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Date : 20010911

Dossier : IMM-6517-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1009

ENTRE :

                                           MAXIMO ANDRES FEBRES RIVEROS

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié (ci-après le "tribunal") datée du 28 novembre 2000, selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

FAITS


[2]                Le demandeur est né le 15 avril 1951 et est citoyen péruvien. Le demandeur allègue craindre d'être persécuté par la police péruvienne et par les terroristes du Sentier Lumineux, en raison d'opinions politiques imputées et de son appartenance au groupe social des syndicalistes.

[3]                Dans son formulaire de renseignements personnels ("FRP"), le demandeur indique qu'il a travaillé au sein de la compagnies Frio Lux à partir du mois de février 1985 en tant que technicien de réfrigération.

[4]                Au début février 1998 et ce pour la période 1998-1999, le demandeur aurait été élu, à la direction de l'unique syndicat de l'entreprise à titre de secrétaire de défense.

[5]                Le demandeur prétend également que le syndicat l'a nommé délégué afin qu'il représente les travailleurs au Comité de Coordination de la Centrale unitaire des travailleurs - Confédération générale des travailleurs du Pérou.

[6]                Le 16 juillet 1998, une grande mobilisation civique a eu lieu à l'échelle nationale du Pérou afin de réagir au programme socio-économique mené par le gouvernement Fujimori.

[7]                Vers 18h00, le demandeur aurait été arrêté par la police anti-émeute de Lima et emmené en compagnie de dix autres syndicalistes à la Préfecture de Lima.

[8]                Pendant ce séjour au commissariat, le demandeur aurait été qualifié d'agitateur politique, de révolté et de sympathisant terroriste. Le demandeur allègue avoir été relâché par la police vers minuit.

[9]                Le 8 avril 1999, le demandeur et M. Harold Ovalle, également délégué à la Centrale unitaire des travailleurs, se trouvaient dans les locaux de la compagnie Coldex qui comptait 400 ouvriers techniques et employés.

[10]            La présence du demandeur avait pour but de seconder M. Ovalle dans leur appel aux travailleurs pour se joindre à une grève nationale pour protester contre les abus du gouvernement.

[11]            À leur sortie, vers 20h00, le demandeur et M. Ovalle ont été interceptés par quatre hommes qui ont agrippé le demandeur et son collègue et les ont forcés à monter à bord de leur camionnette.

[12]            Le demandeur et son collègue ont été amenés dans une maison d'un bidonville dans la zone de Pampilla. Un des hommes s'est identifié comme les nouveaux combattants du parti communiste, Sentier Lumineux. Il a expliqué qu'il voulait que le demandeur et M. Ovalle conscientisent la classe ouvrière à l'idéologie de leur parti.

[13]            L'homme a sorti un document et a ordonné à M. Ovalle de le prendre. Le document a alors échappé des mains de M. Ovalle. À ce moment, l'homme qui leur parlait a sorti une arme à feu et a porté un coup terrible à la tête de M. Ovalle. La blessure s'est mise à saigner abondamment et M. Ovalle a perdu connaissance et s'est écroulé au sol. L'homme a alors indiqué au demandeur qu'il ne s'agissait que d'un avertissement.

[14]            L'homme a également expliqué au demandeur que son organisation était au courant de tous leurs déplacements et de leur circuit d'information à travers les usines de la capitale. Il a également indiqué que le demandeur et M. Ovalle allaient être surveillés par les espions de l'organisation afin de s'assurer qu'ils appliquent les consignes. Il a par la suite menacé le demandeur de représailles en cas de défaut.

[15]            Vers 22h30, le demandeur et M. Ovalle furent laissés près de la route qui menait à la Pampilla. Le demandeur et M. Ovalle ont pris un taxi et se sont rendus à l'Hôpital polyclinique de la Sécurité sociale à Le Callao.

[16]            Le demandeur a téléphoné au bureau de la Confédération générale des travailleurs du Pérou pour les informer de la situation. Le chargé du Front unique de la Confédération a conseillé au demandeur d'aller à la Direction nationale contre le terrorisme porter plainte et rapporter les faits.


[17]            Plus tard, le demandeur et M. Ovalle se sont rendus à la Direction nationale contre le terrorisme avec le document remis par le sentiériste. Dans ce document manuscrit, il était question de chercher l'appui de la classe ouvrière pour la réorganisation et la restructuration du parti communiste du Pérou ainsi que de recruter de nouveaux adeptes pour la lutte révolutionnaire contre le gouvernement de Fujimori.

[18]            À la Direction nationale contre le terrorisme, où le demandeur et son collègue sont restés pendant quatre heures, des officiers de police ont pris des notes et rédigé leur déclaration. Le demandeur et M. Ovalle ont également effectué une recherche des photos des terroristes afin d'identifier ceux qui les avaient enlevés et agressés. Ils ont également demandé la protection policière.

[19]            Pendant les trois semaines qui ont suivi, lors des tournées d'information dans les usines syndiquées à la Confédération, une escorte policière était présente lors des déplacements. Aucun incident ne s'est produit pendant ces vingt-et-un jours puis la protection policière a été retirée. La Police nationale du Pérou a expliqué qu'elle manquait de personnel pour continuer à fournir une escorte.

[20]            Le 6 mai 1999, vers 20h00, un groupe de sept personnes a violemment fait irruption dans le local du syndicat de l'usine Record où le demandeur se trouvait ainsi que M. Ovalle.

[21]            Le groupe était armé et cinq hommes ont dirigé leur armes vers les assistants de l'assemblée. Les deux femmes du groupe ont parcouru les rangs en distribuant des pamphlets.

[22]            Une fois la distribution des pamphlets achevée, les hommes ont ordonné au demandeur et M. Ovalle de les suivre sans résister. M. Ovalle a refusé d'obéir et un des membres l'a renversé au sol et lui a tiré une balle dans la jambe gauche.

[23]            Le coup de feu a alerté le gardien qui a déclenché la sirène d'alarme, ce qui a fait fuir les terroristes.

[24]            Les agents de la Direction nationale contre le terrorisme sont arrivés un peu plus tard. Ils les ont questionnés et ont examiné les pamphlets distribués par les terroristes.


[25]            Le 7 mai 1999, la Direction nationale contre le terrorisme a informé le demandeur que les barrages avaient permis d'arrêter trois hommes et une femme. Le demandeur fut convoqué pour une séance d'identification des suspects. Pendant cette séance, le demandeur a eu des doutes et en a fait part aux agents de la Direction nationale contre le terrorisme. Le demandeur ne voulait pas que des innocents soient injustement punis.

[26]            Le 11 mai 1999, M. Ovalle a formellement reconnu un des hommes et la femme comme les auteurs de l'attentat.

[27]            Les agents de la Direction nationale contre le terrorisme ont averti le demandeur et M. Ovalle qu'ils allaient être cités en tant que témoins au procès des terroristes.

[28]            Le 25 mai 1999, vers minuit trente, le demandeur a entendu le bruit d'un moteur sous ses fenêtres. En regardant, il a aperçu une voiture de couleur foncée qui se garait avec tous ses phares éteints. Le demandeur a trouvé cela suspect et a eu très peur.


[29]            Le demandeur s'est dirigé immédiatement vers l'arrière de la maison et a escaladé le mur du petit parc avoisinant. Alors qu'il s'éloignait, le demandeur a aperçu une silhouette sur le toit et un coup de feu a été tiré. Le demandeur a parcouru environ trois maisons en longeant le parc. Le demandeur a réussi à se rendre chez un voisin et à téléphoner à la police.

[30]            Le demandeur a été emmené au poste de police de Condevilla et fut par la suite transféré à la Direction nationale contre le terrorisme où il a fait une demande de garanties personnelles par crainte d'attentat contre sa vie. Sa demande fut refusée immédiatement sans explication.

[31]            Le 25 mai 1999, à 6h00, le demandeur a téléphoné M. Ovalle à son domicile. Un des membres de la famille de M. Ovalle a expliqué au demandeur que M. Ovalle avait été tué au cours de la nuit précédente par des terroristes du Sentier Lumineux. Le demandeur a quitté son domicile et s'est rendu à la Direction nationale contre le terrorisme où il a rencontré un officier.

[32]            Le demandeur a expliqué à l'officier qu'il voulait se cacher pour un certain temps. L'officier a toutefois insisté pour que le demandeur lui fournisse une adresse exacte et complète afin de faire parvenir au demandeur ses convocations en qualité de témoin en vue du procès.


[33]            Le demandeur a expliqué qu'il ne savait pas où il allait se cacher. L'officier s'est alors fâché et son ton est devenu menaçant. L'officer est alors sorti et, à son retour, a déposé le dossier du demandeur devant ce dernier. L'officier a expliqué au demandeur que le dossier indiquait que le demandeur avait été fiché en date du 16 juillet 1998 comme agitateur politique et suspect de relations avec la subversion. Se sentant coincé, le demandeur a fourni une adresse exacte, celle d'un proche, car en cas de refus, l'officier menaçait le demandeur de le garder en détention jusqu'à la tenue du procès.

[34]            En sortant de la Direction nationale contre le terrorisme, le demandeur a décidé de se cacher en attendant de partir à l'étranger afin d'éluder définitivement les tueurs du Sentier Lumineux ainsi que les problèmes avec la Direction nationale contre le terrorisme.

QUESTION EN LITIGE

[35]            Le tribunal a t-il erré dans son évaluation de la crédibilité du demandeur et a-t-il rendu une décision sans tenir compte des éléments de preuve?


ANALYSE

[36]            Le tribunal a t-il erré dans son évaluation de la crédibilité du demandeur et a-t-il rendu une décision sans tenir compte des éléments de preuve?

[37]            La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Aguebor c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) a indiqué, relativement à la norme de révision applicable aux conclusions de crédibilité et de plausibilité du tribunal:

Il est exact, comme la Cour l'a dit dans Giron, qu'il peut être plus facile de faire réviser une conclusion d'implausibilité qui résulte d'inférences que de faire réviser une conclusion d'incrédibilité qui résulte du comportement du témoin et de contradictions dans le témoignage. La Cour n'a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausibilité d'un récit du champ d'expertise du tribunal, pas plus qu'elle n'a établi un critère d'intervention différent selon qu'il s'agit de "plausibilité" ou de "crédibilité".

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[38]            Dans Razm c. M.C.I., [1999] A.C.F. no 373 (C.F. 1ère Inst.), le juge Lutfy a indiqué le critère de contrôle relativement à une conclusion d'un tribunal au sujet de la crédibilité d'un témoignage:


Il est reconnu, et de fait il est maintenant de droit constant, que la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Étant donné que les motifs de la décision qu'elle a rendue au sujet de la crédibilité doivent être énoncés en des termes clairs et explicites, cette cour n'interviendra que dans des circonstances exceptionnelles.

[notes de bas de pages omises]

[39]            Le demandeur en l'espèce, allègue que le tribunal a déraisonnablement conclu qu'il n'avait fourni aucune explication au sujet de son omission de revendiquer dans les pays où il a transité avant d'arriver au Canada. En effet, le demandeur indique qu'il a déclaré, lors de l'audition, que les arrangements de départ avaient été faits par un passeur avec une destination finale, soit le Canada.

[40]            À cet égard, le tribunal a conclu comme suit à la page 1 de sa décision:

Celui-ci aurait quitté son pays le premier juin 1999, aurait traversé neuf pays, pour finalement aboutir à la frontière canado-américaine, le 14 juillet 1999. Sept des pays où il a séjourné sont signataires de la Convention ou du Protocole. Il n'y a jamais demandé le statut de réfugié et il n'a pas expliqué son omission à l'audience. Cette omission n'est pas compatible avec la conduite d'un véritable réfugié.

[41]            Le demandeur, à la page 68 de la transcription de l'audience, a témoigné ainsi, relativement à la question de son périple du Pérou au Canada:

Vous êtes sorti de votre pays de quelle façon?

Q.           Par la voie terrestre et sans document.

-              Vous dites que vous avez eu l'aide d'un démarcheur.

Q.           Qu'est-ce qu'il a fait pour vous ou qu'est-ce qu'elle a fait pour vous?

R.           C'est un démarcheur qui cherche un passeur.

[...]


R.           Et on com... commence notre long pèlerinage jusqu'à arriver avec des faux documents. Alors, ils prennent des photos et ils, ils donnent des documents, des passeports, puis là on commence.

[42]            Puis à la page 81:

Q.           Ça vous coûté combien ce, ce ... périple et le passeur et tout ça?

R.           D'abord, en étant ici au Canada, j'ai su ce qui suit. Ils ont fait une entente, que le temps allait être de quinze (15) jours. Que de mon pays au Canada, quinze (15) jours. Ils ont convenu un prix. Mais à cause des graves problèmes qui existent en Amérique Centrale, on était obligé de rester dans certains pays deux (2), trois (3) jours. Cela a occasionné une dépense au coyote, parce qu'on a retardé quarante-quatre (44) jours. Alors, ils ont chargé ça à mon frère.

Mon frère... Mon frère évidemment ne s'est pas opposé à payer ça, parce que moi je suis arrivé avec... vivant.

[43]            Le témoignage du demandeur à l'audience n'explique pas pourquoi ce dernier n'a pas revendiqué le statut de réfugié dans les autres pays qu'il a traversés. Il explique seulement que son frère avait conclu une entente pour que le demandeur se rende au Canada. L'entente conclue n'empêchait pas le demandeur de revendiquer le statut de réfugié dans les autres pays. À mon avis, le tribunal n'a pas erré en concluant que le demandeur n'avait pas expliqué son omission de revendiquer le statut de réfugié dans les autres pays qu'il a traversés. De toute façon, cette conclusion du tribunal n'était pas déterminante pour le tribunal. Ainsi, je n'interviendrai que si les autres conclusions du tribunal ne sont pas raisonnables.


[44]            Au sujet de la validité du livret militaire et la conclusion du tribunal à l'effet que la photo du demandeur ne pouvait remonter à vingt-huit ans en arrière et que les explications du demandeur ne sont pas acceptables, le demandeur soutient que le tribunal n'est pas un expert quant à l'âge d'un individu présenté en photo.

[45]            Le demandeur a expliqué également qu'il n'a jamais déclaré que le livret militaire a été mis à jour récemment. D'ailleurs, l'état de vieillissement du livret dément clairement qu'une récente mise-à-jour a été faite. Le demandeur soutient que la conclusion du tribunal est déraisonnable.

[46]            Lors de l'audience et tel qu'il appert de la transcription à la page 72, l'échange suivant à eu lieu au sujet du livret militaire:

PAR LE MEMBRE AUDIENCIER (à la personne en cause)

Q.           Votre livret militaire a été fait, a été émis quand? Le savez-vous?

R.           Non, parce que ceci... c'est pas l'original, c'est un duplicata, parce que j'ai dû faire ressortir, parce que même la photo comporte plusieurs plusieurs années.

-              Bien là, ce que j'allais vous demander.

Q.           Quand est-ce que le duplicata a été fait?

R.           J'ai... je ne saurais vous le dire.

-              Parce que la photo qui est là, on dirait qu'elle a été prise la semaine dernière tellement vous vous ressemblez.

Et pourtant, on mentionne ici que...

PAR LE MEMBRE AUDIENCIER (à l'interprète)

Q.           Que veut dire fecha de expedition?

R.           Ça veut dire date...

PAR L'AGENTE CHARGÉE DE LA REVENDICATION (au membre audiencier)

-              D'émission.


[...]

PAR LE MEMBRE AUDIENCIER (à la personne en cause)

-              C'est marqué le 16 juin 72. Vous avez pas vieilli vous en vingt-huit (28) ans.

R.           72 ou 92?

-              72. Là, vous me donnez un document qui à sa face même dit qu'il est émis en 72, avec une photo qui a l'air d'être toute récente de vous. Ah, manifestement ce document là a un problème, d'accord.

[47]            Le demandeur a témoigné que le livret était un duplicata. Toutefois, il n'a pas témoigné que le livret avait été mis à jour récemment. Je ne crois pas que le tribunal pouvait conclure que le livret avait été mis à jour récemment à la lumière du témoignage du demandeur puisque ce dernier à même témoigné que la photographie "comporte plusieurs plusieurs années".

[48]            Il demeure toutefois que la date d'émission du livret date de 1972 et que le tribunal était d'avis que la photographie du demandeur qui y apparaît semble une photographie récente du demandeur puisqu'elle montre le demandeur tel qu'il était à l'audience. Le tribunal n'a pas accepté que la photographie avait été prise il y a vingt-huit ans, lorsque le demandeur avait 21 ans.

[49]            L'alinéa 68(3) de la Loi sur l'immigration indique:



68 (3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.


[50]          Le procureur du demandeur a admis devant le tribunal que la photographie sur le livret daté de 1972 était récente, ce qui sautait vraiment aux yeux.

[51]            Le tribunal n'avait nul besoin de faire appel à un expert pour déterminer l'âge du demandeur; d'ailleurs, là n'est pas la question.

[52]            La question relevée par le tribunal est surtout liée au fait que le demandeur semblait incapable de fournir des explications suffisantes quant à ces documents soit les pièces P-10, P-12 et P-13.

[53]            Dans l'affaire Ghazvini v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1994] F.C.J. No. 1550 (C.F.1ère Inst.), le juge Richard (maintenant juge en chef) a indiqué:

Counsel for the applicant vigorously challenged the tribunal's failure to give any weight to the arrest warrant submitted by the applicant. The Board had this to say in its reasons:

In regard to the copy of the arrest warrant the panel does not give it any weight. We see it as self-serving. Evidence such as this is easily concocted. Furthermore, the original was not made available to the panel.


The tribunal made a correct finding that the original was not made available to the panel. The applicant claims that he was provided with a copy of the warrant after he escaped and that it was given to his father-in-law by a Kurdish worker. Counsel for the applicant submits that it is patently unreasonably for the tribunal to see this document as self- serving and further submits that the tribunal did not make a clear finding as to the authenticity of this document. In my opinion, in the context of the tribunal's decision, it is clear that when the tribunal says that it gives the document no weight it is because it considers it to be false. Both the statement that the document was to be given no weight and that it was self-serving followed the tribunal's statement that it found the applicant not to be credible or trustworthy. The Board in its decision identified a number of inconsistencies and implausibilities in the evidence of the applicant as well as finding that the applicant had great difficulty in clarifying his answers to the most basic questions.

[54]            Il appert de cet extrait que le juge Richard considérait que le tribunal pouvait conclure qu'un document était faux sans avoir à exiger une expertise en raison de la conclusion du tribunal que le demandeur, dans cette cause, n'était pas crédible.

[55]            À mon avis, les raisons du tribunal pour étayer sa conclusion que les documents étaient frauduleux est raisonnable et je ne crois pas qu'il était nécessaire de demander l'analyse d'un expert puisque les problèmes des documents apparaissaient à leur face même et étaient évidents.

[56]            Pour ce qui est de la conclusion du tribunal relativement à l'heure de la mort de M. Ovalle, le demandeur explique qu'il a fait les déclarations concernant le décès de M. Ovalle selon les informations qu'il avait obtenues. De plus, il a déposé le certificat de décès en pièce P-6. Également, la pièce P-12 est le rapport de police rédigé par un officier de police. Le demandeur n'avait aucune implication dans la rédaction du document.


[57]            Le tribunal a noté à juste titre que les documents se contredisaient et qu'ils contredisaient le témoignage du demandeur qui a prétendu que M. Ovalle était mort pendant la nuit. Le tribunal avait déjà conclu que le document P-12 n'était pas crédible et était justifié de conclure que les documents douteux introduisaient des contradictions dans la preuve du demandeur. Je ne peux conclure que le tribunal a erré en concluant ainsi.

[58]            Au sujet de la fin des études en réfrigération du demandeur, ce dernier soutient que le tribunal a erré en indiquant que le demandeur n'a pas fourni d'explications puisque le demandeur a expliqué qu'il s'agissait de cours de quelques semaines et que c'était les diplômes obtenus après chaque cours.

[59]            J'ai examiné attentivement la transcription de l'audience et je n'ai pas retrouvé le passage où le demandeur aurait expliqué la nature des cours qu'il a suivis. De toute façon, il demeure que les diplômes du demandeur indiquent qu'il a terminé ses cours le 2 avril 1976 et le 2 octobre 1976 alors qu'il a indiqué sur son FRP qu'il avait terminé ses études en novembre 1976. La conclusion du tribunal que le demandeur n'a pas expliqué cette différence reflète donc la preuve.

[60]            Le demandeur allègue également que le tribunal a erré en concluant qu'il y avait une contradiction entre le fait d'être un employé pour Frio Lux et un membre du syndicat des employés de Frio Lux.

[61]            Il convient de souligner que le tribunal n'a pas trouvé une contradiction entre le fait d'être employé pour Frio Lux et être membre d'un syndicat des employés de Frio Lux mais que le tribunal a plutôt trouvé, à juste titre d'ailleurs, qu'il y avait une contradiction entre le fait de travailler comme technicien en réfrigération pour la compagnie Frio Lux alors que la pièce P-11 indique que le demandeur aurait été élu membre du Syndicat des enseignes lumineuses Frio Lux. La conclusion du tribunal était justifiée eu égard à la preuve présentée.

[62]            Le demandeur soutient également que le tribunal a erré dans l'appréciation des faits soumis en preuve, et qu'il n'a pas respecté la chronologie des événements lorsque il a conclu que le demandeur n'était pas crédible parce que la police a fourni une protection à un certain moment et plus tard, elle aurait refusé. Le demandeur indique que le durcissement des policiers est dû au fait qu'il refusait de souscrire à un faux témoignage.

[63]            À mon avis, la conclusion du tribunal n'est pas justifiée compte tenu du témoignage du demandeur. Le tribunal indique que le demandeur a témoigné qu'après la mort d'Ovalle, en mai 1999, on lui a refusé la protection parce que la police estimait qu'il était un agitateur politique puisqu'il aurait été arrêté lors d'une manifestation syndicale en juillet 1998.

[64]            En fait le demandeur n'a pas témoigné qu'on lui a refusé la protection parce qu'il était un agitateur politique. Il a témoigné à la page 62 que dans la nuit où M. Ovalle est décédé, il s'était rendu à la Direction nationale contre le terrorisme afin de demander la protection personnelle. Il a également témoigné que celle-ci lui fut refusée et qu'aucune explication ne fut fournie.

[65]            Un peu plus loin, à la page 65, le demandeur témoigne qu'après avoir appris le décès de M. Ovalle, il s'est dirigé directement à la Direction nationale contre le terrorisme afin d'exiger encore une fois une protection personnelle. Le demandeur n'a pas témoigné quant au refus de la Direction nationale contre le terrorisme de lui fournir une protection personnelle après le décès de M. Ovalle.

[66]            Le demandeur a plutôt témoigné qu'il a indiqué à la Direction nationale contre le terrorisme qu'il allait se cacher. C'est lorsque le demandeur n'a pas voulu donner d'adresse précise de l'endroit où il voulait se cacher que le policier a sorti son dossier relativement à la manifestation syndicale en juillet 1998. Il appert du témoignage du demandeur que le policier a durci le ton et évoqué le dossier du demandeur lorsqu'il fut question de la convocation à témoin qui devait lui être envoyée pour le procès contre le Sentier lumineux.

[67]            À mon avis, la conclusion du tribunal à ce sujet n'est pas raisonnable ni justifiée par la preuve.

[68]            Le demandeur soutient également que le tribunal a erré dans l'appréciation des faits sur les agissements du Sentier Lumineux et que le tribunal ne peut reprocher au demandeur les agissements du Sentier Lumineux.

[69]            Il relève du tribunal d'évaluer la crédibilité d'un témoignage et pour ce faire, le tribunal peut s'appuyer sur la preuve documentaire. Le tribunal en l'espèce a conclu qu'il n'était pas crédible que le Sentier Lumineux, une organisation très bien structurée selon la preuve documentaire, agisse de la façon décrite par le demandeur. Le tribunal était d'avis que le demandeur donnait du Sentier Lumineux une image de guérilleros d'opérette alors que le Sentier Lumineux est une organisation trop aguerrie et trop bien structurée pour agir de la sorte. Le tribunal ne reproche pas au demandeur les agissements du Sentier Lumineux. Le tribunal ne trouve tout simplement pas les explications du demandeur crédibles eu égard à la preuve. À ce niveau, la conclusion du tribunal était justifiée et raisonnable.


[70]            Relativement à la question à savoir si les agresseurs étaient masqués lors de l'enlèvement du 8 avril 1999, le demandeur soutient avoir été induit en erreur par le tribunal alors que le tribunal bombardait le demandeur de questions afin de le déstabiliser et de miner sa crédibilité.

[71]            D'après le demandeur, le ton utilisé par le tribunal avait pour but de le déstabiliser et de lui faire dire ce qu'il n'avait pas dit. D'ailleurs, le procureur du demandeur a reproché au tribunal cette façon de procéder.

[72]            À ce sujet, l'échange suivant à eu lieu lors de l'audience (page 27 de la transcription):

PAR L'AGENTE CHARGÉE DE LA REVENDICATION (à la personne en cause)

-              Et là surgissent des gens avec une camionnette noire, qui vous forcent à monter à bord du véhicule.

R.           Oui

Q.           Est-ce que ces personnes étaient à visage découvert?

R.           Non, ils avaient un passe-montagne, comme on les appelle.

Q.           Tous?

R.           Sauf la personne qui conduisait, qui était une femme.

puis à la page 31 de la transcription:

PAR LE MEMBRE AUDICENCIER (à la personne en cause)

Q.           Est-ce que les hommes ont toujours été masqués?

R.           Oui.

Q.           Tout le temps que vous avez été en leur présence, ils ont toujours été masqués?

R.           Oui, ils étaient masqués.


[73]            À la page 37 de la transcription, le demandeur explique:

PAR L'AGENTE CHARGÉE DE LA REVENDICATION (à la personne en cause)

-              OK, donc on est au bureau de la Dincote.

Q.           Qu'est ce que, qu'est-ce que vous avez fait là? Vous avez fait votre déclaration, mais qu'est-ce qui s'est passé?

R.           Il y avait un groupe de policier, ils allaient nous poser des questions...

- coupure de l'enregistrement-

PAR LE MEMBRE AUDIENCIER (à la personne en cause)

-              Oui, continuez.

R.           Alors, ils nous ont demandé d'identifier les terroristes, puis moi je leur ai dit qu'on pouvait pas voir leur visage.

PAR L'AGENTE CHARGÉE DE LA REVENDICATION (à la personne en cause)

-              Mais c'est ça, parce que vous dites ensuite, nous avons compulsé le registre, j'imagine, des gens recherchés. Ça laisse supposer que vous avez pu au mois en voir pour pouvoir...

Q.           Sinon, du moment que vous pouviez pas les reconnaître, ça sert à quoi d'aller compulser ce document-là?

R.           Mais leurs fonctions à eux, ils nous disaient, tout à coup vous pouvez reconnaître quelqu'un. Bien, on peut pas reconnaître personne.

[74]            En fait, le tribunal n'a posé que deux questions et c'est l'agente chargée de la revendication qui a posé les autres questions. L'échange qui précède ne démontre pas que les questions avaient pour but de déstabiliser le demandeur mais démontre que le tribunal et l'agente chargée de la revendication cherchait à clarifier l'histoire.


[75]            Le tribunal, à ce sujet, était d'avis que le demandeur a enrichi son témoignage d'éléments qui ne figurent pas dans son récit écrit, ce qui a même pour effet de le faire se contredire. Le tribunal a fait remarquer que le récit écrit ne parlait pas de ravisseurs masqués et décrivait plutôt une longue recherche dans l'album photo des terroristes. Le récit écrit du demandeur ne fait pas référence à des ravisseurs masqués. Je ne crois pas que le tribunal a erré en concluant que le demandeur enrichissait son récit lors de l'audience. Le demandeur a lui-même créé l'impression dans son FRP que les ravisseurs n'étaient pas masqués.

[76]            Dans l'affaire Basseghi c. M.E.I., [1994] A.C.F. no 1867 (C.F. 1ère Inst.), le juge Teitelbaum a indiqué:

Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.

[77]            À mon avis, le tribunal n'a pas erré en concluant comme il l'a fait, compte tenu de la preuve du demandeur.

[78]            Finalement, le demandeur soutient que le tribunal a malicieusement agit envers le demandeur afin de miner sa crédibilité. Le demandeur explique que la conclusion relative à l'absence de minimum de fondement entraîne des conséquences graves puisqu'en vertu de l'alinéa 49(1)f de la Loi sur l'immigration, le sursis d'exécution d'une mesure de renvoi dont est frappé un demandeur sera pour une période de sept jours seulement.


[79]            Le demandeur soutient qu'il était déraisonnable de conclure qu'aucun élément de preuve était digne de foi. Le demandeur allègue qu'il a fait la preuve que sa revendication avait un minimum de fondement. Tous les éléments soulevés par le tribunal étaient fallacieux et déraisonnables.

[80]            L'alinéa 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration prévoit:


(9.1) La décision doit faire état de l'absence de minimum de fondement, lorsque chacun des membres de la section du statut ayant entendu la revendication conclut que l'intéressé n'est pas un réfugié au sens de la Convention et estime qu'il n'a été présenté à l'audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour reconnaître à l'intéressé ce statut.

(9.1) If each member of the Refugee Division hearing a claim is of the opinion that the person making the claim is not a Convention refugee and is of the opinion that there was no credible or trustworthy evidence on which that member could have determined that the person was a Convention refugee, the decision on the claim shall state that there was no credible basis for the claim.


[81]            Dans l'affaire Foyet v. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. No. 1591, le juge Denault a indiqué:

Appliquant ces principes aux faits de l'espèce, le tribunal a conclu que dès lors qu'il avait jugé que le demandeur n'était pas crédible, il pouvait rejeter la revendication et ensuite conclure que la revendication du demandeur n'avait pas de minimum de fondement.

J'estime que le tribunal a commis, de ce fait, une erreur de droit en donnant à l'alinéa 69.1(9.1) une interprétation que l'arrêt Sheikh ne permet plus dans la mesure même où cet arrêt avait été rendu dans un cadre législatif tout à fait différent.

Dans Sheikh, la Cour d'appel fédérale était appelée à se prononcer sur la partie du paragraphe 46.01(6) de la Loi sur l'immigration alors que la détermination du statut de réfugié se faisait en deux étapes. La Cour a jugé qu'au premier palier d'audience, on commettait "une erreur de droit en appliquant le critère propre à l'instruction approfondie plutôt que le critère moins strict qui convient au premier palier".


Une interprétation trop libérale de l'arrêt Sheikh peut conduire à des résultats qui vont bien au-delà de la portée de cette affaire qui, rappelons-le, a été rendue en 1990, avant la réforme de la Loi sur l'immigration de 1992. Une analyse contextuelle de cette décision s'impose donc. D'abord, dans cette affaire, le juge MacGuigan avait lui-même tempéré les propos mentionnés plus haut, et que le tribunal a adoptés sans distinction, en affirmant que :

C'est le premier palier d'audience qui doit "estime[r] qu'il existe des éléments crédibles et dignes de foi". (...) C'est le premier niveau d'audience qui doit fonder sa décision sur des éléments de preuve qui sont considérés, évidemment par lui, comme crédibles ou dignes de foi en l'occurrence. Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes (...).

Le juge MacGuigan faisait ainsi une distinction entre la preuve subjective (le témoignage) et la preuve objective (la preuve documentaire).

[...]

À mon avis, on peut retenir de l'arrêt Sheikh, que lorsque la seule preuve reliant le demandeur au préjudice invoqué émane du témoignage de l'intéressé et que ce dernier est jugé non crédible, la section du statut peut, après une analyse de la preuve documentaire en venir à une conclusion générale d'absence de minimum de fondement. Mais dans les cas où il y une preuve documentaire indépendante et crédible, on ne peut conclure à l'absence de minimum de fondement. En l'espèce, j'estime que le tribunal a commis une erreur de droit en appliquant un énoncé général de l'arrêt Sheikh à une affaire qui devait être traitée dans le nouveau cadre législatif, et ce, sans même faire les analyses que recommandait cet arrêt.

Quant au nouvel alinéa 69.1 (9.1) de la Loi sur l'immigration, j'estime qu'il requiert, lui aussi, l'analyse de l'ensemble de la preuve, tant objective que subjective. [...]

Dans l'affaire Mahanandan, la Cour d'appel fédérale a par ailleurs affirmé que lorsqu'une preuve est apte à influer sur l'appréciation de la revendication qui est introduite à l'audience, la Commission doit indiquer l'impact que cette preuve a eu sur la revendication. Le juge en chef Isaac a écrit ceci:

Lorsqu'au cours d'une audience, la Commission admet une preuve documentaire du genre de celle qui est en cause en l'espèce, soit une preuve susceptible d'influer considérablement sur son appréciation de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention d'un appelant, il nous semble que la Commission doive dépasser la simple constatation de son admission de la preuve documentaire et qu'elle soit tenue aussi de préciser dans ses motifs l'impact, s'il en est, que cette preuve a eu sur la revendication du requérant. Comme je l'ai déjà dit, la Commission a omis de ce faire en l'espèce, et cette omission, à notre avis, porte un coup fatal à sa décision, qui ne peut être maintenue.

À mon avis, avant de conclure à une absence de minimum de fondement, le tribunal doit, en tout temps, examiner l'ensemble de la preuve. L'interprétation libérale de Sheikh ne peut se concilier avec l'alinéa 69.1 (9.1) de la Loi sur l'immigration.


Certes, le tribunal n'a pas à évaluer chaque élément de preuve explicitement dans ses motifs, mais étant donné la portée de la disposition en cause qui, rappelons-le, a été adoptée quelques années après l'affaire Sheikh, il faut tenir compte du contexte dans lequel Sheikh a été rendu. À mon avis, cet arrêt ne doit être suivi qu'avec circonspection lorsqu'un tribunal décide d'y référer pour conclure à une absence de minimum de fondement. Le fait pour le tribunal de conclure à la non-crédibilité du témoignage d'un demandeur ne peut engendrer, de facto, la mise en oeuvre de l'alinéa 69.1 (9.1) de la Loi sur l'immigration. Comme l'a souligné le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Seevaratnam:

À mon avis, la Commission a omis d'examiner toute la preuve soumise. Elle a simplement rejeté la demande de la demanderesse principale parce qu'elle a jugé qu'elle n'était pas crédible. Dans les circonstances de l'espèce, il existait d'autres éléments de preuve susceptibles d'influer sur l'appréciation de la demande. Ces autres éléments de preuve auraient donc dû être appréciés expressément.

Ainsi, pour établir la pertinence de la preuve documentaire, il faut dans tous les cas procéder à une analyse in extenso. Dans les cas où la preuve documentaire est pertinente, le tribunal est tenu de motiver expressément, à la lumière de la preuve objective, les raisons qui ont mené à l'application de l'alinéa 69.1 (9.1) de la Loi sur l'immigration. [...]

Dans la présente affaire, le tribunal a conclu que la revendication du demandeur ne possédait pas, aux termes de l'alinéa 69.1(9.1) un minimum de fondement après qu'il eût estimé que le demandeur n'avait présenté à l'audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour lui reconnaître le statut de réfugié.

Pour ce faire, la section du statut avait l'obligation d'apprécier l'ensemble de la preuve et d'expliciter de façon expresse les raisons qui l'ont poussé à conclure à l'absence de minimum de fondement. En négligeant d'évaluer expressément l'ensemble de la preuve tant subjective qu'objective, et en se concentrant exclusivement sur le témoignage du demandeur, le tribunal a commis une erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire. Par conséquent, sa décision quant à l'application de l'alinéa 69.1 (9.1) de la Loi sur l'Immigration doit être annulée.


[82]            En l'espèce, l'ensemble de la preuve, tant objective que subjective fut analysée par le tribunal et le tribunal a explicité de façon expresse les raisons qui l'ont poussé à conclure à l'absence de minimum de fondement. Le tribunal a jugé que la preuve documentaire fournie par le demandeur n'était pas crédible et a donné des raisons détaillées relativement à cette conclusion. Le tribunal a également jugé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible à la lumière de la preuve documentaire indépendante et crédible. À mon avis, le tribunal était en droit, après analyse détaillée de la preuve tant testimoniale que documentaire, de conclure à l'absence de minimum de fondement de la revendication du demandeur.

[83]            Bien que j'ai indiqué que le tribunal n'était pas justifié de conclure que la Direction nationale contre le terrorisme avait refusé de protéger le demandeur en raison de son arrestation lors de la manifestation syndicale en juillet 1998, compte tenu des autres raisons du tribunal qui supportent amplement la conclusion que le demandeur n'était pas crédible, je suis d'avis qu'il n'y a pas lieu d'intervenir en l'espèce. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[84]            Aucun des avocats n'a soumis de questions pour certification.

Pierre Blais                                       

Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 11 septembre, 2001


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                        IMM-6517-00

INTITULÉ:                                     MAXIMOS ANDRES FEBRES RIVEROS c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE:             MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L'AUDIENCE:           28 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLAIS EN DATE DU 11 septembre 2001

COMPARUTIONS

Me Odette DesjardinsPOUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Greg MoorePOUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me Odette Desjardins                                               POUR LA PARTIE DEMANDERESSE Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                 POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE Sous-procureur général du Canada


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