Date : 20030304
Dossier : IMM-2793-01
Référence neutre : 2003 CFPI 272
ENTRE :
ABDUS SALAM SHEIKH
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision par laquelle une agente des visas du Haut-commissariat du Canada à Londres a refusé de revoir sa décision de rejeter la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur à titre de membre de la catégorie des demandeurs indépendants, en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée, et de ses règlements.
[2] M. Sheikh a été évalué comme un entrepreneur et contremaître en mécanique, profession décrite au point no 7216.0 de la Classification nationale des professions (CNP). Après avoir examiné la demande, l'agente des visas a apprécié le demandeur au moyen de l'annexe I du Règlement, où sont décrites les différentes qualités qui doivent être prises en compte. Elle lui a attribué 54 points au total, dont 5 points pour les études et 4 points pour l'expérience. Or, il faut qu'au moins 70 points soient attribués pour qu'une personne soit admise au Canada et au moins 60 points pour qu'une entrevue ait lieu. En conséquence, l'agente des visas a poursuivi l'examen de la demande sur la foi des documents présentés. Le demandeur a appris par lettre, le 30 novembre 2000, qu'il n'était pas admissible et que sa demande était rejetée parce qu'il n'avait pas obtenu un nombre suffisant de points d'appréciation pour immigrer au Canada.
[3] Dans une lettre envoyée en décembre 2000, M. Sheikh a contesté cette décision en faisant référence en particulier à ses études et à son expérience. L'agente des visas a réexaminé son dossier, a confirmé son appréciation de ces deux facteurs et a envoyé une lettre confirmant le rejet le 8 janvier 2001. L'agente a indiqué ce qui suit dans cette lettre :
[traduction] Même si 10 points vous étaient attribués pour vos études, vous n'auriez pas un nombre suffisant de points pour immigrer au Canada.
Dans une lettre datée du 17 février, le demandeur a contesté cette décision, en soulignant que, comme il avait un diplôme d'études secondaires ainsi qu'un diplôme dans son champ d'expertise, il aurait dû obtenir 13 points pour le facteur études. M. Sheikh a été avisé, par une lettre datée du 23 mars 2001, que la décision de rejeter sa demande était maintenue.
[4] Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur soulève des questions au sujet de l'appréciation que l'agente a faite de ses études et de son expérience. Il prétend aussi que sa demande n'a pas été examinée de manière équitable.
Points attribués pour les études et l'expérience
[5] Après avoir examiné les documents relatifs aux études qui lui avaient été présentés, l'agente des visas a attribué 5 points pour ce facteur, en conformité avec l'annexe I du Règlement, laquelle prévoit que 5 points sont attribués lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, mais qu'il ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu. Le demandeur soutient qu'on aurait dû tenir compte du fait qu'il a terminé un programme menant à l'obtention d'un diplôme ou d'un certificat d'apprentissage exigeant au moins un an d'études à temps plein en salle de cours dans un établissement postsecondaire et, comme condition d'admission, l'obtention d'un diplôme d'études secondaires ne permettant pas d'être admis à l'université. En conséquence, 13 points auraient dû lui être attribués.
[6] On fait valoir pour le compte du demandeur que les conclusions de l'agente concernant le type de diplôme d'études secondaires et la qualification de membre d'un corps de métier obtenus par le demandeur étaient contraires à la preuve documentaire produite avec la demande. Au soutien de cette prétention, on rappelle que le demandeur a écrit, dans sa demande, qu'il [traduction] « possédait la qualification d'un membre d'un corps de métier et un certificat ou diplôme non universitaire » . Or, je lis sur la demande que le demandeur a obtenu un [traduction] « certificat d'études secondaires » du Government International College et un [traduction] « diplôme de climatisation et de réfrigération » du Classic Engineering Training Centre. Ces deux établissements sont situés à Chittagong, au Bangladesh. À mes yeux, cela ne signifie pas que le demandeur a terminé des études à temps plein menant à la qualification de membre d'un corps de métier. Il est vrai que les cours qu'il a suivis dans le cadre du programme de réfrigération sont mentionnés dans son diplôme, mais on ignore s'il les a suivis à temps plein ou si ces cours lui confèrent la qualification de membre d'un corps de métier. Le demandeur a peut-être pensé qu'il obtiendrait un plus grand nombre de points d'appréciation vu son niveau d'instruction, mais les documents qu'il a produits ne permettent pas de lui attribuer plus de points et, à mon avis, l'appréciation de l'agente des visas n'était pas déraisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait.
[7] Pour déterminer le nombre de points qu'il convenait d'attribuer au demandeur pour l'expérience, l'agente des visas a tenu compte du fait que les renseignements qu'il a fournis par écrit indiquaient qu'il avait travaillé comme contremaître d'outillage du 1er septembre 1998 à la date de l'examen initial de sa demande en novembre 2000. C'est d'ailleurs ce que le demandeur a lui-même reconnu dans la lettre demandant que le rejet de sa demande soit réexaminé, en décembre 2000 :
[traduction] ... Il est vrai que, « sur papier » , j'ai porté le titre de « contremaître d'outillage » pendant les 27 derniers mois, mais j'aurais pu, si j'avais eu une entrevue, produire des documents [...] prouvant que j'exerçais les fonctions d'un contremaître depuis 7 ans.
Dans le curriculum vitae qu'il a joint à sa demande, le demandeur indique que, d'[traduction] « avril 1993 jusqu'à maintenant » , il a été au service de la Ghazwa Co., pour laquelle il effectuait des travaux de mécanique et d'électricité, et qu'il est maintenant contremaître d'outillage. Or, cet employeur a écrit dans une lettre de recommandation que le demandeur avait travaillé comme [traduction] « technicien CVC » de mars 1994 à août 1998, et que c'est seulement en septembre 1998 qu'il est devenu contremaître d'outillage. Vu cette preuve, je ne peux conclure que l'appréciation de l'agente était déraisonnable. Le demandeur a supervisé d'autres employés dans le cadre du poste qu'il a occupé auparavant, mais il ne prétend pas, ailleurs que dans l'extrait cité ci-dessus, avoir exécuté une grande partie des fonctions décrites dans la CNP au regard de la profession envisagée.
[8] Les avocats des deux parties ont reconnu que la norme de contrôle applicable à l'appréciation des facteurs décrits à l'annexe I consiste à se demander si les conclusions de l'agente des visas étaient manifestement déraisonnables. À mon avis, on ne peut pas dire que les conclusions tirées par l'agente des visas en l'espèce étaient manifestement déraisonnables compte tenu de la preuve dont elle disposait, et la Cour n'a aucune raison d'intervenir.
Examen inéquitable
[9] Le demandeur prétend que l'agente des visas a manqué à son obligation d'agir équitablement envers lui en ne s'informant pas sur ses études et en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations au sujet de celles-ci et de son expérience à titre de contremaître d'outillage. Selon lui, l'agente des visas avait l'obligation de s'informer sur les établissements d'enseignement du Bangladesh avant d'évaluer sa formation scolaire. La Cour a déjà statué que l'examen d'une demande était inéquitable parce que le niveau d'instruction n'avait pas été pris en compte correctement. Cependant, les circonstances en l'espèce n'indiquent pas, à mon avis, qu'il y a eu manquement à une obligation d'agir équitablement envers le demandeur. M. le juge Evans a dit, dans Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1198 (QL) (1re inst.) :
... un demandeur de visa a l'entière responsabilité de présenter à l'agent des visas toute la documentation qui pourrait permettre à ce dernier de rendre une décision favorable. Les agents des visas n'ont par conséquent aucune obligation générale en droit de demander des détails ou des renseignements additionnels avant de rejeter une demande de visa au motif que la documentation soumise ne suffisait pas à les convaincre que le demandeur répondait aux critères de sélection pertinents.
[10] À mon avis, l'agente des visas n'a manqué à aucune obligation d'agir équitablement envers le demandeur en l'espèce.
Conclusion
[11] Comme je ne suis pas convaincu que l'appréciation faite par l'agente des visas des études et de l'expérience du demandeur était déraisonnable et qu'il y a eu manquement à une obligation d'agir équitablement envers celui-ci, je suis d'avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[12] Aucune question n'ayant été proposée, aucune question ne sera certifiée à titre de question grave de portée générale en vertu de l'alinéa 74d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 1.
« W. Andrew MacKay »
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 4 mars 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2793-01
INTITULÉ : ABDUS SALAM SHEIKH
c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Halifax (Nouvelle-Écosse)
DATE DE L'AUDIENCE : Le jeudi 18 juillet 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge MacKay
DATE DES MOTIFS : Le mardi 4 mars 2003
COMPARUTIONS :
Roderick H. Rogers POUR LE DEMANDEUR
Melissa Cameron POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart McKelvey Stirling Scales POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada