Date : 20011213
Dossier : IMM-1648-01
Référence neutre : 2001 CFPI 1377
ENTRE :
OLEG KURKUNOV
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
défendeur
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 23 mars 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) (la Commission) a rejeté la requête en reprise d'audience que le demandeur et son père ont présentée relativement à leur revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.
[2] Le demandeur est Oleg Kurkunov, un citoyen du Kazakhstan. Le 3 septembre 1997, la Commission, dans sa décision initiale, a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention pour les motifs suivants. Premièrement, la Commission a conclu à l'inexistence de lien entre la crainte de persécution des revendicateurs (le demandeur et son père) et l'un des motifs énumérés dans la Convention. Deuxièmement, la Commission était d'avis que les problèmes du père étaient liés au crime organisé, de sorte qu'il n'était pas persécuté en raison de sa nationalité. Enfin, la Commission a jugé le père non crédible.
[3] Le 16 octobre 1997, le demandeur a déposé une demande d'autorisation d'introduire une demande de contrôle judiciaire contre la décision de la Commission. Le juge Nadon a rejeté la demande le 28 janvier 1998.
[4] Le 15 février 2001, le demandeur a déposé une requête en reprise de l'audition de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. La Commission a rejeté cette requête le 23 mars 2001 (la décision subséquente). Elle a conclu que rien dans la preuve soumise ne démontrait qu'elle avait porté atteinte aux principes de la justice naturelle. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.
[5] En règle générale, un tribunal administratif qui exerce des pouvoirs décisionnels peut revenir sur sa décision, tenir une nouvelle audience ou annuler sa décision uniquement si la loi l'y autorise (Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848).
[6] Il y a des exceptions limitées au principe du functus officio. Dans l'arrêt Longia c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 288 (C.A.F.), au paragraphe 6, la Cour a conclu que si l'audition d'une demande ne s'était pas déroulée selon les règles de justice naturelle, la Commission pouvait considérer que sa décision était nulle et réexaminer la question (Voir également Ojie c. M.C.I., [1998] A.C.F. no 883; Zezle c. M.C.I.,[1996] 3 C.F. 20) .
[7] Pour avoir gain de cause dans le cadre de la présente demande, le demandeur doit démontrer que, dans sa décision subséquente, la Commission a commis une erreur en concluant que, dans sa décision initiale, elle n'avait pas porté atteinte aux principes de la justice naturelle.
[8] Le demandeur prétend que, dans sa décision subséquente, la Commission n'a pas pris en considération le fait qu'il craignait de retourner dans son pays pour des raisons personnelles, notamment parce qu'il craignait d'être forcé de s'enrôler dans l'armée.
[9] Cela constitue un nouvel élément de preuve qui n'avait pas été porté à l'attention de la Commission avant sa décision initiale. En l'absence de violation des principes de la justice naturelle, la Commission n'a pas compétence pour reprendre une audience après avoir rendu sa décision, de manière à ce que les parties puissent avancer de nouveaux faits :
Il est indéniable que la situation peut changer et que peuvent survenir des événements politiques pouvant porter à croire que des craintes qui n'étaient pas fondées sont devenues raisonnables. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en reprenant l'audition de la première demande qu'on peut vérifier ces faits; c'est seulement en autorisant et en jugeant une deuxième demande à cet effet. Or le législateur n'a pas prévu la possibilité qu'une personne puisse présenter plusieurs demandes successives. Il l'a même formellement interdit dans la nouvelle Loi (voir l'alinéa 46.01(1)c)). (Longia, précité, à la p. 292; voir également Agbona c. Canada (M.E.I.) (1993), 21 Imm. L.R. (2d) 279).
[10] Le demandeur soutient ensuite que la Commission a commis une erreur en entendant conjointement la demande du père et celle du demandeur. Je ne suis pas d'accord. La directive 3 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi), concernant les enfants qui revendiquent le statut de réfugié prévoit que la revendication d'un enfant est généralement entendue conjointement avec celle de ses parents.
[11] Quant au droit du demandeur d'être entendu, la Commission n'a commis aucune erreur dans sa décision initiale et dans sa décision subséquente. La demande de ce dernier était fondée sur celle de son père. À la question 37 du Formulaire de renseignements personnels (FRP), qui exige que le demandeur énonce les incidents l'ayant amené à solliciter la protection, celui-ci a écrit : [Traduction] « voir le récit de mon père » . Il s'ensuit donc que la Commission (à l'audience ayant mené à sa décision initiale) n'avait pas à faire témoigner le demandeur puisque le père avait une connaissance personnelle des incidents les ayant amené à solliciter la protection. En outre, la Commission a demandé à l'avocate des revendicateurs, Me Debanne, si elle allait faire témoigner le demandeur, ce à quoi elle a répondu par la négative. J'aborde plus loin la question de savoir si Me Debanne a mal représenté le demandeur.
[12] Pour ces motifs, il n'était pas déraisonnable pour la Commission (dans sa décision initiale) d'agir comme elle l'a fait puisque le père était le représentant désigné du demandeur et qu'à ce titre, il était censé agir dans le meilleur intérêt de ce dernier. Cela m'amène au point suivant que le demandeur a soulevé.
[13] Le paragraphe 69(4) de la Loi prescrit que :
La section du statut commet d'office un représentant dans le cas où l'intéressé n'a pas dix-huit ans ou n'est pas, selon elle, en mesure de comprendre la nature de la procédure en cause. |
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Where a person who is the subject of proceedings before the Refugee Division is under eighteen years of age or is unable, in the opinion of the Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate another person to represent that person in the proceedings. |
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[14] Le demandeur allègue que la Commission a omis de remplir le mandat que lui confie le paragraphe 69(4) de la Loi. Je ne suis pas d'accord.
[15] « Si le revendicateur a son père ou sa mère [...] qui semble apte et qui peut satisfaire aux critères précités, cette personne sera habituellement désignée comme représentant. » (Chapitre 10 du Guide de la SSR). En l'espèce, le père était le représentant désigné. En conséquence, la Commission n'a pas omis de remplir le mandat que lui confie le paragraphe 69(4) de la Loi.
[16] Lors de sa décision initiale, la Commission avait toutes les raisons de croire que le père agissait dans le meilleur intérêt du demandeur. Il incombait au demandeur de soulever la question si tel n'était pas le cas.
[17] Le demandeur prétend également qu'il était incapable de comprendre la nature des procédures. En 1997, il était âgé de 17 ans, de sorte que je ne peux pas voir comment il en aurait été incapable. En l'absence d'indication contraire, il est raisonnable de présumer qu'il était capable de saisir la nature des procédures.
[18] En réponse à l'allégation que le demandeur n'a pas été représenté adéquatement, le défendeur cite la décision Del Moral c. Canada (M.C.I., (1998) 46 Imm. L.R. (2d) 98), ainsi que d'autres décisions. Le demandeur réplique notamment que ces décisions ne sont pas applicables puisqu'il était mineur à l'époque pertinente. J'ai déjà expliqué que le demandeur avait droit à un représentant désigné, qu'il a effectivement eu. Le demandeur confond le droit à l'avocat avec le droit à un représentant désigné. Puisqu'en tant qu'enfant accompagné, sa demande a été entendue conjointement avec celle de son père, qui était représenté par avocat, le demandeur n'avait pas besoin de choisir un avocat.
[19] Ayant conclu que, dans sa décision subséquente, la Commission n'a commis aucune erreur en estimant que, dans sa décision initiale, elle n'avait pas porté atteinte aux principes de la justice naturelle, je suis d'avis que la demande fait l'objet de la chose jugée.
[20] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Danièle Tremblay-Lamer »
JUGE
Montréal (Québec)
Le 13 décembre 2001
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20011213
Dossier : IMM-1648-01
ENTRE :
OLEG KURKUNOV
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1648-01
INTITULÉ : OLEG KURKUNOV
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 12 décembre 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE
MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER
EN DATE DU : 13 décembre 2001
ONT COMPARU
M. Oleg Kurkunov
(se représentant lui-même) POUR LE DEMANDEUR
M. Michel Pépin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR
Date : 20011212
Dossier : IMM-1648-01
Montréal (Québec), le 12 décembre 2001
En présence de : Madame le juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
OLEG KURKUNOV
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
défendeur
Demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue le 23 mars 2001 par Georges Gustave et Michel M. J. Shore dans le dossier M97-00079.
(Article 82.1 de la Loi sur l'immigration et article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale)
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Danièle Tremblay-Lamer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.