les documents d'affaires habituels démontrant la provenance des fonds et la façon selon laquelle l'argent est dépensé.
[11] Le 20 mai 2003, l'agent, assisté d'un interprète, a reçu le demandeur en entrevue à l'ambassade du Canada à Beijing. L'agent a commencé l'entrevue en posant au demandeur des questions à l'égard de ses enfants et l'a ensuite questionné quant aux antécédents de son entreprise. Au cours de l'entrevue, l'agent des visas a dit au demandeur qu'il devrait fournir plus de documents étant donné qu'il avait des doutes quant à certains renseignements à l'égard de ses revenus et quant à la façon selon laquelle il menait son entreprise. À la fin de l'entrevue, l'agent mentionne dans ses notes CAIPS qu'il a dit au demandeur qu'il n'était pas convaincu de ses prétentions et qu'il n'était pas d'avis que son entreprise était exploitée de façon légale et par les efforts du demandeur lui-même. Il a en outre dit au demandeur qu'il n'était pas convaincu que ses fonds avaient été obtenus de façon légitime. Il mentionne en outre dans ses notes CAIPS qu'il estimait que les réponses du demandeur étaient contradictoires et vagues et que [TRADUCTION] « le fait que Fuzhou Jiaotong n'ait pas payé d'impôt de 1993 à 1999 n'est pas un signe positif » .
[12] Après qu'on lui a donné la possibilité de répondre, le demandeur a dit à l'agent que le bureau d'impôt avait vérifié l'entreprise et qu'elle n'avait jamais participé à de la contrebande. Il souhaitait déménager son entreprise dans une autre région parce que la contrebande de pétrole sévissait à ce moment.
[13] Le 3 juillet 2003, on a demandé au demandeur de fournir une série de documents, comme des permis d'entreprise, des inscriptions de capital, des preuves de fournitures. Il s'est conformé à cette demande en envoyant les documents le 9 août 2003.
[14] La demande présentée par le demandeur a été rejetée le 30 octobre 2003.
LA DÉCISION CONTESTÉE
[15] Dans une lettre datée du 30 octobre 2003, l'agent des visas a d'abord informé le demandeur qu'il lui incombait d'établir que son admission au Canada ne contreviendrait à aucune disposition de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). L'agent des visas a conclu que le demandeur ne s'était pas conformé aux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR.
11. (1) Visa et documents - L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.
[...]
16. (1) Obligation du demandeur - L'auteur d'une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.
[16] L'agent des visas a mentionné qu'il avait examiné les documents présentés et les notes d'entrevue. Il a conclu que les nombreuses contradictions du demandeur étaient particulièrement troublantes. Il a conclu que les réponses du demandeur quant à son emploi étaient particulièrement vagues et que ses explications à l'égard des revenus de l'entreprise et du nombre d'employés n'avaient pas de sens. L'agent des visas n'était pas satisfait de la réponse du demandeur selon laquelle la preuve à l'égard de ses emplois et revenus de 1982 à 1993 n'était pas disponible parce que la société avait mis fin à ses activités.
[17] L'agent des visas a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi, en particulier à l'égard de la provenance de son avoir net personnel. L'agent des visas a informé le demandeur de ses conclusions de la façon suivante :
[TRADUCTION]
Votre omission d'avoir fait un compte rendu adéquat à l'égard de la provenance de votre avoir net personnel fait qu'il m'est impossible de compléter une évaluation détaillée et appropriée de votre dossier. Sur le fondement de l'entrevue avec vous au cours de laquelle nous avons discuté de la façon selon laquelle vous avez accumulé vos biens, et après examen des documents que vous avez fournis au soutien de votre dossier, je ne suis pas convaincu que votre avoir net personnel provient de sources légales et légitimes.
[Non souligné dans l'original.]
[18] Sur ce fondement, l'agent des visas a conclu qu'il n'était pas convaincu que le demandeur n'appartenait pas à une catégorie de personnes interdites de territoire décrites à l'article 36 de la LIPR. Par conséquent, la demande de résidence permanente présentée par le demandeur a été rejetée.
36. (1) Grande criminalité - Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :
a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;
b) être déclaré coupable, à l'extérieur du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans;
c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[19] Le demandeur établit qu'il existe quatre questions en litige, à savoir :
1) La norme de contrôle appropriée d'une décision par laquelle un agent des visas rejette une demande de visa est-elle la décision raisonnable simpliciter?
2) L'agent des visas, alors qu'il agissait suivant sa compétence d'interroger le demandeur, pouvait-il conclure comme il l'a fait que le demandeur appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire sous l'étiquette de la grande criminalité mentionnée à l'article 36 de la Loi?
3) La conclusion de l'agent des visas selon laquelle l'avoir net personnel du demandeur ne provient pas de sources légales et légitimes constitue-t-elle une erreur susceptible de contrôle?
4) L'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'agir avec équité lorsqu'il a omis d'informer le demandeur de ses doutes et de lui donner une possibilité valable de les dissiper?
[20] Je partage l'opinion exprimée dans les observations écrites du défendeur selon laquelle les deux dernières questions peuvent être traitées comme une seule question. Étant donné que la norme de contrôle est une question préliminaire, je vais formuler à nouveau les deux dernières questions de la façon suivante :
1) L'agent a-t-il compétence pour interroger le demandeur à l'égard de la provenance des fonds et pour examiner cette provenance?
2) Y a-t-il eu un manquement aux principes de justice naturelle dans la présente affaire?
LA NORME DE CONTRÔLE
La position du demandeur
[21] Le demandeur prétend que la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent des visas à l'égard d'une demande de résidence permanente dans la catégorie de l'investisseur immigrant devrait être la décision raisonnable simpliciter. Il prétend que ce point de vue est énoncé dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 (Maple Lodge).
[22] Le demandeur prétend que la Cour semble être réticente à établir la norme de contrôle applicable : voir la décision Sun Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 423. Il prétend que la décision Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95, IMM-2813-00, 25 janvier 2001, a établi que la décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle appropriée.
La position du défendeur
[23] Le défendeur de son côté ne partage premièrement pas l'interprétation donnée par le demandeur à l'arrêt Maple Lodge. Selon le défendeur, le critère de la décision raisonnable simpliciter n'a pas été énoncé dans cet arrêt. Ce critère a été introduit 15 ans plus tard dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748.
[24] Le défendeur prétend que l'arrêt Maple Lodge appuie la proposition selon laquelle une décision discrétionnaire, comme c'est le cas dans la présente affaire, requiert une grande retenue des cours : voir l'arrêt Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 278 N.R. 172.
La conclusion à l'égard de la question précédemment énoncée
[25] Il y a une grande controverse à l'égard de la norme de contrôle applicable à la décision rendue par un agent des visas relativement à une demande de statut de résident permanent en tant qu'investisseur immigrant. La plus grande partie de la jurisprudence sur cette question semble en effet avoir adopté le critère énoncé dans l'arrêt Maple Lodge, mais non conformément à l'interprétation donnée par le demandeur. Je partage l'opinion du défendeur selon laquelle l'arrêt Maple Lodge n'appuie pas le principe voulant que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter.
[26] En fait, je pense que cet arrêt établit l'idée qu'il devrait être fait preuve d'une grande retenue à l'égard des décisions discrétionnaires : voir l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696. Dans la décision Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1204, Mme la juge Heneghan a déclaré ce qui suit :
La décision qui fait l'objet de la demande de contrôle judiciaire est une décision discrétionnaire prise par l'agente des visas. En l'absence d'une preuve montrant que l'agente des visas a ignoré des faits pertinents ou tenu compte d'éléments hors de propos, les tribunaux déféreront à sa décision. [Paragraphe 11.]
[27] Bien que la jurisprudence révèle que l'arrêt Maple Lodge est largement appliqué dans ces circonstances, il ne semble pas y avoir une conclusion établie quant à la question de savoir si l'arrêt importe la norme de la décision manifestement déraisonnable ou celle de la décision raisonnable simpliciter.
[28] Néanmoins, puisque la décision, à mon avis, est une décision discrétionnaire, je suis convaincu que le critère est la décision manifestement déraisonnable étant donné qu'il doit être fait preuve de retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.
ANALYSE
1) L'agent a-t-il compétence pour interroger le demandeur à l'égard de la provenance des fonds et pour examiner cette provenance?
La position du demandeur
[29] Le demandeur prétend que l'Accord Canada-Québec établit clairement que la province a une compétence exclusive à l'égard de la sélection et que le pays a une compétence exclusive à l'égard de l'admissibilité. Le demandeur soutient que, par conséquent, les deux ordres de gouvernement ont le pouvoir d'examiner la provenance des fonds, à leurs fins respectives. Il prétend que des déclarations contradictoires et vagues ne se retrouvent que dans les déclarations de vive voix faites au cours de l'entrevue et non dans la preuve substantielle. Le demandeur prétend que, afin de demander des documents additionnels, l'agent doit prouver le bien-fondé de ses doutes, ce qu'il n'a pas fait dans la présente affaire.
[30] Le demandeur prétend que le fait que l'agent des visas ait mis en doute ses prétentions selon lesquelles il n'avait pas payé d'impôt entachait tout son raisonnement. Le demandeur prétend que si l'agent avait une preuve contraire, il avait l'obligation de la lui présenter. Il prétend de plus que le fait de suggérer qu'il appartient à une catégorie de personnes interdites de territoire crée une présomption de criminalité et constitue un fondement déraisonnable pour appuyer sa décision. Le demandeur prétend que, suivant le raisonnement de l'agent, tous les demandeurs sont présumés être interdits de territoire jusqu'à ce qu'ils prouvent le contraire.
[31] Le demandeur prétend que l'agent des visas a commis une erreur lorsque, en l'absence de tout élément de preuve à cet égard, il a conclu qu'il appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire. Il prétend que la décision de l'agent amène à conclure que les fonds ont été obtenus illégalement : voir la décision Ching c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1384.
[32] Finalement, le demandeur prétend que l'agent a essentiellement créé une nouvelle catégorie de personnes interdites de territoire pour ceux qui omettent de fournir les renseignements nécessaires au soutien de leur demande. Le demandeur prétend que l'agent n'a pas le pouvoir de faire des ajouts à la Loi ou au Règlement.
Les prétentions du défendeur
[33] Le défendeur conteste la prétention du demandeur selon laquelle l'agent des visas ne peut pas poser des questions à l'égard de la provenance des fonds ou examiner cette provenance parce que les autorités de la province de Québec ont délivré un certificat de sélection. Le défendeur prétend que cette prétention ne tient pas compte du fardeau de preuve qui incombe au demandeur qui demande le statut de résident permanent : voir l'article 11 de la LIPR. Le défendeur prétend qu'il n'appartient pas à l'agent de démontrer qu'il existe des motifs sérieux pour lesquels il pouvait interroger le demandeur à l'égard de la provenance de ses fonds; plutôt, un demandeur a le fardeau de démontrer qu'il se conforme aux exigences de la LIPR.
[34] Le défendeur prétend que l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Biao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 338, contrairement aux prétentions du demandeur, établit clairement comme suit le principe selon lequel l'agent des visas sera justifié de rejeter une demande si le demandeur n'a pas fourni les documents nécessaires :
Quant au mérite même de l'appel, nous croyons que le juge des requêtes n'a commis aucune erreur lorsqu'il a conclu que l'agent des visas était justifié de refuser la demande de résidence permanente au Canada faite par l'appelant au motif que ce dernier n'a pas fourni les documents nécessaires pour établir que son admission au Canada ne contreviendrait pas à la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, tel qu'amendée et à ses règlements, le tout tel que requis par les articles 8 et 9 de ladite loi.
La conclusion à l'égard de la question précédemment énoncée
[35] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que je ne devrais pas intervenir à l'égard de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. Selon moi, il n'y a rien dans la manière selon laquelle il a tenu l'entrevue qui donnerait à penser qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon incorrecte et qu'il a rendu sa décision en se fondant sur des motifs déraisonnables.
[36] Contrairement à ce que prétend très catégoriquement le demandeur, je ne suis pas d'avis que l'agent des visas a conclu qu'il appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire. L'agent a conclu qu'il ne pouvait pas être convaincu que le demandeur n'appartenait pas à cette catégorie. Il n'a pas tiré une conclusion à l'égard de la question de savoir si le demandeur appartenait ou non à cette catégorie; il était simplement incapable, selon la preuve et l'entrevue, de rendre une décision définitive à l'égard de cette question. Sur ce point, je suis d'avis que la décision de l'agent des visas doit faire l'objet de retenue étant donné que l'agent, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, était mieux placé que la Cour pour rendre des décisions factuelles de cette nature. Si l'agent des visas était d'avis qu'il ne pouvait pas établir si le demandeur appartenait ou non à une catégorie de personnes interdites de territoire, la Cour, lorsqu'elle traite l'affaire lors du contrôle judiciaire, n'est certainement pas mieux placée pour rendre cette décision.
[37] Comme M. le juge Blais le déclare dans la décision Martirossian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1538, l'agent des visas est tenu de s'assurer que le demandeur se conforme aux exigences de la LIPR :
Selon les faits, l'agent des visas a donné l'occasion au demandeur de produire toute preuve de la provenance de ses avoirs. Elle l'a invité, après son entrevue du 25 mai 2000, àenvoyer de la preuve supplémentaire pour la convaincre de la légitimité de ses fonds. L'agent se devait, dans le cadre de ses obligations, en vertu du paragraphe 9(4) de la Loi, de vérifier si les sommes d'argent accumulées par le demandeur provenaient d'activités légales. [Paragraphe 22.]
[38] Dans la présente affaire, l'agent des visas, lorsqu'il a examiné la demande présentée par le demandeur, a établi les points qui devaient être clarifiés et a demandé que le demandeur lui fournisse les documents pertinents. Au cours de l'entrevue, l'agent des visas a établi les points problématiques, a demandé au demandeur s'il pouvait dissiper ses doutes et lui a demandé des documents additionnels. Je suis convaincu que, dans le contexte du contrôle judiciaire, j'aurais tort d'intervenir à l'égard de l'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire. Je conclus que cette décision était raisonnable. L'agent a refusé la demande présentée par le demandeur étant donné qu'il ne pouvait pas établir s'il avait rempli les conditions prévues par la LIPR.
2) Y a-t-il eu un manquement aux principes de justice naturelle dans la présente affaire?
La position du demandeur
[39] Premièrement, le demandeur prétend que l'agent n'a fourni aucune explication au soutien de sa conclusion : voir l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Le demandeur prétend qu'il n'a pas été complètement informé des doutes qu'avait l'agent des visas. Le demandeur prétend qu'il [TRADUCTION] « n'a pas été correctement informé qu'il était maintenant associé à une catégorie de personnes interdites de territoire décrites à l'article 36 de la LIPR » . Le demandeur prétend que l'agent des visas n'a pas tenu compte de la preuve qu'il a présentée, preuve qui, selon lui, était suffisante pour s'acquitter du fardeau qui lui est imposé par la loi.
[40] Le demandeur prétend en outre, mais pas dans ses observations de vive voix, qu'il était tenu de porter un masque au cours de l'entrevue en raison de la situation relative au SRAS en Chine. Ce fait l'a empêché de répondre clairement aux questions. Il prétend en outre qu'il avait peur de l'agent des visas et du traducteur et qu'il ne comprenait pas toujours les questions qui lui étaient posées. Il prétend qu'il était nerveux et qu'il n'osait pas poser de questions.
[41] Je n'accorde aucun poids à ces prétentions.
La position du défendeur
[42] Le défendeur renvoie d'abord aux notes CAIPS qui démontrent qu'il a été dit au demandeur d'informer l'agent des visas s'il ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées. Le défendeur prétend en outre dans ses observations écrites qu'il n'est pas suffisant pour le demandeur de fonder son allégation selon laquelle il a subi un déni de justice naturelle sur sa prétention qu'il avait peur de l'agent des visas et du traducteur. Toute allégation de partialité doit être appuyée sur une preuve substantielle claire et non sur un simple soupçon : voir la décision Barry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 266. Finalement, sur ce point, le défendeur prétend qu'un interrogatoire serré d'un demandeur ne soulève pas en soi une crainte de partialité : voir la décision Tchiegang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. 343.
[43] À l'égard du deuxième point, le défendeur prétend que le demandeur a été correctement informé de ce à quoi il devait se conformer afin que sa demande de résidence permanente soit accueillie. Le défendeur soutient que le demandeur était au courant du fait que son avoir net personnel ferait l'objet d'une enquête étant donné qu'il présentait une demande de statut de résident permanent dans la catégorie des investisseurs et que les documents qu'on lui demandait de fournir se rapportaient à son entreprise. Cela ressort également de l'avis d'entrevue et des lettres qu'il a reçues dans lesquelles on lui demandait des documents additionnels.
La conclusion à l'égard de la question précédemment énoncée
[44] Je suis convaincu que le demandeur a été raisonnablement bien informé du fait que son avoir net personnel ferait l'objet d'une évaluation et qu'il serait interrogé à cet égard. De plus, et comme il a été précédemment mentionné, l'agent des visas n'a pas tiré une conclusion définitive selon laquelle le demandeur appartenait à une catégorie de personnes interdites de territoire comme le demandeur le laisse entendre. L'agent des visas était tenu de faire une enquête à l'égard de l'avoir net personnel du demandeur afin de s'assurer qu'il satisfaisait au critère législatif.
[45] Je m'appuie également sur la décision Oei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 600, pour conclure que l'agent des visas n'a pas commis une erreur lorsqu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire :
En ce qui concerne l'argument du demandeur à l'effet que l'agent des visas ne lui a pas donné l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance documentaire sur l'origine des fonds et ne lui a pas donné l'opportunitéde la compléter, il faut préciser que l'agent des visas n'a pas toujours le devoir de faire connaître à un demandeur ce qui le préoccupe dans le dossier qu'il lui présente. La jurisprudence de cette Cour a clairement établi que ce devoir n'est présent que lorsque le demandeur ne peut raisonnablement être au courant de ce qui préoccupe l'agent ou lorsque celui-ci obtient des éléments de preuve extrinsèques. [...] Un demandeur doit connaître la Loi et ses règlements d'application et présumer que les préoccupations de l'agent des visas découleront directement de la Loi et des règlements.
[46] En outre, je ne peux rien trouver au dossier pouvant appuyer la prétention du demandeur selon laquelle il avait peur de l'agent des visas et celle selon laquelle il a subi un déni de justice naturelle. Rien n'indique qu'il y a eu un manquement à la justice naturelle. Je suis d'avis que l'agent des visas n'a pas agi d'une façon qui donnerait à penser qu'il a porté atteinte à la justice naturelle lorsqu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour traiter la demande présentée par le demandeur.
[47] Le demandeur demande que je certifie cinq questions ou l'une d'elles. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'énumérer les questions dans la présente décision.
[48] À cet égard, la présente affaire est principalement fondée sur les faits et sur la question du pouvoir discrétionnaire et, compte tenu de ma décision selon laquelle le critère à appliquer à l'égard de la décision de l'agent des visas est celui de la décision manifestement déraisonnable, je ne vois pas la nécessité de certifier une question.
[49] Une autre question a été soulevée par le demandeur dans sa demande de contrôle judiciaire et il s'agit de la question suivante : [TRADUCTION] « Le " manque d'expérience " de l'agent des visas (du tribunal) est-il un motif de contrôle judiciaire? » .
[50] Je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il prétend que, même si dans la présente affaire on tient pour acquis que l'agent des visas était [TRADUCTION] « inexpérimenté » , il n'est pas nécessaire d'avoir une solide formation en droit fiscal pour conclure que le demandeur n'a pas convaincu l'agent des visas à l'égard des questions du paiement de l'impôt.
[51] La prétention du demandeur à l'égard de l'expérience de l'agent des visas n'est pas fondée.
« Max M. Teitelbaum »
Juge
Calgary (Alberta)
Le 13 décembre 2004
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-95-04
INTITULÉ : LIN ZHENG HUA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 3 NOVEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TEITELBAUM
DATE DES MOTIFS : LE 13 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Hugues Langlais POUR LE DEMANDEUR
Ian Demers POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion,
Jetté, St-Pierre
Montréal (Québec) POUR LE DEMANDEUR
Morris A. Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR