Date : 20200122
Dossier : IMM‑1459‑19
Référence : 2020 CF 101
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2020
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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YUFEI ZHANG
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 26 février 2019 par laquelle l’agent des visas a accordé à la demanderesse un permis de travail postdiplôme de 15 mois.
II.
LE CONTEXTE
[2]
La demanderesse est citoyenne de la Chine. Elle a obtenu une maîtrise en finances de la Sobey School of Business à l’Université St Mary’s d’Halifax le 28 septembre 2018. Elle a terminé le programme en environ 12 mois.
[3]
Après l’obtention de son diplôme, la demanderesse a demandé un permis de travail postdiplôme en novembre 2018. À sa demande, elle a joint une lettre du directeur du soutien et du recrutement d’étudiants du programme d’études supérieures à la Sobey School of Business, dans laquelle il indiquait ce qui suit :
le programme de maîtrise en finances de la Sobey School of Business est [traduction]
« équivalent à un programme de deux ans »
;les étudiants obtiennent leurs crédits au cours des [traduction]
« sessions d’automne, d’hiver et d’été »
;le contenu du programme de maîtrise en finances est [traduction]
« semblable à celui du programme de MBA de deux ans (16 mois à temps plein) »
.
[4]
La lettre confirme également que la demanderesse a rempli toutes les exigences pour obtenir son diplôme de maîtrise en finances. Le relevé de notes et le diplôme fournis par la demanderesse le confirment également.
[5]
Le 21 février 2019, l’agent des visas a accordé à la demanderesse un permis de travail postdiplôme d’un an en se fondant sur la durée de son programme d’études. La demanderesse a demandé que sa demande soit réexaminée, car elle estimait avoir droit à un permis de travail de plus longue durée étant donné que son programme d’études équivalait à un programme de deux ans.
III.
LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE
[6]
Le 26 février 2019, à la suite de la demande de réexamen de la demanderesse, celle‑ci a reçu une lettre de l’agent des visas lui accordant un permis de travail postdiplôme de 15 mois.
[7]
Dans ses notes, l’agent des visas a indiqué que le permis de travail de 15 mois a été accordé au motif que :
la lettre de la Sobey School of Business présentée par la demanderesse ne fournissait aucun renseignement quant à la durée du programme d’études;
il a fallu environ 12 mois à la demanderesse pour terminer le programme d’études;
le site Web du programme indiquait qu’il faut au moins 12 à 15 mois pour terminer le programme d’études;
les sites Web d’autres universités indiquent qu’il faut un an pour terminer des programmes d’études semblables.
[8]
En se fondant sur ces renseignements, l’agent des visas a conclu que le programme de maîtrise en finances semblait être un programme intensif, plutôt qu’un programme de deux ans, que la demanderesse a terminé pendant la durée normale. L’agent des visas a ensuite décidé d’accorder à la demanderesse un permis de travail postdiplôme de 15 mois selon l’interprétation la plus généreuse de la durée de son programme d’études.
IV.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[9]
Les questions à trancher en l’espèce sont les suivantes :
L’agent des visas a‑t‑il porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à la [traduction]
« preuve extrinsèque »
invoquée par l’agent des visas?L’agent des visas a‑t‑il commis une erreur en n’accordant qu’un permis de travail postdiplôme de 15 mois?
V.
LA NORME DE CONTRÔLE
[10]
La présente demande a été instruite avant que la Cour suprême du Canada rende les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66. Le jugement de notre Cour a été mis en délibéré. Les observations des parties sur la norme de contrôle ont donc été présentées dans le cadre de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Toutefois, étant donné les circonstances de l’espèce et les directives de la Cour suprême du Canada au paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, la Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire de demander aux parties de présenter des observations supplémentaires sur la norme de contrôle. J’ai appliqué le cadre de l’arrêt Vavilov dans mon examen de la demande et il ne change ni les normes de contrôle applicables en l’espèce, ni mes conclusions.
[11]
Aux paragraphes 23 à 32 de l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont cherché à simplifier la façon pour le tribunal de choisir la norme de contrôle applicable aux questions dont il est saisi. Les juges majoritaires ont éliminé l’approche contextuelle et catégorique adoptée dans l’arrêt Dunsmuir en faveur de l’instauration d’une présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique. Toutefois, ils ont fait observer que cette présomption peut être écartée sur le fondement (1) d’une intention législative claire de prescrire une autre norme de contrôle (Vavilov, aux par. 33-52) et (2) de certains scénarios où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, comme les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, aux par. 53-64).
[12]
La demanderesse et le défendeur soutiennent tous deux que la norme de contrôle applicable à la question d’équité procédurale est celle de la décision correcte.
[13]
Certains tribunaux ont conclu que la norme de contrôle applicable à une allégation de manquement à l’équité procédurale est celle de la « décision correcte »
(Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux par. 59-61 [Khosa]). Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada ne s’est pas penchée sur la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale (Vavilov, au par. 23). Toutefois, une approche plus judicieuse sur le plan doctrinal veut qu’aucune norme de contrôle ne s’applique à la question de l’équité procédurale. Dans l’arrêt Moreau‑Bérubé c Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, la Cour suprême du Canada a déclaré que la question de l’équité procédurale :
n’exige pas qu’on détermine la norme de révision judiciaire applicable. Pour vérifier si un tribunal administratif a respecté l’équité procédurale ou l’obligation d’équité, il faut établir quelles sont les procédures et les garanties requises dans un cas particulier.
[14]
En outre, la demanderesse et le défendeur soutiennent tous deux que la norme de contrôle applicable à l’évaluation par l’agent des visas de la durée du permis de travail de la demanderesse est celle de la décision raisonnable.
[15]
Rien ne permet de réfuter la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. L’application de la norme de la décision raisonnable à cette question est également conforme à la jurisprudence qui existait avant que la Cour suprême du Canada rende l’arrêt Vavilov. Voir Toor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1143, au par. 6; Baran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 463, aux par. 15‑16; et Bui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 440, aux par. 22‑23.
[16]
Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse portera sur la question de savoir si elle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov, au par. 99). La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle unique qui varie et « qui s’adapte au contexte »
(Vavilov, au par. 89, citant Khosa, au par. 59). Ces contraintes contextuelles « cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solution qu’il peut retenir » (Vavilov, au par. 90). En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que lorsque la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au par. 100). La Cour suprême du Canada a énuméré deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable : (1) le manque de logique interne du raisonnement du décideur; et (2) une décision indéfendable « compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision » (Vavilov, au par. 101).
VI.
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
[17]
Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement] s’appliquent à la présente demande de contrôle judiciaire :
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VII.
LA THÈSE DES PARTIES
A.
La demanderesse
[18]
Selon la demanderesse, la Cour devrait annuler la décision de l’agent des visas de ne lui accorder qu’un permis de travail postdiplôme de 15 mois au motif : (1) qu’il ne lui a pas donné la possibilité de répondre à la preuve extrinsèque sur laquelle il s’est appuyé et (2) que sa décision concernant la durée du permis est déraisonnable. Par conséquent, elle demande à la Cour d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, d’annuler la décision de l’agent des visas et de renvoyer la demande à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.
(1)
Manquement à l’équité procédurale
[19]
La demanderesse fait valoir que l’agent des visas a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale en s’appuyant sur une preuve extrinsèque sans d’abord lui donner la possibilité d’y répondre.
[20]
Dans ses notes, l’agent des visas a indiqué que son analyse de la durée du programme d’études était en partie fondée sur les renseignements figurant sur le site Web du programme d’études, ainsi que sur des sites Web de programmes semblables offerts à d’autres universités. La demanderesse affirme qu’il s’agit d’éléments de preuve non fiables et que, comme ils n’ont pas été présentés avec sa demande, l’agent des visas devait lui donner la possibilité d’y répondre. Selon la demanderesse, puisque l’agent des visas ne l’a pas fait en l’espèce, la Cour doit accueillir la présente demande.
(2)
Caractère raisonnable de la durée du permis
[21]
La demanderesse fait également valoir que la décision de l’agent des visas concernant la durée du permis était déraisonnable. La demanderesse fait remarquer que l’évaluation des éléments de preuve par l’agent des visas était incomplète, comme en témoignent la conclusion selon laquelle [traduction] « aucun renseignement sur la durée du programme »
n’a été fourni et le fait qu’il n’a pas correctement appliqué les directives et les lignes directrices opérationnelles sur le Programme de permis de travail postdiplôme [les lignes directrices].
[22]
En premier lieu, la demanderesse soutient que l’agent des visas a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve en affirmant qu’elle n’a pas fourni de renseignements concernant la durée du programme d’études. La demanderesse conteste cette conclusion en renvoyant à la lettre de la Sobey School of Business, dans laquelle le directeur affirme que le programme de maîtrise en finances est [traduction] « équivalent à un programme de deux ans »
. La demanderesse fait valoir que l’agent des visas n’a manifestement pas tenu compte de cet élément de preuve essentiel, car il est déraisonnable d’insinuer que cette affirmation ne prévoit pas expressément la durée du programme d’études puisqu’un « an »
constitue une unité de temps. En conséquence, la demanderesse soutient que la seule interprétation raisonnable en l’espèce est qu’elle a terminé un programme d’études de deux ans en environ 12 mois.
[23]
En deuxième lieu, la demanderesse fait valoir que, comme la preuve indique clairement que la durée du programme d’études en question est de deux ans, l’agent des visas a agi déraisonnablement en dérogeant aux lignes directrices et en n’accordant qu’un permis de 15 mois.
[24]
La demanderesse fait remarquer que les lignes directrices indiquent que, si un programme d’études est de deux ans ou plus, « la durée du permis de travail devrait être de 3 ans »
. En outre, elle fait valoir que les lignes directrices indiquent clairement que « [s]i un étudiant termine ses études en moins de temps que la durée normale du programme (p. ex. programme d’études accéléré), le permis de travail postdiplôme devrait être évalué en fonction de la durée du programme d’études »
.
[25]
Par conséquent, la demanderesse soutient que, puisqu’elle a terminé un programme d’études de deux ans de façon accélérée, elle a droit à un permis de travail postdiplôme de trois ans. Elle affirme que cette interprétation est étayée par le fait que les lignes directrices indiquent qu’un permis de travail de trois ans « devrait »
, et non « peut »
, être accordé, éliminant ainsi le pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas à cet égard.
B.
Le défendeur
[26]
Le défendeur soutient que la décision de l’agent des visas devrait être maintenue parce que : (1) l’agent des visas n’a pas porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale en se fondant simplement sur des renseignements publics pour confirmer ses conclusions et (2) la décision de l’agent des visas concernant la durée du permis était raisonnable compte tenu de la durée du programme d’études et de son pouvoir discrétionnaire.
(1)
Manquement à l’équité procédurale
[27]
Le défendeur soutient que l’équité procédurale n’exigeait pas que l’agent des visas donne à la demanderesse la possibilité de répondre aux sites Web qu’il a cités dans ses notes, car la preuve était publique, fiable et non déterminante en l’espèce. En fait, l’agent des visas s’est fondé sur ces éléments de preuve simplement pour confirmer ses conclusions concernant la durée du programme d’études, conclusions qui étaient fondées sur les éléments de preuve présentés par la demanderesse. Le défendeur cite les paragraphes 62 à 75 de la décision Bradshaw c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 632 [Bradshaw], en particulier la déclaration de la Cour aux paragraphes 64 et 65 :
[64] Dans Majdalani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 294, 472 FTR 285 [Majdalani], la juge Bédard a analysé la jurisprudence sur la consultation de sites Web et de documentation accessible au public, pour évaluer les demandes pour motifs d’ordre humanitaire. La juge Bédard a noté que la jurisprudence antérieure à l’arrêt Baker prévoyait généralement que le demandeur devait être informé de toute information inédite et importante faisant état d’un changement dans la situation générale d’un pays susceptible d’avoir une incidence sur l’issue du dossier. Elle a noté que, dans la jurisprudence consécutive à l’arrêt Baker, les tribunaux ont dans l’ensemble adopté une approche plus contextuelle qui tient compte, notamment, de la nature de la décision et des répercussions possibles de la preuve sur la décision.
[65] La juge Bédard a toutefois reconnu que l’approche de la preuve « inédite et importante » continue aussi d’être appliquée, précisant aux paragraphes 33 et 34;
[33] Dans certains cas, la Cour a jugé que des renseignements accessibles au public, par exemple des documents consultables sur Internet et émanant de sources crédibles, fiables et bien connues, n’étaient pas considérés comme des « preuves extrinsèques » ou comme des renseignements « inédits et importants » (Sinnasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 67, aux paragraphes 39 et 40, [2008] ACF no 77; Pizarro Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 623, au paragraphe 46, [2013] ACF no 692).
[34] Dans d’autres affaires, la Cour a appliqué le critère de la preuve « inédite et importante » et a conclu que l’obligation de divulguer s’appliquait lorsque les renseignements contenus dans le document sur lequel l’agent s’était fondé n’étaient pas disponibles et n’auraient pas été facilement accessibles pour le demandeur ou lorsque cet élément de preuve n’était pas prévisible (Jiminez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1078, aux paragraphes 17 à 19, [2010] ACF no 1382; Stephenson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 932, aux paragraphes 35 et 39, [2011] ACF no 1156; Adetunji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 708, au paragraphe 38, [2012] ACF no 698).
[28]
Par conséquent, le défendeur soutient que les sites Web invoqués par l’agent des visas ne constituaient pas le genre de preuve extrinsèque « inédite et importante »
qui déclencherait l’obligation d’en informer la demanderesse. Ainsi, le droit de la demanderesse à l’équité procédurale a été maintenu en l’espèce.
(2)
Caractère raisonnable de la durée du permis
[29]
Le défendeur fait également valoir que la décision de l’agent des visas d’accorder à la demanderesse un permis de travail postdiplôme de 15 mois était raisonnable compte tenu de la durée du programme d’études et de son pouvoir discrétionnaire.
[30]
En premier lieu, le défendeur fait remarquer que l’agent des visas a conclu à bon droit que la lettre de la Sobey School of Business fournie par la demanderesse ne précisait pas expressément la durée du programme d’études. Même si elle indique effectivement qu’il est [traduction] « équivalent à un programme de deux ans »
, le terme « équivalent »
laisse entendre que, en réalité, il ne s’agit pas d’un programme de deux ans. En fait, la lettre donne à penser que la durée du programme d’études est d’un an, puisqu’elle indique que les étudiants obtiennent leurs crédits [traduction] « au cours des sessions d’automne, d’hiver et d’été »
. En conséquence, il était raisonnable pour l’agent des visas de conclure que la durée du programme d’études était de 12 à 15 mois.
[31]
En deuxième lieu, le défendeur soutient que, même si le programme d’études était considéré comme un programme de deux ans, l’agent des visas disposait toujours du pouvoir discrétionnaire de n’accorder qu’un permis de 15 mois, parce que l’article 185 du Règlement lui confère le pouvoir discrétionnaire de modifier la durée d’un permis de travail. De plus, le défendeur fait remarquer que les directives quant à l’exécution du programme indiquent seulement qu’un permis de travail postdiplôme « peut »
être délivré si le programme d’études est de deux ans ou plus. Le défendeur soutient donc que l’emploi d’un libellé facultatif signifie que la demanderesse n’a pas droit à un permis de trois ans même si le programme d’études est considéré comme un programme de deux ans. Le défendeur fait valoir que, par conséquent, la décision de l’agent des visas était, dans tous les cas, raisonnable.
VIII.
ANALYSE
[32]
La demanderesse ne s’est pas présentée à l’audience. Elle a informé la Cour, au moyen d’une lettre la veille de l’audience, qu’elle avait un autre engagement dont elle avait connaissance depuis un certain temps. Elle n’a pas demandé un ajournement et, compte tenu de la clarté des observations écrites, la Cour a jugé qu’elle était en mesure de poursuivre en l’absence de la demanderesse. L’avocat du défendeur n’a fait que de brèves observations orales qui ne dérogeaient aucunement à ses observations écrites, que la demanderesse avait déjà vues et auxquelles elle avait répondu par écrit de manière exhaustive.
[33]
La demanderesse soulève à la fois des erreurs liées à l’équité procédurale et au caractère raisonnable.
[34]
La demanderesse affirme que la décision est inéquitable sur le plan procédural parce que l’agent des visas s’est appuyé sur des renseignements provenant de plusieurs sites Web d’universités indiquant que le programme de maîtrise en finances se termine habituellement en 12 à 15 mois et que d’autres programmes semblables se terminent habituellement en un an. La demanderesse affirme que ces renseignements sont [traduction] « extrinsèques et non fiables »
et que, par conséquent, l’agent des visas aurait dû lui donner la possibilité d’y répondre.
[35]
Il ne ressort aucunement de la preuve dont je dispose que les renseignements invoqués figurant sur les sites Web des universités sont [traduction] « non fiables »
. Il ne s’agit là que d’une affirmation non prouvée.
[36]
Selon les sites Web des universités invoqués, les programmes semblables sont décrits comme des programmes d’un an, ce qui, raisonnablement, confirme les renseignements figurant sur le site Web de l’Université St. Mary’s selon lesquels le programme se termine habituellement en 12 à 15 mois.
[37]
La demanderesse invoque une lettre provenant de la Sobey School of Business datée du 30 août 2018, qui indique que le programme de maîtrise en finances est [traduction] « équivalent à »
un programme de deux ans. Toutefois, ce qu’on entend par « équivalent »
dans ce contexte n’est pas tout à fait clair, et c’est pourquoi l’agent des visas a effectué une recherche en ligne pour déterminer la durée habituelle nécessaire pour terminer le programme. En cherchant et en utilisant des renseignements figurant sur les sites Web publics des universités (en particulier le site Web de l’Université St. Mary’s), l’agent des visas n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale et utilisé des renseignements extrinsèques inédits et importants. Ces renseignements étaient facilement accessibles pour la demanderesse (Bradshaw, aux par. 62‑75) et ont simplement été utilisés pour corroborer la preuve que la demanderesse avait déjà présentée à l’agent des visas.
[38]
La demanderesse affirme également que la décision est déraisonnable parce que l’agent des visas [traduction] « n’a pas tenu compte de la durée du programme indiquée dans la lettre rédigée par l’université »
.
[39]
Il était raisonnable pour l’agent des visas de conclure que la lettre de la Sobey School of Business n’indiquait pas que la demanderesse avait terminé un programme de deux ans. La lettre indiquait que les étudiants obtiennent leurs crédits [traduction] « au cours des sessions d’automne, d’hiver et d’été »
, ce qui, raisonnablement, indique qu’ils doivent terminer le programme dans un délai de 12 mois. C’est exactement ce que la demanderesse a fait. La lettre de la Sobey School of Business indique effectivement que [traduction] « le contenu du programme de MFIN est semblable à celui du programme de MBA deux ans (16 mois à temps plein »
, mais cette indication n’en fait pas un programme de deux ans.
[40]
Les lignes directrices applicables aux « études accélérées »
prévoient ce qui suit :
Études accélérées
Si un étudiant termine ses études en moins de temps que la durée normale du programme (p. ex. programme d’études accéléré), le permis de travail postdiplôme devrait être évalué en fonction de la durée du programme d’études.
Par exemple, si l’étudiant est inscrit à un programme d’études d’une durée normale d’un an, mais qu’il répond aux critères de réussite du Programme après 8 mois, il peut être admissible à un permis de travail postdiplôme d’une validité d’un an.
[41]
La preuve dont disposait l’agent des visas indiquait clairement que le programme de l’Université St. Mary’s se termine habituellement en 12 mois. La demanderesse l’a terminé dans les 12 mois, mais l’agent des visas lui a accordé un permis de travail de 15 mois, conformément au cadre et à l’esprit des lignes directrices.
[42]
La lettre, qui indique que le programme est [traduction] « équivalent à »
un programme de deux ans, n’est pas claire, mais les lignes directrices indiquent clairement que le permis de travail « devrait être »
évalué en fonction de la durée « normale »
du programme. C’est ce que l’agent des visas a fait. La demanderesse n’était pas raisonnablement admissible à un permis de travail de trois ans. L’agent des visas n’a pas été déraisonnable ni dans son approche ni dans ses conclusions. En fait, l’agent des visas a fait preuve d’une grande générosité en lui accordant un permis de 15 mois, alors que la lettre de la Sobey School of Business indiquait que la durée normale du programme était d’un an et qu’il a fallu un an à la demanderesse pour terminer le programme.
[43]
Aucune question à certifier n’a été soulevée par la demanderesse. L’avocat du défendeur convient également qu’il n’y en a aucune. La Cour est d’accord.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1459‑19
LA COUR STATUE que :
La demande est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« James Russell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 3e jour de février 2020.
Mylène Boudreau, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM‑1459‑19
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INTITULÉ :
|
YUFEI ZHANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 16 octobre 2019
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RUSSELL
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
Le 22 janvier 2020
|
COMPARUTIONS :
Christopher Ezrin
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
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