Date : 20050513
Référence : 2005 CF 690
Toronto (Ontario), le 13 mai 2005
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGELAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
HANY NAGAH ATTIA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration
et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté la demande d'asile à titre de réfugié ou de personne à protéger qu'a présentée M. Attia parce qu'elle a considéré que son récit était tout à fait invraisemblable compte tenu des faits, des circonstances et des conditions qui existent à l'endroit où se seraient produits les incidents allégués. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Malgré les observations habiles de l'avocat de M. Attia, je ne suis pas convaincue que la demande devrait être accueillie.
[3] M. Attia est chrétien copte et citoyen égyptien. Il prétend avoir fait la connaissance d'une musulmane lorsqu'il travaillait pour une compagnie de téléphones cellulaires. Ils sont devenus amis et la musulmane aurait tenu à l'épouser. Elle a proposé, d'abord en plaisantant, qu'ils se marient. M. Attia a répondu que leur religion respective ne le permettrait pas. Il affirme que, peu de temps après, la femme a changé du tout au tout. Elle a cessé de se maquiller et a commencé à venir travailler en portant un hidjab. Elle lui a (fortement) conseillé de se convertir à l'Islam et de l'épouser. Il affirme avoir refusé. Trois jours plus tard, quatre hommes l'auraient enlevé et emmené sur une autoroute où ils l'auraient menacé de mort s'il n'épousait pas la femme et ne se convertissait pas à l'Islam en prononçant le Shehada. C'est ce qu'il a fait, parce qu'il avait peur, et il leur a dit avoir besoin de quelques semaines pour les préparatifs du mariage.
[4] Après avoir été libéré, le demandeur a signalé l'incident à deux postes de police. Selon lui, dans leurs commentaires, les policiers du poste de police de sa localité se sont montrés menaçants et ont laissé entendre qu'il avait abusé d'une musulmane. Le demandeur est allé chez un ami qui l'a pressé d'appeler ses parents [les parents de M. Attia]. Il l'a fait et ses parents se sont montrés compréhensifs. Son père a fait les démarches nécessaires afin qu'il puisse partir au Canada.
[5] La SPR a examiné la preuve documentaire et n'y a trouvé aucune mention de cas où des chrétiens coptes sont contraints de se convertir à l'Islam. Il y est question de cas où des jeunes femmes coptes seraient forcées de se convertir et de se marier avec des musulmans. Toutefois, les cas ainsi rapportés et leur fréquence sont mis en doute et les observateurs, dont Human Rights Watch, estiment qu'il est difficile de déterminer s'il y a eu coercition. Selon la preuve, bien que les chrétiens coptes doivent faire face à certaines formes de discrimination, celles-ci ne sont pas assimilables à de la persécution. Le gouvernement a pris les mesures nécessaires afin d'enrayer les traitements discriminatoires.
[6] M. Attia prétend que la SPR a fait une lecture sélective de la preuve documentaire. Il affirme que, même si la preuve documentaire ne précise pas qu'on a aussi recours à la coercition pour forcer des hommes à se convertir et à se marier, cela ne signifie pas pour autant qu'un tel événement ne pourrait pas se produire.
[7] Je ne qualifierais pas de sélective l'analyse qu'a faite la Commission de la preuve documentaire. On ne peut pas reprocher à la SPR d'avoir omis de se reporter à une preuve qui n'existe pas. Il est raisonnable de penser que, si des événements comme ceux qu'a décrits M. Attia se sont produits, ils seraient mentionnés dans la preuve documentaire. La conclusion de la Commission à cet égard ne peut pas être qualifiée de déraisonnable. Comme l'a souligné le juge Hugessen dans l'arrêt Adu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1995] A.C.F. no 114 (C.A.F.), la présomption selon laquelle le témoignage sous serment d'un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l'être par l'absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver.
[8] C'est dans ce contexte que la Commission a conclu que le récit de M. Attia était invraisemblable. Je conviens avec M. Attia, et l'intimé le reconnaît, que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Attia avait seulement peur d'aller à un poste de police était erronée. Toutefois, cette erreur est sans conséquence. En définitive, même si la décision de la Commission est malencontreuse et n'est pas particulièrement bien rédigée, elle n'est pas déraisonnable. M. Attia a fait valoir un autre raisonnement et d'autres explications, mais ils ne sont d'aucune utilité, car une décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne permet de l'étayer : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
[9] Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier et aucune question n'est soulevée compte tenu des faits.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.
« Carolyn Layden-Stevenson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5178-04
INTITULÉ : HANY NAGAH ATTIA
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
DATE DE L'AUDIENCE : LE 12 MAI 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE 13 MAI 2005
COMPARUTIONS :
Randal Montgomery POUR LE DEMANDEUR
Kristina Dragaitis POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Randal Montgomery
Avocat
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR