Date : 20041223
Dossier : IMM-45-04
Référence : 2004 CF 1771
ENTRE :
IOLANDA GAL, a/s Michel Beaubien Consulting
Ltd. Calea Calarasi 181, Bl.50, et 2, App. 7, Bucharest,
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION, a/s Ministère de la Justice,
Complexe Guy Favreau, 200 René-Lévesque Ouest,
Tour Est, 5e étage, Montréal (Québec), H2Z 1X4,
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 27 octobre 2003 par l'agent des visas Ken Lawrence (l'agent) à l'ambassade du Canada à Bucarest (Roumanie), par laquelle il a conclu que la demanderesse ne pouvait pas immigrer au Canada en vertu du paragraphe 40(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) parce qu'elle a fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui a entraîné ou a risqué d'entraîner une erreur dans l'application de la présente loi.
[2] Le 2 janvier 2001, Iolanda Gal (la demanderesse) a reçu un certificat de sélection du Québec pour fin de résidence permanente, et ce, pour l'ensemble des membres de sa famille. Le 17 avril 2001, le fils de 27 ans de la demanderesse, Andrei Alexis, a été joint à la demande de résidence permanente à titre de personne à charge accompagnant la demanderesse.
[3] La demanderesse a été informée le 14 août 2002 qu'il était possible que son fils, Andrei Alexis, puisse être déclaré interdit de territoire au Canada et que son interdiction la rendrait également interdite. Après qu'elle fut informée de ceci, son fils a été adopté par sa tante le 21 mars 2003, de telle sorte qu'il ne soit plus une personne à charge.
[4] Le 27 octobre 2003 la demande de la demanderesse a été refusée pour les motifs suivants :
- La demanderesse a demandé et a reçu des certificats de sélection émis par le service d'immigration du Québec le 2 janvier 2001 pour l'ensemble des membres de la famille, notamment son fils Andrei Alexis, démontrant ainsi qu'elle désirait que l'ensemble de la famille immigre au Canada. Le 17 avril 2001, le fils de la demanderesse a été joint dans la demande de résidence permanente à titre de personne à charge accompagnant la demanderesse.
- La demanderesse n'a entrepris le processus d'adoption qu'après qu'elle fut informée que sa demande de résidence permanente au Canada serait refusée en raison de l'interdiction de territoire de son fils, Andrei Alexis, pour des raisons d'ordre médical.
- La demanderesse a fait savoir que son fils demeurera en Roumanie et que c'est sa tante adoptive qui s'occupera de lui. Selon l'agent, il n'est pas crédible que la demanderesse abandonnerait le soin et la garde d'un enfant pour lequel elle a de l'affection. L'agent croit que la demanderesse a l'intention de faire venir l'enfant au Canada et que la seule raison justifiant l'adoption est l'amélioration des chances de la demanderesse de recevoir une réponse favorable quant à sa demande de résidence permanente.
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[5] Les dispositions pertinentes de la Loi sont ainsi libellées :
40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants_: a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d'entraîner une erreur dans l'application de la présente loi;
42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants_: a) l'interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l'accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l'accompagne pas; |
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40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation (a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;
42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if (a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible;
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[6] La disposition pertinente du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), DORS/2002-227, est ainsi libellée :
4. Pour l'application du présent règlement, l'étranger n'est pas considéré comme étant l'époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l'enfant adoptif d'une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l'adoption n'est pas authentique et vise principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi.
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4. For the purposes of these Regulations, no foreign national shall be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine or was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.
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[7] Le défendeur reconnaît que l'agent a commis une erreur en concluant que la demanderesse est interdite de territoire en vertu de l'alinéa 40(1)a) de la Loi. Toutefois, le défendeur prétend que la Cour ne devrait pas accueillir la demande de contrôle judiciaire parce que la décision de l'agent était également fondée sur le fait que le but de l'adoption était d'améliorer les chances de la demanderesse d'obtenir le statut de résidente permanente au Canada. Le défendeur prétend que l'adoption a été faite de mauvaise foi, en vertu de l'article 4 du Règlement, ce qui rend la demanderesse interdite de territoire au Canada en vertu de l'alinéa 42a) de la Loi.
[8] Il a été clairement énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Mobil Oil c. Office Canada-Terre-Neuve des hydro, [1994] 1 R.C.S. 202, paragraphes 52 à 54, et invoqué par la Cour d'appel fédérale (Patel c. Canada (M.C.I.) (2002), 288 N.R. 48, paragraphe 5, Union of Nova Scotia Indians c. Maritimes and Northeast Pipeline Management Ltd. (1999), 249 N.R. 76, paragraphe 19, et Yassine c. Canada (M.E.I.) (1994), 172 N.R. 308, paragraphes 9 et 10) qu'il n'y a aucune obligation d'annuler une décision qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire dont le renvoi aboutirait à une décision semblable à celle qui fait l'objet du contrôle judiciaire. Le défendeur prétend que si ce contrôle judiciaire est accueilli et renvoyé à l'agent, ce dernier en arriverait exactement à la même conclusion d'interdiction de territoire.
[9] La demanderesse prétend qu'il n'a jamais été établi si Andrei était en fait une personne à charge. L'importance de cette distinction est que si Andrei n'était pas une personne à charge, l'article 4 du Règlement ne s'applique pas et il est possible que la demanderesse ne serait pas présumée interdite de territoire en vertu de l'alinéa 42a) de la Loi. Le défendeur, pour sa part, prétend que l'on avait établi qu'Andrei était en fait une personne à charge de la demanderesse. Je souscris à cette dernière prétention.
[10] Premièrement, l'agent Ken Lawrence a écrit une lettre, datée du 14 août 2002, à la demanderesse, l'informant qu'en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi, elle pourrait être interdite de territoire en raison de l'état de santé du [traduction] « membre de sa famille, Andrei Alexis Gal » .
[11] De plus, il ressort clairement de la décision contestée elle-même que l'agent Ken Lawrence a conclu que l'adoption avait été faite de mauvaise foi aux termes de l'article 4 du Règlement. M. Lawrence a réitéré cette conclusion au paragraphe 14 de son affidavit qui est ainsi libellé :
[traduction]
À la suite d'un examen complet du présent dossier, notamment des notes au STIDI et de l'opinion de l'agente Shelley Duffin qui sont comprises aux présentes, j'en suis arrivé à la même conclusion que l'agente Duffin, notamment que l'adoption d'Andrei Alexis n'était pas une adoption authentique et que le seul motif de cette adoption était de toute évidence l'amélioration des chances de la demanderesse de recevoir une réponse favorable quant à sa demande.
[12] L'opinion de l'agente Shelley Duffin à laquelle l'agent Ken Lawrence renvoie dans son affidavit figure à la page 7 du Dossier du tribunal et est ainsi libellée :
[traduction]
B041072205 CA 10-OCT-2003
JE CROIS QUE LES SUJETS ONT FAIT DE FAUSSES DÉCLARATIONS QUANT À LEURS INTENTIONS CONCERNANT L' IMMIGRATION DE LA FAMILLE AU CDA - ILS ONT DONNÉ À ENTENDRE QUE LE FILS ADREI ALEXIS GAL RESTERAIT EN ROUMANIE DE FAÇON PERMANENTE ET QUE SA TANTE ADOPTIVE OLGA MINERVA GAL S'OCCUPERAIT DE LUI. SELON MOI, CE QUI PRÉCÈDE CONSTITUENT DE FAUSSES DÉCLARATIONS QUANT ÀLEURS VÉRITABLES INTENTIONS - JE CROIS QU'ILS ONT L'INTENTION D'AMENER CET ENFANT AU CDA ET QUE LE SEUL MOTIF DE L'ADOPTION EST L'AMÉLIORATION DE LEURS CHANCES DE RECEVOIR UNE RÉPONSE FAVORABLE QUANT À LEUR DEMANDE DE RÉSIDENCE PERMANENTE. JE FONDE CETTE CONCLUSION SUR CE QUI SUIT :
1) LES SUJETS ONT DEMANDÉ ET ONT REÇU DES CERTIFICATS DE SÉLECTION DU QUÉBEC POUR TOUS LES MEMBRES DE LA FAMILLE, MONTRANT AINSI QU'ILS AVAIENT L'INTENTION QUE TOUS LES MEMBRES DE LA FAMILLE IMMIGRENT, Y COMPRIS LE FILS ANDREI.
2) LES SUJETS ONT PRÉSENTÉ DES FORMULAIRES IMM8 DE DEMANDE DE RÉSIDENCE PERMANENTE AU CANADA À L'AMBASSADE DU CANADA LE 17 AVRIL 2001 ET LE FILS ANDREI FIGURAIT À TITRE DE PERSONNE À CHARGE QUI ACCOMPAGNE LA DEMANDERESSE.
3) LE PROCESSUS D'ADOPTION N'A COMMENCÉ QU'APRÈS QUE LES SUJETS FURENT INFORMÉS QUE LA DEMANDE SERAIT REFUSÉE EN RAISON DE L'INTERDICTION DE TERRITOIRE POUR RAISON DE SANTÉ DE LEUR FILS ANDREI.
4) J'ESTIME QU'IL N'EST PAS CRÉDIBLE QUE, APRÈS S'ÊTRE OCCUPÉS DE LEUR FILS ANDREI PENDANT 27 ANS, NOTAMMENT PENDANT LA PÉRIODE ÉPROUVANTE QUI A SUIVI SON ACCIDENT, LES SUJETS CÉDERAIENT LA GARDE D'UN ÊTRE CHER POUR QUELQUE RAISON QUE CE SOIT.
5) IL EST TOUT ÀFAIT PROBABLE QUE LES SUJETS ONT POUR OBJECTIF D'AMENER LE FILS ANDREI AU CDA POUR QU'IL PUISSE BÉNÉFICIER DE MEILLEURES RESSOURCES MÉDICALES.
[13] Compte tenu de ces circonstances, je peux conclure que si l'affaire est renvoyée à un autre agent il est inévitable que, en raison de l'alinéa 42a) de la Loi, il en arrivera à la même conclusion d'interdiction de territoire.
[14] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[15] Vu les motifs ci-dessus, je suis de façon générale d'accord avec les soumissions écrites de l'avocate du défendeur à l'effet que les questions proposées pour certification par le procureur de la demanderesse ne méritent pas d'être certifiées.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 23 décembre 2004
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B., trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-45-04
INTITULÉ : IOLANDA GAL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 25 NOVEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 23 DÉCEMBRE 2004
COMPARUTIONS :
Jean-François Bertrand POUR LA DEMANDERESSE
Lucie St-Pierre POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bertrand, Deslauriers POUR LA DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)