Date : 20041027
Dossier : IMM-1347-04
Référence : 2004 CF 1512
Montréal (Québec), le 27 octobre 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
MOHAMMAD AFZAL GONDAL
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] _ Quel inextricable tissu on doit tisser lorsqu'on cherche à tromper. _ Bien qu'on puisse être à la fois menteur et réfugié, tout ce que M. Gondal a prouvé à la satisfaction de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est qu'il _ n'est pas crédible _.
[2] M. Gondal est un citoyen du Pakistan qui affirme avoir la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et ce, en raison de sa religion (il est un musulman chiite), de ses opinions politiques et du risque d'être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités auquel il est exposé.
[3] Sa demande chevauche les deux années qu'il a passées aux États-Unis entre juin 2000 et août 2002. En avril 2000, il a été arrêté lors d'un défilé, et des hommes de main ont attaqué sa maison. Le demandeur et sa famille ont également été blessés au cours de l'attaque en question, ce qui l'a amené à s'enfuir aux États-Unis, où il affirme avoir présenté une demande d'asile qu'il a retirée par la suite.
[4] Il est apparemment retourné au Pakistan en août 2002 parce que son principal agent de persécution était mort et parce que sa mère était malade. Des hommes de main ont tenté de lui extorquer de l'argent. Il a résisté, a été kidnappé et relâché seulement après qu'il a payé la rançon. Il est venu au Canada en janvier 2003, muni de faux documents.
[5] Le commissaire qui a rejeté sa demande était d'avis que M. Gondal avait enjolivé son récit au fil du temps. Les incohérences, invraisemblances et contradictions incessantes constatées dans la déclaration écrite et la déposition orale du demandeur ont amené la Commission à considérer qu'il n'était pas crédible.
[6] À titre d'exemple, lors de l'entrevue initiale du 19 février 2003, le demandeur a déclaré qu'il n'avait été arrêté qu'une seule fois au Pakistan, en novembre 2002. Il avait dit la même chose dans son Formulaire de renseignements personnels, mais avait _ corrigé _ cette information plus d'un an et demi plus tard, juste avant l'audition de sa demande. Il a dit qu'il n'avait pas compris la question lors de l'entrevue initiale, mais il n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi son FRP initial comportait une erreur.
[7] Malgré que le demandeur a déclaré dans son témoignage qu'il avait demandé l'asile aux États-Unis, les documents qu'il a soumis étaient très embrouillés et n'étayaient pas son affirmation. Il avait simplement envoyé à son avocat un autre document susceptible de donner plus de poids à sa demande après avoir obtenu l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision, mais avant l'audition de la demande. J'ai refusé de l'accepter. Il convient de noter que la Commission a dit ce qui suit :
[...] Le tribunal considère qu'une preuve de cette demande [d'asile aux États-Unis] aurait été très utile aux fins de la présente demande et que le demandeur, qui connaît bien les procédures relatives à l'asile, aurait dû apporter des documents à l'appui de cette demande.
[8] Lors de l'audition de sa demande devant la Commission, il n'a pas amené de preuve de l'itinéraire qu'il avait suivi pour venir au Canada, c'est-à-dire son passeport, son billet d'avion ou sa carte d'embarquement. Dans les observations écrites qu'il a présentées après l'audience, l'avocat de M. Gondal était manifestement d'avis que ces documents n'existaient pas étant donné qu'il a fait valoir qu'on devait croire M. Gondal sur parole. Puis, malgré tout, avant le prononcé de la décision, on a trouvé un billet d'avion. Ça tombait bien! Bien qu'on aurait pu souhaiter qu'elle formule des commentaires sur ce fait avant de rejeter la copie du billet, la Commission avait déjà trouvé beaucoup d'autres raisons de considérer M. Gondal comme non crédible. De plus, la Commission a ensuite abordé la question du vrai passeport du demandeur que celui-ci avait renouvelé à New York en juillet 2002, mais dont il ne s'est apparemment pas servi lorsqu'il est retourné au Pakistan. La Commission a jugé l'explication donnée insatisfaisante parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi, s'il entendait aller au Pakistan en utilisant un faux passeport, le demandeur avait renouvelé son vrai passeport. En effet, pourquoi? Voici un point de non-retour.
[9] Comme l'a dit le juge Hugessen (maintenant juge de la Cour fédérale) au nom de la Cour d'appel dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Dan-Ash (1988), 93 N.R. 33 à la page 35 :
À moins que l'on ne soit prêt à considérer comme possible (et à accepter) que la Commission a fait preuve d'une crédulité sans bornes, il doit exister une limite au-delà de laquelle les contradictions d'un témoin amèneront le juge des faits le plus généreux à rejeter son témoignage.
[10] La Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle, et je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question de portée générale à certifier.
_ Sean Harrington _
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1347-04
INTITULÉ : MOHAMMAD AFZAL GONDAL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 25 OCTOBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 27 OCTOBRE 2004
COMPARUTIONS:
Jeffrey Platt POUR LE DEMANDEUR
Andrea Shahim POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Jeffrey Platt POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)