Date : 20010830
Dossier : IMM-5524-00
Référence neutre : 2001 CFPI 975
ENTRE :
DEBALATHAS SINNATHURAI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision, en date du 28 septembre 2000, par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [la Commission] a refusé au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.
FAITS
[2] Le demandeur est âgé de 42 ans et il est citoyen du Sri Lanka. Il revendique le statut de réfugié du fait de son appartenance à un groupe social (un Tamoul du Nord du Sri Lanka) et des opinions politiques qui peuvent lui être imputées en raison d'impôts qu'il payait aux Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (TLET) à l'époque où cette organisation contrôlait la région de Jaffna.
[3] La conjointe et les trois filles du demandeur ont été reconnues à titre de réfugiées au sens de la Convention lors de l'audience relative à leurs revendications, en juin 1996. Le demandeur est arrivé au Canada à la fin du mois de juillet 1996 mais sa revendication du statut de réfugié a été retardée parce qu'il a présenté une demande de droit d'établissement avec sa famille et qu'il a renoncé à sa revendication croyant que le droit d'établissement lui serait accordé. La Commission a rétabli la revendication du demandeur puisqu'elle a considéré que la renonciation n'était pas attribuable à une faute de sa part.
[4] Le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur décrit les difficultés qu'il a vécues avec les TLET à l'époque où cette organisation formait le gouvernement de facto de la région nord. Le demandeur explique également dans son FRP qu'après avoir fui la région de Jaffna avec sa famille, il a été arrêté par la police à son arrivée à Colombo, amené de force et détenu au poste de police de Kotehena. Pendant sa détention qui a duré trois jours, on l'a accusé d'être un membre des TLET et d'être venu à Colombo dans le but d'exercer des activités terroristes. On l'a agressé physiquement plus d'une fois. On l'a relâché à la condition qu'il se présente à la police une fois par semaine.
[5] Le demandeur a témoigné devant la Commission que s'il allait dans une région contrôlée par les TLET, ceux-ci le recruteraient. Il allègue que les TLET demandent à tous de devenir membres, y compris les personnes mariées et les personnes âgées. Toutefois, le demandeur est originaire de Ariyalai, un village qui n'est pas dominé par les TLET et qui est situé à trois miles de la ville de Jaffna.
[6] Le demandeur a témoigné que personne ne vivait à Ariyalai. Il a dit que sa mère habitait chez lui à Ariyalai et qu'il n'avait pas eu de ses nouvelles depuis six mois. Un de ses oncles habitait aussi dans la région avec sa conjointe et ses six enfants. Cependant, le demandeur croit qu'ils sont probablement tous déplacés maintenant.
[7] Le demandeur a témoigné qu'il était possible que l'armée l'arrête parce qu'il payait de l'impôt aux TLET. Il a également expliqué qu'il ne pouvait vivre dans le Nord à cause des bombardements.
LA DÉCISION DE LA COMMISSION
[8] La Commission a fait remarquer que d'après l'histoire contemporaine de la guerre civile sri-lankaise, l'armée, au moment où elle a pris le contrôle de la péninsule de Jaffna en 1995-96, avait encouragé le retour de la population qui avait pris refuge dans la région de Vanni. La Commission a fait observer que malgré l'attaque planifiée plus tôt en 2000 par les TLET dans la région de Jaffna, l'armée continuait d'exercer son contrôle. La Commission a également fait remarquer qu'il y avait des personnes dont la situation était semblable à celle du demandeur (sa mère, son oncle, sa famille) qui continuaient d'habiter dans cette région. La Commission a expliqué que le demandeur n'avait produit aucune preuve pour établir que sa mère et son oncle avaient quitté la région de Jaffna.
[9] Vu que l'armée avait incité des milliers de Tamouls à revenir dans la région de Jaffna, la Commission a estimé qu'il n'était pas raisonnable de croire que l'armée punirait tous ceux qui avaient payé des impôts obligatoires aux TLET. Aucune preuve n'étayait une thèse semblable. La Commission a conclu qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit victime de harcèlement ou d'un préjudice grave de la part de l'armée s'il retournait dans la région de Jaffna.
[10] Pour ce qui est de l'opinion du demandeur selon laquelle les TLET recrutaient maintenant des personnes âgées et des personnes mariées, la Commission a fait remarquer qu'il n'y avait aucune preuve documentaire convaincante qui permettait de croire que les TLET recrutaient activement parmi n'importe quel groupe d'âge dans les régions dominées par les forces de sûreté. La Commission a conclu qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que les TLET interviennent auprès du demandeur s'il retournait dans la région de Jaffna.
[11] En ce qui concerne la crainte du demandeur de se retrouver sous les tirs croisés, la Commission était d'avis qu'il n'existait aucune preuve convaincante que l'armée visait la population civile dans ses attaques contre les positions des TLET. Par conséquent, le risque auquel le demandeur pouvait être confronté n'était pas attribuable à son état civil ou ses opinions politiques.
[12] Selon la Commission, le demandeur est un Tamoul d'une région contrôlée par l'armée où les TLET font périodiquement des attaques. La Commission a examiné les documents concernant la reprise de la ville de Chavakachcheri par l'armée. Ces documents parlent de la destruction du village, mais on y rapporte que ceux qui ont été tués ou blessés sont des soldats (l'armée) et des rebelles (les TLET). La Commission a conclu qu'il n'y était pas question de civils tamouls tués ou visés par l'une ou l'autre des parties au conflit. La Commission a estimé qu'il n'y avait pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté s'il retourne au Sri Lanka.
QUESTIONS EN LITIGE
[13] 1. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que, pour se voir reconnaître le statut de réfugié, le demandeur devait être personnellement victime d'actes répréhensibles dirigés contre lui en particulier?
2. La Commission a-t-elle négligé d'examiner la preuve dont elle était saisie lorsqu'elle a décidé si la crainte du demandeur d'être persécuté au Sri Lanka du fait de son appartenance à un groupe social et politique était une crainte fondée, même dans le cas où la Commission a rejeté le témoignage du demandeur quant à sa propre expérience au Sri Lanka?
ANALYSE
1. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que, pour se voir reconnaître le statut de réfugié, le demandeur devait être personnellement victime d'actes répréhensibles dirigés contre lui en particulier?
[14] Selon le demandeur, pour se réclamer du statut de réfugié au sens de la Convention, point n'est besoin de démontrer que la persécution est personnelle ni qu'il y a eu persécution dans le passé.
[15] Le demandeur affirme qu'il y avait suffisamment de preuve au dossier de la Commission pour démontrer que les hommes et les femmes tamouls du Nord sri-lankais sont victimes de persécution au Sri Lanka.
[16] Le demandeur allègue que la Commission ne peut ignorer la guerre civile qui persiste au Sri Lanka et les effets possibles que les bombardements aériens peuvent causer aux demandeurs. Le demandeur fait valoir que les bombardements aériens ne sont pas laissés au hasard puisque ce sont les Tamouls du Nord sri-lankais qui sont visés et atteints par les bombes, étant donné que le gouvernement présume qu'ils appuient les activités des TLET. Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des directives de la présidente relativement à la guerre civile, ni de l'article 3 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
[17] Le défendeur soutient que, contrairement à ce que soutient le demandeur au paragraphe 4 de son mémoire des faits et du droit, la Commission n'a nulle part conclu dans ses motifs que [traduction] « pour se voir reconnaître le statut de réfugié, le demandeur devait être personnellement victime d'actes répréhensibles dirigés contre lui en particulier » . La Commission a plutôt conclu que le demandeur n'avait pas établi, selon la prépondérance de la preuve, que sa crainte d'être persécuté dans son pays d'origine était fondée.
[18] Le demandeur invoque l'arrêt Salibian c. M.E.I., [1990] A.C.F. no 454 (C.A.F.), dans lequel la Cour d'appel fédérale a dit :
Bref, la section a conclu que pour être admissible au statut de réfugié, il fallait que le demandeur soit personnellement visé par des actes répréhensibles dirigés particulièrement contre lui. La section a de plus conclu, en dépit de la preuve à l'effet que le demandeur était victime de ces actes en sa qualité non pas de citoyen libanais mais de citoyen libanais arménien et chrétien, que le demandeur était « victime au même titre que tous les autres citoyens libanais » . Il s'agit là, à mon avis, d'une erreur de droit, dans le premier cas, et d'une conclusion de fait erronée, dans le second cas, tirée sans tenir compte des éléments de fait dont la section disposait. Cette erreur de fait prend tout son sens dans le contexte de l'erreur de droit.
À la lumière de la jurisprudence de cette Cour relative à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, il est permis d'affirmer
(1) que le requérant n'a pas à prouver qu'il avait été persécuté lui-même dans le passé ou qu'il serait lui-même persécuté à l'avenir,
(2) que le requérant peut prouver que la crainte qu'il entretenait résultait non pas d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis directement à son égard, mais d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis à l'égard des membres d'un groupe auquel il appartenait,
(3) qu'une situation de guerre civile dans un pays donné ne fait pas obstacle à la revendication pourvue que la crainte entretenue soit non pas celle entretenue indistinctement par tous les citoyens en raison de la guerre civile, mais celle entretenue par le requérant lui-même, par un groupe auquel il est associé ou, à la rigueur, par tous les citoyens en raison d'un risque de persécution fondé sur l'un des motifs énoncés dans la définition, et
(4) que la crainte entretenue est celle d'une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine (voir : Seifu c. Commission d'appel de l'immigration, A-277-82, juge Pratte, jugement en date du 12 janvier 1983, C.A.F., non publié, cité dans Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.), à la page 683; Darwich c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1979] 1 C.F. 365 (C.A.); Rajudeen c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1984), 55 N.R. 129 (C.A.), aux pages 133 et 134).
La décision attaquée se situe carrément dans ce courant jurisprudentiel que le professeur Hathaway décrivait comme suit :
[traduction] Compte tenu de la valeur probante des expériences vécues par des personnes dont la situation est semblable à celle d'un demandeur du statut de réfugié, il est ironique que les tribunaux canadiens se soient toujours montrés très réticents à reconnaître les revendications de personnes dont la crainte de persécution est confirmée par les souffrances endurées par un grand nombre de leurs concitoyens. Au lieu de considérer le sort réservé à d'autres membres du groupe racial, social ou autre du demandeur comme le meilleur indicateur d'un éventuel préjudice, les décideurs ont privé de leurs droits les personnes dont les craintes étaient fondées sur l'oppression généralisée d'un groupe donné.
et je fais mienne cette description du droit applicable que l'on retrouve à la fin de l'article précité :
[traduction] En somme, tandis que le droit des réfugiés moderne s'attache à reconnaître la protection dont doivent bénéficier des revendicateurs pris individuellement, la meilleure preuve qu'une personne risque sérieusement d'être persécutée réside généralement dans le traitement accordé à des personnes placées dans une situation semblable dans le pays d'origine. Par conséquent, lorsqu'il s'agit de revendications fondées sur des situations où l'oppression est généralisée, la question n'est pas de savoir si le demandeur est plus en danger que n'importe qui d'autre dans son pays, mais plutôt de savoir si les manoeuvres d'intimidation ou les mauvais traitements généralisés sont suffisamment graves pour étayer une revendication du statut de réfugié. Si des personnes comme le requérant sont susceptibles de faire l'objet d'un préjudice grave de la part des autorités de leur pays, et si ce risque est attribuable à leur état civil ou à leurs opinions politiques, alors elles sont à juste titre considérées comme des réfugiés au sens de la Convention.
Dans le cas présent, la section du statut s'est méprise sur la nature du fardeau que le requérant avait à rencontrer et elle a rejeté sa demande sur la base d'une absence de preuve de persécution personnelle dans le passé. Cette conclusion est doublement erronée; point n'est besoin, en effet, pour se réclamer du statut de réfugié au sens de la Convention, de démontrer ni que la persécution est personnelle ni qu'il y a eu persécution dans le passé.
[19] Dans l'arrêt Rizkallah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 412 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a conclu :
Pour avoir gain de cause, les demandeurs du statut de réfugié doivent établir qu'ils font eux-mêmes l'objet de persécution pour un motif visé par la Convention. Cette persécution doit être dirigée contre eux, soit personnellement, soit en tant que membres d'une collectivité.
Dans les motifs de la décision qu'elle a rendue en l'espèce, la Section du statut de réfugié n'a traité qu'un seul aspect de la question, à savoir la persécution personnelle. Toutefois, la preuve qui nous a été présentée ne permet pas d'établir que les Chrétiens du village libanais des demandeurs étaient collectivement persécutés d'une manière qui pourrait les distinguer de l'ensemble des victimes de la terrible guerre civile que se livrent les nombreuses parties.
[20] Dans la décision Siad c.M.E.I., [1993] A.C.F. no 608 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a dit :
L'avocat de la requérante fait valoir que les erreurs dont il fait état constituent des erreurs de droit. À mon avis, cependant, ce n'en sont pas.
Lorsque la Section du statut n'examine pas si un demandeur appartient à un certain groupe social ou non, ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, il est alors possible qu'elle commette une erreur de droit.
Cependant, lorsque la Section du statut examine la question et commet une erreur en ne désignant pas correctement le groupe social qui ressort de la preuve, il ne s'agit pas d'une erreur de droit.
De la même façon, le fait de conclure que la crainte qu'éprouve un demandeur est fondée sur des actes de violence perpétrés au hasard et non sur le fait d'appartenir à un groupe social est peut-être une erreur, mais il ne s'agit pas d'une erreur de droit.
[...]
Je ne vois rien dans la décision rendue en l'espèce par la Section du statut qui ne soit pas compatible avec les critères que le juge Décary a énoncés.
La Section du statut n'a pas fondé sa décision sur une persécution personnelle ou une menace d'une telle persécution. Elle a considéré le fait que la requérante appartenait au sous-clan des Habr-Gedr et ne s'est pas bornée à examiner si elle seule serait victime ou non d'actes répréhensibles. La Section du statut a aussi pris en considération la Guerre civile en Somalie, concluant qu'un grand nombre de femmes appartenant à d'autres clans ont été victimes de cette guerre.
Il est évident que la Section du statut a conclu que la crainte qu'éprouvait la requérante était ressentie, sans distinction, par tous les citoyens du pays, du fait de la Guerre civile et des actes de violence commis au hasard, et que cette crainte n'était pas liée à l'appartenance à un groupe social.
L'avocat de la requérante dit qu'il incombait à la Section du statut de décréter expressément que la crainte de la requérante était liée aux actes de violence commis au hasard. Il semble dire que la Guerre civile autorise en soi une personne à revendiquer le statut de réfugié.
Cependant, la question à laquelle doit répondre la Section du statut est celle de savoir si la requérante appartient à un groupe social qui peut éprouver une crainte fondée de persécution. La Section du statut a effectivement étudié la question et s'est prononcée contre la requérante. C'est ce que la Section du statut était tenue de faire, sur la foi des éléments de preuve soumis.
[21] À mon avis, la Commission n'a pas mal appliqué le droit et elle n'a pas conclu que le demandeur, pour se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, doit avoir été visé personnellement par des actes répréhensibles dirigés contre lui en particulier.
[22] En fait, la Commission a décidé en l'espèce que le risque auquel le demandeur pouvait être confronté ne découlait pas de son état civil ni de ses opinions politiques, puisqu'il n'y a aucune preuve convaincante que l'armée vise la population civile tamoule dans ses attaques dirigées contre les TLET. La Commission a estimé que la crainte du demandeur était attribuable à la situation de guerre civile généralisée et que celui-ci n'avait pas établi qu'il était lui-même persécuté pour un motif visé par la Convention suivant l'arrêt Rizkallah. Elle a conclu, selon ce qui ressort de ses motifs, que la persécution n'était pas dirigée contre le demandeur, ni personnellement, ni en tant que membre d'une collectivité. À mon avis, la Commission a appliqué le critère correctement.
[23] Toutefois, le demandeur allègue également que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve lorsqu'elle est arrivée à la conclusion mentionnée précédemment, et il fait valoir qu'il y avait suffisamment d'éléments au dossier de la Commission pour démontrer que les hommes et les femmes tamouls du Nord sri-lankais étaient victimes de persécution au Sri Lanka. Selon le demandeur, le gouvernement a visé la population tamoule habitant dans le Nord sri-lankais parce qu'il présume que celle-ci appuie les activités des TLET. Par conséquent, les cibles des bombardements aériens ne sont pas le fruit du hasard. Les personnes visées et atteintes sont les Tamouls dans le Nord du Sri Lanka.
[24] La Commission a dit à la page 3 de ses motifs :
[traduction] Le tribunal a également tenu compte des documents soumis par les avocates, dans lesquels on racontait que l'armée avait repris la ville de Chavakachcheri. Ces documents mentionnent la destruction de la ville, mais on y rapporte que ceux qui ont été tués et blessés sont des soldats (l'armée) et des rebelles (les TLET). Dans l'article sur les affrontements entre l'armée et les TLET dans la région de Jaffna, on fait une autre allusion à la mort de 13 soldats et de 17 rebelles. Il n'y est pas question de civils tamouls tués ou visés par l'une ou l'autre des parties au conflit.
[25] Il faut se rappeler que, sur ce point, l'appréciation de la preuve relève de l'expertise de la Commission. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi dans l'arrêt Hassan c. Canada (M.E.I) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.) :
L'avocat de l'appelant a cependant fait valoir, comme je l'ai souligné ci-dessus, que la Commission n'a pas tenu compte d'autres parties du rapport d'Amnistie Internationale, et que ce fait constitue un moyen valable d'appel. En toute déférence, je ne suis pas d'accord. À mon avis, la Commission pouvait raisonnablement tirer les conclusions auxquelles elle est parvenue, compte tenu de l'ensemble de la preuve soumise, et il s'ensuit donc qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit. Le fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité. Les passages tirés de la preuve documentaire que l'appelant invoque font partie de l'ensemble de la preuve que la Commission est en droit d'apprécier sur le plan de la crédibilité et de la force probante.
[26] En l'espèce, la conclusion de la Commission était étayée par la preuve et je ne peux conclure qu'elle a commis une erreur.
2. La Commission a-t-elle négligé d'examiner la preuve dont elle était saisie lorsqu'elle a décidé si la crainte du demandeur d'être persécuté au Sri Lanka du fait de son appartenance à un groupe social et politique était une crainte fondée, même dans le cas où la Commission a rejeté le témoignage du demandeur quant à sa propre expérience au Sri Lanka?
[27] Le demandeur affirme également que la Commission devait examiner la question de savoir si sa crainte d'être persécuté au Sri Lanka du fait de son appartenance à un groupe social et politique, soit un Tamoul de la région nord, était une crainte fondée.
[28] Le défendeur allègue que la Commission a bel et bien examiné si la crainte subjective de persécution qu'entretenait le demandeur avait un fondement objectif.
[29] Le défendeur soutient en outre qu'il doit exister un lien entre la situation personnelle du revendicateur et la situation qui règne dans le pays fui par le revendicateur en ce qui concerne les droits de la personne. Le statut de réfugié au sens de la Convention n'est pas un statut qu'on accorde « d'une manière générale » , de sorte que le statut soit automatiquement reconnu à quiconque est originaire d'un pays qui a un mauvais dossier au chapitre des droits de la personne. Le revendicateur doit plutôt présenter des éléments de preuve pour démontrer que les violations des droits de la personne dont fait état la preuve documentaire constituent une menace personnelle pour lui s'il retourne dans son pays. En l'espèce, le demandeur ne s'est pas acquitté de ce fardeau.
[30] S'agissant de l'allégation du demandeur selon laquelle la Commission n'a pas examiné le bien-fondé de sa crainte d'être persécuté au Sri Lanka du fait de son appartenance à un groupe social et politique, soit un Tamoul de la région nord, je conviens avec le défendeur que la Commission a bel et bien examiné la question comme on peut le voir dans son analyse et sa conclusion portant sur la situation à Jaffna.
[31] Le demandeur allègue également que la Commission aurait dû tenir compte de la situation du demandeur pour rendre sa décision. Il soutient qu'en ne tenant pas compte de la preuve documentaire présentée à l'audience par les avocates et par l'agent chargé de la revendication, la Commission a négligé d'examiner la preuve pertinente versée au dossier et qu'en conséquence elle a jugé que le demandeur n'avait pas de motifs valables de craindre la persécution.
[32] Le demandeur a fourni quelques extraits de la preuve documentaire qui avait été versée au dossier de la Commission afin d'étayer sa prétention que la Commission a négligé d'examiner la preuve.
[33] Cependant, dans l'arrêt Florea c. Canada (M.E.I), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a indiqué au paragraphe 1 :
Le fait que la Section n'a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n'est pas un indice qu'elle n'en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu'à preuve du contraire. Les conclusions du tribunal trouvant appui dans la preuve, l'appel sera rejeté.
[34] Ainsi qu'il ressort de sa décision, la Commission s'est fondée sur divers éléments de preuve pour décider que le demandeur n'avait pas établi que sa crainte d'être persécuté au Sri Lanka était fondée. La Commission était en droit de s'appuyer sur cette preuve. La preuve étayant sa conclusion, je ne peux conclure qu'elle a commis une erreur dans son appréciation de la preuve et dans ses conclusions.
[35] La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
[36] L'avocate du demandeur a demandé que les deux questions suivantes soient certifiées :
1. Est-il permis au tribunal de s'appuyer sur quelques articles de journaux dans lesquels on indique qu'il n'y a eu aucune victime civile à la suite d'un bombardement aérien, alors qu'il néglige d'examiner une panoplie de documents qui démontrent que des civils tamouls sont ciblés par l'armée sri-lankaise?
2. Pour établir une crainte subjective, le demandeur doit-il fournir des exemples précis des raisons qui lui font craindre la persécution et suffit-il au demandeur d'établir que sa crainte est fondée sur des renseignements obtenus dans la presse et de personnes dont la situation était similaire à la sienne?
[37] L'avocate du défendeur a contesté ces questions.
[38] Je ne peux conclure qu'elles soulèvent une question grave de portée générale. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.
« Pierre Blais »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 30 août 2001
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIERS
DOSSIER : IMM-5524-00
INTITULÉ : Debalathas Sinnathurai c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE le 15 août 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Monsieur le juge Blais
DATE DES MOTIFS : le 30 août 2001
ONT COMPARU :
Mme P. Sapru POUR LE DEMANDEUR
Mme Amina Riaz POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Max Berger & Associés POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada