Date : 20050224
Dossier : IMM-233-04
Référence : 2005 CF 286
ENTRE :
IVAN ANTONIO BERMUDEZ
ANA PETRONA BERMUDEZ
IVAN BERMUDEZ
GRETHELL BERMUDEZ
BRYAN BERMUDEZ
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PHELAN
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
[1] Les demandes d'asile des demandeurs et les demandes de contrôle judiciaire auxquelles elles ont donné lieu ont une longue histoire. Ces demandes d'asile ont d'abord été présentées en 1996 et elles ont trait à la participation d'Antonio Bermudez Maltez et d'Ana Petrona Bermudez au gouvernement sandiniste du Nicaragua au cours des années 70 et 80. C'est en raison de la longueur de cette histoire que la Cour est réticente à renvoyer l'affaire à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR) pour réexamen.
CONTEXTE
[2] Les demandeurs avaient travaillé pour les sandinistes. Le demandeur avait adhéré volontairement à la police nationale lorsqu'il avait 16 ans et il avait été ultérieurement transféré au Département quatre, où les dissidents politiques étaient détenus et interrogés. Le traitement subi par ces personnes et le rôle joué par le demandeur à cet égard constituent la question centrale soulevée par la présente demande d'asile.
[3] La demanderesse avait aussi travaillé avec les sandinistes. Elle avait été employée au ministère de l'Intérieur, à la Direction générale de la Police et affectée au Département de la sécurité publique.
[4] Antérieurement, il avait été décidé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention; il avait été déterminé que le demandeur était exclu en vertu de la disposition 1Fa) de l'annexe I à la Loi sur l'immigration. Il avait été conclu que les autres membres de la famille n'étaient exposés qu'à une simple possibilité de persécution et qu'ils n'étaient donc pas des réfugiés au sens de la Convention.
[5] Ces décisions ont été infirmées au motif que la SPR avait commis une erreur en évaluant le preuve au regard de la définition de l'expression « crime de guerre » alors qu'elle aurait dû le faire au regard de celle de l'expression « crime contre l'humanité » .
[6] La cause a été renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen. Pour un certain nombre de motifs, ce nouveau tribunal a tiré la même conclusion.
[7] Le demandeur allègue notamment que la SPR n'a pas tenu compte du moyen de défense de contrainte et du fait qu'il avait agi pour obéir aux ordres de ses supérieurs. Il prétend essentiellement qu'il aurait subi des sanctions équivalentes à celles qui étaient infligées aux dissidents s'il n'avait pas suivi les ordres de ses supérieurs.
ANALYSE
[8] Le défendeur concède que la SPR n'a pas tenu compte du moyen de défense de contrainte. Le défendeur concède en outre que la contrainte constitue un facteur pertinent relativement à la disposition 1Fa) de l'annexe I, qui est rédigée comme suit :
1F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; . . . . |
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1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:
(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes; . . . .
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[9] En ce qui a trait à cette erreur commise par la SPR, le défendeur répond qu'il est futile de renvoyer la cause à un autre tribunal de la SPR, parce qu'il tirera inévitablement la même conclusion que ses prédécesseurs. Le défendeur invoque l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202.
[10] Le principe qui se dégage de l'arrêt Mobil Oil est simple : dans les cas exceptionnels où il y a eu atteinte aux principes de justice naturelle, si le réexamen de l'affaire doit aboutir à une décision identique à la décision d'origine en raison des règles de droit applicables, la cour n'annule pas cette dernière.
[11] En l'espèce, il ne s'agit pas d'une erreur de procédure, mais de fond. Ne pas prendre en compte le moyen de défence de contrainte, c'est ne pas prendre en compte un élément pertinent et cela constitue une erreur de droit.
[12] Il serait erroné, sur le plan des principes et sur le plan pratique, de conclure que la prise en compte du moyen de défense de contrainte aboutira à une décision dictée d'avance. Rien dans le dossier n'indique que tel sera le cas.
[13] La présente demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie. Je suis d'avis qu'il s'agit d'une cause qui peut être renvoyée au même tribunal (si possible) afin de lui permettre de la réexaminer et, plus précisément, de se pencher à nouveau sur le moyen de défense de contrainte en se fondant sur le dossier actuel et, le cas échéant, sur les éléments de preuve et les observations supplémentaires pertinents.
[14] Si le renvoi de l'affaire au même tribunal n'est pas possible, les parties et la SPR pourront obtenir des directives de la Cour.
[15] Compte tenu de l'issue de la demande et tant que la SPR n'aura pas statué définitivement sur tous les aspects de la présente cause, il n'est pas indiqué de se demander s'il y a une question qui doit être certifiée.
_ Michael L. Phelan _
Juge
Traduction certifiée conforme
François Brunet, LL.B., B.C.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-233-04
INTITULÉ : IVAN ANTONIO BERMUDEZ, ANA PETRONA BERMUDEZ, IVAN BERMUDEZ, GRETHELL BERMUDEZ, BRYAN BERMUDEZ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 DÉCEMBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 24 FÉVRIER 2005
COMPARUTIONS :
Michael Crane POUR LES DEMANDEURS
Martin Anderson POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane
Toronto (Ontario) POUR LES DEMANDEURS
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) POUR LE DÉFENDEUR