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     Date: 19991201

     Dossier: IMM-5680-99


ENTRE :


NECRUMA CUFF


demandeur

et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


A) Contexte

[1]      Ces motifs portent sur la demande que Necruma Cuff, un citoyen jamaïquain, (le demandeur) a présentée en vue d'obtenir un sursis à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour prise le 4 novembre 1999, conformément au paragraphe 27(4) de la Loi sur l'immigration (la Loi), par un agent principal (l'AP) qui était convaincu que le demandeur était entré au Canada en qualité de visiteur et y avait séjourné au-delà de la durée autorisée, en violation des alinéas 27(2)e) et 26(1)c) de la Loi; cette mesure d'interdiction de séjour devait être exécutée le 3 décembre 1999.

[2]      La mesure d'interdiction de séjour que l'AP a prise découle d'un rapport daté du 8 mars 1998 qu'un agent d'immigration a fait au sous-ministre conformément au paragraphe 27(2) de la Loi compte tenu de renseignements en sa possession à ce moment-là, à savoir que le 9 septembre 1997, le demandeur avait été admis au Canada en qualité de visiteur pour une période prenant fin le 15 décembre 1997, mais qu'il y était demeuré après l'expiration de cette période, sans autorisation écrite. Le demandeur avait été autorisé à entrer au Canada à titre de travailleur agricole et venait au Canada depuis 1994 dans le cadre du programme des travailleurs agricoles.

[3]      Le 24 novembre 1999, conformément à l'article 82.1 de la Loi, le demandeur a présenté devant cette cour une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire en vue de contester la mesure d'interdiction de séjour du 4 novembre 1999.

[4]      Dans la présente demande de sursis, le demandeur soulève deux motifs. En premier lieu, il affirme que le défendeur a commis une erreur de droit en prenant la mesure d'interdiction de séjour à ce moment-ci (je souligne) parce qu'il savait ou aurait dû savoir que la demande de droit d'établissement que le demandeur avait présentée ainsi que la demande qu'il avait faite en vue du rétablissement de son statut de visiteur étaient en instance et qu'il était donc prématuré d'examiner pareille mesure ou de la prendre. En second lieu, le défendeur était de mauvaise foi lorsqu'il a pris sa décision parce que l'AP était au courant des demandes qui étaient en instance.

[5]      Le demandeur demande en fait que le sursis soit accordé tant que le défendeur ne se sera pas prononcé sur la demande de droit d'établissement qui est en instance.

[6]      Sur le plan des faits, les circonstances ont changé depuis que le visa de visiteur du demandeur a expiré le 15 décembre 1997. Au mois de février 1998, le demandeur a rencontré sa future conjointe, Kisha John, qui réside en permanence au Canada. Ils se sont mariés le 23 mai 1998. Le 30 avril 1999, le demandeur, qui était parrainé par sa conjointe, a présenté une demande de dispense de visa qui, s'il y était fait droit, constituerait une demande de droit d'établissement présentée au Canada. Le même jour, le demandeur a demandé une prorogation du visa de visiteur qui était expiré et un permis de travail. Le 27 août 1999, la conjointe du demandeur a donné naissance à leur fils.

[7]      Le 1er septembre 1999, le demandeur a été arrêté et on lui a dit qu'une mesure d'expulsion avait été prise contre lui, ce dont il nie avoir eu connaissance. Le demandeur a été mis en liberté sous caution; il s'est présenté aux bureaux du défendeur le 9 septembre 1999 et on lui a dit que sa demande de droit d'établissement était à l'étude. Le 14 septembre 1999, le demandeur a reçu du défendeur un accusé de réception de la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada, montrant que sa demande avait été transmise au Centre de traitement des demandes et que, dans les 12 semaines suivantes, on communiquerait avec lui par la poste s'il s'avérait nécessaire de procéder à une entrevue.

B) Analyse

[8]      Afin d'obtenir un sursis, le demandeur doit satisfaire à chaque élément d'un critère à triple volet : l'existence d'une question sérieuse, l'existence d'un préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients.

[9]      En l'espèce, le demandeur ne satisfait pas au critère relatif à la question sérieuse ou à l'existence d'une question à débattre compte tenu de ce que la Cour suprême du Canada a dit dans l'arrêt RJR - MacDonald c. Canada [1994] 1 R.C.S. 311; il s'agit d'un critère préliminaire peu exigeant, le juge qui apprécie d'une façon préliminaire le bien-fondé de l'affaire devant déterminer si la demande est futile ou vexatoire.

[10]      Le demandeur était tenu de démontrer qu'il existait une question sérieuse influant sur la légalité de la mesure d'interdiction de séjour ou concernant pareille légalité; il a omis de le faire. Fondamentalement, le demandeur ne conteste pas la légalité de la mesure d'interdiction de séjour; il affirme que cette mesure n'aurait pas dû être prise avant que le défendeur se prononce sur les demandes de droit d'établissement et de rétablissement du statut de visiteur qui étaient en instance. En d'autres termes, le demandeur soutient qu'il est justifié d'accorder un sursis à cause des demandes qui sont en instance.

[11]      Les juges de cette cour ont toujours statué qu'en soi, et sans plus, une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en instance visant à l'obtention d'une dispense de l'exigence voulant qu'une demande de résidence permanente soit traitée en dehors du Canada ne constitue pas un motif justifiant l'octroi d'un sursis. Le défendeur n'est pas tenu d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire avant de procéder au renvoi. C'est notamment ce qui a été statué dans les décisions suivantes : Younge c. MCI, IMM-2566-96, 3 janvier 1997, juge Richard (tel était alors son titre); Balasumbramaniam c. MCI, IMM-3858-98, 4 août 1998, J.C.A. Richard, (tel était alors son titre); Ram c. MCI, IMM-1939-96, 21 juin 1996, juge MacKay. Je dois ajouter que les juges de cette cour ont insisté sur le fait que malgré le renvoi, le traitement de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire se poursuit.

[12]      Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles le lien qui existe entre une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire qui est en instance et une mesure de renvoi est tel qu'il justifie que la Cour intervienne en accordant un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Voir par exemple Shchelkanov, (1994) 76 F.T.R. 151, et Appiagyei c. MCI, IMM-2486-95, 18 septembre 1995. Toutefois, dans l'affaire dont je suis ici saisi, on n'a pas démontré l'existence de pareilles circonstances, par exemple un retard injustifiable à traiter la demande fondée sur les motifs d'ordre humanitaire. L'allégation selon laquelle l'AP était de mauvaise foi n'est pas fondée. L'AP s'acquittait simplement d'une fonction prévue au paragraphe 27(4) de la Loi, qui exige que l'AP prenne une mesure d'interdiction de séjour s'il est convaincu que le demandeur a continué à séjourner au pays après l'expiration de son visa de visiteur, ce qui est admis.

[13]      Puisque j'ai conclu à l'inexistence d'une question sérieuse, j'ai convenu de ne pas examiner les autres éléments du critère à triple volet.

[14]      Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.


     " François Lemieux "

     Juge

Ottawa (Ontario)

le 1er décembre 1999

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-5680-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      NECRUMA CUFF

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :      le lundi 29 novembre 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Lemieux en date du 1er décembre 1999


ONT COMPARU :

Hamza Kisaka      pour le demandeur

Toby J. Hoffman      pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hamza N. H. Kisaka      pour le demandeur

Avocat

1752, avenue Eglinton Ouest

Toronto (Ontario)

M6E 2H6

Morris Rosenberg      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada     


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