Date : 19980925
Dossier : T-911-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 25 SEPTEMBRE 1998
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ
Entre
WAI YUEN AU,
demandeur/appelant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé
ORDONNANCE
La Cour rejette la demande faite par l'intimé dans le cadre de cette affaire, laquelle se poursuivra sous le régime des anciennes Règles.
_____________________________
Juge
Traduction certifiée conforme,
Laurier Parenteau, LL.L.
Date : 19980925
Dossier : T-911-98
Entre
WAI YUEN AU,
demandeur/appelant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge DUBÉ
[1] Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) conclut en l'espèce à ordonnance l'autorisant à déposer son avis de comparution et portant que le recours en instance est régi par la partie V des nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998). L'avis d'appel fut déposé le 23 avril 1998, mais transmis aux représentants du ministre après le 25 avril 1998. Or les nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998) sont entrées en vigueur le 25 avril 1998. Le 17 juin 1998, l'avocat représentant le ministre a signifié un avis de comparution à l'avocat du demandeur/appelant, mais le greffe de la Cour fédérale en a refusé le dépôt.
[2] Il échet d'examiner si ce sont les anciennes ou les nouvelles Règles qui s'appliquent en l'espèce.
[3] Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chan1, mon collègue le juge Rothstein était saisi de l'un des premiers appels en matière de citoyenneté à être entendus après l'entrée en vigueur, le 25 avril 1998, des Règles de la Cour fédérale (1998)2. Il a noté que sous le régime de la règle 912 des anciennes Règles, l'appel en matière de citoyenneté était entendu sous forme de procès de novo, alors que l'alinéa 300c) des nouvelles Règles prévoit que la partie V (qui régit les demandes) s'applique aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté3 (la Loi). L'avocat de l'appelant soutient que les anciennes Règles ont été abrogées par la règle 503, et qu'aux termes de la règle 501(1) des nouvelles Règles, celles-ci s'appliquent à toutes les instances, y compris les procédures engagées après leur entrée en vigueur même dans le cadre d'instances introduites avant cette date.
[4] Le juge Rothstein s'est guidé sur l'alinéa 44c) de la Loi d'interprétation4, qui prévoit qu'en cas d'abrogation et de remplacement, les procédures engagées sous le régime du " texte antérieur " se poursuivent, sauf incompatibilité, conformément au " nouveau texte "5. Il a cité ensuite l'alinéa 43c) de la même loi, qui prévoit ce qui suit :
43. L'abrogation, en tout ou en partie, n'a pas pour conséquence : |
c) de porter atteinte aux droits ou avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé; |
[5] Il en a conclu que l'application de la règle 501(1) ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte aux droits acquis ou en cours d'acquisition au moment où les anciennes Règles cessent de s'appliquer :
Les anciennes Règles prévoyaient un appel sous forme d'un procès de novo dans lequel les parties avaient le droit de produire des éléments de preuve, alors que les nouvelles règles prévoient un appel par voie de demande fondée sur le dossier de la Cour de la citoyenneté. La règle 501(1) ne supprime pas le droit à un appel par voie de procès de novo sous le régime des anciennes Règles lorsque ce droit a été acquis au moment où les anciennes Règles ont cessé d'être en vigueur. |
[paragraphe 5] De plus, l'approche de l'intimé connaît une difficulté pratique. Les personnes qui ont déposé des appels en matière de citoyenneté bien avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) étaient en droit de s'attendre à ce qu'ils aient droit à un procès de novo. Elles n'ont pas respecté et, à cause des délais, dans beaucoup de cas, ne pouvaient respecter, les exigences des Règles de la Cour fédérale (1998), savoir qu'il faut déposer des affidavits et d'autres documents requis par la partie 5 des nouvelles Règles. Si ces personnes se voient maintenant refuser un procès de novo, elles n'auront aucun moyen de produire des éléments de preuve pertinents devant la Cour, à moins que la Cour n'accorde des ajournements et ne proroge les délais pour leur permettre de se conformer aux nouvelles Règles. |
[paragraphe 6] Je ne crois pas que les règles 501(1) et 503 doivent être interprétées de manière à considérer un appel en matière de citoyenneté déposé avant l'entrée en vigueur des nouvelles Règles comme ayant été interjeté après l'entrée en vigueur de celles-ci. Les nouvelles Règles ne laissent pas non plus entendre qu'il doit y avoir des ordonnances automatiques prorogeant le délai imparti pour déposer des affidavits ou d'autres documents de manière à se conformer aux nouvelles Règles dans le cas des demandes qui ont été déposées avant l'entrée en vigueur des nouvelles Règles. |
[paragraphe 7] Pour ces motifs, je conclus que l'audition des appels en matière de citoyenneté, lorsque l'appel a été déposé à la Cour avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), devrait se dérouler sous forme de procès de novo, et que la partie V des Règles de la Cour fédérale (1998) devrait s'appliquer aux appels en matière de citoyenneté déposés à la Cour après l'entrée en vigueur des nouvelles Règles. |
[6] Dans une cause subséquente, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Lok6, ma collègue Mme le juge Reed a rejeté les arguments de l'appelant, en l'occurrence le ministre, qui tendaient à une conclusion différente de celle du juge Rothstein. Elle a ajouté que les circonstances de la cause excluaient l'application des nouvelles Règles, comme suit :
[paragraphe 6] Bien que les dispositions transitoires contenues au paragraphe 501(1) des Règles prévoient que les nouvelles Règles s'appliquent aux instances déjà introduites [note de bas de page no 1 occultée], les nouvelles Règles modifiées sont censées s'appliquer pour l'avenir à compter de la date de leur entrée en vigueur et elles ne sont pas censées annuler ou remplacer les mesures procédurales déjà prises et achevées. Ces dispositions doivent également être interprétées à la lumière des articles 43 et 44 [note de bas de page no 2 occultée] de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoient que les nouvelles dispositions ne s'appliquent que dans la mesure de leur compatibilité avec les instances engagées sous le régime du texte antérieur. En l'espèce, en date du 25 avril 1998, il ne restait plus aucune mesure procédurale à laquelle les nouvelles Règles pouvaient logiquement s'appliquer. À cette date, la procédure que les parties avaient suivie et que la Cour avait prescrite était fondée sur un appel qui a souvent été qualifié de nouveau procès. L'appel devrait donc être entendu sur ce fondement. |
[7] Bien que les deux affaires susmentionnées fussent essentiellement en état d'être entendues avant le 25 avril 1998, le juge Rothstein a, dans sa décision, conclu en termes généraux que " l'audition des appels en matière de citoyenneté, lorsque l'appel a été déposé à la Cour avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) , devrait se dérouler sous forme de procès de novo, et ["] la partie V des Règles de la Cour fédérale (1998) devrait s'appliquer aux appels en matière de citoyenneté déposés à la Cour après l'entrée en vigueur des nouvelles Règles ".
[8] Autrement dit, c'est la date du dépôt de l'appel qui compte, et non pas nécessairement l'accomplissement de toutes les mesures de mise en état sous le régime des anciennes Règles. Qui plus est, une fois l'appel interjeté sous le régime de ces dernières, il serait très difficile de déterminer la date limite où les nouvelles Règles doivent s'appliquer. Celles-ci prescrivent la signification de l'avis de demande dans les 10 jours, et la production par le demandeur des affidavits et pièces documentaires dans les 30 jours qui suivent le dépôt de cet avis. Elles prévoient ainsi un ensemble d'actes de procédure étroitement liés qui ne peuvent guère s'intégrer à l'ancien régime des appels en matière de citoyenneté.
[9] La conclusion logique à tirer est donc qu'il faut se conformer aux dispositions des articles 43 et 44 de la Loi d'interprétation et protéger les droits de ceux qui ont déposé leur appel conformément à la Loi avant le 25 avril 1998.
[10] Attendu que le demandeur/appelant a déposé son appel avant le 25 avril 1998, le greffe de la Cour fédérale à Toronto a refusé à juste titre le dépôt de l'avis de comparution du ministre. En conséquence, la demande de ce dernier est rejetée.
Ottawa (Ontario),
le 25 septembre 1998
________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme,
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : T-911-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Wai Yuen Au
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 14 septembre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ
LE : 25 septembre 1998
ONT COMPARU :
M. Sheldon M. Robins pour l'appelant
Mme A. Leena Jaakkimainen pour l'intimé
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Sheldon M. Robins pour l'appelant
Avocat
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg pour l'intimé
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
__________________1 [1998] F.C.J. no 742, dossier T-2842-96.
2 DORS/98-106.
3 L.R.C. (1985), ch. C-29.
4 L.R.C. (1985), ch. I-23.
5 44. c) les procédures engagées sous le régime du texte antérieur se poursuivent conformément au nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci.
6 [1998] F.C.J. no 888, dossier T-2843-96.