Dossiers: IMM‑1773‑19
IMM‑2874‑19
Référence: 2020 CF 66
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2020
En présence de monsieur le juge Ahmed
ENTRE :
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SERGIO ANTONIO REYES GARCIA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La présente affaire concerne la décision par laquelle un agent des services frontaliers (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a annulé l’autorisation de voyage électronique (l’AVE
) du demandeur après avoir conclu que ce dernier avait fait une présentation erronée sur l’autorisation en question et qu’il était donc interdit de territoire pour fausses déclarations.
[2]
Le demandeur, un citoyen mexicain, est arrivé au Canada avec sa famille en provenance du Mexique à titre de visiteur. Comme des espèces non déclarées ont été découvertes lors de l’inspection de ses bagages, il a fait l’objet d’un deuxième examen, qui a pris la forme d’une entrevue approfondie avec l’agent. À la fin de l’entrevue, il a été déclaré interdit de territoire pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], suivant la conclusion de l’agent selon laquelle il avait fait une présentation erronée quant à une accusation criminelle portée contre lui. Le demandeur a retiré sa demande aux termes du paragraphe 42(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR], et son AVE a ensuite été annulée au titre de l’alinéa 12.06e) et de l’article 12.07 du RIPR.
[3]
Le demandeur soutient que l’agent l’a déclaré interdit de territoire pour fausses déclarations sans suivre les procédures adéquates et qu’il n’avait donc pas compétence pour rendre une telle décision; toujours d’après lui, l’agent a enfreint l’équité procédurale et a commis une erreur lorsqu’il a conclu qu’il avait fait une présentation erronée quant aux faits.
[4]
Pour les motifs qui suivent, j’estime que l’agent a enfreint l’équité procédurale et que sa décision est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.
II.
Les faits
A.
Le demandeur
[5]
Sergio Antonio Reyes Garcia (le demandeur
) est un citoyen mexicain de 44 ans. Le 28 janvier 2018, il a présenté une demande d’AVE et a répondu par la négative à la question figurant sur le formulaire de la demande à savoir s’il avait déjà été accusé ou déclaré coupable d’une infraction.
[6]
Le 3 mars 2019, le demandeur s’est rendu par avion de Mexico (Mexique) à l’aéroport international de Vancouver. Accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, il a déclaré qu’il se rendait à Whistler (Colombie‑Britannique) pour des vacances. Il avait rempli un formulaire E677 de déclaration d’espèces. Cependant, durant l’inspection des bagages, d’autres espèces non déclarées ont été découvertes. Il a été passé en entrevue à ce sujet par un agent des services frontaliers de l’ASFC; ce dernier indique dans son affidavit que le demandeur a fait plusieurs déclarations incohérentes et contradictoires lorsqu’on lui a posé des questions au sujet de l’origine des espèces. Compte tenu des [TRADUCTION] « préoccupations légitimes au sujet de l’origine des espèces et d’autres problèmes potentiels ayant trait à l’interdiction de territoire du [demandeur] »
, ce dernier a été soumis à une entrevue supplémentaire plus approfondie afin de déterminer son admissibilité.
B.
L’entrevue et la décision visée par la demande de contrôle judiciaire
[7]
Durant l’entrevue, l’agent s’est intéressé aux intérêts commerciaux du demandeur et à la source des fonds qu’il transportait. Il lui a demandé où il avait obtenu les fonds pour démarrer sa première entreprise, à combien s’élevait son revenu et quel était le solde de ses comptes. L’agent a interrogé le demandeur au sujet du montant des fonds qu’il avait retirés en vue de ses voyages et ce dernier lui a dit qu’une certaine Christina avait changé son argent. Le demandeur a précisé qu’il connaissait Christina depuis dix ans, mais il ne semblait pas savoir beaucoup de choses à son sujet, sinon qu’elle lui fournissait des services de change.
[8]
L’agent s’est longuement attardé aux entreprises du demandeur dont ce dernier a fait mention et lui a demandé s’il avait fait l’objet d’une enquête concernant ses activités commerciales ou celles de ses associés. Le demandeur a répondu qu’il n’avait jamais été visé par une enquête. L’agent l’a ensuite interrogé au sujet de transactions commerciales liées à son associé, Manuel Barreiro, qui faisait l’objet d’enquêtes par des autorités mexicaines pour blanchiment d’argent. Le demandeur a affirmé que les allégations découlaient de problèmes politiques. L’agent s’est ensuite référé à un article indiquant que le demandeur avait été accusé d’une infraction liée à des fonds de provenance illicite. Ce dernier a déclaré qu’il n’avait jamais été accusé, bien que les autorités aient voulu porter des accusations contre lui.
[9]
Après quelques questions concernant Manuel et ses affaires, l’agent s’est de nouveau concentré sur le demandeur en lui demandant s’il n’avait jamais été [TRADUCTION] « accusé, déclaré coupable ou arrêté pour quelque raison que ce soit »
. Le demandeur a répondu qu’il ne comprenait pas ce que signifiait le terme [TRADUCTION] « accusé »
, si bien qu’un interprète espagnol a été dépêché sur place pour lui expliquer ce que signifiait ce terme dans le contexte d’une enquête criminelle. Le demandeur a ensuite précisé qu’il comprenait le sens du terme en question, et a répondu « oui »
à la question de savoir s’il avait été déjà accusé ainsi qu’à plusieurs autres questions de l’agent se rapportant à cette [TRADUCTION] « accusation »
.
[10]
Durant l’entrevue, l’agent a consulté le courriel du demandeur à partir de son téléphone cellulaire et l’a interrogé au sujet de ses rencontres avec des contacts qui auraient été accusés de blanchiment d’argent. L’agent a jugé que les fonds de voyage qui se trouvaient en la possession du demandeur étaient des produits soupçonnés d’être issus de la criminalité. L’agent a déclaré ce qui suit :
[traduction]
Je juge que cet argent est un produit soupçonné d’être issu de la criminalité. Il se rapporte à des affirmations fondées sur des renseignements selon lesquels vous et vos codéfendeurs avez été accusés de blanchiment d’argent au Mexique, et que vous aviez connaissance des transactions commerciales de vos codéfendeurs, y compris M. Barreiro, qui organisait le transfert de fonds par l’intermédiaire de diverses sociétés fictives, dont certaines étaient établies au Canada. La création d’entreprises fictives et l’enregistrement de sociétés hors du Mexique ont permis de réaliser de vastes transferts de fonds vers divers endroits du monde, notamment la Suisse et le Canada.
[11]
L’agent a informé le demandeur qu’il était [TRADUCTION] « interdit de territoire au Canada pour fausse déclaration »
, parce qu’il [TRADUCTION] « n’avait pas répondu “oui” à la question figurant sur [sa] demande d’AVE à savoir [s’il avait déjà été] arrêté/accusé/déclaré coupable d’un crime »
alors que, d’après les conclusions de l’agent, il aurait eu connaissance de ces accusations avant de soumettre la demande d’AVE.
[12]
L’agent a ensuite avisé le demandeur qu’il pouvait présenter une nouvelle demande d’AVE; il a mentionné que le demandeur devait répondre sincèrement à toutes les questions et fournir des documents confirmant qu’il ne serait pas interdit de territoire au Canada. L’agent a répété ces renseignements ultérieurement.
[13]
Le demandeur a ensuite signé un formulaire intitulé « Autorisation de quitter le Canada »
, qui lui permettait de retirer volontairement sa demande d’entrée au Canada aux termes du paragraphe 42(1) du RIPR. Le formulaire « Retrait de la demande / Permission de partir »
du demandeur indiquait que son AVE était annulée pour les motifs suivants : [TRADUCTION] « Aux termes de l’alinéa 40a) de la Loi, vous êtes interdit de territoire au Canada pour fausse déclaration. Vous avez retiré votre demande d’entrée au Canada au titre du paragraphe 42(1) »
.
[14]
Comme l’a fait remarquer le demandeur, durant tout le processus à l’issue duquel il a été [TRADUCTION] « déclaré interdit de territoire »
, aucun rapport fondé sur le paragraphe 44(1) n’a été établi par un agent de l’ASFC et l’affaire n’a pas non plus été déférée pour enquête aux termes du paragraphe 44(2) de la LIPR. Au vu du dossier, il semblerait que l’agent ait tiré ses propres conclusions et qu’il ait déclaré le demandeur interdit de territoire pour fausses déclarations à la suite de la deuxième entrevue. L’agent a informé le demandeur qu’il était interdit de territoire au Canada, et d’après les renseignements que l’agent lui a fournis, le demandeur a accepté de retirer sa demande. Par ailleurs, rien dans le dossier n’indique que le demandeur a été informé des conséquences liées à un constat d’interdiction de territoire pour fausses déclarations ni de la période d’interdiction d’entrée au Canada de cinq ans.
III.
Les questions à trancher et la norme de contrôle
[15]
La présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions à trancher :
L’agent avait‑il le pouvoir de déclarer le demandeur interdit de territoire pour fausses déclarations sans établir le rapport visé au paragraphe 44(1) et sans renvoyer l’affaire à un délégué du ministre, et donc d’enfreindre l’équité procédurale?
L’agent a‑t‑il commis une erreur en annulant la demande d’AVE du demandeur?
L’agent a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a conclu que le demandeur avait fait une présentation erronée sur sa demande d’AVE?
[16]
Comme la présente affaire a été débattue avant la publication de la décision récente rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], les observations des parties ne tenaient pas compte du cadre révisé quant à la norme de contrôle. Mais à mon avis, la même norme de contrôle régirait les questions à trancher suivant le cadre précédent établi dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9.
[17]
Suivant le cadre de l’arrêt Vavilov, le point de départ de l’analyse est la présomption selon laquelle c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Cette présomption peut être réfutée dans deux types de situations. La première est celle où le législateur précise qu’il a retenu une norme différente, c’est‑à‑dire qu’il prescrit expressément la norme de contrôle applicable ou prévoit dans la loi un mécanisme par lequel une décision administrative est portée en appel devant une cour de justice. La deuxième est celle où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte, par exemple à l’égard de certaines catégories de questions juridiques, à savoir les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, au par. 17).
[18]
Cependant, aucune des exceptions à la présomption ne s’applique relativement à l’appréciation de la décision de l’agent en ce qui concerne la conclusion quant à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations et l’annulation de l’AVE. Ainsi, les questions en litige 2 et 3 sont soumises à la norme de la décision raisonnable.
[19]
Avant l’arrêt Vavilov, les questions d’équité procédurale étaient soumises à la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 72). D’après l’arrêt Vavilov, cette approche demeure inchangée. La Cour suprême a écrit ce qui suit au paragraphe 23 de cet arrêt :
Lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond (c.‑à‑d. le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle qu’elle applique doit refléter l’intention du législateur sur le rôle de la cour de révision, sauf dans les cas où la primauté du droit empêche de donner effet à cette intention. L’analyse a donc comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable.
[20]
Une lecture des paragraphes 76 et 77 de l’arrêt Vavilov révèle que la Cour suprême reconnaît que les « exigences de l’obligation d’équité procédurale dans une affaire donnée […] auront une incidence sur l’exercice par une cour de justice du contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable »
. À mon avis, la Cour suprême enjoint ainsi aux cours de révision d’établir tout d’abord s’il existe un devoir d’équité procédurale, puis d’appliquer ensuite la présomption quant à la norme de la décision raisonnable à l’ensemble de la décision, en tenant compte des exigences liées à l’équité procédurale (le cas échéant). Dans l’arrêt Vavilov, le devoir d’équité procédurale se rapportait à la question de savoir si les motifs de la décision administrative étaient requis et s’ils avaient été fournis (Vavilov, au par. 78). Ayant répondu à ces deux questions par l’affirmative, la Cour suprême s’est ensuite attelée à trancher la question de savoir si la décision était raisonnable sur le fond. L’extrait suivant est également utile, puisqu’il établit une distinction entre le devoir d’équité procédurale et l’analyse selon la norme du caractère raisonnable (Vavilov, au par. 81) :
[…] Notre analyse prend donc comme point de départ que, lorsque des motifs sont requis, ceux‑ci constituent le mécanisme principal par lequel les décideurs administratifs démontrent le caractère raisonnable de leurs décisions, tant aux parties touchées qu’aux cours de révision. En conséquence, la communication des motifs à l’appui d’une décision administrative est susceptible d’avoir des répercussions sur sa légitimité, à la fois au regard de l’équité procédurale et du caractère raisonnable de ceux‑ci sur le fond.
[21]
À mon avis, la norme de la décision correcte continue de s’appliquer à la question de l’équité procédurale dans l’affaire qui nous occupe.
IV.
Le cadre législatif
[22]
Aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, les fausses déclarations constituent l’un des motifs d’interdiction de territoire à l’entrée au Canada. Cette disposition est libellée ainsi :
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[23]
Le paragraphe 44(1) de la LIPR décrit le rapport que peut établir un agent s’il estime qu’un étranger ou résident permanent est interdit de territoire, lequel rapport est transmis au délégué du ministre. Aux termes du paragraphe 44(2), si ce rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) est bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration (la SI) en vue d’une enquête. Les dispositions en question sont libellées ainsi :
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V.
Analyse
A.
L’atteinte à l’équité procédurale
[24]
Le demandeur fait valoir que l’agent n’avait pas compétence pour tirer une conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, car, dans le contexte d’une demande d’admission au Canada à un point d’entrée (PE), une telle conclusion ne peut être tirée que dans le cadre d’une enquête. Le demandeur ajoute qu’il n’a pas été adéquatement avisé des conséquences d’une conclusion d’interdiction du territoire et qu’il n’a pas eu la possibilité de répondre par les voies appropriées.
[25]
Pour le défendeur, l’étranger qui n’a pas obtenu le droit d’entrer au Canada après un contrôle à un PE n’est pas « un étranger qui se trouve au Canada »
aux fins de l’article 44 de la LIPR. Le défendeur appuie son observation sur le libellé du paragraphe 44(1) et celui de l’article 18 de la LIPR, et fait valoir que, comme le demandeur n’était pas « entré »
au Canada au moment de son entrevue par l’agent, le demandeur n’était pas un étranger qui se trouvait au Canada au sens du paragraphe 44(1) de la LIPR, et l’agent n’était donc pas tenu d’établir le rapport visé au paragraphe 44(1).
[26]
Je note que les parties conviennent qu’aucune conclusion formelle d’interdiction de territoire n’a été tirée. Le défendeur fait valoir qu’il n’y a aucune décision à infirmer, étant donné que l’agent n’a pas fait de détermination formelle et qu’il n’a donc tiré aucune conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations.
[27]
Le demandeur demande à la Cour d’indiquer clairement qu’il n’est pas visé par une interdiction d’entrée de cinq ans et que l’agent n’avait pas compétence pour le déclarer interdit de territoire.
[28]
Le défendeur a mentionné en réplique que le dossier ne contient aucune mention au sujet de l’interdiction de cinq ans. Il affirme que, si cette interdiction s’était avérée pertinente au cas du demandeur, elle aurait été évoquée durant la conversation que l’agent a eue avec lui. Il fait remarquer que seul l’affidavit du demandeur fait mention de l’interdiction de cinq ans.
[29]
Cependant, je ne suis pas convaincu par les observations du défendeur. Bien que l’agent n’ait pas fait état d’une interdiction de cinq ans, celle‑ci découle non pas du pouvoir qui lui est délégué, mais plutôt de l’effet de la loi. Par ailleurs, l’interprétation du paragraphe 44(1) et de l’article 18 de la LIPR retenue par le défendeur est à mon avis incorrecte. Le paragraphe 37(1) du RIPR prévoit ce qui suit (c’est moi qui souligne) :
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[30]
D’après le libellé du paragraphe 37(1) du RIPR, le contrôle de la personne qui cherche à entrer au Canada prend fin notamment lorsqu’une décision est rendue en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR. Le demandeur n’avait pas à être formellement « admis »
au Canada avant que l’agent puisse établir le rapport visé au paragraphe 44(1). Par ailleurs, le défendeur semble mal comprendre le processus de détermination de l’interdiction de territoire. Pour qu’une interdiction de territoire soit prononcée, un agent doit, conformément à la procédure en vigueur au PE, préparer un rapport en vertu du paragraphe 44(1) dans lequel il fait état des allégations; ce rapport est ensuite transmis à un délégué du ministre pour qu’une décision soit prise au titre du paragraphe 44(2). Selon cette disposition, le délégué en question peut déférer le rapport à la SI en vue d’une enquête, s’il estime que ce rapport est bien fondé. Comme un rapport contenant des allégations de fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR ne relève pas de l’une des circonstances dans lesquelles « l’affaire n’est pas déférée à la Section de l’immigration »
aux termes du paragraphe 228(1) du RIPR, il s’ensuit que l’affaire devrait ensuite être déférée pour enquête.
[31]
Pour répondre à la question de savoir si l’agent a agi sans la compétence requise lorsqu’il a tiré sa propre conclusion quant à l’interdiction de territoire, il convient de lire, de façon attentive, le paragraphe 44(1) de la LIPR, de façon à en dégager l’interprétation du terme « peut »
qui y est employé ainsi que la portée du pouvoir discrétionnaire conféré par cette disposition.
[32]
Dans Correia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 782 (CanLII) [Correia], la Cour a analysé le paragraphe 44(1) de la LIPR eu égard au pouvoir de l’agent de l’ASFC de « prendre une décision à l’égard de l’interdiction de territoire »
et de « décider s’il établit un rapport »
(Correia, au par. 20) :
La décision d’établir un rapport doit être évaluée en prenant en compte la toile de fond de la section de la Loi qui a comme but le renvoi de certaines personnes du Canada. Le pouvoir discrétionnaire qui consiste à ne pas préparer un rapport doit être extrêmement limité et rare sans quoi il donnerait aux fonctionnaires un pouvoir discrétionnaire d’un niveau que même le ministre responsable n’a pas.
[33]
La jurisprudence portant sur l’interprétation du paragraphe 44(1) et le pouvoir discrétionnaire conféré aux agents s’attarde sur la question de savoir si les agents peuvent tenir compte de divers facteurs lorsqu’ils décident d’établir un rapport en vertu du paragraphe 44(1) et dans quelle mesure ils peuvent le faire. Par exemple, la Cour a examiné la question de savoir si un agent d’immigration a le pouvoir discrétionnaire de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire sous le régime de l’article 44 de la LIPR, et si les agents d’immigration sont obligés de tenir compte des guides opérationnels d’Immigration, Refugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) (voir Melendez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1363 (CanLII), aux par. 17 à 31). La décision Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 429 (CanLII), au par. 29, offre également un exemple (souligné dans l’original) :
Malgré l’interdiction de territoire clairement prévue à l’alinéa 36(1)a), le paragraphe 44(1) laisse un pouvoir discrétionnaire résiduel à l’agent d’immigration puisqu’il prévoit que lorsque celui‑ci estime l’intéressé interdit de territoire, il « peut établir un rapport circonstancié ». La LIPR ne précise pas quelles circonstances (relevant facts) doivent y être indiquées et elle ne circonscrit pas non plus l’étendue du pouvoir discrétionnaire exercé dans la préparation du rapport. Le législateur n’a formulé aucune ligne directrice sur l’accomplissement des fonctions prévues par ces dispositions.
[34]
Ni la jurisprudence ni une lecture des dispositions législatives pertinentes n’appuient la proposition selon laquelle les agents ont le pouvoir discrétionnaire de se prononcer eux‑mêmes sur la question de l’interdiction de territoire sans établir le rapport visé au paragraphe 44(1). Le pouvoir discrétionnaire conféré par cette disposition de la LIPR autorise les agents d’immigration, non pas à déterminer eux‑mêmes l’admissibilité, mais plutôt à signaler dans un rapport leur opinion quant à l’interdiction de territoire d’un demandeur, si la preuve dont ils disposent leur permet de se faire l’opinion en question.
[35]
Bien que l’affaire dont je suis saisi porte sur une disposition prévoyant une interdiction de territoire pour des motifs non criminels, je constate que certaines décisions, dans lesquelles l’interdiction de territoire reposait sur la criminalité, vont jusqu’à réduire complètement le pouvoir discrétionnaire éventuel des agents établissant des rapports en vertu du paragraphe 44(1), décrits simplement comme étant de « nature administrative »
. Cela démontre que, dans certains cas, ce pouvoir discrétionnaire est sérieusement restreint et que les agents sont essentiellement tenus d’établir le rapport visé au paragraphe 44(1). La décision Awed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 469, aux par. 10 et 18, mentionne deux affaires de ce type :
[10] Dans la décision Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 253 F.T.R. 153, 2004 C.F. 782, le juge Michael Phelan a dit que le rapport établi par l’agent en vertu du paragraphe 44(1) est essentiellement de nature administrative; celui‑ci ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire. Il a conclu que, aux termes du paragraphe 44(1), il s’agit obligatoirement d’un rapport circonstancié et, dans le cas de criminalité, ce rapport ne porte que sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration de culpabilité. […]
[…]
[18] Je suis d’avis que, lorsqu’une entrevue est tenue en application du paragraphe 44(1), elle a pour objet de simplement confirmer les faits qui peuvent éventuellement amener l’agent à conclure que le résident permanent ou ressortissant étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire. Le terme « peut » dans le paragraphe 44(1) ne connote pas un pouvoir discrétionnaire; il indique simplement que l’agent est autorisé à remplir une fonction administrative : Ruby c. Canada (Solliciteur général) (C.A.), [2000] 3 C.F. 589, aux pages 623 à 626, 187 D.L.R. (4th) 675 (C.A.F.).
[36]
Les guides opérationnels d’IRCC peuvent également jeter un éclairage sur le pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 44(1) de la LIPR. Le guide « ENF 3 : Enquêtes et contrôle de la détention »
[ENF 3] note que le rapport établi en vertu du paragraphe 44(1) est « le document juridique qui permet au [délégué du ministre] selon le cas, de prendre une mesure de renvoi de déférer l’affaire pour enquête, conformément à R228 et R229 ».
[37]
Le guide « ENF 5 : Rédaction des rapports en vertu du paragraphe 44(1) »
[ENF 5] présente la procédure que doivent suivre les agents d’immigration lorsqu’ils décident d’établir un rapport en vertu du paragraphe 44(1). Ce document fournit les directives suivantes (ENF 5, page 8) [c’est moi qui souligne] :
Les agents disposent du pouvoir discrétionnaire de décider s’ils doivent ou non rédiger un rapport d’interdiction de territoire. Cependant, ce pouvoir ne permet pas aux agents de passer outre le fait que quelqu’un soit interdit de territoire ou puisse l’être, ni ne leur permet d’octroyer un statut à cette personne en vertu des L21 et L22. Par contre, ce pouvoir discrétionnaire laisse aux agents la souplesse nécessaire pour gérer les cas où aucune mesure de renvoi ne sera prise ou dont les conditions sont telles que les objectifs de la Loi peuvent être atteints ou le seront, sans qu’il soit nécessaire de rédiger un rapport formel d’interdiction de territoire en vertu des clauses du L44(1).
[38]
Le pouvoir discrétionnaire, tel qu’il est décrit dans le guide opérationnel ENF 5, « laisse aux agents la souplesse nécessaire pour gérer les cas »
; mais il ne s’agit pas d’un pouvoir discrétionnaire ou d’une compétence qui les autorise à tirer des conclusions déterminantes quant à l’interdiction de territoire. Ce guide jette, au moyen d’une liste de facteurs, un éclairage additionnel sur la nature du pouvoir discrétionnaire en question et sur le terme « peut »
employé au paragraphe 44(1) de la LIPR. Cette liste non exhaustive que les agents peuvent consulter lorsqu’ils évaluent les cas d’interdiction de territoire fondés sur des motifs non criminels comprend notamment la question de savoir si l’intéressé est déjà visé par une mesure de renvoi; si l’intéressé est déjà visé par un rapport distinct d’interdiction de territoire qui aboutira probablement à une mesure de renvoi; si l’intéressé est parfaitement renseigné sur le fait qu’il est interdit de territoire, et s’il y a une preuve quelconque de présentation erronée.
[39]
Il apparaît clairement, à la lecture de ces facteurs, que certains d’entre eux renvoient à des situations dans lesquelles un agent peut exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas établir le rapport visé au paragraphe 44(1), parce que l’établissement d’un rapport distinct en vertu de cette disposition donnerait lieu à un dédoublement des démarches de renvoi si la personne concernée est susceptible d’être visée, ou est déjà visée, par une mesure de renvoi. Aucun des facteurs énumérés n’indique que le pouvoir discrétionnaire de l’agent de ne pas établir le rapport visé au paragraphe 44(1) découle d’une compétence l’autorisant à déterminer lui‑même l’interdiction de territoire.
[40]
En l’espèce, rien n’indique qu’un rapport a été établi en vertu du paragraphe 44(1) ou que l’affaire avait été déférée au délégué du ministre. Cependant, durant l’entrevue, l’agent est parvenu à sa propre détermination quant à l’interdiction de territoire lorsqu’il a déclaré ceci : [TRADUCTION] « Vous êtes interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. Vous n’avez pas répondu “oui” à la question figurant sur votre demande d’AVE à savoir si vous aviez déjà été arrêté/accusé/déclaré coupable d’un crime »
. À cet égard, l’agent a agi sans disposer de la compétence requise et a commis une erreur lorsqu’il a tiré une conclusion quant à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations. À ce titre, le demandeur a été privé de l’équité procédurale à laquelle il avait droit aux termes des paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR.
B.
L’annulation de la demande d’AVE
[41]
Comme le fait remarquer le demandeur, le guide opérationnel ENF 4 : « Contrôles aux points d’entrée »
[ENF 4] prévoit qu’un agent des services frontaliers qui est délégué du ministre peut annuler une AVE lorsque certaines conditions sont remplies. Ce guide indique :
Conformément au BO PRG‑2016‑22 de l’ASFC, un agent des services frontaliers qui est un délégué du ministre (consulter le BO OPS‑2015‑12) peut annuler une AVE quand les critères suivants sont remplis :
● à la suite de l’établissement par l’agent d’un rapport en application du paragraphe L44(1);
● si l’étranger fait l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire prise par le délégué du ministre;
● à la suite d’un examen du rapport par un délégué du ministre qui conclut lui‑même que l’étranger est interdit de territoire en se fondant sur une étude minutieuse des faits et des éléments de preuve, et seulement après avoir satisfait à l’exigence en matière d’équité.
● Si le délégué du ministre n’a pas le pouvoir délégué de prendre une mesure de renvoi et qu’il défère plutôt le rapport à la Section de l’immigration (SI) pour enquête, la décision concernant l’annulation d’une AVE doit être reportée jusqu’à ce qu’une mesure de renvoi puisse être prise au terme de l’enquête.
● L’annulation d’une AVE ne doit pas se fonder uniquement sur le fait qu’une mesure de renvoi a été prise, à moins que l’agent ayant le pouvoir délégué ne conclue lui‑même que l’étranger est interdit de territoire. Les notes de l’agent doivent fournir des explications à ce sujet.
[42]
L’un des critères à remplir est « l’établissement par l’agent d’un rapport en application du paragraphe 44(1) »
(ENF 4, section 13.14 « Validité et annulation de l’AVE »
). Cependant, comme le rapport visé au paragraphe 44(1) n’a pas été établi en l’espèce, l’agent a commis une erreur lorsqu’il a invoqué l’interdiction de territoire pour fausses déclarations comme l’un des motifs d’annulation de l’AVE.
[43]
Le défendeur fait valoir que l’agent a dûment annulé l’AVE du demandeur, étant donné que ce dernier avait volontairement retiré sa demande d’entrée au Canada aux termes du paragraphe 42(1) de la RIPR. Il invoque l’alinéa 12.06e) du RIPR à l’appui de cet argument. Cette disposition prévoit que l’étranger détenant une AVE qui retire sa demande d’entrée au Canada n’est plus « habilité »
à en détenir une. Par ailleurs, l’article 12.07 du RIPR prévoit :
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[44]
Le défendeur soutient qu’il était raisonnable que l’agent annule l’AVE, compte tenu de la conversation qui s’est déroulée durant l’entrevue et de la preuve dont il disposait. Toujours d’après le défendeur, l’agent s’est fondé sur l’entrevue et sur des articles accessibles au public, lesquels donnaient à penser que le demandeur avait fait l’objet d’accusations.
[45]
Le demandeur fait toutefois remarquer que, même si les articles accessibles au public évoquent des enquêtes, ceux‑ci ne font mention d’aucune accusation formelle. Il affirme qu’il était déraisonnable de tirer une conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations sur la base de ces renseignements, étant donné que ces articles n’ont jamais clairement mentionné que des accusations avaient été portées.
[46]
À mon avis, il était raisonnable que l’agent annule l’AVE du demandeur au motif que ce dernier n’était plus habilité à détenir une telle autorisation après qu’il eut retiré sa demande d’entrée au Canada au titre du paragraphe 42(1) de la RIPR. Cela dit, l’agent a toutefois eu tort de conclure que de fausses déclarations justifiaient d’annuler l’AVE.
C.
La conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations
[47]
Le demandeur fait valoir que l’agent a eu tort de conclure qu’il avait fait une présentation erronée, étant donné qu’il n’avait jamais été accusé d’une infraction au Mexique. Il fait remarquer dans son affidavit qu’il a répondu « oui »
à une question qui évoquait des allégations portées contre lui, mais il affirme n’avoir jamais déclaré qu’il avait été accusé d’une infraction.
[48]
Le défendeur soutient que la conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations tirée par l’agent était raisonnable, attendu qu’elle reposait sur les réponses fournies par le demandeur dans sa demande d’AVE et à l’entrevue. Toujours d’après le défendeur, l’agent a présenté des renseignements accessibles au public au sujet d’allégations de blanchiment d’argent, et le demandeur avait la possibilité de dissiper ses préoccupations.
[49]
À mon avis, il était loisible à l’agent de former sa propre opinion quant à la présentation erronée alléguée en se fondant sur l’entrevue et sur la demande d’AVE du demandeur, compte tenu de la preuve dont il disposait. Le demandeur a déclaré dans sa demande qu’il n’avait jamais été accusé ou déclaré coupable d’une infraction. Puis, lorsqu’il n’a pas semblé totalement comprendre ce que signifiait le terme [TRADUCTION] « accusé »
durant l’entrevue, un interprète espagnol a été dépêché sur place pour lui expliquer le sens de ce terme dans le contexte d’une enquête criminelle. L’agent a fourni à l’interprète des instructions, pour que ce dernier explique au demandeur le sens du terme [TRADUCTION] « accusé »
et effectue une distinction entre ce concept et celui de déclaration de culpabilité. Le demandeur a ensuite déclaré [TRADUCTION] « comprendre […] à présent ce que signifie le terme accusé »
. Puis, lorsque l’agent lui a demandé s’il avait déjà été accusé de quoi que ce soit, le demandeur a répondu : [TRADUCTION] « Oui, je l’ai été »
– une réponse qui contredisait les renseignements fournis dans la demande d’AVE. Compte tenu de la preuve, il était raisonnable que l’agent ait formé l’opinion selon laquelle le demandeur pouvait être interdit de territoire pour fausses déclarations.
[50]
Mais comme je l’ai déjà noté, même s’il était loisible à l’agent de se faire une opinion quant à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, il n’avait pas le pouvoir de rendre une décision finale à cet égard; seuls le délégué du ministre et la SI sont habilités à faire une telle chose. Par conséquent, l’agent a eu tort de conclure que le demandeur avait fait une présentation erronée et qu’il était donc interdit de territoire.
VI.
Question certifiée
[51]
Il a été demandé aux avocats de chaque partie si des questions devaient être certifiées. Ils ont chacun précisé qu’aucune question de ce type ne se posait et je suis d’accord avec eux.
VII.
Conclusion
[52]
La décision de l’agent est déraisonnable et ce dernier a enfreint l’équité procédurale. L’agent a eu tort de déterminer lui‑même l’interdiction de territoire, car il n’avait pas la compétence requise pour ce faire. Dans un tel cas, il devait plutôt établir un rapport conformément au paragraphe 44(1) et le transmettre au délégué du ministre. Ayant agi sans compétence, il a privé le demandeur de l’équité procédurale dont il aurait bénéficié si la procédure adéquate avait été suivie. De plus, l’agent a commis une erreur en invoquant l’interdiction de territoire pour fausses déclarations comme motif d’annulation de l’AVE. Enfin, l’agent a eu tort de conclure que le demandeur avait fait une présentation erronée. Il ne pouvait tout simplement pas tirer une telle conclusion, pour les motifs susmentionnés.
[53]
Par conséquent, il est fait droit à la présente demande de contrôle judiciaire.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1773‑19 et IMM‑2874‑19
LA COUR STATUE que :
Les décisions à l’examen sont annulées et les affaires sont renvoyées à un autre agent pour nouvelle décision.
Aucune question n’est certifiée.
« Shirzad A. »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
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IMM‑1773‑19 et IMM‑2874‑19
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INTITULÉ :
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SERGIO ANTONIO REYES GARCIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 18 SEPTEMBRE 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE AHMED
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 17 JANVIER 2020
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COMPARUTIONS :
Lorne Waldman
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POUR Le demandeur
|
Kim Sutcliffe
|
POUR LES défendeurS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR Le demandeur
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LES DÉFENDEURS
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