Date : 20030318
Dossier : T-222-01
Ottawa (Ontario), le mardi 18 mars 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON
ENTRE :
AMERICAN SPORTING GOODS CORPORATION
demanderesse
et
SEARS CANADA INC.
défenderesse
ORDONNANCE
La présente demande, en appel de la décision du registraire des marques de commerce en date du 7 décembre 2000, dans laquelle celui-ci a refusé à la demanderesse l'enregistrement de la marque de commerce NEVADOS sous le numéro de demande 781,939, est rejetée.
Les dépens de la demande sont adjugés à la défenderesse, selon le barème ordinaire pour le cas où les parties ne parviendraient pas à s'entendre sur le montant.
signé « Frederick E. Gibson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christine Gendreau, LL.B.
Date : 20030318
Dossier : T-222-01
Référence neutre : 2003 CFPI 320
ENTRE :
AMERICAN SPORTING GOODS CORPORATION
demanderesse
et
SEARS CANADA INC.
défenderesse
INTRODUCTION
[1] Les présents motifs font suite à une demande de contrôle ou de réexamen, peut-être plus exactement décrite comme un appel, d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a rejeté la demande d'American Sporting Goods Corporation (la demanderesse) en vue de l'enregistrement de la marque de commerce NEVADOS, sous le numéro 781,939. La demande de la demanderesse était fondée sur l'utilisation de la marque de commerce au Canada, dès mars 1994, en liaison à l'origine avec les produits suivants :
[traduction] Des sacs de voyages, des sacs d'école, des sacs fourre-tout, des sacs de forme polochon, des bagages à main, des sacs de sport de toutes sortes, des sacs à dos; des vêtements, à savoir des pantalons, des chemises, des shorts, des chandails, des pulls d'entraînement, des pantalons d'entraînement, des t-shirts, des manteaux et des bas; des chaussures, à savoir des bottes de randonnée, des sandales, des chaussures sport, des chaussures tout-aller, des bottes et des pantoufles, tous en cuir et en imitation de cuir[1].
[2] La demanderesse a produit sa demande d'enregistrement de la marque de commerce NEVADOS le 3 mai 1995. La demande a été modifiée le 28 mai 1998 de façon à restreindre l'état déclaratif des marchandises à ce qui suit :
[traduction] Des chaussures, à savoir des bottes de randonnée, des sandales, des chaussures de sport robustes et des bottes.
[3] La demande ou l'appel en l'instance a été présenté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce[2] (la Loi). Les paragraphes 56(1) et (2) de la Loi disposent :
56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.
(2) L'appel est interjeté au moyen d'un avis d'appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.
56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registraire under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registraire or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.
(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registraire and in the Federal Court.
[4] La décision du registraire qui fait l'objet du présent contrôle ou appel est datée du 7 décembre 2000.
LES PARTIES
[5] Les documents, nombreux, dont la Cour est saisie donnent peu d'information concernant la demanderesse, American Sporting Goods Corporation. On retrouve l'information la plus pertinente au dossier au paragraphe suivant de l'affidavit de John W. Thomas, en date du 30 avril 1998[3] :
[traduction]
8. American Sporting Goods Corporation distribue actuellement des chaussures de sport sous la marque de commerce AVIA dans toutes les régions du Canada. Les marchandises sont vendues par des distributeurs locaux qui sont répartis dans tout le Canada. American Sporting Goods Corporation entreprend en ce moment la distribution de bottes de randonnée et de chaussures de plein-air portant la marque de commerce NEVADOS. Ces chaussures seront vendues par les mêmes distributeurs qui font actuellement la distribution des chaussures de sport AVIA. Les bottes de randonnée et les chaussures de plein-air NEVADOS seront vendues au public dans les magasins d'articles de sport, les magasins de chaussures et les grands magasins. [Non souligné dans l'original.]
[6] La défenderesse Sears Canada Inc. (la défenderesse) est décrite en ces termes dans l'affidavit de Sharon Landry, attesté sous serment en septembre 1997[4] :
[traduction]
2. Sears est le plus grand détaillant canadien de marchandises diverses offertes au public à la fois dans des grands magasins et dans des comptoirs de vente par catalogue. Sears est en fait le seul détaillant canadien de marchandises diverses par catalogue. Le magasin Sears vend une grande variété de produits portant sa propre marque de commerce ou celle d'autres compagnies. Ces produits comprennent notamment des gros appareils ménagers, des outils et de la quincaillerie, des appareils électroniques de maison, des meubles, des articles de ménage, de la literie, des vêtements, des chaussures, des articles de bureau et des jouets. Sears exploite en ce moment 110 magasins de vente au détail et près de 1400 comptoirs d'agents d'indépendants de vente par catalogue à travers le Canada.
3. Sears est propriétaire des marques de commerce NEVADA, NEVADA JEANWEAR et NEVADA JEANSWEAR [...] qui sont largement employées en liaison avec une grande variété de produits de mode, d'accessoires, de chaussures pour hommes, femmes et enfants. Les marques de commerce NEVADA constitue l'une des plus importantes familles de marques de Sears étant donné qu'elles sont largement employées dans les rayons de la mode pour hommes, femmes et enfants de même que pour de nombreux autres produits.
4. Sears est propriétaire des marques de commerce canadiennes déposées sous le nom de nom de NEVADA et NEVADA JEANWEAR. La marque de commerce NEVADA JEANWEAR a été déposée le 18 janvier 1991 sous le numéro 378,286 pour des vêtements, à savoir des jeans, des pantalons, des manteaux, des jupes, des combinaisons-pantalons, des shorts, des chandails et des t-shirts. La marque de commerce NEVADA a été déposée le 28 janvier 1994 sous le numéro 422,608 pour des vêtements, à savoir des jeans, des pantalons, des manteaux, des jupes, des combinaisons-pantalons, des shorts, des chandails et des t-shirts; des chandails, des pulls d'entraînement, des pantalons d'entraînement, des maillots de bain, des cache-maillots, des vestons, des robes et des jupes-culottes; des accessoires, à savoir des sacs à main, des sacoches, des sacs de forme polochon et des sacs à dos, des foulards, des chapeaux, des ceintures, des gants, des mitaines, des lunettes de soleil et des bas; des chaussures, à savoir des chaussures de toutes sortes, des bottes et des pantoufles; des sous-vêtements, à savoir des culottes, des camisoles, des brassières, des combinaisons et des culottes courtes.
LES FAITS
[7] Tel qu'indiqué précédemment, la demanderesse a produit, le 3 mai 1995, une demande sous le numéro 781,939 en vue d'enregistrer la marque de commerce NEVADOS, sur la base de son emploi au Canada dès mars 1994, en liaison avec une grande variété de marchandises. Cette demande d'enregistrement a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 12 juin 1996.
[8] Le 12 août 1996, la défenderesse a produit sa déclaration d'opposition à la demande d'enregistrement de la marque NEVADOS. Le 10 janvier 1997, la demanderesse a signifié et produit une contre-déclaration en réponse et l'a par la suite modifiée le 6 octobre 1997. La défenderesse a pour sa part modifié sa déclaration d'opposition le 10 septembre 1997 et, de nouveau, le 18 janvier 1999. La défenderesse a fondé son opposition sur les motifs suivants tirés de la décision qui fait l'objet du présent appel :
[traduction] a) La marque NEVADOS pour laquelle un enregistrement est demandé n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce au motif qu'elle créée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'opposante [NEVADA, NEVADA JEANWEAR et NEVADA JEANSWEAR].
. . .
b) La requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur les marques de commerce parce que, à la date où la requérante prétend l'avoir en premier lieu employée, la marque NEVADOS créait de la confusion avec les marques de commerce NEVADA, NEVADA JEANWEAR et NEVADA JEANSWEAR qui étaient antérieurement employées au Canada par l'opposante en liaison avec les marchandises énumérées dans les états déclaratifs d'enregistrement des marques de commerce [ ...].
c) La marque de commerce de la requérante n'est pas distinctive suivant l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce parce qu'elle ne distingue pas les marchandises et n'est pas adaptée à les distinguer des marchandises de l'opposante en raison de l'emploi antérieur des marques de commerce NEVADA, NEVADA JEANWEAR et NEVADA JEANSWEAR en liaison avec les marchandises énumérées dans les états déclaratifs d'enregistrement des marques de commerce [ ...].[5]
[9] Comme je l'ai souligné plus haut, la demanderesse a, le 28 mai 1998, modifié son état déclaratif des marchandises en liaison avec la marque de commerce NEVADOS en la restreignant de façon considérable à ce que je décrirais comme étant des chaussures de spécialité.
[10] En termes quantitatifs, une preuve substantielle a été présentée au registraire tant de la part de la demanderesse que de la part de la défenderesse. Je reviendrai plus loin dans la présente décision sur la qualité de la preuve présentée.
LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE
[11] Après avoir relevé les motifs d'opposition cités en partie précédemment, le registraire, par le biais de son représentant, G.W. Partington, président de la Commission des oppositions des marques de commerce, a poursuivi en faisant remarquer :
[traduction] En décidant s'il y a risque probable de confusion entre la marque de commerce de la requérante et celle de l'opposante au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont spécifiquement énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. De plus, le registraire doit garder à l'esprit qu'il incombe ultimement à la requérante de démontrer qu'il n'est pas probable que sa marque de commerce crée de la confusion avec la marque de commerce déposée de l'opposante à la date de la décision, la date pertinente en ce qui a trait au motif de l'alinéa 12(1)d). [Enregistrabilité] ...[6]
[12] En ce qui concerne le premier motif d'opposition, soit l'enregistrabilité, le registraire est arrivé à la conclusion suivante :
[traduction] Compte tenu de ce qui précède [une analyse de « toutes les circonstances de l'espèce » pour l'appréciation du critère de la confusion suivant le paragraphe 6(5) de la Loi] et, en particulier, du degré de ressemblance entre la marque de commerce NEVADOS de la requérante et la marque de commerce déposée NEVADA de l'opposante, appliquées à des marchandises qui se chevauchent et qui pourraient être distribuées par les mêmes voies commerciales, en gardant également à l'esprit que l'opposante a démontré que sa marque de commerce déposée NEVADA, qui était en soi faible, est maintenant connue au Canada spécifiquement en liaison avec les vêtements, j'estime que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, soit de démontrer qu'il n'y a pas de risque probable de confusion entre les marques de commerce en litige. Par conséquent, le premier motif d'opposition est accueilli[7].
[13] Après avoir souligné que la marque de commerce NEVADOS de la demanderesse est en soi distincte tandis que celle de la défenderesse, NEVADA, possède un caractère inhérent relativement peu distinctif du fait de son importance géographique[8], le registraire est arrivé à la conclusion suivante en ce qui concerne le second motif d'opposition, soit la personne ayant droit à l'enregistrement :
[traduction] Compte tenu du degré de ressemblance entre la marque de commerce NEVADOS de la requérante et la marque de commerce NEVADA de l'opposante, appliquées à des marchandises qui pourraient être distribuées par les mêmes voies commerciales, et en gardant à l'esprit que l'opposante a démontré que sa marque de commerce déposée NEVADA, qui était en soi faible, est maintenant connue au Canada spécifiquement en liaison avec les vêtements, j'estime que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait relativement à la question de la confusion. Par conséquent, le second motif d'opposition est également accueilli[9].
[14] Le registraire a ensuite tranché le troisième motif d'opposition, essentiellement sans analyse plus approfondie, dans le court paragraphe suivant :
[traduction] Comme les motifs d'opposition énoncés aux alinéas 12(1)d) et 16(1)a) ont été accueillis, il s'ensuit que la marque de commerce de la requérante n'était pas distincte à la date de l'opposition. Le troisième motif d'opposition est donc également accueilli[10].
LES QUESTIONS EN LITIGE
[15] L'avocat de la demanderesse a, dans son mémoire des faits et du droit de près de trois pages complètes, longuement expliqué les questions en litige devant la présente Cour. Par contre, l'avocat de la défenderesse a ainsi brièvement énoncé les questions dont la Cour était saisie : premièrement, les nouveaux éléments de preuve « substantiels » présentés devant la présente Cour auraient-ils pu avoir un effet sur les conclusions du registraire concernant la question de la confusion? Deuxièmement, quelle est la norme de contrôle applicable à la décision du registraire? Troisièmement, la présente Cour devrait-elle modifier la décision du registraire portant que la demanderesse en l'espèce ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer l'absence de risque probable de confusion?
[16] Dans la partie de la présente décision intitulée « Analyse » , je reprendrai, de façon générale, l'exposé qu'a fait la défenderesse des questions en litige. Ceci dit, je me pencherai d'abord sur la question du fardeau de la preuve et des dates pertinentes. J'examinerai ensuite la question de la norme de contrôle applicable, puis celle de l'incidence, le cas échéant, de la nouvelle preuve présentée en l'espèce et, enfin, la question de fond consistant à savoir si, compte tenu de cette preuve et de la preuve dont le registraire était saisi, la présente demande ou le présent appel justifie l'intervention de la Cour.
LA CADRE LÉGISLATIF
[17] En plus de l'article 56 de la Loi, dont un extrait a été citée précédemment, une gamme de dispositions de la Loi ont une incidence sur le résultat de la présente demande ou du présent appel. Les dispositions de la Loi que j'estime pertinentes, outre l'article 56, sont reproduites à l'annexe des présents motifs.
ANALYSE
a) Fardeau de preuve et dates pertinentes
[18] Dans une demande ou un appel tel que celui-ci, le demandeur ou l'appelant a le fardeau de démontrer que le registraire a commis une erreur de droit ou qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur une interprétation erronée de la preuve dont il était saisi[11].
[19] Comme l'a souligné le registraire dans la décision en cause, la date pertinente en matière de contestation d'un enregistrement sur la base de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de la décision du registraire[12].
[20] La date pertinente relativement à la question du droit à l'enregistrement en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi est la date où le requérant ou son prédécesseur en titre a en premier lieu employé ou révélé la marque. En l'espèce, la demanderesse fait valoir que cette date est le mois de mars 1994. La terminologie employée au paragraphe 16(1) de la Loi rend cette constatation manifeste.
[21] Enfin, la date pertinente pour déterminer si la marque de commerce de la demanderesse est distincte est la date de la production de la déclaration d'opposition originale par la défenderesse, à savoir le 12 août 1996[13].
[22] Aucune des allégations susmentionnées n'ont été contestées pour l'essentiel dans la présente instance.
b) Norme de contrôle
[23] Dans l'arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltée[14], le juge Rothstein a dit, au nom des juges majoritaires de la Cour d'appel, au paragraphe [51]:
[...] Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire[15].
c) Les nouveaux éléments de preuve dont la Cour est saisie
[24] En termes quantitatifs, la Cour a été saisie de nouveaux éléments de preuve substantiels tant de la part de la demanderesse que de la défenderesse.
[25] Le nouvel élément présenté par la demanderesse était un affidavit de Russ English, le président d'Advanced Sports Inc., un grossiste de chaussures et de vêtements de sport. M. English atteste être le détenteur exclusif de la licence de la demanderesse en liaison avec les chaussures NEVADOS au Canada. Il affirme qu'Advanced Sports Inc. vend les chaussures NEVADOS au Canada « depuis 1998 » . Il n'a fourni aucune preuve concernant les ventes de chaussures NEVADOS au Canada avant cette année. M. English certifie que les ventes en gros aux différents détaillants à travers le Canada, exception faite de la défenderesse, avaient excédé 585 000 $ en 1998, 10 000 $ en 1999, 102 000 $ en 2000 et 9 000 $ en 2001 à la date de l'attestation de sa déclaration, soit le 23 mars 2001. Il affirme que le prix de détail des chaussures en question était, en moyenne, majoré de 50 %. M. English joint à sa déclaration, à titre de pièces, [traduction] « une sélection au hasard de copies de factures de clients [...] démontrant la vente à divers clients au Canada entre les années 1998 et 2001 » ainsi que les catalogues des années 1999 à 2001. Il a dit qu'Advanced Sports Inc. ne possédait plus de copie du catalogue de 1998.
[26] La défenderesse a présenté à la Cour un troisième affidavit de Sharon Landry, en date du 28 mai 2001. Le registraire avait été saisi de deux (2) affidavits antérieurs de Mme Landry qui attestait, dans son dernier affidavit, qu'elle était directrice des marques de commerce et des services administratifs pour la défenderesse.
[27] Dans son affidavit le plus récent, Mme Landry joint comme pièces des exemples supplémentaires de publicités montrant les chaussures NEVADA vendues au Canada depuis 1993 et une répartition des chiffres des ventes dont le registraire avait été saisi qui détaille les chiffres des ventes canadiennes de chaussures NEVADA depuis 1995. Elle fournit également sous serment deux (2) extraits des catalogues de 1993 qui montrent l'emploi de la marque de commerce NEVADA en liaison avec des chaussures; des chiffres à jour des ventes canadiennes pour les vêtements portant les marques de commerce NEVADA, indiquant des ventes de plus de 140 000 000 $ pour l'année 2000; les montants à jour des circulaires publicitaires et des catalogues distribués aux Canadiens de 1997 à 2001 ainsi qu'une estimation « conservatrice » des dépenses publicitaires liées aux chaussures NEVADA se chiffrant à plus de 450 000 $ par année pour la publicité par catalogue seulement.
[28] Mme Landry fournit aussi des éléments de preuve concernant la part substantielle du marché qu'occupent les bottes de randonnées NEVADA et les jeans pour femmes sur le marché canadien en l'an 2000 dans le but de démontrer que les vêtements et les chaussures sont souvent vendues par les même voies commerciales et que la défenderesse a vendu, depuis 1983 au moins, une variété d'autres marques de bottes de randonnées au Canada. Elle affirme qu'Advanced Sports Inc. vend certaines des chaussures de la demanderesse, spécifiquement des chaussures de sport, dans les magasins de détail de la défenderesse, bien que celles-ci portent une marque autre que NEVADA.
[29] Enfin, Mme Landry démontre que la ligne de produits NEVADA a été vendue et continue d'être vendue dans ses magasins et dans les magasins EATONS qui, à la date de son affidavit, étaient contrôlés par la défenderesse ou lui appartenaient.
[30] Ni M. English ni Mme Landry n'ont été contre-interrogés sur les nouveaux éléments de preuve présentés devant la Cour.
[31] Je suis convaincu que, qualitativement et quantitativement,les nouveaux éléments de preuve dont la Cour a été saisie « ...aurai[en]t pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire » . Cependant, en ce qui concerne la qualité de la preuve, je suis convaincu que les éléments présentés par M. English et, plus particulièrement, ceux présentés par Mme Landry dans son troisième affidavit auraient eu un effet sur les conclusions du registraire en faveur de la défenderesse et contre la demanderesse ou appelante.
d) Erreur susceptible de révision
i) Enregistrabilité - confusion avec une marque de commerce déposée
[32] Tel qu'indiqué précédemment, le registraire a conclu que la requérante ne s'était pas acquittée du fardeau ultime lui incombant de démontrer l'absence de risque probable de confusion entre les marques de commerce en cause en l'espèce. Pour arriver à cette conclusion, le registraire a, conformément au paragraphe 6(5) de la Loi, tenu compte de « toutes les circonstances de l'espèce » selon la preuve dont il était saisi, notamment du caractère distinctif inhérent des marques de commerce en litige et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, de la période pendant laquelle les marques ont été en usage, du genre de marchandises en question, de la nature du commerce et du degré de ressemblance entre les marques de commerce. L'analyse du registraire m'apparaît convaincante. J'estime que la conclusion à laquelle il est arrivé à l'issue de cette analyse est renforcée par les nouveaux éléments de preuve introduits devant la Cour.
[33] Bien que, comme le souligne le registraire, le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce NEVADA de la défenderesse et des marques qui y sont liées ne soit pas grand, particulièrement vu son importance géographique, et que le caractère descriptif des marques de commerce liées, eu égard aux marchandises avec lesquelles elles sont utilisées, ajoute peu au caractère distinctif inhérent, je suis convaincu que la question du caractère distinctif inhérent n'est pas en soi déterminante.
[34] Le registraire a poursuivi en faisant des commentaires sur la mesure dans laquelle les marques de commerce NEVADA sont devenues connues et la période pendant laquelle elles ont été en usage. Les nouveaux éléments de preuve présentés par la défenderesse renforcent ces deux considérations en sa faveur, alors que les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse tendraient à appuyer la conclusion portant que la marque de commerce NEVADOS n'a pas été utilisée par la défenderesse ou par quelqu'un pour son compte au Canada et n'est pas devenue connue au Canada avant 1998. À propos de la preuve présentée par la demanderesse concernant l'usage de la marque au Canada, le registraire a dit dans la décision faisant l'objet du présent appel qu'elle [traduction] « ne démontre pas que sa marque de commerce NEVADOS était utilisée à cette date [à savoir le 7 décembre 2000] au Canada ou que sa [celle de la demanderesse] marque est devenue connue dans une mesure quelconque dans notre pays » . Cette faiblesse de la preuve de la demanderesse pour la période antérieure à 1998 est confirmée, plutôt que réfutée, par les nouveaux éléments de preuve de la demanderesse.
[35] Le registraire a conclu :
[traduction] J'estime que tant la mesure dans laquelle les marques de commerce en litige sont devenues connues que la période pendant laquelle elles ont été en usage en liaison avec les vêtements pour hommes, femmes et enfants jouent en faveur de l'opposante [la défenderesse].
[36] S'agissant de la norme de contrôle fournie dans l'arrêt Brasseries Molson, précité, j'estime que les nouveaux éléments de preuve dont la Cour est saisie appuient la conclusion du registraire tant en ce qui concerne les vêtements que, dans une moindre mesure, les chaussures. Cet appui de la preuve relativement aux chaussures s'accentue dramatiquement pour la période postérieure à 1997 allant jusqu'à la date de la décision du registraire.
[37] Le registraire s'est penché en même temps sur les facteurs « genre de marchandises » et « nature du commerce » , énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi. Il a dit :
[traduction] Il y a chevauchement entre les « chaussures, à savoir des bottes de randonnée, des sandales, des chaussures de sport robustes et des bottes » de la requérante et les « chaussures, à savoir des chaussures de toutes sortes, des bottes et des pantoufles » énumérés dans l'enregistrement [...] de la marque NEVADA. De plus, je pense qu'il y a un chevauchement potentiel de la nature du commerce des parties.
Ces deux conclusions sont renforcées par les nouveaux éléments de preuve dont la Cour est saisie. Je conclus de nouveau, en me fondant sur le critère utile fourni par l'arrêt Brasseries Molson, précité, que l'ensemble de la preuve joue contre la demanderesse et en faveur de la défenderesse.
[38] Le cinquième facteur énuméré au paragraphe 6(5) de la Loi est le degré de ressemblance entre les marques de commerce. Le registraire est parvenu à la conclusion suivante relativement à ce facteur :
[traduction] Je ne crois pas que le consommateur moyen penserait que ces marques ont quelque chose en commun.
De nouveau, vu l'ensemble de la preuve, j'arrive aux mêmes conclusions que le registraire, les nouveaux éléments de preuve n'ayant pas d'incidence significative sur cette question.
[39] Le registraire a ensuite examiné le facteur « autres circonstances de l'espèce » . Je ne suis pas convaincu que les nouveaux éléments de preuve sont pertinents à cet égard.
[40] Je cite encore une fois la conclusion du registraire concernant la confusion et son incidence sur le caractère enregistrable de la marque :
[traduction] Compte tenu de ce qui précède et, en particulier, du degré de ressemblance entre la marque de commerce NEVADOS de la requérante et la marque de commerce déposée NEVADA de l'opposante, appliquées à des marchandises qui se chevauchent et qui pourraient être distribuées par les mêmes voies commerciales, en gardant également à l'esprit que l'opposante a démontré que sa marque de commerce déposée NEVADA, qui était en soi faible, est maintenant connue au Canada spécifiquement en liaison avec les vêtements, j'estime que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, soit de démontrer qu'il n'y a pas de risque probable de confusion entre les marques de commerce en litige.
[41] Vu l'ensemble de la preuve dont le registraire était saisi et les nouveaux éléments de preuve présentés en l'espèce, et reprenant son analyse de la preuve antérieure, renforcée par les nouveaux éléments de preuve, j'arrive à la même conclusion que le registraire sur cette question.
ii) Personne ayant droit à l'enregistrement - paragraphe 16(1) de la Loi
[42] Je cite ici de nouveau la conclusion du registraire sur cette question :
[traduction] Compte tenu du degré de ressemblance entre la marque de commerce NEVADOS de la requérante et la marque de commerce NEVADA de l'opposante, appliquées à des marchandises qui pourraient être distribuées par les mêmes voies commerciales, et en gardant à l'esprit que l'opposante a démontré que sa marque de commerce déposée NEVADA, qui était en soi faible, est maintenant connue au Canada spécifiquement en liaison avec les vêtements, j'estime que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait relativement à la question de la confusion. Par conséquent, le second motif d'opposition est également accueilli.
[43] Les nouveaux éléments de preuve dont la Cour est saisie ne sont pas significatifs en ce qui concerne les circonstances qui existaient en mars 1994. Ceci dit, j'estime encore une fois, en m'appuyant sur la preuve dont il était saisi, que l'analyse du registraire sur cette question est convaincante. Selon la norme de la décision correcte, si tant est que cette norme soit appropriée en l'espèce, et assurément selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, je suis convaincu que la décision du registraire doit être maintenue.
iii) Caractère distinct
[44] Le registraire a, pour l'essentiel, choisi de ne pas examiner cette question. Il a dit, et je cite de nouveau un extrait des motifs de sa décision :
[traduction] Comme les motifs d'opposition énoncés aux alinéas 12(1)d) et 16(1)a) ont été accueillis, il s'ensuit que la marque de commerce de la requérante n'était pas distincte à la date de l'opposition. Le troisième motif d'opposition est donc également accueilli.
[45] J'estime que, selon la norme de la décision correcte, il était loisible au registraire d'arriver à cette conclusion.
CONCLUSION
[46] Conformément à l'analyse qui précède, la présente demande ou le présent appel est rejeté.
[47] Les deux parties ont demandé l'adjudication des dépens de la présente demande ou du présent appel. J'estime que ceux-ci doivent suivre l'issue de la cause. Par conséquent, les dépens sont adjugés à la défenderesse et seront calculés de la façon ordinaire dans le cas où les parties ne s'entendraient pas sur le montant des frais.
(signé) Frederick E. Gibson
______________________________
Juge
Ottawa (Ontario)
18 mars 2003
Traduction certifiée conforme
Christine Gendreau, LL.B.
ANNEXE
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
...
« créant de la confusion » Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s'entend au sens de l'article 6.
...
« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.
...
6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.
(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
...
2. In this Act,
...
"confusing", when applied as an adjective to a trade-mark or trade-name, means a trade-mark or trade-name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6;
...
"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;
...
6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.
(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.
...
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre de marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce;
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
...
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:
...
d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;
...
16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 38, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n'ait créé de la confusion_:
a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;
...
(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including
(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;
(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;
(c) the nature of the wares, services or business;
(d) the nature of the trade; and
(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.
...
12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not
...
(d) confusing with a registered trade-mark;
...
16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with
(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;
...
19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.
...
19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.
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COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-222-01
INTITULÉ : AMERICAN SPORTING GOODS CORPORATION c.
SEARS CANADA INC.,
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : 8 JANVIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE GIBSON
COMPARUTIONS :
Chantal Bertosa et POUR LA DEMANDERESSE
Victoria Carrington
Mark. L. Robbins POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shapiro, Cohen POUR LA DEMANDERESSE
112, rue Kent, bureau 2001
Ottawa (Ontario)
K1P 6P1
Bereskin & Parr POUR LA DÉFENDERESSE
40e étage, Scotia Plaza
40, rue King Ouest
Toronto (Ontario)
[1] Dossier de la demanderesse, onglet 2, page 8.
[2] L.R.C. (1985), ch. T-13.
[3] Dossier de la demanderesse, volume 2, onglet 8, page 293.
[4] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 5, pages 24 et 25.
[5] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, pages 8 et 9.
[6] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, page 9.
[7] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, page 14.
[8] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, page 15.
[9] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, page 16.
[10] Dossier de la demanderesse, volume 1, onglet 2, page 16.
[11] Hugo Boss AG c. Paragon Clothing Ltd.(1994), 58 C.P.R. (3d) 504, à la page 510 (C.F. 1re inst.).
[12] Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.).
[13] Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.).
[14] (2000), 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.).
[15] Pour consulter des décisions plus récentes sur la même question, voir Astrazeneca AB c. Novopharm Limited et al [2003] A.C.F. no 166, aux paragraphes 8 et 12, publiée après l'instruction de la présente demande.