Ottawa (Ontario), le 10 août 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN
ENTRE :
ABBOTT LABORATORIES
et ABBOTT LABORATORIES LIMITED
demanderesses
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
et RATIOPHARM, DIVISION DE RATIOPHARM INC.
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Version publique)
[1] La Cour est saisie d'une demande déposée par Abbott en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Ratiopharm pour les comprimés de clarithromycine de 250 mg et 500 mg, au motif qu'ils constituent une contrefaçon des brevets canadiens nos 2,258,606 (le brevet 606), 2,386,527 (le brevet 527), 2,277,274 (le brevet 274), 2,386,534 (le brevet 534), 2,387,361 (le brevet 361) et 2,387,356 (le brevet 356), dont Abbott est titulaire. Avant l'audience, Abbott s'est désistée de toute réclamation à l'égard du brevet 534 et, en cours d'audience, elle s'est également désistée de ses réclamations à l'égard d'une demande fondée sur les brevets 527 et 356. En conséquence, les présents motifs portent seulement sur les brevets 606, 274 et 361.
[2] Abbott a également déposé une demande distincte (dossier n ° T-1847-02) en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Ratiopharm pour la fabrication de la clarithromycine de forme II, au motif que cette fabrication constituerait une contrefaçon du brevet canadien n ° 2,261,732 (le brevet 732). Bien que ces deux demandes aient été instruites ensemble, elles sont fondées sur des dossiers différents; la Cour a donc publié des motifs distincts concernant la demande relative au brevet 732.
Nature des procédures
[3] Ces procédures ont été intentées en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (Règlement sur les médicaments brevetés). La juge Layden-Stevenson résume comme suit la nature de ces procédures, dans Fournier Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1718 :
[6] Comme je l'ai déjà signalé, le recours à l'origine de la présente instance a été introduit en application du Règlement. Plusieurs arrêts de la Cour d'appel fédérale traite de l'historique de ce règlement et du régime qu'il établit, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre ces propos ici. Voir : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.); AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.); Novartis AG et al. c. Abbott Laboratories Ltd. et al. (2000), 7 C.P.R. (4th) 264 (C.A.F.). Essentiellement, les questions de non-contrefaçon et de validité intéressant le titulaire d'un brevet (la première personne) et la personne sollicitant un AC du ministre (la deuxième personne) sont d'abord soulevées dans un avis d'allégation - que la seconde personne signifie à la première personne - dans lequel la seconde personne fait ses allégations et fournit un énoncé du droit et des faits invoqués à l'appui de celles-ci. La première personne peut s'opposer et demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à la seconde personne avant l'expiration du brevet.
[¼]
[8] Le recours prévu à l'article 6 du Règlement n'est pas assimilable à une action par laquelle le tribunal est appelé à décider de la validité d'un brevet et à se prononcer sur la contrefaçon. Il s'agit d'une procédure de contrôle judiciaire expéditive, qui vise à faire déterminer s'il est loisible au ministre de délivrer l'avis de conformité demandé. Elle ne sert que des fins administratives : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.). Le tribunal doit déterminer si les allégations de la seconde personne sont suffisamment étayées pour justifier une conclusion, à des fins administratives (la délivrance d'un avis de conformité), portant que le brevet du demandeur ne serait pas contrefait si le produit de la seconde personne est commercialisé : Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.).
[9] Du simple fait qu'il exerce le recours prévu à l'article 6, le demandeur peut obtenir l'équivalent d'une injonction interlocutoire sans avoir à satisfaire à l'un ou l'autre des critères qu'un tribunal appliquerait en temps normal avant d'interdire la délivrance d'un avis de conformité : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 80 C.P.R. (3d) 368 (C.S.C.); Bristol-Myers Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 11 C.P.R. (4th) 539 (C.A.F.). Le Règlement autorise le tribunal à décider sommairement, sur le fondement de la preuve produite, si les allégations sont fondées. Le recours prévu à l'article 6 ne fait pas appel à la fonction juridictionnelle et la décision qui en résulte n'a pas l'autorité de la chose jugée. Le breveté n'est aucunement privé des recours qui lui sont normalement ouverts en vue de faire respecter ses droits. Si un examen au fond des questions de validité ou de contrefaçon est nécessaire, il pourra procéder suivant la voie ordinaire en introduisant une action : Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 245 (C.A.F.); SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc. (2001), 14 C.P.R. (4th) 76 (C.F. 1re inst.), conf. par (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.); Novatis A.G. c. Apotex Inc. (2002), 22 C.P.R. (4th) 450 (C.A.F.).
[4] En ce qui concerne les conclusions que doit tirer la Cour, elles ont été résumées de façon succincte par le juge Harrington dans Biovail Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2005] A.C.F. n ° 7, au paragraphe 10 :
La seule question qui se pose est de savoir si la Cour devrait rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à Novopharm avant l'expiration de l'un ou des deux brevets en cause. Sous réserve du commentaire que j'ai formulé précédemment en ce qui concerne la portée restreinte du recours, la Cour doit nécessairement, pour rendre une ordonnance d'interdiction, arriver à la conclusion que les allégations de Novopharm ne sont pas fondées ou, autrement dit, conclure que les brevets sont valides et que Novopharm les contreferaient. La Cour doit statuer sur ces deux points. À l'inverse, pour refuser de rendre une ordonnance d'interdiction, la Cour doit arriver à la conclusion que Novopharm ne contreferait pas les brevets ou que ceux-ci ne sont pas valides. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire qu'elle statue sur les deux points. (Non souligné dans l'original)
[5] En l'espèce, Ratiopharm a signifié un avis d'allégation à Abbott, cernant la portée des questions que la Cour est appelée à trancher. Il appartient à Abbott, à titre de demanderesse, de prouver que les allégations de Ratiopharm (à savoir que les brevets 606, 274 et 361 sont invalides) ne sont pas fondées et que l'allégation de Ratiopharm, selon laquelle la fabrication de la clarithromycine de forme II ne contrefait aucun de ces quatre brevets, n'est pas fondée.
Les experts
[6] Comme dans tous les litiges relevant du Règlement sur les médicaments brevetés, plusieurs experts sont venus témoigner au cours de l'audition de la présente instance. Le juge Harrington définit ainsi le rôle du témoin expert, dans Biovail Pharmaceuticals, précité, au paragraphe 16 :
La preuve d'expert soumise à un tribunal devrait être le fruit du travail indépendant de l'expert, sans qu'il n'ait été influencé, sur le plan de la forme et du contenu, par les exigences qu'un procès comporte. Le rôle du témoin expert consiste à éclairer le tribunal en lui donnant son avis objectif (National Justice Companion Riviera SA c. Prudential Assurance Co. Ltd., [1993] 2 Lloyd's Rep. 68, infirmé pour d'autres motifs, [1995] 1 Lloyd's Rep. 455, et Merck Frosst Canada Inc. c. Apotex Inc. et le Ministre de la Santé, 2004 C.F. 567, au paragraphe 16).
Les experts d'Abbott
M. Atwood est professeur et directeur du département de chimie de l'Université de Missouri-Columbia. Il est titulaire d'un doctorat en chimie de l'Université de l'Illinois et a occupé, et occupe toujours, plusieurs postes d'éditorialiste. Il a publié plus de 500 articles dans des publications revues par un comité de lecture et est l'auteur de neuf brevets. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans les domaines de la croissance cristalline, du génie cristallin et de la chimie des polymères.
M. Myerson est professeur de génie chimique et vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, à l'Illinois Institute of Technology de Chicago. Auparavant, il était professeur de génie chimique et doyen de l'Armour College of Engineering and Science à l'Illinois Institute of Technology. Il détient un doctorat en génie chimique de l'Université de Virginie et a publié cinq ouvrages et environ 120 articles dans des publications revues par un comité de lecture, dont un grand nombre portent sur la cristallisation et autres sujets connexes. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans les domaines du génie chimique et de la cristallisation, y compris la cristallisation industrielle et le polymorphisme.
M. Byrn est le directeur du département de pharmacie industrielle et physique de Purdue. Il détient un doctorat en chimie de l'Université de l'Illinois et a publié, dans des revues scientifiques, plus d'une centaine d'articles évalués par des collègues sur différents sujets concernant la chimie à l'état solide; il est coauteur d'un ouvrage intitulé Solid Chemistry of Drugs. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans les domaines de la chimie pharmaceutique, de la chimie à l'état solide, de la pharmacie industrielle, du polymorphisme, des techniques analytiques et de la cristallisation.
Les experts de Ratiopharm
M. Hollingsworth est professeur agrégé de chimie à l'Université de l'État du Kansas. Il détient un doctorat en chimie organique de l'Université de Yale, où il s'est servi de la spectroscopie à infrarouges pour étudier différentes formes de cristal organique. Il a poursuivi ses études post-doctorales à l'Université de Cambridge, où il s'est penché sur la caractérisation des réactions chimiques des matières cristallines, y compris les polymorphes. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans l'étude des formes cristallines et de leurs transformations; il a en outre publié de nombreux articles dans le domaine de la synthèse organique des formes cristallines.
M. Eckhardt est membre de la division de chimie physique du département de chimie de l'Université du Nebraska, à Lincoln. Il détient un doctorat en chimie physique de l'Université de Yale et a travaillé dans les domaines de la diffraction des rayons X sur monocristaux, des mesures infrarouges et de la croissance et de la caractérisation des cristaux. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans la transformation des propriétés moléculaires propres en propriétés d'ensemble dans un cristal. Il a publié ou copublié 111 articles et deux chapitres d'un ouvrage.
M. Petrov est agrégé de recherche au département de chimie de l'Université de Toronto, qui s'intéresse à la cristallographie depuis plus de 30 ans. Il détient un doctorat en minéralogie et en cristallographie de l'Université de Sofia, Bulgarie. Il explique que la cristallographie fait souvent appel à la diffraction de rayons X sur poudres (DRXP) comme méthode d'analyse et qu'il a donc acquis une vaste expérience dans cette méthode analytique. La Cour reconnaît sa qualité d'expert dans le domaine de la cristallographie.
La qualité d'expert des témoins des deux parties n'est pas contestée, mais le poids à accorder à leurs différents témoignages a été débattu par les deux parties et sera examiné dans ces motifs.
Le fardeau de la preuve
[7] Le fardeau de la preuve quant à la validité des brevets a été brièvement défini par le juge Harrington, dans Biovail, précité, au paragraphe 12 :
Le fardeau de la preuve en matière de validité de brevets a fait l'objet de nombreuses analyses. Il incombe à Biovail de réfuter les assertions que contient l'avis d'allégation de Novopharm. Comme tout autre demandeur ou requérant, Biovail a la charge générale de la preuve. Toutefois, étant donné que l'objet de la demande de Biovail consiste à réfuter les allégations de Novopharm plutôt que de prouver ses propres allégations, Novopharm a, en tant que défenderesse, l'obligation de faire entrer « en jeu » les questions énoncées dans son avis d'allégation. Manifestement, elle sait mieux que Biovail ce qu'elle a l'intention de faire et comment elle entend procéder. Il existe également une présomption réfutable selon laquelle le brevet est valide. Voir, par exemple, Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santénationale et du Bien-être social), [1994] 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), et le récent commentaire fait au sujet de cet arrêt par le juge Mosley dans Janssen - Ortho Inc. et al. c. Novopharm Ltd., et al., 2004 CF 1631, aux paragraphes 13 et suivants, ainsi que celui de la juge Sharlow dans Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CAF 402, [2004] A.C.F. n ° 2033 (QL), au paragraphe 8.
[8] En ce qui concerne la présomption réfutable de la validité du brevet, le juge Rothstein affirme ce qui suit, dans Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] A.C.F. n ° 1973, aux paragraphes 15 et 16 :
Dans Glaxo, le juge Noël s'est appuyé sur la décision que notre Cour a rendue dans Bayer c. Canada (Ministre de la Santéet du Bien-être social) (2000), 6 C.P.R. (4th) 285 (C.A.F.), laquelle, à ce jour, fait autorité. Dans l'arrêt Bayer, la juge Sharlow a analysé le fardeau de preuve dont le breveté et le fabricant de produits génériques doivent s'acquitter dans le cadre d'une instance engagée en vertu du Règlement. Elle a expliqué qu'il appartient au breveté, à titre de requérant, d'établir son droit à l'ordonnance demandée. Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R., ch. P-4, art. 1, modifiée, prévoit que « une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté [...] » . La juge Sharlow a signalé qu'à cause de cette présomption de validité, c'est au fabricant de produits génériques, en sa qualité de partie intimée à la requête pour ordonnance de prohibition, qu'il incombe de renverser la présomption.
À propos de la norme de preuve, elle a écrit ceci au paragraphe 9 :
L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente. [Non souligné dans l'original.]
Partant, il a été jugé que la norme de preuve applicable pour établir l'invalidité est celle de la prépondérance des probabilités.
[9] En ce qui concerne le fardeau de la preuve de non-contrefaçon, le juge Gauthier a justement résumé la question dans AstraZeneca c. Apotex, [2004] A.C.F. n ° 1078, aux paragraphes 72 et 73 :
La procédure prévue au paragraphe 6(1) du Règlement n'est pas une action en contrefaçon. En l'espèce, la Cour n'a pas à décider si le produit de la seconde personne contreferait ou non un brevet valide. Elle doit uniquement décider si les faits présumés ou établis et les allégations juridiques formulées justifient l'allégation spécifique de non-contrefaçon d'Apotex. (Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (1996), 70 C.P.R (3d) 206 (C.A.F.) et Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santénationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.) à la page 302).
En d'autres termes, il incombe à AstraZeneca de convaincre la Cour que l'allégation spécifique de non-contrefaçon de l'avis d'allégation n'est pas justifiée. AstraZeneca n'est pas tenue d'établir que le comprimé d'Apotex constituerait une contrefaçon du brevet 377 parce qu'il comporte tous les éléments essentiels d'une revendication du brevet.
Interprétation du brevet
[10] Dans Biovail, précité, le juge Harrington a brièvement résumé les règles d'interprétation des brevets telles qu'établies par la jurisprudence :
[15] Pour décider de la validité d'un brevet et se prononcer sur la contrefaçon, il faut, comme condition préalable, prendre en compte le libellé des revendications figurant dans le brevet. Le mieux à faire, dans une instance relative à un avis de conformité, est d'adopter la même approche en gardant à l'esprit l'objet restreint du recours. Dans deux arrêts récents, rendus le même jour, la Cour suprême a grandement clarifié les principes d'interprétation applicables en matière de revendications et largement contribué à leur codification : Free World Trust c. Électro-SantéInc., [2000] 2 R.C.S. 1024, et Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067. Dans ces deux arrêts les motifs ont été rédigés par le juge Binnie. Les principes suivants sont particulièrement pertinents en l'espèce :
1. Un brevet est considéré comme un marché conclu entre l'inventeur et le public. En contrepartie de la divulgation de l'invention, l'inventeur se voit accorder un monopole temporaire lui permettant d'exploiter l'invention pour une période restreinte.
2. La Loi exige que la demande de brevet renferme un mémoire descriptif « définissant distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif » . Le mémoire descriptif doit être rédigé en des termes complets, clairs, concis et exacts « qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention » (Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, et ses modifications, art. 27).
3. Le brevet s'adresse, en théorie, à une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention et doit recevoir l'interprétation que cette personne lui aurait donnée lorsqu'il a été rendu public. (Il sera davantage question de cette personne versée dans l'art plus loin dans ces motifs.)
4. Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de l'objet pour assurer le respect de l'équité et la prévisibilité, et pour cerner les limites du monopole. « [L]'ingéniositépropre à un brevet ne tient pas à la détermination d'un résultat souhaitable, mais bien àl'enseignement d'un moyen particulier d'y parvenir. La portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d'exercer un monopole sur tout moyen d'obtenir le résultat souhaité » (Free World Trust, par. 31 et 32).
5. La partie du mémoire descriptif dans laquelle figurent les revendications prévaut sur la partie dans laquelle la divulgation est effectuée, c'est-à-dire que l'on se servira de la divulgation pour comprendre le sens d'un mot utilisé dans les revendications « mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle [est] écrite et, ainsi, interprétée » (Whirlpool, par. 52).
6. Ce sont seulement les nouvelles caractéristiques que l'inventeur prétend être essentielles qui constituent ce qu'on appelle l' « essence » de la revendication. « L'interprétation téléologique repose donc sur l'identification par la cour, avec l'aide du lecteur versé dans l'art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments essentiels de son invention » (Whirlpool, par. 45).
7. Certains des éléments de l'invention visée par la demande sont essentiels alors que d'autres ne le sont pas compte tenu des connaissances usuelles que détenaient les personnes oeuvrant dans le domaine concerné à l'époque où le brevet a été publié ou compte tenu de l'intention de l'inventeur, expresse ou inférée des revendications. Ce point est au coeur de la position de Biovail selon laquelle l'allégation de Novopharm portant qu'elle ne contrefera pas le brevet 320 est fausse. Autrement dit, était-il manifeste à l'époque de la publication que l'emploi d'une variante ferait une différence?
8. Il est fatal de revendiquer plus que nécessaire. Par ailleurs, si les revendications de l'inventeur sont d'une portée trop limitée, le tribunal ne pourra pas accroître l'étendue du monopole en invoquant « l'esprit de l'invention » . Cela se produit souvent, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque l'inventeur recourt à différents niveaux de revendications dont les restrictions sont destinées à servir d'éventuels filets protecteurs de sorte que, si une revendication plus large devait être rejetée, le monopole puisse en partie subsister sur la base d'une autre revendication de moins grande portée.
9. Un brevet n'est toutefois pas un écrit ordinaire. Il est visé par la définition de « règlement » qui figure dans la Loi d'interprétationet il faut l'interpréter de manière compatible avec la réalisation de son objet. « [L]'interprétation des revendications est une question de droit qu'il appartient au juge de trancher, et celui-ci avait parfaitement le droit de donner aux revendications une interprétation différente de celle préconisée par les parties » (Whirlpool, par. 61).
[11] La personne versée dans l'art a été décrite par le juge Binnie, dansFree World Trust c. Électro Santé Inc., (2000) 9 C.P.R. (4th) 168, au paragraphe 44 :
Traditionnellement, les tribunaux ont protégé le breveté contre les effets d'une interprétation trop textuelle. Le brevet ne s'adresse pas au citoyen ordinaire, mais au travailleur versé dans l'art, que le Dr Fox a décrit comme :
Un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l'art dont relève l'invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée. Cette notion de la personne fictive a parfois été assimilée à elle de l' « homme raisonnable » retenue en matière de négligence. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l'échec. [Fox, H.G., The Canadian Patent Law and Practice relating to Letters Patent for Inventions 4th ed Toronto: Carswell 169, page 184]
[12] En l'espèce, les parties reconnaissent qu'à la date de priorité des brevets, une personne versée dans l'art aurait été titulaire d'un baccalauréat en génie chimique ou physique et aurait possédé entre deux et cinq années d'expérience dans les procédés de cristallisation pharmaceutiques. La Cour accepte en outre la proposition de Ratiopharm voulant qu'une personne versée dans l'art peut être une équipe d'individus.
Interprétation du brevet 606
[13] Dans tout différend concernant un brevet, la cour doit d'abord interpréter le brevet. En ce qui concerne le brevet 606, toutes les revendications sont en litige; la Cour doit donc interpréter les revendications 1 à 4. Sont jointes à l'annexe A :
a) les parties pertinentes de l'exposé du brevet intitulé Sommaire de l'invention ( « Sommaire » ) et
b) les revendications 1, 2, 3 et 4.
[14] Appliquant au brevet 606 les dispositions décrites aux paragraphes 10 et 11 ci-dessus et interprétant les revendications 1 à 4 comme le ferait une personne versée dans l'art, informée de l'exposé du brevet, la Cour note que :
1. Les revendications visent un produit en soi. Le produit visé par les revendications 1 et 2 est la clarithromycine (également appelée 6-O-méthylérythromycine A) de forme II. Ce produit est caractérisé par son diffractogramme X sur poudres (également appelé diffractogramme DRXP). Le diffractogramme DRXP présenté à la revendication 2 est le même que celui de la revendication 1, sauf qu'il est plus précis, sa précision étant de deux chiffres après la décimale, au lieu d'un chiffre après la décimale.
2. Les revendications 3 et 4 portent sur la clarithromycine de forme II essentiellement exempte du produit de forme I. Encore ici, ce produit est caractérisé par son diffractogramme DRXP. Le diffractogramme DRXP présenté à la revendication 4 est le même que celui de la revendication 3, sauf qu'il est plus précis, sa précision étant de deux chiffres après la décimale, au lieu d'un chiffre après la décimale.
3. Selon l'exposé, la clarithromycine de forme II exerce un effet thérapeutique connu dans le traitement antibactérien des infections des voies respiratoires supérieures. Aucun argument ne m'a été présenté concernant l'admissibilité de ce brevet à titre de revendication pour un médicament ou de revendication pour l'utilisation d'un médicament, au sens du Règlement sur les médicaments brevetés.
[15] Abbott a souligné que, dans le brevet, il fallait interpréter l'expression « forme II » , qui figure dans chaque revendication, comme se rapportant à l'identité de la clarithromycine, définie à partir de son spectre IR, de son diffractogramme DRXP et de son thermogramme obtenu par analyse calorimétrique à compensation de puissance (thermogramme CCP). Abbott s'est reportée aux lignes 1 à 4 du Sommaire, qui précisent[1] :
Nous avons découvert que la 6-O-méthylérythromycine A peut présenter au moins deux formes cristallines distinctes qui, aux fins d'identification, sont désignées « forme I » et « forme II » . Les formes cristallines sont identifiées par leur spectre infrarouge, leur thermogramme obtenu par analyse calorimétrique à compensation de puissance et leur diffractogramme X sur poudres.
Selon Abbott, l'expression « forme II » est superflue s'il n'est pas tenu compte, lors de son interprétation, du spectre IR, du diffractogramme DRXP et du thermogramme CCP du produit.
[16] Je ne peux accepter cette interprétation, et ce pour les raisons suivantes :
a) Dans les revendications, seul le diffractogramme DRXP est mentionné. Dans toutes les revendications, il n'y a aucune mention du spectre IR ou du thermogramme CCP.
b) Les caractéristiques de la clarithromycine de forme II sont données aux lignes 19 à 26 du Sommaire, où il est précisé : « Ce nouvel antibiotique cristallin peut être caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ [thêta] : (...) » . Ici encore, il n'y a aucune mention du spectre IR ou du thermogramme CCP.
c) Les lignes 1 à 4 du Sommaire, auxquelles s'est reporté l'avocat d'Abbott, désignent la clarithromycine de forme I et la clarithromycine de forme II. Le premier paragraphe du Sommaire donne des renseignements de base sur ces deux formes, mais il ne renferme aucune caractéristique de la clarithromycine de forme II. Pour trouver les caractéristiques de la clarithromycine de forme II, il faut se reporter aux lignes 19 à 26 du Sommaire ainsi qu'aux revendications (où il n'y a aucune mention du spectre IR ou du thermogramme CCP). Le fait de considérer ces renseignements de base (portant sur les deux formes de clarithromycine) comme des caractéristiques de la clarithromycine de forme II et de les intégrer aux revendications constituerait une exagération indue de la portée de ces revendications.
d) L'exemple 1 à la page 13 du brevet porte sur la préparation de la clarithromycine de forme I. Il y est précisé aux lignes 9 à 11 :
[traduction] La 6-O- méthylérythromycine A de forme I est caractérisée par son spectre infrarouge, son thermogramme CCP et son diffractogramme X sur poudres.
S'il avait eu l'intention de caractériser la clarithromycine de forme II par son spectre IR et son thermogramme CCP ainsi que par son diffractogramme DRXP, le rédacteur aurait sans aucun doute utilisé dans les revendications les mêmes termes qui avaient été utilisés pour caractériser le produit de forme I dans l'exemple 1.
e) La cour doit examiner l'exposé pour comprendre le brevet, mais l'exposé ne doit pas servir à élargir ou à restreindre la portée de la revendication. Comme le mentionnait le juge Binnie dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 52 :
Plus récemment, Hayhurst, loc. cit., à la p. 190, a prévenu que [traduction] « [l]es mots doivent être interprétés dans leur contexte, de sorte qu'il est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens d'un mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif » . J'estime que le juge de première instance pouvait parfaitement examiner le reste du mémoire descriptif, y compris le dessin, pour comprendre le sens du mot « ailette » utilisé dans les revendications, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle était écrite et, ainsi, interprétée. [Non souligné dans l'original.]
f) L'expression « forme II » est le nom attribué par Abbott à ce polymorphe particulier de la clarithromycine. Elle ne possède aucun sens en soi et ne constitue pas un terme défini utilisé dans ce domaine.
[17] En conséquence, je procéderai en supposant que le brevet 606 décrit l'invention d'un nouveau polymorphe de la clarithromycine. Ce nouveau polymorphe est appelé forme II et est caractérisé par des valeurs 2 thêta bien précises. Les revendications 1 et 2 portent sur la clarithromycine de forme II, tandis que les revendications 3 et 4 portent sur la clarithromycine de forme II essentiellement exempte de clarithromycine de forme I. Les valeurs 2 thêta des produits visés par les revendications 1 et 3 sont précises à une décimale près, tandis que celles des produits visés par les revendications 2 et 4 sont précises à deux décimales près. Même si les spectres IR et les thermogrammes CCP sont annexés au brevet et mentionnés dans l'exposé, ils ne sont fournis qu'à des fins d'illustration et ne font pas partie de l'invention décrite dans l'une quelconque des revendications 1 à 4.
Avis d'allégation de Ratiopharm
[18] Dans son avis d'allégation, Ratiopharm conteste la validité du brevet 606 en invoquant l'invalidité de l'invention revendiquée :
a) l'article de Salem est antérieur à l'invention;
b) l'article d'Iwasaki est antérieur à l'invention;
c) la vente préalable de BIAXIN est antérieure à l'invention;
d) l'invention est évidente.
[19] La Cour doit décider si l'une quelconque des allégations de Ratiopharm est justifiée, auquel cas la demande d'ordonnance d'interdiction présentée par Abbott sera rejetée. La Cour examinera ces questions dans l'ordre donné ci-dessus.
Invalidité - Antériorité de l'article de Salem
[20] Selon Ratiopharm, l'article de I.I. Salem intitulé « Clarithromycin found in analytical profiles of drug substances and excipients » , volume 24, publié par l'Academic Press Inc., San Diego, en 1996, est antérieur à l'invention décrite dans le brevet 606. Le brevet 606 a été déposé le 25 juillet 1997, et la date de revendication est le 29 juillet 1996.
[21] Selon Ratiopharm, la date de publication de l'article de Salem précède la date de revendication du brevet 606. Voici les allégations exactes présentées dans l'avis d'allégation :
[traduction]
Revendications 1 à 4 -Décrites dans des publications antérieures ou évidentes en raison de telles publications
Des compositions contenant de la clarithromycine de forme II et leurs utilisations revendiquées dans chacune des revendications 1 à 4 du brevet 606 ont été décrites dans des brevets, des demandes de brevet et des publications imprimées qui sont parus plus d'un an avant la date de dépôt ou avant la date de revendication du brevet 606, et la clarithromycine de forme II et les procédés permettant de la préparer étaient évidents en raison de cette antériorité. Ratiopharm se fonde sur les exposés contenus dans les documents énumérés à l'annexe 1 ci-jointe. Grâce à des exemples, en se reportant à l'article de Salem (document 43), on décrit la clarithromycine à l'aide d'un diffractogramme X sur poudres (diffractogramme DRXP) (figure 4) et d'un thermogramme obtenu par calorimétrie à compensation de puissance (thermogramme CCP) (figure 6) qui correspondent au diffractogramme DRXP et au thermogramme CCP de la clarithromycine cristalline de forme II.
L'annexe 1 susmentionné désigne l'article de Salem comme étant le no 43, mais donne simplement 1996 comme la date de publication.
[22] Personne ne conteste le fait que l'article de Salem décrit la clarithromycine cristalline et que la clarithromycine analysée et signalée par Salem présente un diffractogramme DRXP dont les valeurs thêta sont identiques à celles données dans la revendication 1 du brevet 606.
[23] Pour démontrer le bien-fondé de cet argument, Ratiopharm doit présenter des preuves permettant de satisfaire aux alinéas 28.2(1)a) et b) du Règlement sur les médicaments brevetés :
28.2 (1) L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas :
a) plus d'un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;
b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d'une autre personne, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;
[24] Ratiopharm n'a produit aucune autre preuve. Abbott a produit l'affidavit de Daniel Artola, avocat du cabinet représentant Abbott. Cet affidavit prétend établir que l'ouvrage Analytical Profiles of Drug Substances and Excipients, volume 24, (dans lequel figure l'article de Salem) a, selon les dossiers de l'éditeur, été publié le 25 juillet 1996. Ces dossiers indiquent également que la première commande pour cet ouvrage a été placée à cette date. Rien ne permet de savoir qui a commandé l'ouvrage, à quelle date l'ouvrage a été livré par la maison d'édition et à quelle date il a été reçu par la personne qui l'avait commandé. On suppose dans une certaine mesure que les commandes ont été normalement acheminées par UPS et qu'il s'écoulait de cinq à sept jours ouvrables avant qu'elles n'arrivent à destination. (Affidavit d'Artola, dossier des demanderesses, volume 7, onglet 32, par. 5 à 9.)
[25] Toutefois, cette preuve a été obtenue par téléphone auprès d'un employé de la maison d'édition. L'éditeur a refusé de laisser l'employé témoigner ou de souscrire un affidavit. Comme il est fondé sur des renseignements obtenus lors d'une conversation téléphonique avec un employé qui ne possédait aucune connaissance personnelle de l'affaire et qui n'était pas disposé à souscrire un affidavit, l'affidavit d'Artola n'a aucune valeur probante pour la Cour. Il n'en sera donc pas tenu compte.
[26] Dans toute procédure relative à un avis de conformité, l'avis d'allégation doit contenir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels compte se fonder la personne qui fait les allégations. Comme l'a précisé le juge Stone dans AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 855, aux paragraphes 20 et 21:
Bien que l'énoncé détaillé ne soit pas déposé dans l'instance relative à la demande visée à l'article 6, son influence est néanmoins prédominante dans cette procédure. En effet, c'est par rapport au contenu de cet énoncé que le titulaire du brevet doit décider s'il introduit une telle instance et évaluer ses chances de succès. Pour ce faire, l'allégation et l'énoncé détaillé sont une aide importante pour définir les questions et les faits qu'il faut établir dans une instance relative à la demande visée à l'article 6 car pour obtenir l'interdiction, le titulaire du brevet doit démontrer que, contrairement à ce qui est indiqué dans l'énoncé détaillé, le droit attaché à son brevet sera enfreint si un AC est délivré pour la drogue avant l'expiration du brevet inscrit sur la liste.
À mon avis, tout ce qui précède donne à penser que la seconde personne doit satisfaire aux exigences de l'alinéa 5(3)a), c'est-à-dire établir dans l'énoncé détaillé « le droit et les faits sur lesquels elle fonde » les allégations de l'alinéa 5(1)b) et le faire d'une manière suffisamment complète pour permettre au titulaire du brevet d'évaluer ses recours en réponse àl'allégation.
[27] Je ne vois pas comment, en l'espèce, il a été satisfait à cette norme. Selon l'avis d'allégation, la date de publication de l'article de Salem n'est pas connue. À mon avis, Ratiopharm n'a énoncé aucun fait dans son avis d'allégation permettant d'affirmer que l'article de Salem était disponible avant la date de dépôt ou la date de revendication du brevet 732. Il n'est pas nécessaire qu'Abbott réfute cette allégation.
[28] Je tiens à noter que cette demande concernant les brevets 606, 274, 527, 356, 534 et 361 est distincte de celle concernant le brevet 732. Les deux demandes ont été entendues en même temps, mais chacune est régie par des dossiers distincts. Toutefois, la conclusion tirée sur ce dossier n'est pas différente de celle tirée à partir de la preuve contenue dans le dossier relatif au brevet 732.
Invalidité - Antériorité de l'article d'Iwasaki
[29] Ratiopharm allègue également que l'article de H. Iwasaki, publié le 15 juin 1993 dans « Crystal structure communications » , volume 49, partie 6, est antérieur au brevet 606.
[30] Cet article a manifestement été publié avant la date de dépôt du brevet 606. Il décrit la structure de la 6-O-méthylérythromycine A (clarithromycine). À la rubrique « Experimental » (partie expérimentale), on indique que les données cristallographiques correspondent à la formule C38H69NO13.CH4O. Le point (.) qui précède CH4O indique qu'il s'agit d'un solvate.
[31] Dans son témoignage, M. Hollingsworth, l'expert de Ratiopharm, a précisé qu'on peut facilement calculer les valeurs 2 thêta de la molécule décrite dans l'article d'Iwasaki, à partir de sa structure cristalline. Voici ce qu'il affirme dans sa déclaration sous serment :
[traduction] Il est évident, à partir de ce qui précède, que la 6-O-méthylérythromycine A analysée et signalée par Iwasaki présente des valeurs 2 thêta obtenues par DRXP qui sont identiques à celles indiquées dans la revendication 1 du brevet 606. La valeur 2 thêta de 19,23 qui figure dans l'article de d'Iwasaki semble se situer à l'extérieur de la plage de 19,0__0,2 (numéro 15) précisée dans la revendication 1; cependant, cette valeur est, en fait, comprise dans cette plage, une fois qu'elle a été arrondie à une décimale près conformément à la façon dont sont signalées les valeurs dans la revendication 1. Les valeurs 2 thêta d'Iwasaki se situent également dans la plage des valeurs plus précises énumérées dans la revendication 2 du brevet 606. De plus, il est évident que l'échantillon d'Iwasaki ne renferme aucune quantité décelable du produit de forme I et, ainsi, est visé par les revendications 3 et 4 du brevet 606, selon lequel le produit de forme II doit être essentiellement exempt du produit de forme I.
(Dossier des défendeurs, volume 9, onglet 14, par. 133)
[32] De même, voici ce que M. Byrn, l'expert d'Abbott, affirme dans sa déclaration sous serment :
[traduction] Pour les raisons avancées ci-dessus, Iwasaki décrit une structure constituée d'un solvate avec le méthanol, qu'aucun des brevets d'Abbott ne revendique et qui est indistinguable (par examen du diffractogramme X sur poudres) du produit de forme II mais qui, de toute évidence, n'est pas le produit de forme II. (Affidavit de Byrn, dossier des demanderesses, volume 12, onglet 41, par. 59). [Non souligné dans l'original.]
Conclusion concernant le brevet 606
[33] Abbott soutient que la clarithromycine de forme II n'est pas un solvate et que, par conséquent, l'article d'Iwasaki ne constitue pas une antériorité. J'ai constaté, dans l'instance au sujet du brevet 732, que la clarithromycine de forme II visée par ce brevet ne comprend pas un solvate, mais ce fait ne constitue pas un facteur pertinent dans la présente demande. Il est question ici du brevet 606 qui, selon mon interprétation, est uniquement caractérisé par son diffractogramme X sur poudres. Les experts des deux parties conviennent que le diffractogramme X sur poudres, dont les valeurs peuvent être calculées à partir de la molécule d'Iwasaki, est identique au diffractogramme du produit visé par le brevet 606. Comme le brevet 606 ne revendique aucune autre caractéristique que le diffractogramme X sur poudres et que le public avait déjà accès à ce diffractogramme grâce à la publication d'Iwasaki, l'article d'Iwasaki constitue une antériorité par rapport au brevet 606.
[34] Étant donné mes constatations concernant l'antériorité de l'article d'Iwasaki, je ne vois pas la nécessité d'examiner l'allégation de Ratiopharm relative à l'invalidité découlant de l'antériorité de la vente de BIAXIN ou de l'évidence de l'invention. À mon avis, Abbott n'a pas réfuté les allégations d'invalidité de Ratiopharm, en raison de l'antériorité de l'article d'Iwasaki.
Brevet 274
Interprétation du brevet
[35] Comme il a déjà été noté, dans tout différend concernant un brevet, la cour doit d'abord interpréter le brevet. Les deux parties conviennent que, en ce qui concerne le brevet 274, seules les revendications 1, 4, 5 et 16 sont en litige. Pour faciliter la consultation, l'annexe B, jointe aux présentes, renferme :
a) la partie de l'exposé intitulée Sommaire de l'invention et
b) les revendications 1, 4, 5 et 16.
[36] Appliquant au brevet 274 les dispositions décrites aux paragraphes 10 et 11 ci-dessus et interprétant l'exposé et les revendications 1, 4, 5 et 16 ensemble comme le ferait une personne versée dans l'art, la Cour note que :
1. Ce brevet est un brevet en soi visant un produit. L'invention décrite dans la revendication 1 est la structure cristalline d'un antibiotique appelé clarithromycine de forme 0. Il s'agit d'un solvate dont la molécule de solvation est choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
2. La revendication 16 est identique à la revendication 1, sauf qu'elle vise la clarithromycine de forme 0 « pure » , c.-à-d. la forme essentiellement exempte du produit de forme I ou de forme II.
3. Les revendications 4 et 5 dépendent de la revendication 1 et décrivent la clarithromycine de forme 0, solvatée par l'éthanol, grâce à son diffractogramme X sur poudres dont les valeurs 2 thêta précises à une décimale près et à deux décimales près, respectivement, présentent 16 pics.
4. Les revendications 1 et 16 visent la clarithromycine de forme 0 préparée à partir de quatre solvants.
5.Toutes les revendications en litige visent un antibiotique. Nous constatons, en lisant l'exposé, que ce produit est un antibiotique pouvant servir dans le traitement des infections des voies respiratoires supérieures chez les enfants et les adultes. Toutefois, le brevet ne renferme aucune revendication portant sur l'utilisation de cet antibiotique, et il faut se reporter à l'exposé de l'invention pour comprendre le sens du mot « antibiotique » .
[37] Ratiopharm a présenté quatre allégations à l'audience, à savoir :
1. Toutes les revendications en litige visent le produit de forme 0 qui est utilisé comme intermédiaire lors de la préparation de la clarithromycine de forme II; comme il ne s'agit ni de revendications pour un médicament ni de revendications pour l'utilisation d'un médicament, ces revendications ne sont pas admissibles aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés.
2. À titre subsidiaire, si les revendications en litige sont des revendications visant le produit de forme 0 comme médicament ou utilisé comme médicament, elles ne peuvent faire l'objet d'une allégation à l'encontre d'un produit intermédiaire en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés.
3. Son procédé fabrication (appelé CLX) ne comporte pas l'utilisation, sous forme de complexe ou de suspension, de la clarithromycine de forme 0 revendiquée.
4. La découverte de la clarithromycine de forme 0 était inhérente et évidente à la lumière de la technique connue.
Allégation 1 - Revendication pour un médicament
[38] Selon Ratiopharm, les revendications en litige portant sur le brevet 274 sont des revendications visant un produit intermédiaire et non des revendications visant un médicament et, ainsi, conformément à Eli Lilly c. Apotex (1995) 63 C.P.R. (3d) 245, elles ne sont pas admissibles aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés. Abbott affirme qu'il s'agit de revendications pour un médicament au sens du Règlement sur les médicaments brevetés.
[39] L'expert d'Abbott, M. Byrn, a fait les commentaires suivants sur le produit de forme 0 comme médicament :
[traduction]
161. Toutefois, après l'invention des produits de forme 0 et de forme I, Abbott a déterminé et divulgué dans les brevets d'Abbott que les produits de forme 0 et de forme I sont, du point de vue thermodynamique, moins stables que le produit de forme II (se reporter aux lignes 12 et 13 de la page 2 du brevet 606 et aux lignes 22 à 24 de la page 1 du brevet 274).
162. Le fait que le produit de forme II était la forme cristalline de la clarithromycine la plus stable du point de vue thermodynamique à la date où les brevets d'Abbott ont été déposés signifie nécessairement que cette forme est la moins soluble des trois formes solides inventées et revendiquées par Abbott dans les brevets.
163. Une fois que l'activité antibiotique de la molécule de clarithromycine a été établie, mais uniquement après qu'il eût été déterminé que les formes 0 et I étaient moins stables du point de vue thermodynamique, il s'ensuit que les formes 0 et I doivent être utiles comme médicaments pour traiter les infections, tout comme il a été établi que la forme II est utile.
164. Une fois que les cristaux ont été identifiés et que la stabilité thermodynamique de la forme II a été établie, il était possible de conclure avec certitude que la forme cristalline 0 et la forme cristalline I de la clarithromycine seraient, toutes les deux, utiles comme médicaments.
165. Ratiopharm ne peut donc affirmer que la forme 0 et la forme I sont des produits différents du médicament en cause.
166. Le médicament dans le BIAXIN_ est la clarithromycine, et la forme 0, la forme I et la forme II sont toutes des formes du médicament dans le BIAXIN_. [Non souligné dans l'original.]
(Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 41, par. 161-166)
[40] Voici ce que l'expert d'Abbott, M. Atwood, faisait observer dans son affidavit :
[traduction]
136. Le brevet 606 identifie la forme II comme un antibiotique. Un antibiotique est un médicament. Le médicament est la clarithromycine. Abbott a inventé trois formes cristallines [formes 0, I et II] qui sont toutes un médicament antibiotique. [Non souligné dans l'original.]
(Dossier des demanderesses, volume 10, onglet 35, par. 136)
[41] Le propre expert de Ratiopharm, M. Hollingsworth, est allé encore plus loin et a laissé entendre que le mot antibiotique signifie que le brevet 274 revendique la forme 0 utilisée comme médicament. Voici ce qu'il a déclaré :
[traduction]
57. De plus, à mon avis, une personne versée dans l'art interpréterait la revendication comme une revendication visant la clarithromycine de forme 0 utilisée comme agent thérapeutique antibiotique. Le libellé de la revendication 1 ne porte pas sur la « 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 » en soi, mais plutôt sur un « antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 » .
58. À cet égard, il est précisé dans l'exposé du brevet 274 que la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 comme telle n'est pas une nouvelle substance. Il est indiqué à la page 2 du brevet :
[traduction]
6-O-méthylérythromycine A préparée par diverses méthodes décrites dans le libellé du brevet résumé ci-dessous, dans lesquelles le composé purifié par recristallisation dans l'éthanol donne initialement l'éthanolate de la forme cristalline 0
[...]
En conséquence, dans sa réalisation principale, l'invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 solvatée [...]
59. Il est évident, d'après ce qui précède, que l'invention alléguée est la nouvelle utilisation apparente, comme antibiotique, de la forme 0 solvatée. Le terme « antibiotique » dans la revendication 1 semble avoir été ajouté pour établir une distinction entre la revendication et la technique connue dont on admet l'existence. En conséquence, la revendication 1, interprétée correctement, porte sur le produit de forme 0 considéré comme antibiotique. [Non souligné dans l'original.]
(Dossier des défendeurs, volume l9, onglet 14, par. 57-59)
[42] La Cour note que l'expression [traduction] « destiné à être utilisé comme antibiotique » ne figure nulle part dans les revendications en litige du brevet 274. Par contraste, le brevet divisionnaire 356 (dont les dates de demande et de délivrance sont les mêmes que celles du brevet 274) précise, tant dans l'exposé que dans les revendications, qu'il vise l'utilisation, comme antibiotique, du produit de forme 0. Le seul fait d'employer le terme « antibiotique » dans la revendication fait de la revendication 1 ou de la revendication 16 des revendications qui visent l'utilisation, comme antibiotique, de la clarithromycine de forme 0.
[43] La Cour rejette l'interprétation de M. Hollingworth et considère que celle de M. Byrn est plus persuasive. Le terme antibiotique est utilisé pour indiquer que le produit de l'invention est un médicament, mais il serait exagéré de laisser entendre que, à lui seul, il transforme les revendications en litige en revendications visant l'utilisation du produit comme médicament.
[44] Rappelons encore une fois l'observation du juge Binnie dans Whirlpool, précité :
Plus récemment, Hayhurst, loc. cit., à la p. 190, a prévenu que [traduction] « [l]es mots doivent être interprétés dans leur contexte, de sorte qu'il est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens d'un mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif » . J'estime que le juge de première instance pouvait parfaitement examiner le reste du mémoire descriptif, y compris le dessin, pour comprendre le sens du mot « ailette » utilisé dans les revendications, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle était écrite et, ainsi, interprétée. [Non souligné dans l'original.]
Ainsi, en l'espèce, on peut consulter l'exposé pour comprendre ce qu'on entend par « antibiotique » , mais il serait fautif d'élargir ou de restreindre la portée de la revendication pour importer, à partir de l'exposé, la notion de « destiné à être utilisé comme » .
[45] En ce qui concerne la restriction à l'utilisation comme produit intermédiaire uniquement, la Cour note que les renseignements de base figurant dans l'exposé du brevet 274 précisent, à la ligne 21 de la page 2 : [traduction] « la 6-O-méthylérythromycine de forme 0 solvatée est également un intermédiaire utile dans la préparation des formes I et II non solvatées de la 6-O-méthylérythromycine » . La présence de « également » semble annuler toute notion que la clarithromycine de forme 0 peut être utilisée uniquement comme intermédiaire et, au contraire, permet de penser que cette substance peut être utilisée comme intermédiaire et comme médicament.
[46] En conséquence, les revendications 1, 4, 5 et 16 du brevet 274 sont des revendications pour un médicament et ne sont pas des revendications pour des intermédiaires uniquement. Le brevet 274 est donc « un brevet qui comporte une revendication pour un médicament en soi » au sens de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés et est donc admissible pour être inclus dans la liste en vertu du Règlement. L'allégation de Ratiopharm n'est pas justifiée.
Allégation 2 -Allégation concernant les produits intermédiaires
[47] À titre subsidiaire, Ratiopharm affirme que, même si la clarithromycine de forme 0 est admissible aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés, elle ne peut fait l'objet d'une allégation qu'à l'encontre d'un produit final fabriqué par une deuxième personne, et non d'un produit intermédiaire utilisé par cette deuxième personne.
[48] Abbott ne prétend pas que le produit final obtenu grâce au procédé de fabrication de Ratiopharm contient de la clarithromycine de forme 0. Toutefois, les experts d'Abbott allèguent que la forme 0 est présente à l'étape 5 du procédé CLX ce qui, selon eux, constitue une contrefaçon du brevet 274 d'Abbott. Ils s'appuient sur Saccharin Corporation Ltd. c. Anglo Continental Chemical Works Ltd., (1900) 17 RPC 307, à la page 319, où le juge Buckley déclare ce qui suit :
[traduction] Si le procédé breveté est la dernière étape du procédé de fabrication de l'article vendu, l'importation et la vente de ce produit constituerait clairement une contrefaçon, selon moi. Y aurait-il pour autant absence de contrefaçon, si le produit fabriqué et vendu grâce à l'utilisation du procédé breveté est également soumis à d'autres procédés? À mon avis, la réponse est non. En vendant la saccharine produite au moyen du procédé breveté, l'importateur prive le titulaire du brevet d'une partie des profits et avantages globaux de l'invention, et se trouve àexploiter indirectement l'invention. À mon sens, donc, cet argument doit être écarté.
Cette « doctrine Saccharin » a récemment été confirmée par la Cour suprême du Canada dans Montsanto c. Schmeiser, (2004) 31 CPR (4th) 161.
[49] Abbott s'appuie également sur la décision Pfizer Canada Inc c. Novopharm, 2004 CF 1633, dans laquelle mon collègue le juge Gibson affirme, au paragraphe 62 :
Pour paraphraser certains extraits précités de l'arrêt Schmeiser, Novopharm cherche en l'espèce àexploiter ce qui peut fort bien être un élément breveté contenu dans une chose non brevetée, à savoir les comprimés de monohydrate d'azithromycine de 250 mg de Novopharm. Le monohydrate d'azithromycine en vrac que Novopharm projette d'importer et d'exploiter serait un élément important de son produit final, voire la principale composante de son produit. Si l'on permettait que cela se produise, et s'il y a formation de dihydrate d'azithromycine pendant le processus de fabrication de l'azithromycine en vrac de Novopharm, les demanderesses seraient indirectement privées du monopole que leur confère le brevet 876. La pleine jouissance de ce monopole qui est conféré à Pfizer É.-U. en tant que titulaire du brevet serait donc grandement compromise.
[50] Pfizer, précité, se distingue à plus égards du cas en l'espèce :
Premièrement, soulignons que le juge Gibson n'a pas fondé sa décision finale sur la doctrine Saccharin mais plutôt sur l'insuffisance de l'avis d'allégation.
Deuxièmement, rien dans la preuve en l'espèce ne permet de croire que le procédé de fabrication de Ratiopharm sera utilisé à l'étranger, la question au coeur du litige dans Saccharin.
Troisièmement, et selon moi l'élément le plus important, la décision Saccharin porte sur la contrefaçon d'un brevet. La présente instance n'est pas une action en contrefaçon mais une demande d'ordonnance d'interdiction en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés; en conséquence, les exigences du Règlement sur les médicaments brevetés doivent être remplies. Il est bien établi dans la jurisprudence que ce règlement est un code à part entière, en ce qui concerne l'examen des allégations de contrefaçon relatives aux avis de conformité délivrés par le ministre de la Santé.
[51] Le sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement sur les médicaments brevetés est libellé comme suit :
5 (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare [...] à une autre drogue [...], cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :
[¼]
b) soit une allégation portant que, selon le cas :
[¼]
(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité. [Non souligné dans l'original.]
[52] L'article 7 précise également ce qui suit :
7 (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :
[¼]
e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);
f) la date d'expiration de tout brevet faisant l'objet d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).
(2) L'alinéa (1)e) ne s'applique pas si, à l'égard de chaque brevet visé par une demande au tribunal aux termes du paragraphe 6(1) :
[¼]
b) soit le tribunal a déclaré que le brevet n'est pas valide ou qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites. [Non souligné dans l'original.]
[53] Ainsi, je ne nie pas que la doctrine Saccharin s'applique au Canada et que l'apparition du produit de forme 0 dans le procédé de fabrication de Ratiopharm pourrait constituer une contrefaçon (si les éléments de preuve nécessaires étaient réunis) dans le cadre d'une action en contrefaçon fondée sur Pfizer, précité, mais telle n'est pas la question en l'espèce. La Cour doit décider s'il s'agit d'une contrefaçon au sens entendu dans le Règlement sur les médicaments brevetés; or, le Règlement précise qu'il doit y avoir contrefaçon de la revendication pour le médicament en soi ou de la revendication pour l'utilisation du médicament. De toute évidence, ce n'est pas le cas en l'espèce. Au mieux, il pourrait y avoir contrefaçon en raison du produit obtenu à l'étape 5 du procédé CLX de Ratiopharm. Toutefois, le résultat de l'étape 5 n'est pas le produit final du procédé de Ratiopharm mais plutôt un produit intermédiaire. Ce produit intermédiaire n'est pas fabriqué, construit, utilisé ou vendu en tant que médicament, il s'agit uniquement d'un produit transitoire avant l'obtention du produit final. En conséquence, il serait contraire à toute logique de prétendre que la fabrication de ce produit intermédiaire (s'il s'agit bien de la forme 0) contrefait les revendications du brevet 274 pour le médicament en soi et/ou pour l'utilisation du médicament en soi.
[54] En conséquence, je conclus qu'Abbott n'a pas réfuté la deuxième allégation de Ratiopharm en ce qui concerne le brevet 274. Bien que cette conclusion soit déterminante quant à l'issue positive de la demande d'ordonnance d'interdiction de Ratiopharm, j'examinerai les autres allégations d'Abbott, pour le cas où la conclusion de la Cour, telle qu'énoncée au paragraphe 53, serait infirmée en appel.
Allégation 3 - Contrefaçon par le procédé CLX de Ratiopharm
[55] Selon Abbott, le procédé CLX de Ratiopharm permet de préparer la clarithromycine de forme 0. Il n'y a aucune mention du produit de forme 0 dans l'étape 5 du procédé de Ratiopharm. Cette étape décrit plutôt le procédé de la façon suivante :
[traduction]
« Description du procédé de préparation CLX-V (purification) »
01. Charger l'alcool absolu
02. Préparer le lit Hyflow dans l'alcool absolu
03. Charger la clarithromycine broyée
04. Chauffer au reflux pendant 30 minutes
05. Filtrer et récupérer le filtrat
06. Charger le filtrat et chauffer à 75 - 80 EC
07. Refroidir lentement à 0 - 5 EC et maintenir à cette température pendant 2 heures
08. Filtrer et laver le résidu avec de l'alcool absolu refroidi
09. Retirer le résidu du filtre et le peser
10. Charger l'alcool absolu
11. Charger la 1re fraction de clarithromycine purifiée
12. Chauffer au reflux pendant 30 minutes
13. Filtrer à chaud et récupérer le filtrat
14. Charger le filtrat, chauffer à 75 - 80 EC, refroidir lentement jusqu'à 0 - 5 EC et maintenir à cette température pendant 2 heures
15. Filtrer et laver le résidu avec de l'alcool absolu refroidi
16. Retirer le résidu du filtre, le peser et en expédier un échantillon au service de CQ qui l'analysera par CLHP pour déterminer les substances apparentées présentes
17. Si l'échantillon ne satisfait pas aux spécifications, répéter les étapes 01 à 16.
18. Après l'analyse, sécher le produit à 115 - 120 EC sous un vide d'au moins 550 mm Hg pendant au plus 12 heures
19. Faire subir une analyse complète à l'échantillon
(Dossier des demanderesses, volume 9, onglet L, p. 1717)
[56] Abbott fonde son allégation sur l'affidavit de M. Atwood qui a reproduit en laboratoire le procédé de Ratiopharm et qui a observé la présence de clarithromycine de forme 0 présentant des valeurs 2 thêta qui correspondaient à celles précisées dans les revendications 4 et 5 du brevet 274. (Dossier des demanderesses, volume 10, onglet 35, par. 169)
[57] M. Atwood a également passé en revue une expérience menée par M. Chyall, qui simulait l'étape 5 du procédé CLX de Ratiopharm. À son avis, cette expérience permet de confirmer qu'on obtient le produit de forme 0 au no 16 de l'étape 5 du procédé CLX. (Dossier des demanderesses, volume 10, onglet 37, par. 2)
[58] De même, M. Myerson, au paragraphe 15 de son affidavit, arrive à la conclusion que l'étape 5 du procédé CLX de Ratiopharm donne de la clarithromycine. (Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 40, par. 115)
[59] Même M. Hollingsworth, l'expert de Ratiopharm, a fait l'affirmation suivante dans son affidavit :
[traduction] Comme le produit de forme 0 obtenu par le procédé de Ratiopharm n'est pas utilisé comme antibiotique, il n'est pas visé par la revendication 1 [...] correctement interprétée dans le contexte des mémoires descriptifs du brevet 274 dans son ensemble. [Non souligné dans l'original.]
(Dossier des défendeurs, volume 9, onglet 14, par. 60)
[60] De plus, lors de son contre-interrogatoire, M. Eckhardt a reconnu que l'étape 5 du procédé CLX donnerait vraisemblablement un solvate du solvant X. Voici les détails du contre-interrogatoire :
[traduction]
Q. (De M. Reddon) Mais dans le cas du solvant X, ce qu'on appelle le solvate du produit de forme II est le produit constitué de la forme 0 et du solvant X. D'accord?
R. Je pourrais vous dire avec certitude et sans trop d'hésitations qu'il y a sans doute formations de solvates. Je n'en suis pas convaincu... un des problèmes auxquels on doit faire face dans l'industrie, et vous le savez sans doute, est de connaître tous les solvates ou polymorphes possibles. En fait, je tente actuellement de trouver une solution à ce problème. Il serait donc téméraire de ma part de dire que de tels produits ne se forment pas. Je ne crois pas cependant que je pourrais dire quels... solvates exactement se forment.
Q. Mais, pourtant, il serait téméraire, compte tenu des multiples solvates, de dire dans le brevet 147062 que le solvate qui se forme est nécessairement le produit constitué de la forme 0 et du solvant X...
R. Non. Je ne crois pas que j'ai dit qu'il se formait nécessairement. Si j'ai employé cet adverbe, alors je me rétracte. Je dirai plutôt qu'il se forme probablement.
Mais ici encore, je ne connais pas les nombreuses procédures. Je ne connais pas l'introduction plausible... Je n'ai aucun contrôle sur les conditions comme je l'aurais en laboratoire.
Je suis loin d'être à l'aise avec le procédé si complexe dont il est question ici. En fait, étant donné les nombreuses étapes de lavage, je me demande ce qui se passe au juste. Donc, je crois... vous savez... qu'il y un monde de différence entre... ce que fait le chimiste qui travaille en laboratoire... et celui qui prépare des produits en grandes quantités.
Et c'est là l'un des problèmes de l'ingénieur-chimiste, c'est-à-dire prendre un procédé de laboratoire et en faire un procédé industriel, car il se produit alors toutes sortes de choses fâcheuses.
Je suis... vous savez... je peux sembler excessivement prudent, mais je ne crois pas que je suis à l'aise... Pour ce qui est des principes de base, je suis à l'aise en disant, oui, il se formera un produit. J'ai des doutes par contre lorsqu'il s'agit de préciser quel produit exactement.
Q. Êtes-vous à l'aise en disant qu'il s'agirait d'un solvate?
R. Un certain type de solvate.
Q. Êtes-vous à l'aise en disant qu'il s'agit d'un solvate du solvant X, car on utilise le solvant X dans le procédé?
R. N'importe lequel de ces solvants pourraient former un solvate, voilà ce que je dis.
Q. D'accord. Mais êtes-vous à l'aise en disant que, non certainement mais vraisemblablement, il y a à l'étape... à la page 25, probablement un solvate et probablement un solvate du solvant X?
R. Il s'agit possiblement d'un solvate s'il y a présence du solvant X, oui.
Q. Vraisemblablement un solvate? D'accord?
R. Vraisemblablement.
Q. Connaissez-vous un solvate de la clarithromycine obtenu avec le solvant X qui n'est pas un solvate de la forme 0 avec le solvant X?
R. Qui n'est pas un solvate de la forme 0? Non. Mais cela ne veut pas dire qu'un tel solvate n'existe pas. [Non souligné dans l'original.]
(Dossier des demanderesses, volume 13, onglet 42, pages 80-83)
[61] D'autre part, Ratiopharm fonde son allégation sur le témoignage de son expert, M. Eckhardt, selon lequel on peut conclure ce qui suit :
a) On ne peut se fier à la première expérience menée par Atwood, car ce dernier n'a pas reproduit fidèlement le procédé CLX, en ne séchant pas correctement le gâteau de filtration et en en diminuant le poids de 20 %. (Dossier des défendeurs, volume 10, onglet 16, par. 145)
b) On ne peut, non plus, se fier aux expériences de Chyall, car il n'est pas clair s'il a simulé les étapes 1 à 9 ou les étapes 10 à 16 du procédé CLX. Aspect plus important encore, on utilise au début du procédé CLX de la « clarithromycine brute » , tandis qu'on ne sait pas au juste ce que M. Chyall a utilisé au départ. Toutefois, la présence d'impuretés est indispensable à la formation de polymorphes. (Dossier des défendeurs, volume 10, onglet 17, par. 9-12)
c) Lors de son contre-interrogatoire, M. Hollingsworth a confirmé l'importance des impuretés et a précisé la différence entre le procédé de laboratoire et le procédé industriel. (Dossier des demanderesses, volume 14, onglet 43, pages 105, 112, 126 et 130)
[62] Dans son affidavit, M. Eckhardt a relevé, dans les essais menés en laboratoire, plusieurs lacunes qui n'ont été ni contestées ni mises en doutes lors du contre-interrogatoire; néanmoins, ces lacunes ne permettent pas de trancher la question. Il n'est pas étonnant que le procédé exécuté en laboratoire n'ait pu reproduire la totalité du procédé CLX. Par contre, MM. Atwood, Myerson et Hollingsworth ont tous les trois affirmé que le procédé CLX donnerait le produit de forme 0. M. Eckhardt concède essentiellement ce point en admettant qu'il y aurait vraisemblablement formation d'un solvate du solvant X et qu'il ne connaît aucun autre solvate du solvant X autre que celui du produit de forme 0.
[63] En se fondant sur ces faits, la Cour conclut qu'Abbott, suivant la prépondérance de la preuve, a réfuté l'allégation de Ratiopharm selon laquelle le procédé CLX ne contrefait pas le brevet 274. La preuve permet d'établir que la clarithromycine de forme 0 est obtenue en tant que produit intermédiaire à l'étape 5 du procédé CLX.
Allégation 4 - Évidence
Découverte intrinsèque
[64] Selon Ratiopharm, le brevet 274 est invalide, car la découverte du produit de forme 0 était intrinsèque à la découverte de la clarithromycine. Voici sur quoi repose l'argument de Ratiopharm. Longtemps avant la date de revendication du brevet 274, les auteurs Morimoto, Watanabe et Iwasaki avaient constaté l'existence des solvates de la clarithromycine. Ratiopharm souligne également que le brevet américain 4,990,602 et le brevet européen 260,938 décrivent comment cristalliser la clarithromycine dans l'éthanol. Elle signale les témoignages de M. Myerson (Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 40, par. 177) et de M. Byrn (Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 41, par. 262), selon lesquels le produit de forme 0 est obtenu chaque fois que le produit de forme I ou de forme II est préparé.
[65] En conséquence, la découverte du produit de forme 0 ne constitue pas une nouveauté, car elle était intrinsèque dans les travaux qui avaient déjà été effectués sur la cristallisation de la clarithromycine. Selon Ratiopharm, le simple fait d'isoler le solvate humide de l'atmosphère n'est rien d'autre que de le conserver dans un contenant Tupperware.
[66] Ratiopharm se reporte à un extrait de Merrell Dow Pharmaceuticals Inc. c. H. N. Norton & Co. Ltd., [1996] R.P.C. 76 (C.L.), opinion incidente souvent reprise (page 90) :
[traduction] En d'autres mots, si la recette, qui inévitablement permet d'obtenir la substance, fait partie de l'état de la technique, la substance obtenue, grâce à la recette en fait elle aussi partie.
Selon Ratiopharm, la recette utilisée en l'espèce pour préparer la clarithromycine était connue. Toute personne qui prépare de la clarithromycine (qu'il s'agisse, comme on l'appelle maintenant, du produit de forme I ou du produit de forme II) obtenait, quoique sans le savoir, le produit de forme 0.
[67] Ratiopharm affirme que tout ce qu'Abbott a fait est de vérifier l'existence de la forme 0. Il ne s'agit pas d'une invention. Comme l'a établi plutôt SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc., 21 C.P.R. (4th) 129, la simple vérification des propriétés d'une substance connue ne fait appel à aucun génie inventif.
[68] Aucun de ces arguments n'est convaincant. SmithKline Beecham porte sur la question de l'antériorité et non sur le caractère évident; cette décision ne s'applique donc pas aux faits en l'espèce. Il est d'ailleurs précisé ce qui suit, au paragraphe 22 de cette décision :
Je note toutefois que les notions de l'antériorité et du caractère évident de l'invention sont distinctes (R. Hughes et al. , précité, à la page 328). Comme l'a expliquéle juge Hugessen dans l'arrêt Beloit , précité, le caractère évident implique que « n'importe qui aurait pu faire cela » , l'antériorité que « votre invention est astucieuse, mais elle était déjà connue » .
[69] En ce qui concerne le principe énoncé dans Merrell Dow, précité, je ne vois pas en quoi il s'applique en l'espèce. Jusqu'à ce qu'Abbott découvre la forme 0, l'existence même et les caractéristiques de cette forme étaient inconnues. Quiconque aurait appliqué la « recette » connue aurait obtenu de la clarithromycine de forme I ou II. Personne ne connaissait l'existence d'un polymorphe instable disparaissant après le séchage.
[70] Quant à la notion de produit intrinsèque, il n'en a jamais été question dans le droit des brevets canadien. Il me semble qu'il ne s'agit que d'une expression différente de la notion d'antériorité. Ratiopharm prétend que quiconque applique les règles de la technique connue obtient effectivement le produit de forme 0. Cependant, pour pouvoir affirmer que l'état de la technique a réellement un caractère d'antériorité, on doit satisfaire au critère défini dans Beloit Canada c. Valmet, (1986) 8 CPR (3d) 289, tel que formulé par le juge Hugessen :
On se souviendra que celui qui allègue l'antériorité, ou absence de nouveauté, prétend que l'invention était connue du public avant la date pertinente. L'enquête porte sur l'invention litigieuse elle-même et non, comme dans le cas de l'évidence, sur l'état de la technique et des connaissances générales. De plus, ainsi qu'il ressort du passage précité de la Loi, l'antériorité doit se trouver dans un brevet particulier ou dans un autre document publié; il ne suffit pas de recueillir des renseignements à partir de diverses publications antérieures et de les ajouter les uns aux autres et d'en arriver àl'invention revendiquée. Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée. [Non souligné dans l'original.]
[71] En contre-interrogatoire, l'expert de Ratiopharm, M. Eckhardt, a reconnu qu'une personne versée dans l'art qui appliquerait les techniques de séchage traditionnelles obtiendrait directement et sans difficulté le produit de forme I, exempt de toute trace notable du produit de forme II (dossier des demanderesses, volume 14, onglet 42, p. 150). Il ne mentionne en aucun cas que cette personne obtiendrait la forme 0. Ratiopharm n'a pas prouvé qu'intrinsèquement, toute personne versée dans l'art qui fabriquerait de la clarithromycine selon la technique connue arriverait « infailliblement à l'invention revendiquée [la forme 0] » , « sans l'exercice de quelque génie inventif » .
Le caractère évident
[72] L'autre argument de Ratiopharm est que l'invention de la forme 0 était évidente, compte tenu de l'état de la technique.
[73] Le critère relatif au caractère évident a également été défini par le juge Hugesson dans Beloit, précité :
Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.
[74] En outre, le juge Hugesson propose que la Cour réponde à la question traditionnelle suivante, lorsqu'elle examine la caractère évident d'une invention :
Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j'aurais pu faire cela » ; avant d'accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? »
[75] Ici, M. Myerson a témoigné qu'il n'était pas intuitif de supposer :
a) qu'il existe différents polymorphes de la clarithromycine;
b) que certains de ces polymorphes sont instables;
c) qu'il faudrait d'abord procéder à une analyse avant de procéder au séchage.
(Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 40, par. 145)
[76] Le fait de sceller la clarithromycine humide pour en prévenir le séchage, puis de l'analyser constitue la partie inventive de la découverte d'Abbott. Lors du contre-interrogatoire, M. Myerson a laissé supposer que le séchage était une opération couramment utilisée pour éliminer le solvant qui adhérait au produit et qui risquait d'en perturber l'analyse. (Dossier des défendeurs, volume 5, onglet 9, pages 354 et 359).
[77] Dans son affidavit, M. Byrn a fourni une bonne description du procédé inventif concernant les solvates :
[traduction] Il est vrai que les techniques de laboratoire et d'analyse nécessaires au procédé inventif sont des techniques couramment utilisées, mais l'adoption d'une méthode de recherche, la sélection des conditions et des solvants, la modification de la méthode au fur et à mesure de l'obtention des différents résultats et, en fin de compte, l'invention des formes polymorphes et des procédés permettant de les préparer sont basées sur l'intuition, l'expérience et, parfois, la chance. Il ne s'agit pas d'un procédé qui est simple ou qui n'est pas ingénieux; à mon avis, le succès fait appel bien souvent à une vaste expérience, à de l'ingéniosité et à un esprit inventif ainsi qu'à une certaine part de chance. Il faut normalement procéder à de nombreuses expériences faisant intervenir de nombreuses variables juste pour déterminer quelles formes solides cristalliseront, sans parler d'une forme solide pouvant être utilisée comme produit pharmaceutique commercialisable. Il y a, en fait, plus d'un million d'expériences différentes possibles, si l'on suppose, sans exagérer, qu'il y a 60 solvants différents, 60 co-solvants possibles, 10 températures différentes, 10 taux de refroidissement différents et 10 concentrations différentes. Une expérience qui ne donne aucun résultat utile ne fournit au chimiste aucune information quant aux expériences qu'il devrait ensuite entreprendre. Le chimiste pourrait simplement répéter l'expérience et attendre plus longtemps pour voir s'il y aura cristallisation du produit. Les entreprises pharmaceutiques ont mis sur pied des départements dont le seul but est de trouver des formes solides de composés pharmaceutiques présentant les qualités recherchées. De même, l'entreprise SSCI, dont je suis le fondateur, ainsi que plusieurs autres entreprises se spécialisent dans la recherche de formes solides de substances pharmaceutiques. Lorsqu'une forme solide a été trouvée, il faut ensuite mettre au point une méthode permettant d'isoler et de sécher cette forme, ce qui ajoute d'autres variables au procédé.
(Dossiers des demanderesses, volume 12, onglet 41, par. 100)
[78] Abbott se reporte également au témoignage de M. Eckhardt, témoin de Ratiopharm, qui, lors de son contre-interrogatoire, a déclaré ce qui suit :
[traduction]
Q. Ainsi, même s'il disposait de résultats IR, quel qu'ait été le raisonnement déductif nécessaire pour découvrir la forme 0 ou la forme I ... il semble, selon l'article, que ce fait ait échappé à M. Salem. D'accord?
R. Oui, il semble bien que ce fait lui ait échappé.
(Dossier des demanderesses, volume 13, onglet 42, p. 186)
Il a également admis que, pendant 15 ans, personne n'a découvert la forme 0 malgré les douzaines d'articles qui ont été publiés sur ce sujet :
[traduction]
Q. Quelle que soit la raison, ils étaient ou non intéressés, le fait demeure qu'il y a, dans l'avis d'allégation de Ratiopharm, des douzaines de références faisant état de cas où une personne versée dans l'art a, entre 1981 et 1996, cristallisé de la clarithromycine.
R. Oui.
Q. Et aucune d'entre elles, y compris Salem en 1996 qui avait alors en main un thermogramme CCP et un spectre IR, n'a jamais fait état de la forme I. Êtes-vous d'accord?
R. Oui.
(Dossier des demanderesses, volume 13, onglet 42, p. 187)
[79] Par contraste, Ratiopharm note que les revendications du brevet 274 ne mentionnent pas que le solvate humide est isolé de l'atmosphère. Elle se reporte également au témoignage de M. Eckhardt, selon lequel ce conditionnement est une opération de routine qu'il faut effectuer pour conserver le solvate cristallin. (Dossier des défendeurs, volume 10, onglet 16, par. 158.)
[80] De même, M. Hollingsworth a noté, dans son affidavit, qu'une personne versée dans l'art suivrait la méthode suivante :
[traduction] Le chimiste de métier s'attendrait également que le fait de sécher les cristaux de solvate pourrait ou non convertir le solvate en une autre forme cristalline non solvatée. La personne versée dans l'art aurait procédé à des essais de base et des essais de routine pour analyser les solides obtenus par filtration, tant avant qu'après séchage, pour déterminer dans quelle mesure il y avait perte de solvant et pour déterminer le taux de perte. Cette analyse aurait révélé que le solvate de forme 0 perd son solvant assez rapidement lorsqu'il est exposé à l'air. Reconnaissant ce fait, tout chimiste de métier souhaitant déterminer les propriétés du solvate prendrait, sans aucun doute, des mesures appropriées pour prévenir toute exposition à l'air (par exemple, en conservant le produit dans un contenant fermé hermétiquement); ainsi, il serait assuré que les propriétés déterminées sont bien celles du solvate et qu'il n'y a aucun risque de conversion en une autre forme polymorphe ou pseudopolymorphe. En résumé, le chimiste de métier conserverait les cristaux de solvate dans un contenant fermé hermétiquement, et il ferait preuve de négligence en ne prenant pas une telle mesure.
(Dossier des défendeurs, volume 9, onglet 14, par. 159)
[81] M. Hollingsworth souligne également que, dans les années 1980, des chercheurs comme Morimoto et Iwasaki étaient à la recherche de solvates. (Dossier des demanderesses, volume 14, onglet 13, par. 224-226).
[82] Toute cette démarche nous amène à la question principale : si l'isolement du solvate humide de l'atmosphère et son analyse étaient si évidents, pourquoi personne n'y a procédé avant Abbott? Ratiopharm ne fournit aucune réponse à cette question. Sans réponse, il est impossible d'établir l'évidence.
[83] La Cour note que Ratiopharm ne fournit aucune réponse à la question de Beloit, précité. Elle accepte aussi la logique du témoignage de M. Myerson, selon lequel le séchage du solvate avant l'analyse, en vue d'éviter toute erreur découlant de la présence de solvant adhérant au solvate, constitue une mesure couramment utilisée. Selon la Cour, la description du procédé inventif de M. Byrn est fort convaincante, ce qui laisse supposer que la découverte du produit de forme 0 a exigé plus qu'un simple raisonnement déductif. Enfin, il y a le fait incontestable que plus de dix ans se sont écoulés entre la publication des articles concernant la cristallisation de la clarithromycine et la date de revendication du brevet 274; pourtant, personne n'avait découvert le produit de forme 0 au cours de cette période.
[84] En conséquence, suivant la prépondérance de la preuve, Abbott a réfuté l'allégation de Ratiopharm selon laquelle le brevet 274 est nul pour motif d'évidence.
Conclusion concernant le brevet 274
[85] Ayant constaté au paragraphe 53 ci-dessus qu'Abbott ne peut faire valoir le brevet 274 à l'encontre du produit intermédiaire de Ratiopharm en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés, aucune ordonnance d'interdiction ne sera accordée à Abbott relativement au brevet 274.
Brevet 361
[86] Le brevet 361 est un brevet portant sur un produit par procédé qui vise la production, à partir de clarithromycine de forme 0, de clarithromycine de forme II destinée à être utilisée comme antibiotique.
[87] La revendication 1 du brevet 361 est la revendication en litige. Cette revendication, qui est relativement simple, vise :
[traduction] Un procédé de préparation de la 6-O-méthylérythromycine A de forme II, comprenant le chauffage du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, sous vide à une température comprise entre environ 70 _C et 110 _C inclusivement.
(Dossier des demanderesses, volume 8, onglet 33F, p. 1604)
[88] L'élément principal de cette invention est évidemment le séchage [traduction] « à une température comprise entre environ 70_C et 110_C inclusivement » .
[89] Le procédé utilisé par Ratiopharm pour fabriquer son produit final est décrit de la façon suivante à l'étape 18 de son procédé de production :
[traduction] Après analyse, sécher le produit à 115 _C - 120 _C sous un vide d'au moins 550 mm Hg pendant une période pouvant atteindre 12 heures.
(Dossier des défendeurs, volume 13, onglet 24, par. 203.)
[90] Ratiopharm allègue que la température utilisée dans sa méthode de préparation est à l'extérieure de la plage de températures décrite dans le brevet et qu'il n'y a donc pas contrefaçon du brevet d'Abbott. Elle avance que l'invention d'Abbott est basée sur la température de séchage du solvate. Cette température de séchage est la principale variable du procédé de production revendiquée et, en conséquence, la température indiquée dans le brevet devrait être rigoureusement respectée.
[91] Selon Abbott, il y a contrefaçon du brevet 361 parce qu'une personne versée dans l'art comprendrait, en lisant la totalité du brevet, que le chauffage à une température comprise entre 115 _C et 120 _C inclusivement est soit visé par les revendications du brevet 361 soit un équivalent chimique évident.
[92] Il faut interpréter le brevet 361 en tenant compte du paragraphe 10 ci-dessus. La question essentielle est de savoir si le terme « environ » dans le brevet 361 permet de hausser la limite supérieure de 110 _C pour inclure la température de 115 _C, étant donné que 115 _C est la limite inférieure de la plage de températures utilisée par Ratiopharm lors de la préparation de son produit.
[93] Voici ce qu'a déclaré M. Myerson, l'expert d'Abbott :
[traduction] Une personne versée dans l'art donnerait au terme « environ » utilisé dans la revendication 1 le sens de « à 5 % près » , ce qui, en l'espèce, signifie « à plus ou moins 5 _C » . Ainsi, une personne versée dans l'art comprendrait, lorsqu'elle lirait la revendication 1, que la plage de températures de chauffage du produit de forme 0 inclut des températures légèrement plus élevées que 115 _C.
(Dossier des demanderesses, volume 12, onglet 40, par. 189)
[94] Il n'est pas clair à quelle température de base M. Myerson applique le 5 %. Pour obtenir une variation de plus ou moins 5 _C, il faut appliquer le 5 % à une température de base de 100 _C, ce qui est plutôt imprécis comme choix de température. Si on choisit 5 % et qu'on l'applique à la température médiane de 90 _C, la variation, c.-à-d. 5 % de 90 _C, est de 4,5 _C, ce qui donne une plage de 65,5 _C - 114,5 _C. Si, par contre, on applique le 5 % à la valeur de l'intervalle (qui va de 70 _C à 110 _C, soit 40 _C), on obtient une variation de 2 _C et la nouvelle plage est alors 68 _C - 112 _C. Dans un cas comme dans l'autre, la limite supérieure de la plage d'Abbott n'atteint pas 115 _C, qui est la limite inférieure de la plage de Ratiopharm qui va de 115 _C à 120 _C. De toute évidence, une plage de températures de 65,5 _C - 114,5 _C ou de 68 _C - 112 _C ne couvre pas aussi la plage de 115 _C - 120 _C.
[95] Voici ce qu'a déclaré M. Atwood :
[traduction] Il est précisé dans les revendications du brevet 361 qu'il faut chauffer à une température [traduction] « d'environ 70 _C et 110 _C » . Une personne versée dans l'art saurait, en lisant la totalité du brevet, que le chauffage à 115 _C - 120 _C est soit prévu par les revendications du brevet 361 (car, dans une étuve, la température varie normalement de 10 _C au-dessus à 10 _C au-dessous de la température à laquelle l'étuve est réglée) soit un équivalent chimique évident. Une personne versée dans l'art saurait que le chauffage à 115 _C - 120 _C produit exactement le même effet et exactement de la même manière que le chauffage à 110 _C. Une personne versée dans l'art ne penserait pas que le titulaire du brevet avait l'intention de limiter la portée de la revendication à des procédés au cours desquels la température est portée à moins de 110 _C et à plus de 70 _C, car la revendication comporte le mot « environ » .
(Dossier des demanderesses, volume 10, onglet 35, par. 190.)
[96] À mon avis, l'explication de M. Atwood concernant la température de chauffage décrite dans le brevet n'est pas défendable. Dans son interprétation du brevet, M. Atwood n'a pas tenu compte du principe bien établi selon lequel un brevet doit divulguer au public les détails de l'invention. On peut raisonnablement s'attendre à ce que les enseignements du brevet relatifs à la température soient rigoureusement appliqués pour obtenir le résultat prévu.
[97] Deuxièmement, une personne versée dans l'art qui sait que la température dans une étuve varie d'environ 10 _C au-dessus à 10 _C au-dessous de la température à laquelle l'étuve a été réglée (comme l'a mentionné M. Atwood) choisirait assurément une température se situant au milieu de la plage prescrite de 70 _C - 110 _C. Je m'attendrais à ce que cette personne règle l'étuve à 90 _C, car, malgré la variation de " 10 _C, la température resterait alors à l'intérieur de la plage prescrite. Il est totalement illogique de supposer qu'une telle personne, qui sait que la température dans une étuve varie de part et d'autre de la valeur à laquelle elle a été réglée, comme l'a décrit M. Atwood, réglerait cette température à une valeur située dans la partie supérieure de la plage de températures en comptant toujours obtenir le résultat prévu.
[98] Dans Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd. et al. 1 C.P.R. (4th) 22, le juge Reed devait trancher une situation semblable. Dans cette affaire, la partie pertinente de la revendication 1 précisait :
[traduction]
1. Un comprimé à libération progressive [...] lequel comprimé est composéd'une matrice homogène comprenant :
environ 4-9 % en poids d'hydroxypropylméthylcellulose [...]
[99] Le juge Reed déclarait au paragraphe 45 que si le brevet ne donne aucune définition précise, comme en l'espèce, c'est le sens usuel du mot qui s'applique. Elle indiquait que le dictionnaire donnait au mot « environ » le sens de « à peu près » ou de « qui se rapproche de » et que, dans le litige dont elle était saisie, ce terme signifiait que « la variation ne saurait excéder un demi point de pourcentage » , c.-à-d. de 3,5 à 9,5. Voici son raisonnement :
Un pourcentage inférieur à 3,5 ou supérieur à 9,5 ne « se rapproche » pas de 4 ou de 9, respectivement, mais de 3 et de 10. On se serait plutôt attendu à ce que le breveté indique que la fourchette permise d'environ 3 à 10 était plus proche de 3 que de 4, et de 10 que de 9.
[100] Des trois modèles proposés ci-dessus, c'est l'interprétation de M. Myerson qui est la plus raisonnable (c.-à-d. _ 5 %), même si je ne suis pas d'accord avec ses calculs mathématiques. Toutefois, l'application de sa théorie d'une plage de 5 % à l'une et l'autre des deux options dont il a été question au paragraphe 9 ci-dessus n'entraîne pas un chevauchement avec la partie inférieure de la plage de 115 _C - 120 _C de Ratiopharm.
Conclusion concernant le brevet 361
[101] En conséquence, je conclus qu'Abbott n'a pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, que le procédé de Ratiopharm contrefait la revendication 1 du brevet 361.
Observations complémentaires
[102] L'audition de cette demande a duré six jours à Ottawa. Vu qu'une bonne partie du dossier est confidentielle, la Cour a envoyé aux parties, le 11 juillet 2005, un exemplaire de ses motifs afin qu'elles indiquent si certains passages devaient être protégés par le sceau de la confidentialité. Sur réception de la réponse des parties, le 19 juillet, plusieurs paragraphes ont été partiellement oblitérés. En outre, le nom de deux solvants a été remplacé par « solvant A » et « solvant X » . En conséquence, ces motifs sont publiés dans une version publique modifiée et dans une version intégrale confidentielle.
[103] Toutefois, l'avocat de Ratiopharm a fait parvenir à la Cour, de son propre chef, une lettre en date du 12 juillet 2005 dans laquelle il fait observer que, dans l'ébauche des motifs, la partie relative au brevet 274 ne correspondait pas au projet d'ordonnance. La Cour a organisé une conférence téléphonique avec les parties, sur cette question; en l'absence d'accord entre les avocats, la Cour a ordonné, le 15 juillet 2005, qu'Abbott soumette ses observations écrites, sur au plus trois pages, en réponse à l'observation non sollicitée de Ratiopharm. Les observations d'Abbott ont été remises à la Cour le 21 juillet.
[104] Après avoir examiné l'observation non sollicitée de Ratiopharm et la réponse d'Abbott, la Cour a modifié son projet d'ordonnance. Comme le soulignait Ratiopharm à juste titre, la Cour a omis, en rassemblant ses motifs, de tenir compte du fait que la conclusion figurant au paragraphe 53 tranchait de manière définitive la question des allégations relatives au brevet 274. Les conclusions énoncées aux paragraphes 55 à 84 sont incidentes et ne prendront effet que dans l'éventualité où la Cour d'appel infirme la conclusion du paragraphe 53.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée et que les dépens soient adjugés à la défenderesse Ratiopharm.
« Konrad von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Michèle Ali
[traduction]
ANNEXE A
Brevet 606
Sommaire de l'invention
Nous avons découvert que la 6-O-méthylérythromycine A peut présenter au moins deux formes cristallines distinctes qui, aux fins d'identification, sont désignées « forme I » et « forme II » . Les formes cristallines sont identifiées par leur spectre infrarouge, leur thermogramme obtenu par analyse calorimétrique à compensation de puissance et leur diffractogramme X sur poudres. Les produits cristallins de forme I et de forme II possèdent un spectre d'activité antibactérienne identique; cependant, le produit de forme I possède un taux de dissolution environ trois fois plus élevé que celui du produit de forme II. Des études réalisées dans notre laboratoire ont indiqué que la recristallisation de la 6-O-méthylérythromycine A dans l'éthanol, le tétrahydrofurane, l'acétate d'isopropyle et l'isopropanol ou dans des mélanges de ces solvants organiques courants donne exclusivement le produit cristallin de forme I qui, jusqu'ici, n'avait pas été identifié.
Les produits pharmaceutiques actuellement vendus sur le marché ont été formulés à partir du produit cristallin de forme II qui est thermodynamiquement plus stable. Il faut donc, pour préparer le produit commercial actuel, transformer le produit cristallin de forme I en produit de forme II. Normalement, pour ce faire, on chauffe sous vide le produit cristallin de forme I jusqu'à une température supérieure à 80 _C. La découverte d'une nouvelle forme de 6-O-méthylérythromycine A pouvant être préparée sans traitement à haute température permet donc de réaliser d'importantes économies au niveau du procédé de traitement. De plus, les caractéristiques favorables de dissolution que présente le produit de forme I par rapport au produit de forme II se traduisent par une biodisponibilité accrue de l'antibiotique et d'importants avantages sur le plan de la formulation.
Dans sa principale réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme II. Ce nouvel antibiotique cristallin peut être caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,5__0,2, 9,5__0,2, 10,8__0,2, 11,5__0,2, 11,9__0,2, 12,4__0,2, 13,7__0,2, 14,1__0,2, 15,2__0,2, 16,5__0,2, 16,9__0,2, 17,3__0,2, 18,1__0,2, 18,4__0,2, 19,0__0,2, 19,9__0,2 et 20,5__0,2, ou par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,52__0,2, 9,48__0,2, 10,84__0,2, 11,48__0,2, 11,88__0,2, 12,36__0,2, 13,72__0,2, 14,12__0,2, 15,16__0,2, 16,48__0,2 16,92__0,2, 17,32__0,2, 18,08__0,2, 18,40__0,2, 19,04__0,2, 19,88__0,2 et 20,48__0,2.
Dans une autre réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme II essentiellement exempte de 6-O-méthylérythromycine A de forme I. Ce nouvel antibiotique cristallin peut être caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,5__0,2, 9,5__0,2, 10,8__0,2, 11,5__0,2, 11,9__0,2, 12,4__0,2, 13,7__0,2, 14,1__0,2, 15,2__0,2, 16,5__0,2, 16,9__0,2, 17,3__0,2, 18,1__0,2, 18,4__0,2, 19,0__0,2, 19,9__0,2, et 20,5__0,2 ou 8,52__0,2, 9,48__0,2, 10,84__0,2, 11,48__0,2, 11,88__0,2, 12,36__0,2, 13,72__0,2, 14,12__0,2, 15,16__0,2, 16,48__0,2 16,92__0,2, 17,32__0,2, 18,08__0,2, 18,40__0,2, 19,04__0,2, 19,88__0,2 et 20,48__0,2.
La présente invention permet également d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme I.
La présente invention permet également d'obtenir des compositions pharmaceutiques contenant une dose thérapeutique de 6-O-méthylérythromycine A de forme I en combinaison à un excipient acceptable du point de vue pharmaceutique.
De plus, l'invention décrit une méthode de traitement des infections bactériennes chez un mammifère-hôte ayant besoin d'un tel traitement, ledit traitement comportant l'administration à un mammifère d'une dose thérapeutique de 6-O-méthylérythromycine A de forme I.
Dans une autre réalisation, la présente invention décrit aussi un procédé permettant de préparer la 6-O-méthylérythromycine A de forme I, comportant :
(a) la conversion de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A;
(b) le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A avec un solvant choisi parmi le groupe constitué (i) de l'éthanol, (ii) de l'acétate d'isopropyle, (iii) de l'isopropanol, (iv) du tétrahydrofurane et (v) d'un mélange constitué d'un premier solvant choisi parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane, et d'un deuxième solvant constitué d'un hydrocarbure renfermant de 5 à 12 atomes de carbone, d'une cétone renfermant de 3 à 12 atomes de carbone, d'un ester carboxylique renfermant de 3 à 12 atomes de carbone, d'un éther renfermant de 4 à 10 atomes de carbone, du benzène, d'un benzène portant un ou plusieurs substituants choisis parmi le groupe constitué d'un alkyl renfermant d'un à quatre atomes de carbone, d'un alkoxy renfermant d'un à quatre atomes de carbone, d'un nitro et d'un halogène, et d'un solvant aprotique polaire;
(c) la séparation de la 6-O-méthylérythromycine A de forme I cristalline obtenue à
l'étape (b); et
(d) le séchage de la 6-O-méthylérythromycine A séparée à l'étape (c), à une température comprise entre la température ambiante et environ 70 EC, afin d'obtenir la 6-O-méthylérythromycine A de forme I.
NOUS REVENDIQUONS :
1. La 6-O-méthylérythromycine A de forme II caractérisée par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,5__0,2, 9,5__0,2, 10,8__0,2, 11,5__0,2, 11,9__0,2, 12,4__0,2, 13,7__0,2, 14,1__0,2, 15,2__0,2, 16,5__0,2, 16,9__0,2, 17,3__0,2, 18,1__0,2, 18,4__0,2, 19,0__0,2, 19,9__0,2 et 20,5__0,2.
2. La 6-O-méthylérythromycine A de forme II caractérisée par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,52__0,2, 9,48__0,2, 10,84__0,2, 11,48__0,2, 11,88__0,2, 12,36__0,2, 13,72__0,2, 14,12__0,2, 15,16__0,2, 16,48__0,2 16,92__0,2, 17,32__0,2, 18,08__0,2, 18,40__0,2, 19,04__0,2, 19,88__0,2 et 20,48__0,2.
3. La 6-O-méthylérythromycine A de forme II, essentiellement exempte de 6-O-méthylérythromycine A de forme I, caractérisée par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,5__0,2, 9,5__0,2, 10,8__0,2, 11,5__0,2, 11,9__0,2, 12,4__0,2, 13,7__0,2, 14,1__0,2, 15,2__0,2, 16,5__0,2, 16,9__0,2, 17,3__0,2, 18,1__0,2, 18,4__0,2, 19,0__0,2, 19,9__0,2 et 20,5__0,2.
4. La 6-O-méthylérythromycine A de forme II, essentiellement exempte de 6-O-méthylérythromycine A de forme I, caractérisée par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 8,52__0,2, 9,48__0,2, 10,84__0,2, 11,48__0,2, 11,88__0,2, 12,36__0,2, 13,72__0,2, 14,12__0,2, 15,16__0,2, 16,48__0,2 16,92__0,2, 17,32__0,2, 18,08__0,2, 18,40__0,2, 19,04__0,2, 19,88__0,2 et 20,48__0,2.
[traduction]
ANNEXE B
Brevet 274
Sommaire de l'invention
Il existe une troisième forme cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A, appelée « forme 0 » . Les produits cristallins de forme 0, de forme I et de forme II possèdent un spectre d'activité antibactérienne identique. La préparation de la 6-O-méthylérythromycine A suivant diverses méthodes décrites dans la documentation sur les brevets résumée ci-après, dans lesquelles le composé est purifié par recristallisation dans l'éthanol, donne au départ le produit de forme 0 qui est l'éthanolate cristallin. Il y a également formation de solvates du produit de forme 0 lorsque la recristallisation est effectuée dans le tétrahydrofurane, l'isopropanol et l'acétate d'isopropyle. Le solvate du produit de forme 0 est converti en produit de forme I non solvaté par séchage à une température comprise entre environ 0 EC et environ 50 EC inclusivement, ce qui élimine le solvant du réseau cristallin. Le produit de forme 0 est converti en produit cristallin de forme II non solvaté par chauffage sous vide à une température comprise entre environ 70 EC et 110 EC inclusivement.
Les complexes 6-O-méthylérythromycine A-carbomère décrits ci-dessus sont préparés à partir de la 6-O-méthylérythromycine A de forme II. La préparation de ces complexes à partir du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 permettrait de réaliser d'importantes économies sur le plan de l'énergie et des manipulations, car il ne serait pas nécessaire alors de procéder au séchage sous vide pour obtenir le produit cristallin de forme II. De plus, le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 constitue un intermédiaire utile dans la préparation des formes I et II non solvatées de la 6-O-méthylérythromycine A.
En conséquence, dans sa principale réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 possédant la structure :
|
dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
Le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,6__0,2, 6,5__0,2, 7,6__0,2, 9,2__0,2, 10,2__0,2, 11,0__0,2, 11,6__0,2, 12,5__0,2, 13,8__0,2, 14,8__0,2, 17,0__0,2, 18,2__0,2, 18,9__0,2 et 19,5__0,2 ou 4,581__0,2, 6,498__0,2, 7,615__0,2, 9,169__0,2, 10,154__0,2, 11,009__0,2, 11,618__0,2, 12,495__0,2, 13,772__0,2, 14,820__0,2, 16,984__0,2, 18,221__0,2, 18,914__0,2 et 19,495__0,2.
Dans une réalisation, la présente invention permet d'obtenir un antibiotique cristallin appelé éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, qui est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,7__0,2, 6,6__0,2, 7,7__0,2, 9,3__0,2, 10,4__0,2, 11,1__0,2, 11,9__0,2, 12,7__0,2, 13,9__0,2, 15,0__0,2, 17,2__0,2, 18,5__0,2, 19,1__0,2, 19,7__0,2, 23,1__0,2 et 24,0__0,2 ou 4,72__0,2, 6,60__0,2, 7,72__0,2, 9,30__0,2, 10,40__0,2, 11,10__0,2, 11,86__0,2, 12,72__0,2, 13,90__0,2, 15,02__0,2, 17,18__0,2, 18,50__0,2, 19,08__0,2, 19,68__0,2, 23,14__0,2 et 23,98__0,2.
Dans une autre réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - acétate d'isopropyle, qui est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,8__0,2, 6,7__0,2, 7,8__0,2, 9,1__0,2, 10,6__0,2, 12,0__0,2, 12,2__0,2, 12,4__0,2, 12,6__0,2, 12,8__0,2, 14,0__0,2, 15,2__0,2, 16,7__0,2, 17,3__0,2, 18,5__0,2, 19,2__0,2, 19,8__0,2, 20,6__0,2, 21,5__0,2 et 24,0__0,2 ou 4,76__0,2, 6,70__0,2, 7,80__0,2, 9,128__0,2, 10,56__0,2, 11,96__0,2, 12,24__0,2, 12,36__0,2, 12,60__0,2, 12,84__0,2, 13,96__0,2, 15,16__0,2, 16,68__0,2, 17,28__0,2, 18,52__0,2, 19,18__0,2, 19,80__0,2, 20,56__0,2, 21,52__0,2 et 23,96__0,2.
Dans une autre réalisation, la présente invention permet d'obtenir une composition contenant une dose thérapeutique de solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 en combinaison à un excipient acceptable du point de vue pharmaceutique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'utilisation du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère-hôte et dans la préparation d'un médicament antibiotique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer le solvate de la 6-O-méthylérythromycine de forme 0, comportant :
(a) la conversion de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A;
(b) le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A avec un solvant choisi parmi le groupe constitué (i) de l'éthanol, (ii) de l'acétate d'isopropyle, (iii) de l'isopropanol et (iv) du tétrahydrofurane; et
(c) la séparation du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - acétate d'isopropyle préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'isopropanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - tétrahydrofurane préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit une composition constituée d'environ 25 % à environ 95 % du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 et d'environ 5 % à environ 75 % d'un carbomère.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'utilisation du complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère-hôte et dans la préparation d'un médicament antibiotique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit une suspension destinée à être administrée par voie buccale, constituée du complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère en suspension dans un milieu liquide acceptable du point de vue pharmaceutique
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer le complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère à partir d'environ 25 % à environ 90 % de solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 et d'environ 5 % à environ 75 % d'un carbomère, comportant :
(a) la dispersion d'un carbomère dans un solvant organique; et
(b) le mélange de la dispersion obtenue à l'étape (a) avec le solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, afin d'obtenir le produit de réaction.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit le complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer la 6-O-méthylérythromycine A de forme I par séchage du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 à une température comprise entre environ 0 EC et environ 50 EC inclusivement.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer la 6-O-méthylérythromycine A de forme II par chauffage sous vide du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 jusqu'à une température comprise entre environ 70 EC et 110 EC inclusivement.
Dans d'autres réalisations analogues à une ou plusieurs des réalisations ci-dessus, le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 est essentiellement exempt de 6-O-méthylérythromycine A de forme I et de 6-O-méthylérythromycine A de forme II.
NOUS REVENDIQUONS :
1. Un antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 possédant la structure :
|
dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
4. L'éthanolate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, conformément à la revendication 1, caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,7__0,2, 6,6__0,2, 7,7__0,2, 9,3__0,2, 10,4__0,2, 11,1__0,2, 11,9__0,2, 12,7__0,2, 13,9__0,2, 15,0__0,2, 17,2__0,2, 18,5__0,2, 19,1__0,2, 19,7__0,2, 23,1__0,2 et 24,0__0,2.
5. L'éthanolate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, conformément à la revendication 1, caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,72__0,2, 6,60__0,2, 7,72__0,2, 9,30__0,2, 10,40__0,2, 11,10__0,2, 11,86__0,2, 12,72__0,2, 13,90__0,2, 15,02__0,2, 17,18__0,2, 18,50__0,2, 19,08__0,2, 19,68__0,2, 23,14__0,2 et 23,98__0,2.
16. Un antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, essentiellement exempt de 6-O-méthylérythromycine A de forme I et de 6-O-méthylérythromycine A de forme II, possédant la structure :
|
dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
[traduction]
ANNEXE C
Brevet 274
Sommaire de l'invention
Il existe une troisième forme cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A, appelée « forme 0 » . Les produits cristallins de forme 0, de forme I et de forme II possèdent un spectre d'activité antibactérienne identique. La préparation de la 6-O-méthylérythromycine A suivant diverses méthodes décrites dans la documentation sur les brevets résumée ci-après, dans lesquelles le composé est purifié par recristallisation dans l'éthanol, donne au départ le produit de forme 0 qui est l'éthanolate cristallin. Il y a également formation de solvates du produit de forme 0 lorsque la recristallisation est effectuée dans le tétrahydrofurane, l'isopropanol et l'acétate d'isopropyle. Le solvate du produit de forme 0 est converti en produit de forme I non solvaté par séchage à une température comprise entre environ 0 EC et environ 50 EC inclusivement, ce qui élimine le solvant du réseau cristallin. Le produit de forme 0 est converti en produit cristallin de forme II non solvaté par chauffage sous vide à une température comprise entre environ 70 EC et 110 EC inclusivement.
Les complexes 6-O-méthylérythromycine A-carbomère décrits ci-dessus sont préparés à partir de la 6-O-méthylérythromycine A de forme II. La préparation de ces complexes à partir du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 permettrait de réaliser d'importantes économies sur le plan de l'énergie et des manipulations, car il ne serait pas nécessaire alors de procéder au séchage sous vide pour obtenir le produit cristallin de forme II. De plus, le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 constitue un intermédiaire utile dans la préparation des formes I et II non solvatées de la 6-O-méthylérythromycine A.
En conséquence, dans sa principale réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 possédant la structure :
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dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
Le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,6__0,2, 6,5__0,2, 7,6__0,2, 9,2__0,2, 10,2__0,2, 11,0__0,2, 11,6__0,2, 12,5__0,2, 13,8__0,2, 14,8__0,2, 17,0__0,2, 18,2__0,2, 18,9__0,2 et 19,5__0,2 ou 4,581__0,2, 6,498__0,2, 7,615__0,2, 9,169__0,2, 10,154__0,2, 11,009__0,2, 11,618__0,2, 12,495__0,2, 13,772__0,2, 14,820__0,2, 16,984__0,2, 18,221__0,2, 18,914__0,2 et 19,495__0,2.
Dans une réalisation, la présente invention permet d'obtenir un antibiotique cristallin appelé éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, qui est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,7__0,2, 6,6__0,2, 7,7__0,2, 9,3__0,2, 10,4__0,2, 11,1__0,2, 11,9__0,2, 12,7__0,2, 13,9__0,2, 15,0__0,2, 17,2__0,2, 18,5__0,2, 19,1__0,2, 19,7__0,2, 23,1__0,2 et 24,0__0,2 ou 4,72__0,2, 6,60__0,2, 7,72__0,2, 9,30__0,2, 10,40__0,2, 11,10__0,2, 11,86__0,2, 12,72__0,2, 13,90__0,2, 15,02__0,2, 17,18__0,2, 18,50__0,2, 19,08__0,2, 19,68__0,2, 23,14__0,2 et 23,98__0,2.
Dans une autre réalisation, la présente invention permet d'obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - acétate d'isopropyle, qui est caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,8__0,2, 6,7__0,2, 7,8__0,2, 9,1__0,2, 10,6__0,2, 12,0__0,2, 12,2__0,2, 12,4__0,2, 12,6__0,2, 12,8__0,2, 14,0__0,2, 15,2__0,2, 16,7__0,2, 17,3__0,2, 18,5__0,2, 19,2__0,2, 19,8__0,2, 20,6__0,2, 21,5__0,2 et 24,0__0,2 ou 4,76__0,2, 6,70__0,2, 7,80__0,2, 9,128__0,2, 10,56__0,2, 11,96__0,2, 12,24__0,2, 12,36__0,2, 12,60__0,2, 12,84__0,2, 13,96__0,2, 15,16__0,2, 16,68__0,2, 17,28__0,2, 18,52__0,2, 19,18__0,2, 19,80__0,2, 20,56__0,2, 21,52__0,2 et 23,96__0,2.
Dans une autre réalisation, la présente invention permet d'obtenir une composition contenant une dose thérapeutique de solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 en combinaison à un excipient acceptable du point de vue pharmaceutique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'utilisation du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère-hôte et dans la préparation d'un médicament antibiotique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer le solvate de la 6-O-méthylérythromycine de forme 0, comportant :
(a) la conversion de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A;
(b) le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A avec un solvant choisi parmi le groupe constitué (i) de l'éthanol, (ii) de l'acétate d'isopropyle, (iii) de l'isopropanol et (iv) du tétrahydrofurane; et
(c) la séparation du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'éthanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - acétate d'isopropyle préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'isopropanolate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - tétrahydrofurane préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit une composition constituée d'environ 25 % à environ 95 % du solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 et d'environ 5 % à environ 75 % d'un carbomère.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit l'utilisation du complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère-hôte et dans la préparation d'un médicament antibiotique.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit une suspension destinée à être administrée par voie buccale, constituée du complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère en suspension dans un milieu liquide acceptable du point de vue pharmaceutique
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer le complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère à partir d'environ 25 % à environ 90 % de solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 et d'environ 5 % à environ 75 % d'un carbomère, comportant :
(a) la dispersion d'un carbomère dans un solvant organique; et
(b) le mélange de la dispersion obtenue à l'étape (a) avec le solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, afin d'obtenir le produit de réaction.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit le complexe solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 - carbomère préparé à l'aide du procédé ci-dessus.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer la 6-O-méthylérythromycine A de forme I par séchage du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 à une température comprise entre environ 0 EC et environ 50 EC inclusivement.
Dans encore une autre réalisation, la présente invention décrit un procédé permettant de préparer la 6-O-méthylérythromycine A de forme II par chauffage sous vide du solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 jusqu'à une température comprise entre environ 70 EC et 110 EC inclusivement.
Dans d'autres réalisations analogues à une ou plusieurs des réalisations ci-dessus, le solvate de la 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 est essentiellement exempt de 6-O-méthylérythromycine A de forme I et de 6-O-méthylérythromycine A de forme II.
NOUS REVENDIQUONS :
1. Un antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0 possédant la structure :
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dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
4. L'éthanolate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, conformément à la revendication 1, caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,7__0,2, 6,6__0,2, 7,7__0,2, 9,3__0,2, 10,4__0,2, 11,1__0,2, 11,9__0,2, 12,7__0,2, 13,9__0,2, 15,0__0,2, 17,2__0,2, 18,5__0,2, 19,1__0,2, 19,7__0,2, 23,1__0,2 et 24,0__0,2.
5. L'éthanolate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, conformément à la revendication 1, caractérisé par les pics dans le diffractogramme X sur poudres présentant les valeurs 2θ suivantes : 4,72__0,2, 6,60__0,2, 7,72__0,2, 9,30__0,2, 10,40__0,2, 11,10__0,2, 11,86__0,2, 12,72__0,2, 13,90__0,2, 15,02__0,2, 17,18__0,2, 18,50__0,2, 19,08__0,2, 19,68__0,2, 23,14__0,2 et 23,98__0,2.
16. Un antibiotique cristallin appelé solvate de 6-O-méthylérythromycine A de forme 0, essentiellement exempt de 6-O-méthylérythromycine A de forme I et de 6-O-méthylérythromycine A de forme II, possédant la structure :
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dans laquelle S est une molécule de solvatation choisie parmi le groupe constitué de l'éthanol, de l'acétate d'isopropyle, de l'isopropanol et du tétrahydrofurane.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : ABBOTT LABORATORIES et
ABBOTT LABORATORIES LIMITED
- et -
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
RATIOPHARM, DIVISION DE
RATIOPHARM INC.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 30 MAI 2005
ET ORDONNANCE : Le juge von Finckenstein
DATE DES MOTIFS : Le 10 août 2005
COMPARUTIONS :
Andrew J. Reddon POUR LES DEMANDERESSES
Steven G. Mason
Marcus A. Klee
F.B. (Rick) Woyiwada POUR LE DÉFENDEUR
(Le ministre de la Santé)
David W. Aitken POUR LA DÉFENDERESSE
J. Bradley White (Ratiopharm, division de
Ratiopharm Inc.)
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Andrew J. Reddon POUR LES DEMANDERESSES
Steven G. Mason
Marcus A. Klee
McCarthy Tétrault LLP
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada (Le ministre de la Santé)
Ottawa (Ontario)
David W. Aitken POUR LA DÉFENDERESSE
J. Bradley White (Ratiopharm, division de
Osler, Hoskin & Harcourt LLP Ratiopharm Inc.)
Ottawa (Ontario)
[1] Les chiffres présentés ci-dessus désignent les lignes dans le Sommaire de l'invention reproduit en annexe au présent document.