Date : 19990929
Dossier : T-1203-98
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
demandeur,
et
TETRI MAHADEO,
défenderesse.
MOTIFS D"ORDONNANCE
LE JUGE REED
[1] Le ministre interjette appel d"une décision d"un juge de la citoyenneté qui a accordé la citoyenneté à la défenderesse. Elle a 74 ans et elle retourne en Guyane chaque hiver pour y passer environ cinq mois en compagnie de ses petits-enfants et parce qu"il lui est plus facile de se déplacer là-bas pendant cette période. Le ministre soutient que vu ces absences (il manquait 236 jours à la défenderesse pour satisfaire à l"exigence de 1 095 jours prévue par la loi), la défenderesse n"a pas satisfait aux exigences en matière de résidence conformément au critère énoncé dans Re: Pourghasemi (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 259 (C.F. 1re inst.).
[2] La jurisprudence de notre Cour est notoirement contradictoire à ce sujet. D"une part, la décision Re: Pourghasemi exige que le demandeur de citoyenneté doit être physiquement présent au Canada pendant une période de 1 095 jours pour satisfaire à l"exigence en matière de résidence. D"autre part, il ressort de la décision Re: Papadogiorgakis , [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.) qu"une personne peut résider au Canada même si elle fait des séjours à l"étranger. Un projet de loi devant la Chambre des communes (le projet de loi C-63) prévoit, selon ce que le comité chargé d"étudier cette question a retenu, que le demandeur de citoyenneté devra être physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours, mais qu"il disposera d"une période de six ans pour accumuler ce nombre de journées.
[3] Quoi qu"il en soit, j"accepte l"analyse que M. le juge Lutfy a faite dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 29. Je suis d"accord que, compte tenu de la présente période de transition de procès de novo à des appels interjetés par voie de demande, et compte tenu du projet de loi modificative dont la Chambre des communes est présentement saisie, la décision d"un juge de la citoyenneté ne doit pas être infirmée au motif qu"un critère et non l"autre a été appliqué, pourvu que le juge expose le critère qu"il entend utiliser et explique pourquoi il y a ou non été satisfait.
[4] En l"espèce, bien qu"une partie des motifs soient exposés dans un format dactylographié et standard, le juge de la citoyenneté a conclu que tant la défenderesse que son époux avaient établi une résidence à Toronto et centralisé leur mode de vie au Canada depuis le 17 avril 1992, et que leurs absences du pays étaient de nature temporaire, car ils n"avaient nullement l"intention de s"établir ailleurs qu"au Canada. La défenderesse et son époux ont demandé la citoyenneté en même temps. Ils ont été absents du Canada pendant les mêmes périodes. Ils ont quitté le pays ensemble, ont voyagé ensemble, et y sont revenus ensemble. (L"octroi de la citoyenneté à l"époux de la défenderesse a, à l"origine, fait l"objet d"un appel, mais cet appel a été rejeté au stade de l"examen de l"état de l"instance vu le retard du ministre.)
[5] De toute façon, le juge de la citoyenneté a conclu que les absences de la défenderesse du Canada étaient de nature temporaire et que celle-ci avait choisi le Canada (où elle vit en compagnie de son époux et de leur fille) en tant que pays de résidence principal. Je n"accepte pas l"argument de l"avocate du ministre selon lequel aucun élément de preuve n"étaye les conclusions du juge de la citoyenneté. La décision du juge de la citoyenneté aurait été fondée sur les documents que contient le dossier et sur l"entrevue de la défenderesse. Je ne suis pas disposée à accepter l"argument voulant qu"aucun élément de preuve n"étaye la décision du juge parce que le dossier contient peu de documents. Je n"estime pas que le ministre peut invoquer l"argument de l"" absence de preuve " dans de telles circonstances. Ni le ministre, ni la Cour ne sait ce qu"on a dit au juge de la citoyenneté. De plus, les éléments de preuve du dossier donnent les raisons pour lesquelles la défenderesse s"est absentée du Canada.
[6] Dans les circonstances, l"appel est rejeté.
" B. Reed "
JUGE
TORONTO (ONTARIO)
Le 29 septembre 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-1203-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
c.
TETRI MAHADEO.
DATE DE L"AUDIENCE : LE MERCREDI 29 SEPTEMBRE 1999
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE REED
EN DATE DU : MERCREDI 29 SEPTEMBRE 1999
ONT COMPARU : Mme Claire LeRiche
Pour le demandeur
Aucune comparution
Pour la défenderesse
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le demandeur
Tetri Mahadeo
241, avenue Browning
East York (Ontario)
Pour la défenderesse
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19990929
Dossier : T-1203-98
Entre :
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
demandeur,
et
TETRI MAHADEO,
défenderesse.
MOTIFS D"ORDONNANCE