Date : 20191127
Dossier : T‑2030‑18
Référence : 2019 CF 1509
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2019
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
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ELLIOT LEE SEXSMITH
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demandeur
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et
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
Le contexte
[1]
M. Sexsmith, un pilote d’hélicoptère commercial qui travaille à son compte, a présenté une demande sur le fondement de l’article 20 de la Loi sur les armes à feu, LC 1995, c 39 (la Loi), en vue d’obtenir deux autorisations de port (AP) d’une arme de poing pendant qu’il exerce ses activités en Colombie‑Britannique, au Yukon et dans les Territoires du Nord‑Ouest.
[2]
M. Sexsmith fournit des services aux pourvoiries en transportant des guides et des chasseurs à destination et en provenance de régions éloignées. Il dit craindre les ours lorsqu’il travaille dans des régions éloignées du Nord et qu’il a besoin des AP pour se protéger des animaux sauvages. Bien qu’il puisse porter un fusil de chasse, il affirme qu’il y a peu d’espace dans son hélicoptère pour en entreposer un et qu’il a donc besoin d’une arme de poing.
[3]
Les demandes de M. Sexsmith ont été rejetées en vertu de l’article 68 de la Loi, car le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu n’étaient pas convaincus qu’il avait besoin d’une arme de poing dans le cadre de son activité professionnelle ou pour se protéger des animaux sauvages.
[4]
M. Sexsmith, qui agit pour son propre compte, demande le contrôle judiciaire de ces décisions et soutient que le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu n’ont pas tenu compte de son milieu de travail. M. Sexsmith demande à la Cour d’annuler leurs décisions et de rendre une ordonnance de mandamus leur enjoignant de délivrer les AP demandées.
[5]
Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire de M. Sexsmith. J’ai conclu que les décisions des préposés sont raisonnables et qu’il n’y a eu aucune violation des droits à l’équité procédurale de M. Sexsmith.
La décision faisant l’objet du contrôle
[6]
Deux décisions écrites font l’objet du contrôle; toutefois, le préposé aux armes à feu de la Colombie‑Britannique et du Yukon (M. Hardy) et la contrôleuse des armes à feu des Territoires du Nord‑Ouest (Mme Maurizio) ont interrogé conjointement M. Sexsmith le 27 mars 2018. À l’issue de l’entrevue, ils ont tous deux informé M. Sexsmith qu’ils ne délivreraient pas d’AP. Ils se sont fondés sur l’alinéa 3b) du Règlement sur les autorisations de port d’armes à feu à autorisation restreinte et de certaines armes de poing, DORS/98‑207 (le Règlement). L’article 20 de la Loi et l’alinéa 3b) du Règlement, pris ensemble, font en sorte qu’une AP d’arme à feu à autorisation restreinte peut être délivrée à la personne qui travaille dans une région éloignée uniquement si cette personne a besoin d’une arme à feu dans le cadre de son activité professionnelle et pour se protéger des animaux sauvages. En l’espèce, le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu ont conclu que le demandeur n’avait pas satisfait à l’exigence relative au besoin et que cela constituait une « raison valable », au sens de l’article 68 de la Loi, pour ne pas délivrer les AP.
La décision de la contrôleuse des armes à feu des Territoires du Nord‑Ouest
[7]
Dans sa décision écrite du 9 avril 2018, Mme Maurizio a souligné que M. Sexsmith n’avait pas besoin d’une arme de poing pour travailler comme pilote d’hélicoptère dans des régions éloignées et que sa demande était fondée sur une préférence personnelle. Elle a demandé l’avis d’un surintendant auprès de la direction de l’environnement et des ressources naturelles ainsi que d’un enquêteur de Transports Canada et a conclu qu’un fusil de chasse convenait mieux aux besoins de M. Sexsmith. De plus, elle a souligné que le fusil de chasse pouvait être entreposé dans le compartiment extérieur pour la cargaison ou fixé sur le côté de l’hélicoptère si l’espace intérieur était limité. Mme Maurizio a fait remarquer qu’aucune attaque d’animaux sauvages n’avait été rapportée sur des pilotes pendant l’atterrissage et le décollage ou pendant qu’ils étaient assis à bord de leur hélicoptère. Elle a également ajouté que M. Sexsmith n’avait suivi aucune formation pour se protéger des animaux prédateurs. Bien qu’elle ait refusé de délivrer une AP, Mme Maurizio a indiqué que M. Sexsmith pouvait porter une arme à feu sans restriction.
La décision du préposé aux armes à feu de la Colombie‑Britannique et du Yukon
[8]
M. Hardy a rendu sa décision écrite le 18 mai 2018. Dans sa décision, il a souligné que Transports Canada n’exige pas que les pilotes exerçant leurs activités dans des régions sauvages portent une arme à feu à bord de leur aéronef et qu’il s’agit plutôt d’un choix personnel. Il a également souligné que la façon dont M. Sexsmith a proposé d’entreposer son arme de poing (verrouillée dans une boîte sous son siège) et le fait qu’il préfère une arme de poing en raison du poids et de la taille de celle-ci démontraient qu’il n’avait pas besoin de l’arme de poing dans le cadre de son travail, mais qu’il voulait plutôt s’en servir comme outil d’urgence.
La Cour fédérale a‑t‑elle compétence?
[9]
Mme Maurizio travaille dans les Territoires du Nord‑Ouest. Elle est membre de la GRC et est « désigné[e] pour délivrer des permis pour possession d’armes à feu restreintes par le commissaire de [la] GRC » (9037-9694 Québec Inc c Canada (Procureur général), 2002 CFPI 849, au par. 38, citant Warren Delbert St Germaine c R and Brian G Watt; Barry Taylor c R and James C Howie, [1993] NWTR 137, au par. 22 [St Germaine]). Elle est visée par la définition d’un office fédéral (St Germaine, au par. 22).
[10]
La décision de M. Hardy s’applique à la fois à la Colombie‑Britannique et au Yukon. Dans la décision R c Lovig, dossier no 77551-1 (CP C‑B), au paragraphe 72, la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour connaître d’un renvoi concernant la décision de rejeter une demande en vue d’obtenir une AP :
[traduction] […] le renvoi à un juge de la Cour provinciale en cas de refus par un contrôleur des armes à feu de délivrer une autorisation de port n’est pas prévu à l’article 74 de la Loi sur les armes à feu, je conclus que la Cour provinciale n’a pas compétence […]
[11]
Par conséquent, compte tenu des faits de l’espèce, je conclus que la Cour fédérale a compétence conformément aux décisions St Germaine et R c Lovig.
Les dispositions législatives applicables
[12]
Les dispositions législatives applicables sont les articles 20 et 68 de la Loi ainsi que l’alinéa 3b) du Règlement.
[13]
L’article 20 de la Loi est ainsi libellé :
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L’alinéa 3b) du Règlement est ainsi libellé :
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L’article 68 de la Loi est ainsi libellé :
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Les questions en litige
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Compte tenu des observations de M. Sexsmith, les questions à trancher sont les suivantes :
Y a‑t‑il eu violation des droits à l’équité procédurale de M. Sexsmith?
Les décisions de refuser de délivrer les AP sont‑elles raisonnables?
La norme de contrôle
[17]
Les manquements à l’équité procédurale sont assujettis à la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 43).
[18]
La norme de contrôle applicable au refus d’un préposé aux armes à feu de délivrer une AP est celle de la décision raisonnable (Waye c Nova Scotia (Chief Firearms Officer), 2018 NSCA 89, au par. 12).
Analyse
1. Y a‑t‑il eu violation des droits à l’équité procédurale de M. Sexsmith?
[19]
M. Sexsmith soutient que le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu avaient déjà décidé de ne pas accueillir sa demande avant leur entrevue et que, par conséquent, ils n’ont pas réellement examiné sa demande. Selon lui, [traduction] « ils cherchaient une raison de ne pas délivrer de permis »
. Il soutient qu’ils étaient prédisposés [traduction] « à ne pas délivrer le permis »
. M. Sexsmith affirme en fait que, sauf [traduction] « preuve »
contraire, il a droit à une AP. Malheureusement pour M. Sexsmith, tel n’est pas l’état du droit. Comme la Cour suprême du Canada l’a déclaré dans l’arrêt R c Wiles (2005 CSC 84, au par. 9) : « [L]a possession et l’utilisation d’armes à feu ne constitue pas un droit ou une liberté que garantit la Charte, mais un privilège. »
[20]
Comme le droit de porter une arme à feu à autorisation restreinte n’existe pas, il faut obtenir un permis conformément à la loi. Pour ce faire, le demandeur doit présenter une demande à cette fin et établir qu’il a besoin de l’arme à feu dans le cadre de son activité professionnelle. M. Sexsmith a affirmé avoir besoin d’un permis parce qu’il travaille dans une région éloignée et qu’il doit se protéger des animaux sauvages, ce qui est permis par l’alinéa 3b) du Règlement. Il incombait à M. Sexsmith de fournir suffisamment d’éléments de preuve et de justification pour qu’un permis puisse lui être délivré. Malgré ses allégations d’iniquité, M. Sexsmith n’a pas démontré que le préposé aux armes à feu ou la contrôleuse des armes à feu n’a pas examiné correctement sa demande en ne suivant pas une procédure ou en faisant fi d’un élément de preuve.
[21]
M. Sexsmith soutient également qu’il aurait dû avoir la possibilité de répondre aux renseignements que le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu ont obtenus de Transports Canada et de la direction de l’environnement et des ressources naturelles. Si les renseignements provenant de ces sources les avaient amenés à modifier leur décision, cet argument aurait pu être convaincant. Or, le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu ont obtenu ces renseignements après avoir informé M. Sexsmith qu’ils ne délivreraient pas d’AP. Par conséquent, on ne peut pas dire que les renseignements qu’ils ont obtenus après avoir rejeté la demande de M. Sexsmith ont guidé leurs décisions de refuser de lui délivrer un permis.
[22]
Dans les circonstances, il n’y a pas eu manquement aux droits à l’équité procédurale de M. Sexsmith.
2. Les décisions de refuser de délivrer des AP sont‑elles raisonnables?
[23]
M. Sexsmith soutient que le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu n’ont pas tenu compte de son expérience professionnelle ni des documents faisant état d’attaques à l’ours dans les régions où il exerce ses activités. Comme je l’ai déjà mentionné, M. Sexsmith semble croire à tort qu’il a droit à une AP d’arme de poing à autorisation restreinte à moins qu’il soit démontré qu’il ne devrait pas en avoir une. Or, tel n’est pas le critère applicable.
[24]
En contrôle judiciaire, lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit se demander si la décision est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).
[25]
Mme Maurizio a dit à M. Sexsmith qu’elle ne croyait pas qu’il avait besoin d’une arme de poing pour faire son travail et que le surintendant et l’enquêteur avaient plutôt recommandé l’utilisation de fusils de chasse. Elle a souligné que M. Sexsmith n’avait pas suivi de formation pour se protéger des animaux prédateurs et que sa préférence semblait être fondée sur la commodité plutôt que sur le besoin. Elle a indiqué que le surintendant avait des craintes au sujet de [traduction] « l’utilisation d’armes à feu inadéquates par des personnes peu formées »
. Mme Maurizio a décrit les renseignements sur lesquels elle a fondé sa décision et a formulé des recommandations au sujet de différentes procédures de sécurité. Enfin, elle a affirmé qu’il était préférable pour M. Sexsmith de porter une arme à feu sans restriction étant donné son manque de formation et qu’il pouvait porter un fusil de chasse. La préposée a amplement justifié sa décision.
[26]
Dans sa décision, M. Hardy a tenu compte du fait que M. Sexsmith avait dit préférer un petit fusil, ce qui l’a mené à conclure que l’arme de poing n’était pas nécessaire dans le cadre de son emploi quotidien, mais qu’il s’agissait plutôt d’un outil en cas d’urgence. M. Hardy s’est appuyé sur le fait que M. Sexsmith a fondé sa demande en vue d’obtenir une AP d’arme de poing sur une préférence plutôt que sur un besoin, plus précisément sur le fait qu’il voulait une arme de poids inférieur et de plus petite taille.
[27]
Le préposé aux armes à feu et la contrôleuse des armes à feu ont correctement renvoyé à l’article 68 de la Loi dans leurs décisions. Étant donné que M. Sexsmith n’a pas démontré qu’il avait « besoin »
des AP conformément à l’article 20 de la Loi et à l’alinéa 3b) du Règlement, les préposés avaient une « raison valable »
de rejeter sa demande en vertu de l’article 68 de la Loi. Leurs décisions sont donc raisonnables et appartiennent aux issues acceptables.
Conclusion
[28]
De toute évidence, M. Sexsmith ne souscrit pas aux décisions du préposé aux armes à feu et de la contrôleuse des armes à feu. Toutefois, le fait de s’opposer aux décisions n’est pas suffisant pour obtenir gain de cause en contrôle judiciaire – il en faut davantage. Aucun élément de preuve n’étaye les arguments relatifs à l’équité procédurale, et les décisions du préposé aux armes à feu et de la contrôleuse des armes à feu sont raisonnables. Par conséquent, il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir et la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
Je refuse d’adjuger des dépens.
JUGEMENT dans le dossier T‑2030‑18
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.
« Ann Marie McDonald »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 11e jour de décembre 2019.
Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑2030‑18
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INTITULÉ :
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ELLIOT LEE SEXSMITH c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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VANCOUVER (Colombie-Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 7 octobre 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA juge MCDONALD
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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Le 27 novembre 2019
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COMPARUTIONS :
Elliot Lee Sexsmith
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Demandeur
POUR SON PROPRE COMPTE
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Graham Stark
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
- Aucun -
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DEMANDEUR AGISSANT Pour son propre compte
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Procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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Pour le défendeur
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