IMM-2569-96
OTTAWA (ONTARIO), le vendredi 9 mai 1997
EN PRÉSENCE du juge Darrel V. Heald, juge suppléant
ENTRE :
MOZAFAR ARZANI BIRGANI,
ATOUSA ARZANI,
ARSHAM ARZANI,
ARMIN ARZANI et
FANOUS ALI SHIRI,
requérants,
et
LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimée.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Traduction certifiée conforme
C. Delon, LL.L.
IMM-2569-96
ENTRE :
MOZAFAR ARZANI BIRGANI,
ATOUSA ARZANI,
ARSHAM ARZANI,
ARMIN ARZANI et
FANOUS ALI SHIRI,
requérants,
et
LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimée.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE HEALD, JUGE SUPPLÉANT
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la «Commission») a statué que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
LES FAITS
Les requérants sont des citoyens de l'Iran. Ils sont arrivés au Canada le 7 septembre 1994 et ont demandé le statut de réfugié au sens de la Convention. Le requérant principal a revendiqué le statut de réfugié en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, tandis que la requérante et les requérants mineurs (les «enfants») ont revendiqué le statut de réfugié en raison de leur appartenance à un groupe social, soit la famille.
Selon les requérants, les autorités iraniennes ont commencé à s'intéresser à eux lorsque le cousin du requérant principal, un dénommé Ali Baba Arzani, s'est enfui de l'Iran parce qu'il craignait d'être tué par les autorités après avoir poursuivi certaines activités comme dirigeant communiste. En février 1994, dans le cadre des recherches qu'ils ont effectuées pour trouver Arzani, des membres du Hezbollah ont détenu le requérant principal pendant une semaine et l'ont battu. Le requérant soutient avoir été détenu et battu par des membres du Hezbollah en mars 1994 et à nouveau en juin de la même année. En juin 1994, il a été accusé d'être communiste. Le requérant a également déclaré qu'il a fait l'objet d'une surveillance de la part des autorités pendant cette période. Il a ajouté qu'il a alors été rétrogradé parce que le Hezbollah avait informé son employeur qu'il était non seulement un homme dangereux, mais un ennemi de la révolution. Il a également dit qu'au cours de la même période, des membres du Hezbollah se sont rendus à la boutique de la requérante qu'ils ont fouillée de fond en comble dans le cadre des recherches qu'ils poursuivaient afin de trouver Arzani. Le requérant a demandé à un passeur de faire sortir sa famille de l'Iran. La requérante a obtenu un visa de séjour canadien en avril 1994 afin de rendre visite à sa soeur malade au Canada. Cependant, elle ne s'est pas rendue directement au Canada, mais a plutôt quitté l'Iran avec son époux et ses enfants le 29 juillet 1994. La famille a passé quelque temps en Turquie et en Espagne avant d'arriver au Canada au début de septembre 1994.
LA DÉCISION DE LA COMMISSION
La Commission a conclu à l'absence de preuve crédible ou digne de foi lui permettant de statuer que les requérants étaient des réfugiés au sens de la Convention. Elle a également décidé que, même si le requérant avait présenté un témoignage digne de foi, il ne craignait pas avec raison d'être persécuté. Par conséquent, la Commission a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
LES QUESTIONS EN LITIGE
1.La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en tirant des conclusions défavorables au sujet de la fiabilité et de la crédibilité?
2.Si la Commission a effectivement commis une erreur de droit au sujet des conclusions défavorables qu'elle a tirées en ce qui a trait à la fiabilité et à la crédibilité, la décision par laquelle elle a statué que la crainte liée au risque de persécution n'était pas fondée constitue-t-elle également une erreur de droit?
ANALYSE
1. Conclusions défavorables au sujet de la fiabilité et de la crédibilité
La Commission devait exprimer toute conclusion défavorable au sujet de la crédibilité de façon claire et dépourvue de toute ambiguïté[1]. La Cour ne devrait pas modifier une décision de cette nature par laquelle une formation de la Commission a évalué la fiabilité ou la crédibilité, pourvu que la formation ait rendu une décision bien fondée, eu égard à la preuve, ou qu'elle ait tenu compte de la preuve.
Les requérants soutiennent que les conclusions défavorables que la Commission a tirées au sujet de leur crédibilité découlent de l'interprétation erronée qui a eu lieu au cours de l'audience qui s'est déroulée devant elle. À cet égard, ils invoquent l'affidavit d'Arash Shenian[2], dans lequel celui-ci déclare qu'il est un étudiant de niveau universitaire du Canada et qu'il a une très bonne connaissance de l'anglais et du farsi. Il a mentionné qu'il avait écouté les onze cassettes de l'audition qui s'était déroulée devant la formation. Selon lui, une des interprètes à l'audience [TRADUCTION] «a traduit à maintes reprises des réponses claires et sans équivoque que les demandeurs avaient formulées en farsi de telle sorte que la réponse ne faisait aucun sens en anglais»[3]. Il a ajouté que, lorsque la formation [TRADUCTION] «... posait des questions très générales et que les traductions que l'interprète en donnait en farsi ne correspondaient pas au sens général, j'ai constaté que l'interprète mettait beaucoup de temps dans bien des cas à traduire les réponses»[4].
Contrairement à l'opinion de M. Shenian, il appert du dossier des procédures que les services de trois interprètes professionnels accrédités ont été retenus au cours de l'audience relative à la demande de statut de réfugié des requérants. Chacun de ces interprètes a prêté serment quant à l'exactitude de l'interprétation qu'il avait donnée. De plus, dans ses motifs, la Commission a indiqué qu'elle comprenait que les requérants avaient témoigné par l'entremise d'un interprète et tenait compte de ce fait[5]. Après avoir examiné le dossier, je suis convaincu que ni les requérants non plus que la Commission n'ont rencontré de problèmes liés à la qualité de l'interprétation au cours des quatre jours de l'audience qui s'est déroulée devant la Commission[6]. Il appert également de la transcription que ni les requérants non plus que leur avocat n'ont contesté un aspect ou l'autre de l'interprétation au cours de l'audience. Il m'apparaît évident que les deux requérants principaux comprenaient les interprètes et vice-versa.
L'avocat des requérants a invoqué la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Mosa c. M.E.I.[7] pour soutenir qu'il n'est pas nécessaire pour une partie aux procédures de se plaindre de problèmes d'interprétation au cours de l'audition. À mon avis, les faits de l'affaire Mosa étaient bien différents des circonstances en l'espèce. Dans l'arrêt Mosa, précité, l'interprétation inexacte avait empêché la formulation de questions concernant l'essence même de la demande de statut de réfugié. Par conséquent, il était évident dans cette affaire que la partie requérante avait été lésée. Ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce. Une interprétation erronée peut toucher les évaluations de conduite. En pareil cas, il y aurait manquement aux principes de justice naturelle. Cependant, dans le cas qui nous occupe, aucun élément du dossier ne soulève de questions quant à la mesure dans laquelle la Commission a pu évaluer en bonne et due forme le témoignage des requérants sur le plan de l'attitude et de la crédibilité. Pour les motifs exposés ci-dessus, j'en suis arrivé à la conclusion que la traduction dans la présente affaire a été bien faite et que, par conséquent, les requérants n'ont nullement été lésés.
2. Fondement de la crainte relative au risque de persécution
Étant donné que j'ai décidé que la Commission n'avait pas commis d'erreur lorsqu'elle a tiré des conclusions défavorables au sujet de la fiabilité et de la crédibilité, il n'est pas nécessaire que j'examine les autres conclusions de la Commission quant à l'insuffisance de preuve établissant une crainte bien fondée au sujet des risques de persécution. Néanmoins, je commenterai brièvement ce moyen de révision. Les requérants ont quitté l'Iran depuis l'aéroport de Mehrabad. La Commission a déduit de ce fait que, si les requérants avaient vraiment été recherchés par les autorités et qu'ils avaient été considérés comme des ennemis de l'État et des personnes devant faire l'objet d'une surveillance, ils auraient probablement éprouvé beaucoup de difficultés et auraient fait l'objet d'un contrôle serré à leur départ à l'aéroport.
Aucun élément de la preuve n'indique que des difficultés de cette nature ont été rencontrées. Il appert manifestement du dossier que la Commission n'a tout simplement pas cru la version des requérants en ce qui a trait à leur départ. À mon avis, la Commission pouvait raisonnablement en arriver à cette conclusion et, ce faisant, elle n'a commis aucune erreur susceptible de révision[8].
CONCLUSION
Pour les raisons exposées ci-dessus, j'en suis arrivé à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
CERTIFICATION
Aucun des avocats n'a suggéré la certification d'une question grave de portée générale aux termes de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je suis d'accord et, par conséquent, aucune question n'est certifiée.
Darrel V. Heald
Juge suppléant
Ottawa (Ontario)
Le 9 mai 1997
Traduction certifiée conforme
C. Delon, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-2569-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : BIRGANI ET AL c. LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : 17 AVRIL 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE HEALD, JUGE SUPPLÉANT
EN DATE DU : 9 MAI 1996
ONT COMPARU :
Me John M. Guoba POUR LES REQUÉRANTS
Me Godwin Friday POUR L'INTIMÉE
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Me John M. Guoba POUR LES REQUÉRANTS
Toronto (Ontario)
Me George Thomson POUR L'INTIMÉE
Sous-procureur général
du Canada