Date : 20050616
Dossier : IMM-5741-04
Référence : 2005 CF 859
ENTRE :
HECTOR CISNEROS GOMEZ
GRISELDA CISNEROS CISNEROS
FRANZ YAEL CISNEROS CISNEROS
HECTOR IVAN CISNEROS CISNEROS
TANIA ITZEL CISNEROS CISNEROS
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE HARRINGTON
[1] [2] Hector Cisneros Gomez a travaillé comme agent de recouvrement pour un journal, et ensuite pour un autre, au Mexique. Pendant une partie de ce temps, il a eu pour responsabilité de relancer divers partis politiques qui achetaient des annonces lors de campagnes politiques et qui omettaient ensuite de les payer. Un certain nombre
d'incidents déplaisants, qu'il impute au parti au pouvoir, sont survenus. Il a décidé de fuir au Canada en compagnie de son épouse et de ses enfants.
[3] L'avocate de M. Cisneros Gomez n'a pas contesté une grande partie des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité. Elle a toutefois fait valoir que le tribunal a omis de prendre en compte un rapport médical, de même qu'une lettre du père de M. Gomez qui aurait dû faire pencher la balance en sa faveur. Au sujet de la protection de l'État, le tribunal a omis de faire mention d'un récent rapport des États-Unis, se fiant plutôt à un rapport canadien antérieur. Si le tribunal avait tenu compte des deux rapports, a-t-elle soutenu, il lui aurait été loisible de conclure que M. Cisneros Gomez était fondé à ne pas solliciter la protection de l'État; il convenait donc de faire droit à la demande de contrôle judiciaire et d'ordonner la tenue d'une audience devant un nouveau tribunal.
[4] L'incident en question est survenu auprès d'un kiosque à tacos public, en 1999. Deux individus, à bord d'un véhicule portant l'emblème de l'Ombudsman général de la République, l'ont pourchassé et roué de coups. Il est allégué que la décision est susceptible de contrôle car un rapport médical datant de cette époque-là a établi que le demandeur avait été victime de lésions similaires à celles que subit une personne rouée de coups. Toutefois, si on lit la décision dans son ensemble, il ne semble pas que le tribunal ait mis en doute le fait que le demandeur avait été roué de coups; le tribunal n'a pas cru que ce dernier avait été battu par des individus liés à la Procuraduria General de la Repùblica (PGR). Le membre du tribunal a déclaré ce qui suit : [Traduction] « Il a été fort difficile de savoir du demandeur pourquoi des individus appartenant à la PGR auraient voulu s'en prendre à lui devant un kiosque à tacos public » . (C'est moi qui souligne.)
[5] L'autre document non mentionné est une lettre corroborante provenant du père de M. Gomez. Ce document n'est pas tout à fait corroborant mais il y est dit que des individus surveillent la maison, etc. Toutefois, une corroboration ne rend pas crédible une histoire qui ne l'est pas.
[6] Dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (QL), le juge Evans (tel était alors son titre) a déclaré que la Cour peut inférer qu'un tribunal administratif a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » , pour reprendre le libellé de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, « du fait que le tribunal n'a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents à la conclusion, et en arriver à une conclusion différente de celle de l'organisme » . Les deux documents non mentionnés ne mènent pas à une conclusion différente.
[7] Il y a d'autres questions de crédibilité dont on ne peut tout simplement pas faire abstraction. L'incident présumé qui a amené en fin de compte M. Cisneros Gomez et sa famille à quitter le Mexique a été une entrée par effraction dans son appartement. Dans son formulaire de renseignements personnels, M. Gomez a dit avoir trouvé une note indiquant qu'il n'avait pas d'appuis personnels parce que le journal pour lequel il travaillait auparavant avait changé de mains. Cependant, lors de son interrogatoire, il n'a rien dit à propos de la note et a déclaré qu'il ignorait qui étaient les voleurs.
[8] On ne peut pas critiquer le tribunal pour avoir conclu qu'il n'y avait aucun lien entre la persécution présumée et un motif lié à la Convention.
[9] Le tribunal s'est ensuite penché sur la question de la protection de l'État. Il est bien établi qu'il incombe au demandeur de prouver clairement que cette protection n'était pas disponible.
[10] D'après l'avocate de M. Cisneros Gomez bien qu'il soit indiqué dans le rapport canadien de 2001 que des mesures ont été prises contre la corruption policière, le rapport des États-Unis, publié en 2004, montre que ces bonnes intentions n'ont pas porté fruit.
[11] Le mieux que l'on puisse dire, c'est que M. Cisneros Gomez a été victime d'actes criminels ordinaires et qu'il aurait dû solliciter la protection de l'État. Le rapport des États-Unis n'indique pas qu'il y a eu effondrement de la situation au Mexique en ce qui a trait à la capacité de l'État d'assurer une protection. Le tribunal a reconnu que, dans ce pays, la corruption policière constitue encore un problème. Aucune preuve n'étaye la thèse que c'aurait été une perte de temps que de s'adresser à la police [Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2. R.C.S. 689].
[12] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question de portée générale à certifier.
« Sean Harrington »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 16 juin 2005
Traduction certifiée conforme
[...], trad.a, LL.L
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5741-04
INTITULÉ : Hector Cisneros Gomez et al. c. MCI
DATE DE L'AUDIENCE : Le 15 juin 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Harrington
DATE DES MOTIFS : Le 16 juin 2005
COMPARUTIONS
Maureen Silcoff Pour les demandeurs
Alison Engel-Yan Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Maureen Silcoff Pour les demandeurs
Avocate
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. Pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada