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Date : 20020528

Dossier : T-1227-00

Référence neutre : 2002 CFPI 610

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2002

En présence de Monsieur le juge Blais        

ENTRE :

                                                           ADRIAN JOHN WATSON

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                                            SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE

                                    PAR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                                   défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une requête que le demandeur a présentée par écrit en vertu de la Règle 369 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue d'obtenir une ordonnance annulant celle que la Cour avait rendue le 26 avril 2002 et l'autorisant à déposer et signifier une demande de conférence préparatoire ainsi qu'un mémoire.

[2]                 Le demandeur aurait dû déposer une demande de conférence préparatoire au plus tard le 15 février 2002.

[3]                 Les parties tentaient alors d'en arriver à un règlement par des discussions constantes.

[4]                 Le demandeur a eu constamment l'intention de poursuivre la demande.

[5]                 L'avocat du demandeur a tenté de déposer une demande de conférence préparatoire le 10 avril 2002, soit deux semaines avant l'ordonnance portant rejet de l'action en l'espèce.

[6]                 Voici un extrait du mémoire en date du 25 avril 2002 qui m'a été présenté :

[TRADUCTION]

NATURE DE L'INSTANCE : poursuites générales de Sa Majesté.

[...]

Par suite d'un mémoire adressé à la Cour le 29 novembre 2001 (ONGLET C), la Cour (le juge Blais) a rendu le 5 décembre 2001 une ordonnance portant que l'action devrait se poursuivre. Les interrogatoires relatifs aux engagements et les interrogatoires préalables devaient être terminés au plus tard le 25 janvier 2002 et la demande de conférence préparatoire devait être déposée au plus tard le 15 février 2002 (ONGLET D).

Jusqu'à maintenant, aucune réponse n'a été reçue au nom du demandeur et la demande de conférence préparatoire n'a pas été déposée.

[...]

[7]                 Même si les allégations de ce mémoire étaient exactes, il n'y est nullement mentionné que le demandeur avait cherché à déposer une demande de conférence préparatoire le 10 avril 2002.


[8]                 L'avocate de la défenderesse a demandé qu'une conférence préparatoire soit fixée conformément à sa lettre datée du 25 mars 2002.

[9]                 La Cour ignorait totalement que l'avocat du demandeur avait tenté de déposer une demande de conférence préparatoire le 10 avril 2002.

Alinéa 399(2)a) des Règles de la Cour fédérale (1998)

[10]            Cette règle permet à la Cour d'annuler ou de modifier une ordonnance dans certains cas.


399. (2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants:

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;

[...]

399.(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; [...]


Caractère définitif d'une ordonnance

[11]            L'ordre public favorise fortement le caractère définitif des ordonnances des cours de justice, pour assurer non seulement la sécurité des opérations, mais aussi l'intégrité du processus judiciaire, ainsi qu'en a décidé la Cour dans Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 463 (C.A.F.).


[12]            De plus, toute demande visant à infirmer un jugement est exceptionnelle et doit être présentée avec diligence raisonnable. Cela étant dit, dans Zolfiqar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1790 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a statué comme suit :

[par. 12] Il est de règle générale que les décisions judiciaires sont définitives. Le réexamen est une exception restreinte à la règle de l'irrévocabilité. Les faits nouveaux survenus par suite de la prise d'une décision ou découverts ultérieurement à la prise d'une décision peuvent donner lieu à un réexamen. Un jugement obtenu par fraude peut également être réexaminé. Voir Les Règles de la Cour fédérale (1998), paragraphe 399(2). Toutefois, la partie qui cherche à obtenir un réexamen doit faire preuve de diligence raisonnable pour obtenir tous les renseignements pertinents antérieurs à la prise de la décision initiale. De plus, les nouveaux renseignements doivent en fait être nouveaux et ne doivent pas être les mêmes renseignements qui étaient auparavant disponibles, qui ont été présentés sous une autre forme ou donnés par l'entremise d'un autre témoin.

(Non souligné dans l'original.)

Cas dans lesquels la modification ou l'annulation d'une ordonnance est possible

[13]            Dans Annacis Auto Terminals (1997) Ltd. c. Cali (Le), [1999] A.C.F. n ° 1579 (C.F. 1re inst.), le protonotaire Hargrave a énoncé un critère à trois volets rigoureux à établir pour obtenir la modification ou l'annulation d'une ordonnance :

[par. 17] En règle générale, lorsqu'une ordonnance est rédigée et signée, ou rendue à l'audience (voir la règle 392(2)), elle est définitive sous réserve d'appel. Il y a toutefois certaines circonstances qui justifient une exception à cette règle.

[par. 20] [...] La règle 399 prévoit une exception, mais la partie qui présente la requête doit satisfaire un critère très rigoureux pour obtenir la modification ou l'annulation d'une ordonnance. Le critère est à trois volets : premièrement, il doit y avoir de nouveaux faits établis ou découverts après le prononcé de l'ordonnance; deuxièmement, la partie qui présente la requête doit démontrer que les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt malgré qu'elle ait exercé une diligence raisonnable; et, troisièmement, il faut établir que si les nouveaux faits avaient été mis en preuve dans l'action, l'ordonnance aurait probablement été différente : voir Re Saywack c. Canada (M.E.I.), [1986] 3 C.F. 189 (C.A.F.), à la p. 201 et suivantes, approuvant Dumble v. Cobourg and Peterbrough R.W. Co. (1881), 29 Gr. 121 (Ont. Ch.) et Canada c. Palmier (1998), 137 F.T.R. 71, à la page 73.

(Non souligné dans l'original.)

[14]            La défenderesse invoque deux décisions rendues en matière d'immigration : Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.), et Desouky c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] C.F. n ° 1541 (C.F. 1re inst.).


[15]            Dans la décision Guzman, précitée, le demandeur avait retenu les services d'un avocat qui ignorait les Règles de la Cour fédérale du Canada, notamment les règles applicables à l'immigration. Voici les remarques que le juge Teitelbaum a formulées au paragraphe 40 :

[par. 40] Je suis convaincu que la règle 399(2) n'a pas été conçue de façon à permettre la modification ou l'annulation d'un jugement définitif de la Cour parce que l'une des parties au jugement définitif a retenu les services d'un avocat qui, constate-t-on subséquemment, ne connaissait pas bien le droit ou les règles de pratique.

[16]            Dans l'arrêt Desouky, le juge Teitelbaum était également saisi d'une situation similaire et a statué comme suit :

            [par. 13] Malheureusement pour le demandeur, le manque d'expérience ou de connaissances de son avocate ne saurait être considéré comme un motif d'annulation d'un jugement définitif de la Cour.

[17]            Dans la présente affaire, je ne crois pas que l'avocat du demandeur ignorait les Règles de la Cour fédérale, puisqu'il a manifestement tenté de déposer une demande de conférence préparatoire le 10 avril 2002, ce qui indique qu'il comprenait les procédures découlant des Règles et la façon dont elles s'appliquent.

[18]            Cette découverte respecte les exigences de l'alinéa 399(2)a) des règles, puisqu'il s'agit d'un fait nouveau survenu ou découvert après que l'ordonnance ait été rendue. De plus, si la Cour avait été au courant de ce fait, le résultat de l'ordonnance initiale datée du 26 avril 2002 aurait été différent, ce qui satisfait au troisième élément du critère que le protonotaire Hargrave a énoncé dans Annacis Auto Terminals, précité.


                                           ORDONNANCE

[19]            En conséquence, conformément à l'alinéa 399(2)a) des règles,

LA COUR ORDONNE :

[20]            L'ordonnance de la Cour en date du 26 avril 2002 est annulée.

[21]            Le demandeur est autorisé à déposer et à signifier une demande de conférence préparatoire au plus tard le 7 juin 2002.

   

                                                                                           « Pierre Blais »     

                                                                                                             Juge                

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1227-00

INTITULÉ :                                                        Adrian John Watson c. Sa Majesté La Reine

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                     le 28 mai 2002

OBSERVATIONS ÉCRITES:

John D'Arcy Boulton                                                         POUR LE DEMANDEUR

Tracy King                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Boulton's Law Office

Sundre (Alberta)                                                                POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LA DÉFENDERESSE

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