Date: 1980123
Dossier: IMM-771-97
ENTRE
THIYAGARAJAH NAGAMUTHU,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE GIBSON :
[1] Ces motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi)1. La décision de la SSR est datée du 29 janvier 1997.
[2] Le requérant est un Tamoul du nord de Sri Lanka, qui est né en juillet 1948. Il est arrivé au Canada en 1996. La chose n'est pas mentionnée dans le Formulaire de renseignements personnels ou expressément reconnue par la SSR, mais il semblerait que le requérant fonde sa revendication sur le fait qu'il craint avec raison d'être persécuté s'il retourne à Sri Lanka, du fait de son ethnie et de son appartenance à un groupe social, à savoir les Tamouls du nord de Sri Lanka.
[3] Dans les motifs de sa décision, la SSR reconnaît que [TRADUCTION] "[...] l'armée sri-lankaise et les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul ont fait des difficultés [au requérant] dans le nord de Sri Lanka". Le requérant a témoigné qu'il avait donc fui le nord pour se rendre à Colombo, où il est resté dans un centre sans s'inscrire auprès de la police. Le jour après qu'il fut arrivé à Colombo, le requérant a été arrêté par des agents de sécurité; il a été détenu et, comme la SSR l'a dit : [TRADUCTION] "[...] il a été poussé, battu et interrogé." Le requérant a été mis en liberté le soir de son arrestation, sur paiement d'un pot-de-vin. Il a été mis en liberté à condition de se présenter tous les jours au poste de police. Compte tenu de ces difficultés, le requérant a décidé de quitter Sri Lanka; il a témoigné l'avoir fait en se procurant de l'argent et un vrai passeport et en faisant des préparatifs de voyage, et avoir réussi à accomplir tout cela en un jour.
[4] La SSR a conclu qu'une partie du témoignage du requérant, en ce qui concerne le voyage qu'il avait effectué depuis le nord de Sri Lanka jusqu'à Colombo et la rapidité avec laquelle il avait pu prendre des dispositions pour quitter Sri Lanka, n'était pas crédible, mais elle a reconnu que le requérant avait raison de craindre d'être persécuté dans le nord du pays. Puis, elle a examiné ce qu'elle a décrit comme étant [TRADUCTION] "la principale question, en ce qui concerne la revendication", à savoir s'il y avait une possibilité de refuge intérieur (la PRI) à Sri Lanka. Voici la partie cruciale de l'analyse de la SSR et la conclusion que cette dernière a tirée à ce sujet :
[TRADUCTION] |
Le tribunal a examiné la preuve documentaire la plus récente se rapportant à la détention et au traitement des détenus à Colombo. Le Human Rights Watch World Report for 1997 brosse un tableau plus sombre que la lettre du mois de septembre 1996 du HCNUR, mais le tribunal n'est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté là où il y a une PRI [à Colombo]. Le tribunal estime que le profil du demandeur, qui est un Tamoul âgé de 48 ans, ne correspond pas à celui des personnes qui sont le plus en danger, à savoir les jeunes hommes et les jeunes femmes tamouls. Il ne croit pas non plus que les autorités recherchent le demandeur. Le tribunal croit que l'armée n'aurait pas laissé le demandeur se rendre à Colombo depuis Vavuniya, et que la sécurité ne l'aurait pas mis en liberté s'il avait été soupçonné d'être un militant du LTTE, ou si on l'avait recherché pour une raison ou une autre. Compte tenu de cette preuve, le tribunal conclut que le demandeur n'a pas raison de craindre d'être persécuté s'il retourne à Colombo. |
En outre, le tribunal ne croit pas que le retour du demandeur à Colombo soit déraisonnable, compte tenu de sa situation particulière. Le demandeur a toujours travaillé et il est instruit; il a de l'expérience en tant qu'enseignant dans un collège et il travaillait également pour son propre compte à titre d'enseignant. Il a déjà vécu ailleurs que dans le nord, lorsqu'il allait à l'école, à Kandy, et il parle couramment l'anglais. Il existe à Colombo une collectivité bien établie d'environ 300 000 Tamouls qui a déjà fourni un refuge aux Tamouls déplacés et leur a offert son appui. Rien ne montre que le gouvernement nuise à pareils efforts, ou qu'il agisse d'une façon discriminatoire à l'endroit des Tamouls dans ses politiques sociales, puisque près de 16 p. 100 du budget est affecté au logement, aux services sociaux et au bien-être, et 5 p. 100 aux services de santé et à un réseau d'hôpitaux, de cliniques et de dispensaires, qui donnent des soins gratuitement. |
Pour les motifs susmentionnés et après avoir minutieusement examiné toute la preuve, la Section du statut de réfugié conclut que [le requérant] n'est pas un réfugié au sens de la Convention. |
[J'ai omis les renvois.] |
[5] L'avocat du requérant s'est entre autres fondé sur les jugements Jeyachandran c. le solliciteur général du Canada2 et Srithar c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration3, à l'appui de la position prise par son client, à savoir que la SSR avait commis une erreur susceptible de révision en analysant ainsi la PRI. Je suis convaincu que ces deux jugements peuvent faire l'objet d'une distinction. Dans le jugement Jeyachandran, le requérant était un jeune Tamoul du nord de Sri Lanka qui s'était enfui à Colombo et qui avait également été détenu. Lorsqu'il a été mis en liberté, il a "[...] reçu un avertissement verbal sévère lui enjoignant de retourner à Jaffna et de ne plus jamais revenir à Colombo". La preuve dont disposait la SSR en l'espèce ne montre pas qu'un avertissement ait été donné au requérant, lui enjoignant de retourner dans le nord à défaut de quoi il devrait faire face aux conséquences possibles à Colombo. Dans l'affaire Srithar , le requérant était également un jeune Tamoul du nord de Sri Lanka. On avait refusé de lui accorder un laissez-passer lui permettant de se rendre à Colombo. En fait, on lui avait ordonné de ne pas aller à Colombo. Il avait été victime d'extorsion de la part de l'armée sri-lankaise. Tel n'était certainement pas ici le cas.
[6] L'avocat du requérant a mis l'accent, en particulier, sur l'extrait suivant des motifs de la SSR, qui ont ci-dessus été cités :
[TRADUCTION] |
Il existe à Colombo une collectivité bien établie d'environ 300 000 Tamouls qui a déjà fourni un refuge aux Tamouls déplacés et leur a offert son appui. Rien ne montre que le gouvernement nuise à pareils efforts, [...] |
[Je souligne.] |
L'avocat a soutenu que l'indication selon laquelle il n'existe aucun élément de preuve de ce genre est tout simplement erronée. À l'appui de cet argument, il a cité des passages de la preuve documentaire dont disposait la SSR au sujet du fait que les Tamouls venant du nord avaient un accès restreint à Colombo, que la durée de leur séjour était limitée et que les centres où ils se réfugiaient habituellement lorsqu'ils arrivaient à Colombo fermaient leurs portes.
[7] Selon l'interprétation que je donne aux remarques de la SSR qui font ici l'objet d'un examen, la SSR ne disposait d'aucun élément de preuve montrant que le gouvernement sri-lankais nuisait aux efforts que faisait la collectivité tamoule à Colombo pour fournir un refuge et de l'aide aux Tamouls déplacés qui, d'une façon quelconque, se retrouvent à Colombo. La preuve de l'accès restreint, de la limitation de la durée du séjour et de la fermeture de centres ne contredit pas la conclusion tirée par la SSR.
[8] Si l'avocat du requérant avait pu indiquer, dans le dossier dont disposait la SSR, un élément de preuve montrant de fait l'inexactitude de la remarque selon laquelle il n'y avait pas d'éléments de preuve, j'aurais été d'accord pour dire que la remarque constituait une erreur susceptible de révision4. Il est certain que cette remarque est essentielle à la décision de la SSR, à savoir que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention. L'avocat du requérant a simplement omis d'étayer son argument à cet égard.
[9] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucun des deux avocats n'a recommandé la certification d'une question. Aucune question ne sera certifiée.
"Frederick E. Gibson"
Juge
Toronto (Ontario),
le 23 janvier 1998.
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Avocats et procureurs inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-771-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : THIYAGARAJAH NAGAMUTHU |
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
DATE DE L'AUDIENCE : LE 22 JANVIER 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON |
EN DATE DU 23 JANVIER 1998 |
ONT COMPARU :
Raoul Boulakia |
pour le requérant |
David Tyndale |
pour l'intimé |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Raoul Boulakia
45, rue Saint Nicholas
Toronto (Ontario)
M4Y 1W6
pour le requérant
George Thomson |
Sous-procureur général du Canada |
pour l'intimé |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date: 19980123
Dossier: IMM-771-97
ENTRE
THIYAGARAJAH NAGAMUTHU,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
__________________4 Voir, par exemple, Abdi c. le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, A-871-92 (11 mai 1994) (inédit) (C.F. 1re inst.).