Toronto (Ontario), le 23 mars 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
ESTELA MARIA BRANGE DE RADONIC
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience, puis mis par écrit pour plus de clarté et de précision)
[1] En 1958, les demandeurs ont fuit la Yougoslavie et ont été acceptés comme réfugiés en Italie. Ils se sont ensuite réinstallés en Argentine en 1960 et ont obtenu la nationalité argentine. Le demandeur principal s'est joint au parti politique Union Civica Radical. Il dit qu'il a subi depuis 1984 la persécution exercée par le parti au pouvoir, le parti Justicialista. Après une série d'intimidations, de passages à tabac et de menaces proférées par téléphone, il est allé se cacher et a finalement gagné le Canada.
[2] La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté leur demande d'asile parce qu'elle ne les a pas crus et qu'ils n'ont pas réussi à établir une crainte subjective ou objective de persécution.
[3] Les demandeurs font valoir que la Commission :
a. a commis une erreur parce qu'elle a mal apprécié la preuve;
b. s'est livrée à des conjectures parce qu'elle a supposé que l'amnésie du demandeur signifiait qu'il ne serait plus une cible;
c. a commis une erreur de droit parce qu'elle a exigé du demandeur qu'il prouvât que les divers actes d'intimidation dont il avait été victime étaient interdépendants.
[4] Même si je devais accepter la prétention des demandeurs sur les trois points, ce que je ne fais pas, il me faudrait quand même rejeter la demande puisque la Commission a conclu qu'ils se sont volontairement réclamés à nouveau de la protection du pays de leur nationalité.
[5] La Commission a conclu que, au cours de plusieurs voyages en Italie et au Canada, le demandeur principal avait été à même de se prévaloir, mais ne s'était pas prévalu, de la possibilité de demander l'asile et qu'il était plutôt retourné chaque fois en Argentine. L'unique argument du demandeur était qu'il était encore en assez bonne santé pour combattre ses ennemis. Toutefois, maintenant qu'il a des ennuis de santé, il se sent incapable de continuer la lutte. À mon sens, cela ne peut que signifier qu'il est engagé dans les luttes politiques de l'Argentine, ce qui donne le démenti à ses craintes de persécution ou à sa quête de protection. La Commission a conclu qu'il s'est réclamé à nouveau de la protection de l'État argentin, et cette conclusion est inattaquable.
[6] S'agissant de l'absence d'une protection de l'État, le demandeur a produit une plainte qu'il avait déposée auprès de la police, mais qui fut par la suite rejetée faute de preuve. Cela n'est guère surprenant puisqu'il avait signalé des menaces proférées au téléphone par des inconnus. Il a aussi informé la Commission qu'un ami travaillant dans la police lui avait dit plus tard que rien d'autre ne pouvait être fait pour le protéger et lui avait suggéré de quitter le pays.
[7] Cela ne suffit pas pour réfuter la présomption de l'existence d'une protection de l'État. Selon la preuve documentaire, une telle protection existe en Argentine. Le simple fait d'avoir déposé une plainte à la police et de dire que cette démarche est restée sans suite ne suffit pas pour réfuter la présomption (voir la décision Kadenko c. Canada (Solliciteur général) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532). Le demandeur n'a pas établi a) qu'il a activement, mais sans résultat, recherché la protection de l'État, et b) que la preuve documentaire ne pouvait pas être jugée digne de foi.
[8] La demande devra donc être rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La demande est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3074-05
INTITULÉ : NIKO RADONIC, ESTELA MARIA BRANGE DE RADONIC c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 MARS 2006
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 23 MARS 2006
COMPARUTIONS :
Luis Antonio Monroy |
POUR LES DEMANDEURS
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Amy Lambiris |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Luis Antonio Monroy |
POUR LES DEMANDEURS
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR |