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Date : 20011213

Dossier : T-458-97

Référence neutre : 2001 CFPI 1383

ENTRE :

                                                             ROBERT MICHAUD et

                                                                 ADHÉSITECH INC.

                                                                                                                                               Demandeurs/

                                                                                                                    défendeurs reconventionnels

                                                                                   et

                                                                     SOPREMA INC.

                                                                                   

                                                                                                                                              Défenderesse/

                                                                                                              demanderesse reconventionnelle

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 La Cour est saisie d'une requête de la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) en vertu de la règle 75 des Règles de la Cour fédérale (/998) (les règles) aux fins d'amender sa défense et demande reconventionnelle (la défense).


[2]                 La défenderesse requiert également le droit de procéder à l'interrogatoire au préalable des demandeurs et défendeurs reconventionnels (les demandeurs) sur les amendements apportés ou qui pourraient être apportés de nouveau par eux à leur réponse et défense à la demande reconventionnelle amendée.

Contexte

[3]                 La présente requête est produite dans le cadre d'une action en contrefaçon du brevet canadien numéro 1,298,951 intentée le 18 mars 1997.

[4]                 Le 4 février 1998, s'y est greffée une demande reconventionnelle visant à faire invalider le brevet ou, dans l'alternative, à faire déclarer MM. Denis Faucher et Gilbert Lorenzo seuls inventeurs de l'invention décrite et revendiquée au brevet et à déclarer leur employeur, Soprema Inc., unique titulaire des droits sur le brevet.

[5]                 Le 14 septembre 1998, une réponse et défense à la demande reconventionnelle fut signifiée à la défenderesse.

[6]                 Les interrogatoires des demandeurs, avant et après défense, soit sur la déclaration et sur la réponse et défense à la demande reconventionnelle, eurent lieu en mai et juin 1997, ainsi qu'en janvier 1999.

[7]                 Entre janvier et septembre 1999, les demandeurs changèrent de procureurs trois (3) fois dû au décès de deux de leurs procureurs.

[8]                 Le 5 septembre 1999, l'action fut rejetée pour défaut d'avoir répondu à l'avis d'examen de l'instance, mais ré-instituée par ordonnance du 30 novembre 1999 à titre d'instance à gestion spéciale.

[9]                 Par lettre datée du 3 décembre 1999, la défenderesse consentit au dépôt d'une réponse et défense à la demande reconventionnelle amendée, tout en se réservant le droit d'interroger les demandeurs sur ces amendements à une date ultérieure.

[10]            Le 17 janvier 2000, les demandeurs déposèrent la réponse et défense à la demande reconventionnelle amendée, à laquelle avaient été rajoutés, entre autres, les paragraphes 36 à 90.

[11]            Le 6 mars 2000, suite à la ré-institution de l'action du 30 novembre 1999, la Cour imposa l'échéancier suivant aux parties :

           -           échange de l'affidavit de documents de chaque partie au plus tard le 8 mai 2000;

           -           fin des interrogatoires au préalable au plus tard le 20 juin 2000; et

           -           dépôt d'une demande de conférence préparatoire par les demandeurs au plus tard le 6 septembre 2000.

[12]            Les parties s'échangèrent leur liste de documents au mois de mai 2000. Toutefois, la défenderesse ne reçut copie des documents des demandeurs qu'en décembre 2000.

[13]            Les 16 et 17 août 2000, les demandeurs procédèrent aux interrogatoires au préalable de la défenderesse.

[14]            Par ordonnance du 20 octobre 2000, étant donné le non-respect de certains délais prescrits dans l'ordonnance du 6 mars, la Cour ordonna aux demandeurs de justifier pourquoi la cause ne devrait pas être rejetée pour cause de retard et ordonna aux parties de soumettre un échéancier.

[15]            Par la suite, le 20 novembre 2000, la Cour ordonna que les parties « et spécialement les demandeurs à qui revient la tâche de voir au progrès de ce dossier et au respect des ordonnances de cette Cour » agissent selon l'échéancier suivant :

           -           dépôt d'une requête pour scission au plus tard le 15 décembre 2000;

           -           discussions de règlement dans les quinze (15) jours suivant l'ordonnance sur ladite requête (rendue le 7 décembre 2000); et

           -           dépôt de la demande de conférence préparatoire dans les quarante-cinq (45) jours suivant l'ordonnance sur la requête pour scission.

[16]            En décembre 2000, copie des documents cités dans l'affidavit de documents des demandeurs fut mise à la disposition de la défenderesse.


[17]            Le 8 février 2001, les demandeurs déposèrent une demande et un mémoire de conférence préparatoire, qui fut ensuite fixée pour le 20 mars 2001.

[18]            Le 7 mars 2001, la défenderesse changea de procureurs.

[19]            Le 14 mars 2001, suite à la requête de la défenderesse du 9 mars 2001, la Cour permit la remise du dépôt du mémoire de conférence préparatoire de la défenderesse au 6 juin 2001 et de la conférence préparatoire au 14 juin 2001.

[20]            Dans son mémoire de conférence préparatoire, la défenderesse avisa les demandeurs qu'elle avait l'intention d'amender la défense et demande reconventionnelle suite à la révision du dossier entreprise par ses nouveaux procureurs.

Analyse

[21]            Il m'appert qu'il va de soi que si les amendements recherchés par la défenderesse sont autorisés, le droit des parties de procéder et de compléter leurs interrogatoires au préalable suivra cette autorisation. Il y a donc lieu de regarder si la requête de la défenderesse en amendements doit être accueillie.

[22]            À l'égard des principes applicables en matière d'amendements d'actes de procédure, le passage suivant tiré de l'arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), en page 10, reflète bien le libéralisme certain dont la Cour doit faire preuve en la matière :

... même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

[23]            L'on peut rajouter à ces propos, en guise de toile de fond, qu'en matière d'amendement, à l'instar d'une demande de radiation d'une procédure, l'on doit permettre l'amendement à moins qu'il soit clair et évident que l'amendement est voué à l'échec (voir Raymond Cardinal et al. c. Her Majesty the Queen, décision non rapportée de la section d'appel de cette Cour en date du 31 janvier 1994, dossier A-294-77, juges Heald, Décary et Linden).

[24]            Dans l'arrêt Visx v. Nidek, [1998] F.C.J. No 1766, la Cour d'appel fédérale a également remis à l'ordre du jour les propos suivants tirés d'un arrêt de 1886 :

The rule of conduct of the Court in such a case is that, however negligent or careless may have been the first omission, and however late the proposed amendment, the amendment should be allowed, if it can be made without prejudice to the other side. There is no injustice if the other side can be compensated by costs; but, if the amendment will put them into such a position that they must be injured, it ought not to be made.

(mes soulignés)

[25]            Les demandeurs s'opposent aux amendements proposés par la défenderesse au motif que ceux-ci créent une nouvelle cause d'action et qu'ils sont de nature à leur causer un préjudice irréparable.

[26]            Quant aux amendements proposés, les demandeurs dénoncent le fait que la défenderesse cherche maintenant à changer de cap radicalement quant à la validité du brevet en cause. Ils soutiennent que les arguments d'invalidité du brevet soulevés par la défenderesse sont de la nature d'une nouvelle cause d'action puisque selon eux la validité du brevet était initialement admise par la défenderesse.

[27]            Je ne puis souscrire à l'approche des demandeurs.

[28]            Il m'appert que l'invalidité du brevet était déjà présente à la défense et que la défenderesse ne cherche maintenant qu'à ajouter une base d'invalidité. Cette nouvelle base tout comme les arguments de prescription et de fin de non-recevoir ne sont pas de nature à créer une cause d'action entièrement différente de celle présente à la défense à un stade tardif comme c'était le cas dans l'arrêt Ketteman cité en page 11 dans l'arrêt Canderel, supra.

[29]            Quant au préjudice que pourraient entraîner les amendements recherchés, je ne suis pas d'avis qu'ils soient de nature à causer aux demandeurs un préjudice qui ne saurait être compensé par un octroi de dépens.


[30]            Je ne pense pas à ce stade-ci que l'on puisse regarder les amendements recherchés comme étant de nature frivole ou cherchant à élargir indûment le débat entre les parties. Ces amendements m'apparaissent plus vouloir circonscrire davantage les véritables questions en litige.

[31]            La requête de la défenderesse sera donc accueillie suivant un échéancier protégeant les droits des parties découlant de cet amendement.

[32]            Quant aux dépens devant être rattachés à la présente requête et aux procédures qu'elle entraîne, il m'appert qu'ils doivent être supportés par la défenderesse.

[33]            En effet, c'est elle qui rouvre le débat à un stade assez avancé du dossier. En effet, nonobstant les reproches qui ont pu être portés à l'encontre des demandeurs dans les étapes précédant la conférence préparatoire, c'est la défenderesse au stade de celle-ci qui, à la faveur de nouveaux procureurs au dossier, a soulevé la possibilité d'amender sa défense. Les amendements apportés vont : amener les demandeurs à amender leur réponse et défense à la demande reconventionnelle amendée, entraîner un complément au niveau des interrogatoires au préalable ainsi que la tenue d'une deuxième conférence préparatoire. Les dépens quant à toutes ces étapes ou inconvénients additionnels doivent être supportés par la défenderesse pour un montant de 4 500 $.


[34]            Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau                                                 

protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 13 décembre 2001


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-458-97

ROBERT MICHAUD et

ADHÉSITECH INC.

                                                                     Demandeurs/

                                             défendeurs reconventionnels

et

SOPREMA INC.

                                                                    Défenderesse/

                                      demanderesse reconventionnelle


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 5 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :13 décembre 2001

ONT COMPARU:


Me Margaret Weltrowska

pour les demandeurs/défendeurs reconventionnels


Me Anne-Marie Jutras

pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:



Fraser Milner Casgrain

Montréal (Québec)

pour les demandeurs/défendeurs reconventionnels


Jutras et Associés

Drummondville (Québec)

pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle


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