Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19971205

     Dossier : IMM-4362-96

ENTRE

     MOHD SAEED ALAM,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1] La demande est accueillie.

                                 P. ROULEAU

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 5 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     Date : 19971205

     Dossier : IMM-4362-96

ENTRE

     MOHD SAEED ALAM,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), de contrôle judiciaire de la décision en date du 30 octobre 1996 par laquelle la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, en application du paragraphe 2(1) de la Loi.

[2]      Le requérant est né le 18 mars 1940 à Lahore (Pakistan). Son père était le secrétaire et un dirigeant de la Muslim League.

[3]      Le 12 septembre 1990, il a quitté son emploi et il a commencé à travailler à temps plein pour le parti; en particulier, il a posé des bannières, organisé des réunions et il a parlé au peuple de la corruption du Pakistan People Party (PPP). Peu de temps après, le parti du requérant a gagné les élections, mais le gouvernement a été dissous avant l'achèvement de son mandat. Néanmoins, la Cour suprême a rétabli le gouvernement, mais l'armée a forcé celui-ci à renoncer au pouvoir.

[4]      Le PPP a gagné les élections en 1993; il a commencé alors à harceler les travailleurs ML. En mars 1994, le requérant a été arrêté à sa maison, battu, et pressé de quitter la ML pour se joindre au PPP. Selon le requérant, la police a dit qu'elle avait reçu des ordres pour l'accuser dans une affaire controuvée s'il ne se conformait pas à ses demandes. La police lui a permis d'y réfléchir et l'a averti qu'elle pouvait le trouver n'importe où au Pakistan.

[5]      Selon le requérant, en avril 1995, alors qu'il participait à une réunion pour organiser une marche, le PPP a attaqué la réunion, blessant une douzaine d'individus et en a tué deux; à la suite de cet incident, deux mandats d'arrestation du requérant ont été lancés. En juin 1995, le requérant a connu deux autres incidents avec le PPP. En premier lieu, le PPP est allé à la maison du requérant, a battu ses enfants, tentant de découvrir les endroits où il se trouvait. De nouveau en juin 1995, alors qu'il rentrait chez lui après avoir quitté la maison de la ML, il a appris que le PPP le recherchait de nouveau; il s'est réfugié chez un ami. Le jour suivant, des membres de sa famille lui ont appris qu'ils avaient été battus par le PPP, qui les avait avertis que s'ils trouvaient le requérant, ils le tueraient, ayant reçu des ordres pour le faire. Ils ont également démoli certains de ses meubles, et ont volé son porte-documents contenant des papiers personnels.

[6]      Le 8 juin 1995, le requérant a quitté le Pakistan et, en juillet 1995, sa femme l'a informé au téléphone que la police le recherchait toujours. Le 21 juillet 1995, le requérant est arrivé au Canada et, le 21 août 1995, il a présenté une revendication du statut de réfugié.

[7]      La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a entendu la cause du requérant le 24 septembre 1996, et elle a rendu sa décision le 30 octobre 1996. Dans sa revendication, le requérant prétend avoir raison de craindre d'être persécuté au Pakistan du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.

[8]      La Commission a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe 2(1) de la Loi. D'après la Commission, le requérant n'était pas, en général, crédible, et il avait témoigné à contrecoeur et de façon évasive. Elle a estimé que le requérant n'avait pas répondu directement aux questions, que beaucoup de questions avaient dû être répétées et qu'il avait fourni peu de renseignements. De plus, il semblait que les réponses du requérant n'étaient pas celles de quelqu'un qui avait un récit à relater et qui était disposé à parler de ses épreuves.

[9]      La Commission a donné des exemples pour illustrer les difficultés qu'elle avait eues avec le témoignage du requérant. Par exemple, la Commission avait de la difficulté à établir la position du requérant au sein du parti ML de 1990 à 1994. Par suite des enquêtes sur son arrestation subite en mars 1994, les commissaires n'étaient pas satisfaits de ses explications. En outre, la Commission a noté que dans les dépositions orales du requérant, il existait d'importants éléments nouveaux de la revendication auxquels il n'avait même pas été fait allusion dans le FRP. En particulier, il a omis de mentionner dans son FRP ses deux arrestations en avril 1995, le vol par le PPP en juin 1995 de sa serviette contenant des documents personnels, ainsi que la perte de son portefeuille en 1974.

[10]      La Commission a également contesté l'omission par le requérant d'inclure dans son récit la lettre de son avocat datée du 13 juin 1995 concernant les mandats en cours lancés contre lui, et le fait que le requérant avait omis d'inclure des renseignements donnés par sa femme au téléphone selon lesquels tant la police que le PPP étaient allés à sa maison pour le rechercher après son départ du Pakistan. La Commission a conclu que ces détails importants auraient dû faire partie du FRP rempli le 13 septembre 1996. En conséquence, la Commission a conclu que le requérant semblait avoir créé de nouveaux détails après avoir rédigé le récit dans le FRP aux fins de renforcer une histoire.

[11]      Voici la question que la Cour a à trancher :

         La Commission a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'elle a tirée de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des documents dont elle disposait en déduisant :
         a) que le requérant avait subitement été arrêté en mars 1994?
         b) que le requérant n'était pas crédible parce qu'il existait d'importantes omissions dans son FRP concernant des événements qui avaient eu lieu en juin 1985?

[12]      D'après le requérant, la preuve n'appuie pas la conclusion de la Commission selon laquelle le témoignage du requérant n'était pas, en général, crédible. En particulier, c'est à tort que la Commission a conclu qu'il avait subitement été arrêté en mars 1994. La conclusion de la Commission selon laquelle le récit du requérant sur ce point n'était pas digne de foi était erronée.

[13]      Toujours selon le requérant, la Commission a eu tort de conclure que le requérant n'était pas crédible parce qu'il existait d'importantes omissions dans son FRP concernant des événements survenus en juin 1995 et le défaut de révéler les arrestations en suspens dont son avocat lui avait fait part dans sa lettre. Le requérant prétend avoir expliqué à la Commission qu'il avait été mal conseillé et n'avait pas inclus ces événements dans sa déclaration écrite parce qu'il pouvait en témoigner oralement à son audition.

[14]      L'intimé soutient que la conclusion par la Commission de non-crédibilité générale du requérant était fondée, appuyée par les éléments de preuve et reposait sur des considérations sérieuses et pertinentes. En conséquence, les allégations du requérant sont gratuites, injustifiées et inconséquentes.

[15]      L'intimé soutient également qu'il appartient à la Commission non seulement de tirer des conclusions des contradictions du témoignage du requérant, mais aussi d'évaluer la vraisemblance de son récit. De plus, en évaluant la crédibilité du témoignage rendu devant lui, la Commission doit s'appuyer sur les impressions tenant de la sincérité et de la spontanéité des témoins, de leur hésitation et réserve, ainsi que de leur attitude et comportement.

[16]      L'intimé prétend en outre qu'étant donné toutes les invraisemblances dans le témoignage du requérant, ainsi que la façon vague et évasive dont le requérant a témoigné au cours de l'audition, il était loisible à la Commission de conclure que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention en raison de sa non-crédibilité générale.

[17]      En dernier lieu, l'intimé soutient que la Commission n'a pas commis une erreur manifeste ou déterminante, et que ses conclusions n'étaient pas non plus déraisonnables de quelque façon que ce soit dans la détermination d'une non-crédibilité générale de la part du requérant.

[18]      Il a clairement été établi qu'un tribunal statuant en matière de statut de réfugié doit tenir compte de la totalité des éléments de preuve dont il dispose lorsqu'il s'agit d'évaluer la crédibilité d'un revendicateur du statut de réfugié1. Le tribunal peut rejeter une revendication pour le motif que le revendicateur n'est pas crédible, mais doit exposer ce motif clairement2, et il doit motiver la conclusion quant à la crédibilité3.

[19]      La Commission est certainement en meilleure position pour évaluer la crédibilité du revendicateur, et l'intervention de la Cour devrait être limitée à des cas où une erreur manifeste ou déterminante a été commise.

[20]      L'analyse de l'arrestation du requérant en mars 1994 : Le requérant a donné plusieurs raisons, mais la Commission n'était simplement pas satisfaite de ses explications. Je ne suis pas d'accord avec cette conclusion de fait, et je reconnais que le compte rendu des événements était raisonnable. La Commission a également douté de la crédibilité du requérant lorsque, dans ses dépositions orales, ce dernier a fait état d'importants nouveaux éléments à l'appui de sa revendication qui n'avaient pas été révélés dans son FRP. En particulier, l'arrestation du requérant en avril 1995, le vol de son porte-documents en 1995 et la perte de son portefeuille en 1974, le fait qu'il n'a pas mentionné que la police et le PPP le recherchaient à sa maison après son départ du Pakistan, ainsi que les mandats en cours lancés contre lui. En dernier lieu, après des questions et des préoccupations persistantes au sujet de la hiérarchie du M.L., la Commission a douté de ses réponses.

[21]      La Commission a eu tort d'avoir ainsi insisté sur la composition et la structure interne de la M.L. au Pakistan, et d'avoir persisté à poser des questions à cet égard. J'estime que cet interrogatoire pouvait conduire à une certaine confusion et était de peu de conséquence ou ne tirait pas à conséquence. S'il hésitait à répondre, il faudrait se rappeler que la Commission avait devant elle un individu qui avait besoin d'un interprète et avait une déficience auditive. La Commission se préoccupait également de ce que le requérant n'avait pas révélé dans son FRP le vol de son porte-documents en 1995 et de son portefeuille en 1974; il s'agit là de détails totalement dénués de pertinence.

[22]      Mais l'élément le plus important sur lequel la Commission s'est appuyée relativement à ce qui manquait dans le FRP du requérant est le fait que ce dernier n'a pas mentionné les mandats d'arrestation en cours lancés contre lui lorsqu'il a fait son récit en septembre 1995. L'examen attentif de la lettre de son avocat révèle qu'elle a été envoyée seulement en mai 1996, et non en 1995 comme le laisse entendre la Commission. La lettre fait également état de l'incident d'avril 1995 que la Commission a mis en doute. Les mandats mentionnent les Activités terroristes; ces mandats existent depuis juin 1995. L'un des documents est daté de mai 1996 et étaye sa prétention que, dans l'éventualité de son renvoi, il serait de nouveau sujet à arrestation.

[23]      Je ne suis pas convaincu que la preuve sur laquelle la Commission s'est appuyée puisse étayer ses conclusions.

[24]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

                             P. ROULEAU

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 5 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-4362-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              MOHD SAEED ALAM
                             c.
                             MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 25 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU                      5 décembre 1997

ONT COMPARU :

    Claudette Menghile                  pour le requérant
    Marie Nicole Moreau                  pour l'intimé
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Claudette Menghile                  pour le requérant
    Montréal (Québec)
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19971205

     Dossier : IMM-4362-96

ENTRE

     MOHD SAEED ALAM,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1      Owsu-Ansah c. M.E.I., (1989) 8 Imm. L.R. (2d) 106 (C.A.F.); Toro c. M.E.I. [1981] 1 C.F. 652 (C.A.).

     2      Ababio c. M.E.I. (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 174 (C.A.F.).

     3      Armson c. M.E.I. (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (C.A.F.); Hilo c. M.E.I., (1991) F.C.J. No. 228 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.